Je remercie la Cour des comptes de dire que le projet de loi de finances initiale pour 2017 était « manifestement insincère ». L'article 32 de la LOLF dispose que « les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État ». Comme l'a souligné Gilles Carrez, la seule garantie a priori concerne les recettes, puisqu'il y a deux hommes en vous, monsieur le Premier président : le Premier président de la Cour des comptes et le président du Haut Conseil des finances publiques. Or, en cette dernière qualité, vous ne donnez d'avis que sur les recettes, comme Gilles Carrez l'a rappelé. Ne faudrait-il donc pas étendre le champ de votre avis ?
Nous avions formé un recours devant le Conseil constitutionnel en soulevant l'insincérité des recettes. Nous avons été déboutés au motif qu'en matière de recettes les montants sont des ordres de grandeur. Or vous avez bien démontré, monsieur le Premier président, que ce sont les dépenses qui posent un problème – massif. Notons en passant que l'élément le plus manifeste d'insincérité concerne les crédits de l'agriculture, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur spécial. N'étaient même pas budgétisées les condamnations de la France pour non-application de droit communautaire : 350 millions d'euros par an, pendant quatre ans. Il faut le faire !
Quant à cette fameuse de réserve de précaution de 13,9 milliards d'euros, vous écrivez qu'en fait c'est « du pipeau » : il n'y a que 2 à 3 milliards d'euros, ce que nous avions d'ailleurs dit. La réserve était initialement non pas de 13,9 milliards d'euros mais de 12 milliards d'euros, et c'était une fausse réserve, qui allait être complètement absorbée par les augmentations salariales et toute une série de dépenses déjà connues. Ne faudrait-il donc pas concevoir une véritable provision pour aléas divers et variés ? M. Eckert nous explique que tout ce que vous avez révélé, en termes de dépassement de dépenses, était gagé par la réserve de précaution. Mes chers collègues, c'est faux à hauteur de 80 %, puisqu'il ne reste que 2 à 3 milliards d'euros. Pourriez-vous, monsieur le Premier président, nous expliquer un peu ce que vous écrivez à ce propos ?
Ma troisième question porte sur Areva, problème que nous avions largement soulevé, y compris dans le recours que nous avions formé. À l'époque, nous savions qu'il fallait environ 5 milliards d'euros : 4,5 milliards d'euros de recapitalisation et 300 millions d'euros pour indemniser les actionnaires minoritaires. Vous écrivez qu'en termes de comptabilité maastrichtienne il manque 2,3 milliards d'euros : 2 milliards d'euros de recapitalisation d'Areva SA, auxquels s'ajoutent ces 300 millions d'euros d'indemnisation des actionnaires minoritaires. Mais ne sous-estimez-vous pas la « douloureuse » ? Ne pensez-vous pas que les comptables nationaux vont requalifier une partie des 2,5 milliards d'euros, injectés dans l'autre société créée, Areva NewCo, en « opération de bouchage des trous », plutôt qu'en actif à due concurrence ?
Telles sont les trois questions que je vous pose, en défendant la Cour des comptes non parce que j'en fus membre – nous sommes trois dans ce cas, Jean-Louis Bourlanges, mon cher voisin Julien Aubert et moi-même – mais pour une raison beaucoup plus fondamentale : il ne peut y avoir de débat démocratique digne de ce nom sans autorités indépendantes nous éclairant sur les problèmes. Dans la majorité ou dans l'opposition, nous sommes bien contents d'avoir la Cour des comptes, qui nous a toujours aidés, notamment à la commission des finances.