L'État islamique subit aujourd'hui de lourdes pertes, grâce à l'action militaire. Nous pourrions penser, dans ces conditions, que la menace décroît et qu'il n'est pas nécessaire de se doter de moyens spécifiques pour la combattre. La réalité est tout autre. Le dessein des terroristes est clair : s'adapter, muer et se nourrir de nos propres failles.
Ce terrorisme endogène, dont on nous a tant parlé lors des auditions, n'est pas le fait du hasard ; c'est bien l'un des moyens les plus sournois mis en oeuvre par l'État islamique. Faute de pouvoir gagner à l'extérieur, il tente de l'emporter de l'intérieur, en transformant en quelques semaines certains de nos concitoyens en terroristes et en leur apprenant, par le biais de simples tutoriels, à fabriquer du TATP.
La question qui se pose à nous aujourd'hui est simple à énoncer, mais difficile à résoudre : comment gagner face au terrorisme ? D'abord, il faut assurer aux Français une sécurité élevée, mais pas au détriment de leurs libertés. Rien n'est pire, en effet, que les États qui veulent nous protéger de nous-mêmes. Cela dit, la revendication de la liberté ne doit ni nous aveugler ni nous lier les mains. Et que dire de l'usage d'expressions grossières, qui riment avec « posture », voire avec « enflure » du verbe ? II faut agir de manière courageuse et responsable. C'est tout l'objet du projet de loi dont vous nous demandez, monsieur le ministre d'État, de débattre aujourd'hui.
Le groupe REM l'a examiné avec le souci de faire respecter l'équilibre nécessaire entre efficacité et garantie des libertés. N'en déplaise à certains, tout n'est pas noir ou blanc, et certains de ceux qui dénoncent cet équilibre ne se rendent pas compte qu'ils se caricaturent eux-mêmes.
Dans le cadre des périmètres de protection, le consentement des personnes ou la présence d'un officier de police judiciaire sont pour nous des garanties fortes des libertés. Il en va de même de la limitation à six mois de la fermeture des lieux de culte ou à un an des mesures plus restrictives prévues à l'article 3, ou encore de notre proposition de réduire d'un an, c'est-à-dire à 2020, le délai d'expérimentation des articles 3 et 4.
Soucieux du caractère opérationnel de ces mesures, le groupe majoritaire a aussi souhaité supprimer la notion d'immédiateté des abords dans le cadre des périmètres de protection. Dans le même esprit, nous avons ajouté, s'agissant des mesures les moins restrictives de l'article 3, la possibilité d'interdire à un individu de paraître dans un lieu déterminé. Par ailleurs, afin de mieux protéger nos forces de l'ordre, le groupe majoritaire a également souhaité que les policiers puissent s'identifier par leur numéro d'immatriculation, plutôt que par leur nom de famille. Enfin, nous avons supprimé le caractère d'« utilité publique » des associations de déradicalisation, pour éviter le risque de nullité.
Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, vous l'aurez compris, le groupe REM a souhaité examiner votre texte en étant lucide face à la menace, sans pour autant céder à la peur. Nous sommes convaincus que nous ne battrons pas le terrorisme si nous ne sommes pas capables de le nommer, de le regarder froidement dans les yeux et de nous doter des moyens nécessaires.