La commission entend M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, sur le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques.
Nous avons le plaisir de recevoir M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes venu nous présenter le rapport relatif à la situation et aux perspectives des finances publiques, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre la semaine dernière. Il est accompagné par MM. Raoul Briet, Henri Paul, Christian Charpy et plusieurs autres membres de la Cour. Cette audition est d'une utilité particulière alors que nous nous apprêtons à engager le débat d'orientation des finances publiques pour 2018, qui aura lieu jeudi 20 juillet en séance publique. Nous entendrons les ministres à ce sujet la semaine prochaine et, lors de sa réunion d'hier, le bureau de la commission a souhaité que les commissaires entendent également M. Michel Sapin et M. Christian Eckert pour donner suite à cet audit qui décrit l'état des finances publiques au moment où le nouveau Gouvernement s'installe.
Conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, la Cour des comptes remet chaque année un rapport préliminaire au débat d'orientation des finances publiques. Ce document a, cette année, une facture moins traditionnelle, puisqu'il contient l'audit des comptes publics que, le 22 mai dernier, le Premier ministre a demandé à la Cour de réaliser.
Je suis heureux d'être devant vous ce matin pour vous présenter les principales conclusions du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, qui inclut cette année l'audit des finances publiques conduit par la Cour des comptes à la demande du Premier ministre.
Avant toute chose, je voudrais dire un mot des liens étroits et constructifs entre la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale et la juridiction que je préside.
Le rôle majeur de votre commission dans l'amélioration de la performance de l'action publique a été renforcé par la loi organique relative aux lois de finances de 2001, qui lui a conféré – qui vous a conféré – un pouvoir de contrôle et d'évaluation élargi.
Pour vous assister dans l'exercice de ce pouvoir, la loi organique a fait évoluer les missions de la Cour des comptes, qui publie chaque année au printemps plusieurs rapports destinés à vous servir d'appui dans l'analyse des comptes et du budget de l'État : l'acte de certification des comptes de l'État, le rapport sur l'exécution du budget de l'État et le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.
Par ailleurs, toujours dans son rôle d'assistance aux pouvoirs publics, notre juridiction répond tous les ans à une dizaine de demandes d'enquêtes émanant des commissions des finances des assemblées parlementaires.
J'indique donc à votre commission récemment formée que la Cour se tient à votre disposition pour conduire des travaux d'enquête et d'évaluation avec le souci de rigueur et d'indépendance qui marque ses rapports. À l'instar de celui que je m'apprête à vous présenter, les rapports déjà publiés recèlent également de nombreuses pistes d'amélioration possible de l'efficacité et de l'efficience de l'action publique. Nous ne pouvons que souhaiter que vous les utilisiez, étant entendu que c'est à vous, les représentants du suffrage universel, que revient le dernier mot, celui d'arbitrer et de décider.
J'en viens à l'audit. Il avait pour objectifs d'évaluer la situation actuelle des comptes publics, d'identifier les perspectives et les risques qui s'y attachent pour les années 2017 à 2020 et de formuler des propositions. Pour cela, la Cour a cherché à répondre à une question précise : les pouvoirs publics seront-ils en mesure d'atteindre les objectifs de finances publiques définis dans la loi de finances pour 2017 et dans le programme de stabilité transmis à la Commission européenne en avril ? Autrement dit, quelle est l'ampleur des risques qui pèsent sur la réalisation de la trajectoire prévue dans ces documents ?
Nos investigations nous ont conduits à formuler six constats, que je commenterai brièvement.
S'agissant tout d'abord de 2016 et des années précédentes, même si des progrès ont été constatés, la lenteur des efforts de réduction du déficit depuis 2011 a placé la France dans une situation de net décalage par rapport à ses partenaires européens. J'illustrerai ce propos par quatre exemples. La réduction du déficit depuis 2011 est réelle mais elle a néanmoins été plus lente que pour la moyenne de nos partenaires européens ; la croissance de nos dépenses est restée supérieure à celle de nos partenaires ; en conséquence, le déficit public de la France pour 2016 est toujours l'un des plus élevés d'Europe et notre dette publique continue de croître : elle s'élevait à 96,3 points de produit intérieur brut (PIB) fin 2016, bien que les primes d'émission aient temporairement contenu la dette.
Pour conclure cette comparaison, trois faits marquants : la France est désormais, avec l'Espagne, le seul pays de la zone euro dont le déficit est supérieur au seuil de 3 points de PIB ; la France a passé douze des quinze dernières années en procédure de déficit excessif, ce qui constitue un record au sein de la zone euro, partagé cette fois avec le Portugal ; alors que les dettes publiques allemande et française s'établissaient à un niveau très proche avant la crise de 2008, la dette française est aujourd'hui supérieure à la dette allemande de près de 30 points de PIB.
Ainsi, en dépit des progrès réalisés, la situation des finances publiques françaises est loin d'être assainie. Elle continue de présenter des facteurs de vulnérabilité d'autant plus importants que des risques forts pèsent sur la capacité de la France à tenir à l'avenir ses engagements européens. C'est ce que révèle l'analyse des perspectives qui se dessinent pour 2017 et les années suivantes.
Avant d'entrer dans le détail des chiffres, je mentionnerai le deuxième constat de l'audit, qui concerne les nombreux biais de construction ayant affecté la sincérité des prévisions sur lesquelles est bâtie la trajectoire financière 2017-2020.
Comme lors de l'audit de 2012 et dans un ordre de grandeur similaire, notre juridiction constate un risque significatif de dérapage du déficit par rapport aux objectifs retenus. Mais si les écarts sont comparables, leurs origines diffèrent. En 2012, l'écart provenait d'une surestimation des recettes et d'une révision à la baisse de la croissance. En 2017, il résulte quasi-exclusivement de sous-estimations des dépenses de l'État, qui se sont traduites par des sous-budgétisations importantes dès l'adoption de la loi de finances initiale. Au sein des comptes des administrations publiques, ces dépenses sont celles dont l'État a le plus directement la maîtrise.
L'écart provient également, mais dans une bien moindre mesure, de reports de charges de l'année 2016 vers l'année 2017, d'aléas intervenus début 2017 et de mesures nouvelles annoncées depuis le vote de la loi de finances.
Pour 2018, force est de constater que le programme de stabilité sous-estime, lui aussi, l'effort en dépenses nécessaire pour atteindre l'objectif prévu d'une réduction de 0,5 point du PIB du déficit.
Dans ce contexte, j'insiste devant vous sur l'impératif de sincérité des prévisions de finances publiques et des documents budgétaires. En particulier, la préparation des prochaines lois de finances devrait être l'occasion de rompre avec les pratiques récurrentes de sous-budgétisation.
Ce n'est pas, tant s'en faut, la première fois que la Cour des comptes observe des éléments d'insincérité dans la construction des prévisions de finances publiques. Elle l'a fait à plusieurs reprises et depuis longtemps, notamment dans le cadre de ses rapports sur l'exécution du budget de l'État. Vous retrouverez la trace d'expressions très directes de mon prédécesseur sur ce point, il y a une dizaine d'années. Encore récemment, la Cour a soulevé « la question de la qualité et de la sincérité des prévisions de recettes fiscales » dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de 2014. Elle a parlé d'« une sincérité de la loi de finances initiale à améliorer » et de « débudgétisations importantes [...] qui ont altéré la sincérité de l'exécution de la dépense » dans son rapport sur le budget de l'État de 2015. Dans nos rapports sur le budget de l'État, vous trouverez douze mentions du terme « sincérité » en 2014, et huit en 2015 !
Dès lors, j'ai été quelque peu surpris que certains s'étonnent et s'émeuvent. Ce qui serait anormal, c'est que la Cour, constatant des écarts significatifs entre les prévisions et les réalisations, ou entre les prévisions annoncées et les prévisions raisonnables au regard des informations disponibles, n'en dise rien. Alors, elle ne remplirait pas la mission que la Constitution et la loi organique lui confient.
La Cour est dans son rôle, et plutôt que de la mettre en cause, il me semblerait plus utile de se pencher sur les solutions propres à renforcer la sincérité des prévisions de finances publiques, car des solutions institutionnelles existent. L'exemple des prévisions macroéconomiques associées aux lois de finances et aux programmes de stabilité, dont la sincérité a incontestablement été renforcée par la création puis l'action du Haut Conseil des finances publiques, le prouve.
Toutefois, il n'existe encore aucun dispositif analogue pour s'assurer de la sincérité des prévisions de finances publiques, et en particulier celles des dépenses, en amont de leur approbation par le Parlement ou de leur examen par la Commission européenne.
S'agissant maintenant des perspectives pour 2017, la Cour observe un risque fort de voir la France sortir dès cette année de la trajectoire dont elle s'est dotée. Ce sera mon troisième message.
C'est au niveau des dépenses de l'État que se situent les principaux risques pour 2017. Les dépassements potentiels sur les crédits des ministères sont évalués par la Cour à 7,3 milliards d'euros par rapport au programme de stabilité. Ils sont concentrés principalement sur les missions Agriculture, Défense, Solidarité et Travail et emploi. Il faut y ajouter le coût de la recapitalisation d'Areva, qui pèsera à hauteur de 2,3 milliards d'euros sur le déficit en comptabilité nationale.
Du côté des « bonnes surprises » potentielles, la Cour n'a en revanche identifié qu'une baisse probable d'un milliard d'euros par rapport aux prévisions, répartie entre le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne et la charge de la dette.
Enfin, dernière donnée-clef pour comprendre l'équation budgétaire de 2017 : à politiques inchangées et en excluant toute facilité consistant à reporter les dépenses sur les exercices suivants, nous évaluons les capacités réelles d'annulation de crédits au sein de la réserve de précaution du budget de l'État à un montant compris entre 2 et 3 milliards d'euros, qui correspond à celui constaté par la Cour dans son rapport sur l'exécution du budget de l'État en 2016.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les dépenses publiques seraient supérieures de 5,9 milliards d'euros aux prévisions du programme de stabilité, ce qui représente 0,3 point de PIB.
Bien que des incertitudes demeurent à cette période de l'année, nos analyses révèlent que la cible de solde public pour 2017 apparaît, à politiques constantes, hors d'atteinte.
Sous réserve que des crédits d'un niveau équivalent à celui de l'exercice 2016 soient annulés d'ici la fin de l'année, le déficit s'élèverait à 3,2 points de PIB pour 2017, soit un dérapage de 0,4 point par rapport au programme de stabilité et de 0,5 point par rapport à la loi de finances initiale.
Étant donné cette situation, l'adoption de mesures de redressement apparaît indispensable, dès le second semestre 2017, si la France souhaite tenir ses engagements.
Contenir le dérapage du déficit à 0,4 point d'écart par rapport à l'objectif du programme de stabilité, donc atteindre 3,2 points de PIB, suppose déjà une action vigoureuse et rapide pour annuler de 2 à 3 milliards d'euros de crédits. Aller au-delà en passant de 3,2 à 3 points de PIB de déficit impliquerait d'importantes mesures d'économies supplémentaires, à hauteur de 4 à 5 milliards d'euros.
Enfin, si la France souhaite atteindre la cible de 2,8 points de PIB fixée par les pouvoirs publics, ce serait encore 4 à 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires qu'il faudrait trouver.
Vous le voyez, le respect de notre engagement européen, fixé à 2,8 points de PIB de déficit, ne serait possible que grâce à des économies comprises entre 8 et 9 milliards d'euros.
Le quatrième message de l'audit porte sur les perspectives financières pour les années 2018 à 2020. Je me limiterai aux observations relatives à l'année 2018, pour laquelle nous n'avons pas cherché à formuler de prévision de solde – il dépendra du résultat de l'exercice 2017 – mais à mettre en lumière la difficulté de l'équation budgétaire. Je rappelle que le programme de stabilité prévoit une réduction du déficit de 0,5 point de PIB par rapport à 2017. Cet objectif apparaît extrêmement ambitieux, d'autant que certaines mesures votées fin 2016 conduisent à la diminution de 0,3 point de PIB des prélèvements obligatoires.
Dès lors, pour tenir cet engagement, il serait nécessaire de parvenir à une croissance nulle des dépenses en volume, c'est-à-dire hors inflation ; cela marquerait une rupture nette avec le rythme constaté ces dernières années – soit 0,9 % en volume par an – et n'a pratiquement jamais été fait. Cette rupture serait d'ailleurs d'autant plus complexe à enclencher que plusieurs facteurs devraient pousser les dépenses à la hausse en 2018. Je pense notamment à la masse salariale, dynamique du fait des créations d'emplois prévues dans les secteurs prioritaires et de la montée en charge de l'accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations. Je pense également à la hausse des dépenses de défense et de sécurité, au coût croissant de plusieurs grands projets d'infrastructure, à l'atténuation des effets des réformes des retraites ou encore à la reprise attendue de l'investissement local.
Vous le comprenez, la Cour estime que la trajectoire de réduction du déficit fixée par la loi de finances et le programme de stabilité de 2017 est particulièrement difficile à respecter et suppose, si l'on veut y parvenir, des mesures correctrices vigoureuses.
Ce constat ne doit cependant nourrir ni fatalisme ni pessimisme, car les efforts qui permettraient de maîtriser durablement les finances publiques de la France ne sont pas hors de portée. C'est d'abord dans les méthodes employées pour concevoir, mettre en oeuvre et suivre les efforts de maîtrise des finances publiques que résident des marges de progrès considérables. C'est le cinquième message de la Cour.
Je rappelle tout d'abord que la dépense publique française s'élève en 2016 à 56,4 % du PIB, pour une moyenne de 47,7 % dans la zone euro. Si certains écarts s'expliquent en partie par des choix d'organisation autres – en matière de retraite par exemple – il est indéniable que la France dépense plus que ses partenaires dans certains secteurs tels que l'éducation, l'emploi ou le logement, sans pour autant obtenir, et loin s'en faut, des résultats supérieurs – c'est même, malheureusement, parfois le contraire.
Nos voisins ont réussi à mener des politiques de transformation qui leur permettent aujourd'hui de dépenser à la fois moins et mieux, en réunissant plusieurs conditions de succès dont la première est une volonté politique forte et constante, exprimant des objectifs clairs et assumés et soutenant des gestionnaires publics eux-mêmes responsabilisés, alors qu'aujourd'hui tout est fait pour les déresponsabiliser. Le principe de responsabilisation était au coeur de l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001 et je ne peux que regretter qu'il ait été pour ainsi dire dévitalisé.
La deuxième condition de succès, c'est l'inclusion dans l'effort de toutes les administrations publiques, y compris les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales.
La troisième condition, enfin, c'est la pleine intégration des projets de réforme dans le processus budgétaire, avec la fixation d'objectifs globaux d'économies et leur déclinaison par catégorie d'administrations publiques. Trop souvent, en effet, les ambitions de réforme ont été déconnectées de la procédure budgétaire.
Au-delà de ces préalables indispensables, la Cour recommande plusieurs évolutions de la gouvernance des finances publiques.
Le premier axe devrait être le renforcement de la cohérence et la portée des différents textes financiers. Le programme de stabilité pourrait être soumis au Parlement. Le périmètre des lois financières pourrait être revu pour mieux couvrir l'ensemble des dépenses des administrations publiques – loi de finances et, à terme, loi de financement de la sécurité sociale étendue à la protection sociale obligatoire, et loi de financement des collectivités territoriales. Les volets « recettes » des projets annuels de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pourraient très utilement faire l'objet d'une discussion conjointe au Parlement. Les normes et outils budgétaires existants pourraient être complétés par un objectif pluriannuel de dépenses lisible et compréhensible, couvrant toutes les administrations publiques. Il serait voté dans la loi de programmation et décliné dans les lois financières.
Le deuxième axe d'action devrait être la réactivation d'une instance du type de la conférence des finances publiques, pour permettre l'appropriation des objectifs par les parties prenantes – État, sécurité sociale, collectivités territoriales. Je me réjouis qu'une initiative ait été prise dans ce sens ; nous serons attentifs à son effectivité.
Enfin, et c'est un point sur lequel je veux mettre un accent particulier devant vous, la procédure budgétaire elle-même pourrait être rééquilibrée au profit de l'examen des résultats effectifs des politiques déployées, revenant ainsi à l'esprit de la LOLF.
Cela signifie que beaucoup moins de temps pourrait être consacré à l'examen du projet de loi de finances initiale, à l'automne, et beaucoup plus à la mesure des résultats lors de l'examen du projet de loi de règlement, au printemps ; la loi de règlement deviendrait ainsi une véritable « loi de résultat ». Corollaire de ce rééquilibrage, l'information fournie au Parlement, qui a été considérablement enrichie au cours des quinze dernières années, pourrait être exploitée davantage. Je pense évidemment aux documents budgétaires, mais aussi aux travaux d'évaluation des juridictions financières.
Si la gouvernance globale des finances publiques était ainsi rendue plus complète et plus efficace, c'est précisément pour donner un cadre de référence solide et stable aux gestionnaires publics pour maîtriser leurs dépenses et améliorer l'efficience de leur action. C'est le sixième et dernier message du rapport.
Des marges de manoeuvre importantes existent en effet, dont nombre sont énumérées dans le rapport. Je me limiterai à citer quelques-uns des principaux axes cités, et détaillerai certaines de ces pistes, si vous le souhaitez, lors de nos échanges ultérieurs.
Les trois premiers axes sont communs à l'ensemble des administrations publiques – État, collectivités territoriales et sécurité sociale ; les trois suivants concernent chacun des trois grands champs de dépenses.
La masse salariale des administrations publiques représentait 284 milliards d'euros en 2016. Des mesures récentes ont relancé sa progression sans que cette occasion ait été saisie pour moderniser la gestion des parcours des fonctionnaires. La Cour a identifié différents leviers, en matière d'effectifs, de temps de travail et de rémunérations, qui permettraient de ralentir, voire d'inverser, la progression de la masse salariale.
La maîtrise des autres dépenses de fonctionnement, qui représentaient 112 milliards d'euros en 2015, pourrait encore être renforcée par des mesures de simplification, par le développement de l'administration numérique et ses corollaires – l'adaptation des réseaux territoriaux et la restructuration de l'immobilier public – ou encore par une mutualisation accrue des achats.
Troisième élément transversal à toutes les administrations publiques : les dépenses de transferts sociaux, les dépenses fiscales – 85 milliards d'euros – et les investissements, dont les effets devraient être mieux évalués a priori et dont le ciblage pourrait être plus pertinent, par exemple dans des secteurs comme le logement ou l'emploi, où nous observons de nombreux effets d'aubaine.
Après avoir été supérieur à celui des dépenses de l'État au cours des années récentes, le rythme de progression des dépenses des collectivités locales s'est infléchi en 2015 et en 2016, sous le double effet de la plus forte contrainte exercée par l'État et d'un moment particulier du cycle électoral. Le poids de ces dépenses – qui ont été de quelque 225 milliards d'euros en 2016 – en fait un levier majeur de l'amélioration du solde public national.
La Cour ne peut donc qu'appeler à la poursuite des efforts de maîtrise des dépenses locales et à une clarification des missions respectives et de leur articulation. Pour y parvenir, la Cour souligne notamment le bien-fondé de la réduction des concours de l'État, selon des modalités qui, selon nous, devraient être revues ; des propositions ont été faite en ce sens.
Vous le savez, malgré des progrès récents, notre système de sécurité sociale demeure caractérisé par des déficits récurrents qui menacent sa pérennité et nous isolent parmi nos voisins européens. La France est pratiquement le seul pays au monde qui accepte le déficit durable de ses comptes sociaux ; or, les dépenses sociales sont des dépenses courantes. Est-il légitime et pertinent de les financer par l'emprunt et d'en faire supporter une partie du coût aux générations futures, qui auront elles-mêmes nombre de besoins propres à financer ?
Les déficits élevés de l'assurance maladie retardent le retour à l'équilibre de la sécurité sociale. Dans ses rapports récents, la Cour a donc avancé plusieurs pistes de réformes en profondeur à engager ou à amplifier, parmi lesquelles figurent l'accélération de la recomposition de l'offre de soins, notamment à l'hôpital ; l'amélioration de la pertinence et de l'efficience des prises en charge et une meilleure maîtrise des dépenses à fort enjeu – par exemple, les soins infirmiers et de masso-kinésithérapie, les médicaments et les dispositifs médicaux, l'imagerie médicale, les analyses de biologie, les transports sanitaires ou encore les arrêts de travail. Ce sont autant de secteurs où des marges d'efficience sont possibles sans remettre en cause ni l'accès aux soins ni la qualité des soins.
J'évoquerai enfin les services publics prioritaires assurés par l'État, notamment l'éducation nationale et la sécurité. C'est bien entendu aux représentants du suffrage universel qu'il appartient de décider si et quand des augmentations de moyens sont nécessaires et donc légitimes. Le rapport présenté aujourd'hui souligne simplement qu'avant d'augmenter les budgets, il est crucial d'évaluer la pertinence des organisations et des missions existantes et d'analyser la capacité à répondre aux nouveaux besoins par des redéploiements internes. Sans cela, les moyens nouveaux pourraient n'avoir pour effet que d'arroser du sable.
Derrière tous ces leviers d'action, il devrait y avoir, à chaque fois, plus de contractualisation avec les gestionnaires, moins de régulation infra-annuelle, davantage de pluriannualité sûrement, des managers publics responsabilisés et intéressés aux résultats de leur action, et de ce fait capables de proposer des économies durables, et non à courte vue. C'est à ces conditions que l'action publique gagnera réellement en performance.
La presse fait parfois état de telle « proposition » de la Cour ou de telle autre. Tel n'est pas notre rôle : nous nous efforçons d'identifier des leviers d'action possibles pour vous, en les chiffrant, pour que vous soyez en situation de respecter les engagements que vous pouvez prendre par le biais des lois de finances et des lois de programmation que vous votez.
En conclusion, l'audit mené par la Cour indique qu'à politique inchangée, la trajectoire des finances publiques s'écarterait significativement de celle qui a été prévue par la loi de finances pour 2017 et par le programme de stabilité. L'atteinte des objectifs fixés pour 2017, 2018 et les années suivantes serait fortement compromise.
L'audit montre aussi que cette situation impose des efforts importants, qui sont à la portée des pouvoirs publics, sous trois conditions : un effort de pédagogie collective sur la dépense publique, l'établissement de textes financiers sincères et à la portée renforcée, enfin une beaucoup plus grande responsabilisation de tous les acteurs.
Nous disposons, monsieur le Premier président, d'un document de grande importance, qui nous permet d'entrer dans le vif d'un sujet traité sans fard et avec réalisme. La manière dont la Cour évoque « l'insincérité » des prévisions de finances publiques m'a particulièrement frappé. Ce n'est pas la première fois qu'elle exprime ce reproche mais, dans ce rapport d'audit, elle dit de manière radicale et directe que des textes financiers soumis à l'approbation du Parlement et à l'examen des instances européennes étaient manifestement entachés d'insincérité. Je ne mets personne en cause mais il y a là un grave problème : c'est du respect de la parole donnée à la représentation nationale mais aussi à nos partenaires européens qu'il s'agit, et donc de la crédibilité de la France.
J'aimerais donc que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet : y a-t-il eu une sous-budgétisation volontaire ? Les dépenses sont particulièrement en cause, vous l'avez souligné. Un audit similaire avait eu lieu en 2012, qui avait plutôt fait ressortir des éléments conjoncturels ; cette fois, les circonstances sont autres.
La Cour dresse la liste de nombreuses mesures structurelles de redressement possibles à court, moyen et long termes ; la commission ne manquera pas d'aborder ce sujet.
Pour ce qui est de la présentation des comptes et d'organisation de la vie financière du pays, nous aborderons la semaine prochaine l'examen du projet de loi de règlement, texte dont vous considérez que le statut devrait être rehaussé, le Parlement devant s'appuyer sur l'analyse de l'exécution du budget, ce qui éviterait des sous-budgétisations et permettrait un débat plus réaliste avec le Gouvernement à ce sujet. Nous devons en effet examiner ce texte avec la même rigueur que le font les collectivités territoriales pour ce qui les concerne.
Je retiens enfin de votre propos que la longueur de la procédure budgétaire nuit à sa transparence, qu'il convient de procéder à un rééquilibrage et que le principe d'un objectif pluriannuel de dépenses doit nous guider – je crois savoir que le Gouvernement a cet objectif. Enfin, je suis convaincu que la consolidation des comptes sociaux est essentielle si nous voulons maîtriser notre destin financier.
Merci, monsieur le Premier président, de vous être exprimé avec franchise. Cette sortie de route sur la carte des trajectoires est effectivement préoccupante, vous venez de le souligner de la manière la plus pédagogique.
La problématique de la gouvernance globale des finances publiques compte parmi nos préoccupations les plus fortes, et l'évolution des procédures budgétaires serait en effet de nature à permettre une meilleure maîtrise de la trajectoire des finances publiques. Rappelons qu'il n'est pas une collectivité territoriale qui ne fonderait sa politique budgétaire de l'année suivante sur une analyse précise de son compte administratif – il est vrai que l'évolution tendancielle des dotations de l'État y a incité... Faire preuve de la même discipline pour les comptes de la nation me semble particulièrement important.
Vous faites notamment allusion à la masse salariale des administrations publiques, qui s'élève à 284 milliards d'euros, et vous indiquez, en page 152 du rapport, que des mesures sont nécessaires pour revenir à un rythme d'évolution plus soutenable. Avez-vous constaté, au cours des dernières années, une hausse de la masse salariale par rapport au produit intérieur brut ?
Vous proposez un gel du point d'indice, un gel provisoire des avancements d'une année ou encore la suppression de plusieurs indemnités. Cela représenterait au total des économies d'un montant d'une dizaine de milliards d'euros. Ce sont certes des économies importantes, mais, à l'heure où le souci de préserver le pouvoir d'achat des Français est un facteur important de la décision publique, avez-vous évalué le possible effet récessif de telles mesures ? Le cas échéant, que suggérez-vous pour le limiter et quel serait le montant des pertes de recettes consécutives ?
Vos propositions portent essentiellement – c'est typique des rapports de la Cour des comptes – sur les dépenses, dépenses fiscales comprises. Il me paraît cependant possible d'augmenter les recettes sans forcément augmenter les impôts, par le soutien à la croissance ou la lutte, qui nous est chère, contre l'optimisation fiscale agressive. Le redressement des finances publiques ne doit-il pas aussi passer par les recettes ? Pourquoi ne pas avoir chiffré les recettes mobilisables au titre de la lutte contre l'optimisation fiscale agressive ou encore l'aboutissement d'une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés au niveau européen ?
Vous constatez en dépenses un dépassement de 9,6 milliards d'euros en 2017, en intégrant le coût de la recapitalisation d'Areva, et vous évoquez trois mesures de compensation probables – les économies potentielles sur les prélèvements sur recettes, sur la charge d'intérêts et des annulations de crédits – pour un montant prévisionnel de 3,7 milliards d'euros. Au total, les dépassements en dépenses ressortent donc à 5,9 milliards. Au-delà des économies que vous mentionnez, ne pensez-vous pas que les méthodes que je qualifierai de « traditionnelles » de régulation budgétaire – décrets d'avance et gels de crédits jusqu'en fin de gestion – pourraient compenser en tout ou partie ces dépassements ?
Enfin, permettez-moi d'évoquer un sujet qui m'a beaucoup préoccupé pendant la législature précédente : la comptabilisation dans le déficit public des dépenses liées à la lutte antiterroriste. Vous le savez, l'Assemblée nationale a adopté au mois de juin 2015, à l'initiative du groupe socialise, républicain et citoyen, une résolution relative à la juste appréciation des efforts en matière de défense et d'investissements publics dans le calcul des déficits publics. Compte tenu de la menace terroriste accrue et en l'absence d'une politique européenne de la défense, il s'agirait d'utiliser les flexibilités permises par les textes budgétaires européens. Certes, il existe depuis 2004 un mécanisme de financement des coûts communs des opérations militaires de l'Union européenne en matière de défense, mais ceux-ci ne représentent que 10 % à 15 % du coût des opérations militaires. M. Le Drian, alors ministre de la défense, s'était prononcé en faveur de l'exclusion de ces dépenses militaires du calcul des dépenses publiques. Qu'en pensez-vous ? Je sais très bien que ce genre d'argument pourrait très bien être utilisé dans d'autres cadres – l'Italie pourrait estimer que la politique qu'elle mène en faveur des migrants pèse sur ses finances publiques, et pas seulement – mais il faudrait pouvoir comparer au niveau européen des choses comparables. Or la France fournit en matière de lutte antiterroriste un effort particulier, qui mérite d'être souligné.
Je donne maintenant la parole aux représentants des groupes puis, après que M. le Premier président leur aura répondu, chacun pourra s'exprimer.
Je poserai la première partie de notre question, et Émilie Cariou et Amélie de Montchalin complèteront mon propos.
Monsieur le Premier président, effectivement, ce n'est pas la première fois que la Cour des comptes rend un rapport d'audit alarmiste. Quelle est donc la spécificité de celui-ci ? Nous nous interrogeons plus particulièrement sur l'insincérité du budget. Dans quelle mesure la Cour des comptes est-elle habilitée à qualifier d'insincère un budget ? Dans quelles conditions peut-elle le faire ?
Ensuite, puisque vous prônez une action vigoureuse et rapide, pourriez-vous nous préciser, au lendemain de la déclaration de politique générale du Premier ministre, quelles sont, parmi les mesures concrètes annoncées, les plus réalisables à court ou moyen terme ? Pouvez-vous nous donner votre avis sur un certain nombre de leviers d'action à propos desquels nous nous interrogeons, notamment la réalisation de certains grands projets de l'État ? Je songe au canal Seine-Nord ou à la liaison Lyon-Turin. Et quel est votre avis sur les concessions d'autoroute ?
Je passe la parole à ma collègue Émilie Cariou...
Normalement, dans un premier temps, un seul orateur s'exprime par groupe... Sinon, chacun demanderait qu'un collègue du même groupe complète son propos, ce qui ne serait pas possible. Mais nous procéderons ainsi exceptionnellement pour cette fois-ci, puis la parole sera au groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier président, si vous évoquez des recettes fiscales moindres que prévu, vous ne mentionnez cependant pas les pertes de recettes d'impôt sur les sociétés induites par les mécanismes d'optimisation fiscale évoqués par notre rapporteur général. Or, au-delà de la dépense fiscale brute que représentent les différents mécanismes autorisés par des régimes légaux, la mise en oeuvre de schémas juridiques d'optimisation de l'impôt sur les sociétés a été reconnue comme un problème majeur par l'OCDE, par les pays du G20 et par l'Union européenne. Un chantier est en cours, piloté par M. Pierre Moscovici, commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes, l'objectif étant que les profits soient imposés là où ils sont générés. Ce problème se pose avec une acuité particulière dans le cas d'entreprises dont l'activité est entièrement dématérialisée : les « géants du net ».
Le coût de l'optimisation fiscale, pourtant objet d'évaluations des instances internationales et des organisations non gouvernementales (ONG), n'est pas pris en compte en tant que tel dans les instruments budgétaires dont nous disposons. Or, s'il convient de faire des efforts en matière de dépense budgétaire, il convient également d'assurer l'équité fiscale entre les acteurs économiques et de prélever l'impôt réellement dû par chacun là où sont générés les profits. Ne pensez-vous pas qu'il serait intéressant de disposer d'un outil fiable d'évaluation, d'un indicateur objectif de la perte due à cette optimisation fiscale de masse afin de prendre celle-ci en compte dans les outils d'évaluation des finances publiques et de soutenir résolument les efforts accomplis dans les instances internationales ?
Je veux d'abord remercier la Cour des comptes, qui a rendu un rapport tout à fait remarquable, extrêmement utile en ce début de législature.
La Cour des comptes est tout à fait dans son rôle en posant la question de la sincérité des comptes publics, de même que le Conseil constitutionnel. L'opposition a saisi le Conseil constitutionnel au mois de décembre dernier à propos de la loi de finances initiales pour 2017. Notre saisine posait, entre autres, la question de la sincérité des prévisions de recettes et de dépenses. La Cour des comptes insiste sur un élément nouveau, qu'a souligné le président de notre commission : la question de la sincérité porte sur les recettes, leur évaluation et les problèmes que pose l'évaluation de l'élasticité des recettes, mais aussi sur les dépenses. Citons le rapport d'audit, en page 97 : « l'écart relevé […] résulte en 2017 quasi exclusivement d'une sous-estimation des dépenses de l'État, pour lesquelles ce dernier dispose des capacités d'action les plus directes ». C'est cela, la différence, notamment par rapport à 2012. Et le problème tiendra de plus en plus à l'estimation des dépenses car, grâce à la création du Haut Conseil des finances publiques, nous disposons aujourd'hui, sur les prévisions macroéconomiques et les prévisions de recettes, de garanties que nous n'avons pas pour les dépenses.
Nous avions donc saisi le Conseil constitutionnel, qui a rejeté les arguments par lesquels nous défendions l'idée d'une insincérité de ce dernier budget dans un ensemble de considérants. Le plus important est le dernier : « En dernier lieu, si l'évolution des charges ou des ressources était telle qu'elle modifierait les grandes lignes de l'équilibre budgétaire, il appartiendrait en tout état de cause au Gouvernement de soumettre au Parlement un projet de loi de finances rectificative. » Or, c'est un décret d'avance qui est en cours de préparation, mes chers collègues, qui porte sur des sommes d'un montant totalement inédit, probablement supérieur à 4 milliards d'euros. Grâce à la loi organique relative aux lois de finances – remercions Didier Migaud qui en est l'un des pères –, les décrets d'avance sont désormais présentés pour avis à la commission des finances. Notre rapporteur général fera donc un rapport. Je pose cependant la question : peut-on s'affranchir de la nécessité d'une loi de finances rectificative, procéder par simple décret d'avance, au mépris de nos responsabilités essentielles de parlementaires ? C'est une question dont j'espère que le président de la commission des finances la posera. En tout cas, nous sommes là pour défendre les pouvoirs du Parlement. Dans la Constitution, en matière de loi de finances, le rôle du Parlement est absolument décisif, et nous ne pouvons pas l'aliéner à l'administration ou à l'exécutif. C'est ma question, que je pose aussi à notre rapporteur général.
Dernier point, vous évaluez, monsieur le Premier président, le déficit 2017 à 3,2 points de PIB, mais j'ai cru comprendre que vous parveniez à ce chiffre en tenant compte de l'annulation, à vos yeux quasi automatique, de 2 à 3 milliards d'euros de crédits. Me trompé-je donc en disant que, sans ces annulations, le déficit réel s'élève à 3,4 points de PIB ?
Merci, monsieur le Premier président, pour cette présentation très intéressante. Vous dressez un état des lieux alarmants, et décrivez une situation gravissime.
À mon tour, je réagis à la qualification relativement grave d'insincérité. Je ne peux pas ne pas avoir une pensée pour les entreprises, tenues d'établir des comptes réguliers, sincères et complets, qui donnent une image fidèle. Lorsqu'elles ne respectent pas cette obligation, leurs dirigeants encourent des peines d'emprisonnement, des amendes et des peines complémentaires, qui peuvent aller jusqu'à la privation des droits civiques, civils et de famille.
Dès l'automne 2016, nous avons nous-mêmes dénoncé l'insincérité du budget dans cette même salle de la commission des finances. La presse citait le président Carrez, qui évoquait alors « un budget de façade, qui suit une réalité électorale et ne respecte aucun équilibre macroéconomique ». Cette insincérité a donc été dénoncée, elle était connue de la majorité d'alors et elle nous place aujourd'hui dans une situation gravissime, puisque l'objectif de 3 % ne pourra être respecté. Lorsque nous en arrivons à des dépenses publiques « en roue libre », à ce point délibérément sous-estimées, de vraies questions se posent.
Par ailleurs, si ces écarts portent essentiellement sur quatre missions, ce sont toujours les mêmes crédits, chaque fois que des décrets d'avance sont pris, ceux dits « pilotables », qui sont visés, par exemple ceux de la recherche ou de l'enseignement supérieur. C'est là un vrai problème de justice et d'équité.
Monsieur le président, je crois qu'il faudrait que nous sachions si c'est un seul orateur qui s'exprime par groupe avant que ne soit ouvert le débat ou si plusieurs orateurs s'expriment au nom de chaque groupe. Tout est possible, mais il faut se tenir à une règle.
Monsieur le Premier président, permettez-moi d'abord de me réjouir de vous voir ici. J'ai servi sous vos ordres, et c'est avec beaucoup d'émotion que je vous entends aujourd'hui vous exprimer comme « prestataire de services », si j'ose dire, de la représentation nationale.
Ce rapport d'audit a ceci en commun avec la morale et la religion d'avoir deux sources. D'une part, c'est une commande du Premier ministre ; d'autre part, il résulte de l'application normale des dispositions de la LOLF, lesquelles vous font obligation de produire un rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Le fait qu'un rapport soit le fruit d'une commande l'affecte toujours d'une espèce de nuance d'incrédibilité : « c'est une commande de l'exécutif ! »... Votre rapport aurait-il donc été le moins du monde différent en l'absence de commande du Premier ministre, si l'on s'en était tenu à l'application de la LOLF ? Nous devons le savoir, même si votre position me semble évidemment objective.
Deuxième observation, comme Gilles Carrez, je ne vois pas ce que la Cour pourrait faire si elle ne vérifiait d'abord la sincérité du budget : c'est pleinement sa mission et, si nous mettons en cause cette mission, nous mettons en cause beaucoup de choses... L'intéressante proposition de Gilles Carrez mérite un examen attentif. La correction d'une démarche insincère, si je puis dire, est-elle, en soi, une décision budgétaire de nature différente qui justifie une loi rectificative ? Nous devrions en débattre.
Je comprends bien ce que nous dit M. le Premier président : au lieu de consacrer autant de temps à l'examen, dans le brouillard, du projet de loi de finances initiale, nous ferions mieux de nous concentrer sur celui du projet de loi de règlement et sur l'exécution du budget. Vous avez techniquement raison, monsieur le Premier président, mais l'ancien président de la commission des finances que vous êtes ne peut ignorer qu'il y a quand même une différence de nature et de portée entre une loi qui autorise le Gouvernement à procéder aux dépenses et aux recettes et une loi qui constate a posteriori que les choses ne se sont pas très bien passées. Il vaudrait donc quand même mieux que nous essayions, vous et nous, d'affiner notre examen en amont, afin de corriger ou d'éviter cette insincérité.
Quant à l'orientation fondamentale de votre rapport, alors que tout le monde souligne la constance de la Cour des comptes, je me plais, monsieur le Premier président, à souligner une inflexion progressive. À la Cour des comptes, pendant des années, nous avons mis l'accent, d'une part, sur la réduction du déficit, d'autre part, sur la maîtrise des dépenses publiques. Comme nous ne parlions que de maîtrise et non de réduction des dépenses, l'inconvénient était que, par conséquent, c'est l'outil fiscal, susceptible d'accroître les recettes, qui était l'instrument privilégié de la réduction du déficit. Je salue votre effort : sans parler directement de réduction – vous évoquez plutôt un ralentissement –, vous mettez très nettement l'accent sur les dépenses publiques. Nous, membres de la commission, devons l'avoir très présent à l'esprit : l'augmentation des recettes, cela commence à bien faire !
En ce qui concerne les dépenses, les modalités d'exécution au cours du premier semestre comptent parmi les éléments qui rendent difficile une exécution de la loi de finances initiale dans les termes dans lesquelles elle a été adoptée. Il apparaît très clairement que le précédent gouvernement a très largement utilisé les facilités qui étaient les siennes et, dans un certain nombre de domaines, épuisé les crédits à sa disposition, laissant ses successeurs confrontés au dénuement, au creusement du déficit et à la nécessité d'une loi de finances rectificative. Vous ne pouvez évidemment pas contrôler l'exécution en même temps qu'elle a lieu, mais il faudrait que vous vous interrogiez et que vous nous informiez, au cours des prochains mois, sur ces coups d'accordéon évidemment très préjudiciables à une bonne exécution du budget.
Vous avez relevé à plusieurs reprises, monsieur le Premier président, que la réduction du déficit était largement due à des réductions de dépenses que vous qualifiez très justement de « constatées ». En d'autres termes : « quand les taux d'intérêt baissent, la situation s'améliore, et personne n'y est pour rien ». Pouvez-vous nous éclairer sur la façon dont la Cour perçoit aujourd'hui l'évolution de ces économies constatées ? N'y a-t-il pas lieu de s'inquiéter des risques encourus si la conjoncture entraînait un relèvement des taux ?
La question de la retenue à la source est posée. J'aimerais savoir si vous avez intégré l'effet à mon avis mécanique de son instauration. Si elle n'était reportée, cela aurait une incidence sur l'impôt acquitté, affecté de la croissance et de l'inflation de l'année. Les recettes augmenteraient, ce qui serait un avantage... mais aussi un inconvénient si l'on se soucie de modération fiscale.
Je remercie la Cour des comptes de dire que le projet de loi de finances initiale pour 2017 était « manifestement insincère ». L'article 32 de la LOLF dispose que « les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État ». Comme l'a souligné Gilles Carrez, la seule garantie a priori concerne les recettes, puisqu'il y a deux hommes en vous, monsieur le Premier président : le Premier président de la Cour des comptes et le président du Haut Conseil des finances publiques. Or, en cette dernière qualité, vous ne donnez d'avis que sur les recettes, comme Gilles Carrez l'a rappelé. Ne faudrait-il donc pas étendre le champ de votre avis ?
Nous avions formé un recours devant le Conseil constitutionnel en soulevant l'insincérité des recettes. Nous avons été déboutés au motif qu'en matière de recettes les montants sont des ordres de grandeur. Or vous avez bien démontré, monsieur le Premier président, que ce sont les dépenses qui posent un problème – massif. Notons en passant que l'élément le plus manifeste d'insincérité concerne les crédits de l'agriculture, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur spécial. N'étaient même pas budgétisées les condamnations de la France pour non-application de droit communautaire : 350 millions d'euros par an, pendant quatre ans. Il faut le faire !
Quant à cette fameuse de réserve de précaution de 13,9 milliards d'euros, vous écrivez qu'en fait c'est « du pipeau » : il n'y a que 2 à 3 milliards d'euros, ce que nous avions d'ailleurs dit. La réserve était initialement non pas de 13,9 milliards d'euros mais de 12 milliards d'euros, et c'était une fausse réserve, qui allait être complètement absorbée par les augmentations salariales et toute une série de dépenses déjà connues. Ne faudrait-il donc pas concevoir une véritable provision pour aléas divers et variés ? M. Eckert nous explique que tout ce que vous avez révélé, en termes de dépassement de dépenses, était gagé par la réserve de précaution. Mes chers collègues, c'est faux à hauteur de 80 %, puisqu'il ne reste que 2 à 3 milliards d'euros. Pourriez-vous, monsieur le Premier président, nous expliquer un peu ce que vous écrivez à ce propos ?
Ma troisième question porte sur Areva, problème que nous avions largement soulevé, y compris dans le recours que nous avions formé. À l'époque, nous savions qu'il fallait environ 5 milliards d'euros : 4,5 milliards d'euros de recapitalisation et 300 millions d'euros pour indemniser les actionnaires minoritaires. Vous écrivez qu'en termes de comptabilité maastrichtienne il manque 2,3 milliards d'euros : 2 milliards d'euros de recapitalisation d'Areva SA, auxquels s'ajoutent ces 300 millions d'euros d'indemnisation des actionnaires minoritaires. Mais ne sous-estimez-vous pas la « douloureuse » ? Ne pensez-vous pas que les comptables nationaux vont requalifier une partie des 2,5 milliards d'euros, injectés dans l'autre société créée, Areva NewCo, en « opération de bouchage des trous », plutôt qu'en actif à due concurrence ?
Telles sont les trois questions que je vous pose, en défendant la Cour des comptes non parce que j'en fus membre – nous sommes trois dans ce cas, Jean-Louis Bourlanges, mon cher voisin Julien Aubert et moi-même – mais pour une raison beaucoup plus fondamentale : il ne peut y avoir de débat démocratique digne de ce nom sans autorités indépendantes nous éclairant sur les problèmes. Dans la majorité ou dans l'opposition, nous sommes bien contents d'avoir la Cour des comptes, qui nous a toujours aidés, notamment à la commission des finances.
Merci, monsieur le Premier président, pour ce rapport très éclairant. N'étant pas une ancienne de la Cour des comptes, contrairement aux précédents intervenants, j'en respecte totalement l'indépendance, que nous devons respecter à la lettre. Je me demande donc si les anciens membres de la Cour des comptes devraient siéger au sein de notre commission des finances...
Je souhaite revenir sur plusieurs points. Au fond, vous écrivez qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, puisque nous lisons, en page 15 de votre rapport, que le dérapage que vous constatez « est du même ordre de grandeur que celui mis en évidence lors de l'audit des finances publiques en 2012 ». Vous expliquez très clairement qu'en 2012 il y avait un problème de recettes et qu'en 2017 il y a un problème de dépenses. Cela étant, un problème de recettes ne peut pas être réglé : si vous ne les avez pas, vous pouvez toujours chercher mais vous ne les trouverez pas. En revanche, un problème lié aux dépenses peut être résolu, ou, du moins, atténué par la réserve de précaution à laquelle vous faites référence en page 66 de votre rapport d'audit et dont vous qualifiez le niveau – 13 milliards d'euros – de « très élevé ». J'ai entendu les commentaires prononcés ici ou là mais il se trouve que, l'an dernier aussi, la réserve de précaution était très importante, et que près de 6 milliards de cette réserve ont été annulés : 3 milliards de véritables annulations et 2,8 milliards de gel jusqu'en fin de gestion. À supposer que Gilles Carrez ait raison et que vous ayez déjà pris en compte l'annulation de 2 milliards d'euros dans le calcul du déficit et que vous arriviez ainsi à 3,2 % du PIB, si j'intègre les mêmes éléments que l'an dernier, soit 4 autre milliards d'euros annulés, nous parvenons bien à 3 % de déficit public pour l'année 2017, et nous sommes « dans les clous ».
Naturellement, je serais heureuse de savoir ce que vous pensez de ce calcul, mais j'ai du mal, monsieur le Premier président, à comprendre pourquoi vous avez choisi de donner cette tonalité à votre rapport. Vous affirmez – c'est un titre qui figure en page 26 de votre rapport – que « seules les administrations locales et de sécurité sociale ont amélioré leur solde », sous-entendant que l'État n'a rien fait. Cependant, dans le développement qui suit, vous écrivez qu'il faut prendre garde au fait que l'État paye pour les autres. Effectivement, toutes les exonérations de cotisations sont autant de recettes en moins pour la sécurité sociale, que l'État compense. S'il paie en somme pour tout le monde, vous aurez évidemment du mal à trouver qu'il a réduit son déficit ! La Cour des comptes aurait pu prendre plus de précautions dans le choix de ce titre et montrer la réalité de la réduction du déficit de l'État hors ces compensations versées à tout le monde. Évidemment, si l'État paie pour tout le monde, on peut toujours dire qu'il ne réduit pas son déficit, mais c'est une lecture un peu biaisée...
Deuxième point : vous livrez en page 43 un tableau très intéressant, qui vise à faire le bilan des 50 milliards d'euros d'économies proposés et votés en lois de finances. Voilà qui rouvre notre éternel débat sur la fameuse tendance. Chaque fois que l'on calcule une économie, c'est par rapport à une tendance. Quelle tendance la Cour a-t-elle donc prise en compte pour calculer ces économies et comment la justifie-t-elle ? A-t-elle pris cette tendance selon laquelle, en raison de l'augmentation et du vieillissement de la population, chaque année les dépenses augmentent naturellement de 1 %, 2 % ou 3 % ? Si la tendance intègre les économies déjà réalisées les deux ou trois années précédentes, l'exercice est quelque peu faussé. Quel est le détail des hypothèses retenues ?
En tout cas, le même gel de la réserve de précaution que l'an dernier nous permettrait un déficit limité à 3 % du PIB, ce qui est exactement ce que requièrent les traités européens !
Merci, monsieur le Premier président, pour cet audit.
Tout d'abord, l'exercice est assez étonnant. Il s'agit d'une commande, en plein milieu d'année, avant même que l'on puisse faire le bilan de celle-ci, et d'une commande qui tombe bien. Je ne sais s'il y a insincérité, mais il y a en tout cas transmission de pensées entre vous-même et le Premier ministre : le bilan catastrophique qui nous est présenté a servi de base à sa déclaration de politique générale, et c'est le niveau des dépenses publiques que la logique des politiques de l'offre et des politiques d'austérité retient comme seul critère pour juger de la solidité économique d'un pays. Je remarque également que l'on retrouve quasiment toutes les mesures proposées hier par le Premier ministre dans les prescriptions que vous faites à la fin de votre document.
Je ne peux vous reprocher de respecter cette règle d'or des 3 % griffonnée dans les années quatre-vingt par M. Delors et quelques autres responsables de ce qui allait être l'Union européenne, mais je reproche à la France de devoir la suivre. Le problème est qu'elle laisse de côté d'autres critères, d'autres chiffres qui peuvent être intéressants pour juger de la santé économique d'un pays : le chômage, ou encore les dividendes, dont la France détient le record européen et dont on pourrait s'étonner qu'ils soient si peu taxés – ce n'est pas sans effet sur les recettes de l'État. Le déficit public étant le seul critère retenu pour nous permettre de savoir où en est la France, la lecture de vos tableaux donne l'impression que, finalement, seule l'Espagne fait moins bien – les Grecs et les Portugais seront ravis d'apprendre que la situation économique de leurs pays respectifs est préférable à celle du nôtre.
Je tiens pour ma part à rappeler que les dépenses publiques, toujours présentées de façon alarmiste, sont également des recettes du point de vue du PIB. La question est de savoir la place et le rôle que l'on veut donner aux politiques publiques et au secteur privé.
Parmi les mesures que vous préconisez, nous retrouvons le gel du point d'indice des fonctionnaires annoncé hier, mais depuis 2010, le gel est tel qu'il faudrait plutôt parler d'une régression de 7 points.
Vos prescriptions comportent aussi cette idée qu'il ne faudrait remplacer qu'un départ de fonctionnaire à la retraite sur deux. Nous en avons vu les effets sur les personnels de sécurité et nous avons constaté, au moment des attentats terroristes, de quelle incurie pareille approche pouvait témoigner !
Vous proposez également que la sécurité sociale ne recoure pas à l'emprunt. Je pourrais, pour ma part, vous proposer de revenir sur les exonérations consenties depuis des années, qui ne font que dégrader les comptes de la sécurité sociale. Ainsi, je ne vois nulle proposition de mettre fin au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et aux baisses de cotisations, ces 20 milliards d'euros donnés sans contrepartie aux entreprises, ce qui pose problème du point de vue à la fois des recettes et des dépenses.
De même, rien n'appelle notre attention sur ces 80 milliards d'euros que représente chaque année l'évasion fiscale ; le montant n'est pourtant pas négligeable si l'on veut équilibrer les comptes ou respecter la règle des 3 % que vous mettez en avant.
Ce rapport d'audit parle d'insincérité. On louait tout à l'heure son objectivité. Or, en matière de politique économique, chacun sait qu'elle n'existe pas. De fait, c'est la politique de l'offre que vous nous proposez : c'est aussi la politique économique que le Gouvernement entend suivre les prochains mois et les prochaines années. Nous nous y opposerons !
Cette première matinée de travail au sein de la commission des finances est donc marquée du sceau de l'austérité et de la rigueur budgétaire.
La Cour des comptes vient étayer l'idée que notre pays vivrait au-dessus de ses moyens, publiant un audit dont l'essentiel de l'analyse a pour vocation d'accréditer la thèse selon laquelle l'État serait « accro à la dépense publique », dépense publique jugée inefficace et endémique.
Cet audit tombe à point nommé pour le Gouvernement. Lorsque M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, nous présentera ses orientations budgétaires, ne doutons pas qu'il s'appuiera opportunément sur ce travail dont il aura besoin pour mettre en oeuvre la politique régressive esquissée hier par le Premier ministre.
Une nouvelle fois, nous regrettons que l'audit de la Cour des comptes se focalise sur les seules dépenses publiques, sans aborder dans le détail l'autre versant d'un budget, à savoir les recettes.
Je n'entrerai pas dans une bataille de chiffres. Ils ne rendent compte en rien de la réalité vécue par de nombreux Français sur nos territoires : chômage, services publics en recul, sentiment d'abandon, et menace du déclassement.
Ces chiffres occultent largement les sacrifices consentis par nos concitoyens depuis cinq ans, alors même que l'on va manifestement leur en demander encore plus. Ces derniers ainsi que les collectivités locales ont dû faire des efforts incroyables. Je pense à la consolidation budgétaire nécessaire pour financer le CICE et ses 20 milliards d'euros de crédits d'impôt annuels, accordés sans contreparties et sans ciblages. Si les promesses de créations d'emplois s'étaient réalisées, le niveau de certains déficits ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.
Pourquoi la Cour des comptes n'emploie-t-elle pas son énergie à dénoncer ce gaspillage d'argent public ? Pourquoi se contente-t-elle de demander dans son rapport que les évaluations se poursuivent sur le sujet ? Monsieur le Premier président, en supprimant le CICE et les autres mesures inefficaces du pacte de responsabilité, n'aurions-nous pas un excellent moyen d'atteindre les sacro-saints 3 % de déficit ?
Je n'aborderai pas les raisons qui expliquent que l'endettement de notre pays s'est creusé au cours des trente dernières années. En tout cas, une fois encore, en brandissant le spectre de la dette, on veut tuer dans l'oeuf toutes les politiques de progrès social qu'attendent nos concitoyens les plus exposés. Ils ne demandent pas une réduction des effectifs de la fonction publique. Lorsque l'on connaît les moyens dont dispose aujourd'hui l'hôpital public – et surtout ceux qui lui manquent –, votre projet de ne pas remplacer un agent de la fonction publique hospitalière sur trois nous fait froid dans le dos.
J'ai aussi cherché dans votre rapport un propos sur la fraude et l'évasion fiscales. Elles font perdre chaque année à l'État 60 à 80 milliards d'euros, soit l'équivalent de notre déficit. Je n'ai rien trouvé. Pourquoi ce silence de la Cour des comptes ?
En remplaçant le CICE par un dispositif réellement efficace pour l'emploi et l'industrie, en faisant de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales une priorité nationale, nous retrouverions, dans la justice fiscale, des marges de manoeuvre budgétaires pour soutenir nos écoles, nos hôpitaux, le logement, la sécurité, l'éducation, et la transition écologique – autant de sujets dont l'on parle beaucoup.
Nous avons le sentiment que vous tracez une feuille de route pour le Gouvernement et que nous n'avons pas d'autre choix que de suivre vos préconisations.
Une question de vocabulaire se pose. Certains considèrent que le terme « insincérité » est bien plus fort que ceux que la Cour employait auparavant, ou qu'il est utilisé de façon bien plus intense dans son dernier rapport. D'autres, dont vous faites partie, monsieur le Premier président, estiment qu'il a toujours appartenu au vocabulaire de la Cour. Sans remonter à la présidence de Philippe Séguin, j'ai constaté que ce terme n'était jusqu'alors pas employé dans la forme sous laquelle on le trouve dans votre rapport.
Cette insincérité est-elle constatée ou était-elle voulue ? Voilà la question essentielle qui est déterminante pour la qualité des débats, mais aussi pour tout l'environnement financier de notre pays. Nous aimerions que vous nous en disiez plus sur ce sujet.
Une autre question se pose sur la nature du redressement qu'il est nécessaire d'opérer alors que les dernières statistiques de l'INSEE indiquent – « l'événement » est majeur – que la dette s'élève à 98,9 % du PIB à la fin du premier trimestre. Faut-il aller au-delà d'un redressement comptable dont de nombreux gouvernements se sont contentés ou faut-il aller plus loin ? L'interrogation de Gilles Carrez est fondée : le Gouvernement ne doit-il pas répondre au rapport de la Cour en déposant un projet de loi de finances rectificative afin d'assurer une transparence financière et de corriger les comptes du pays de façon solennelle.
Que pensez-vous de la recapitalisation d'Areva et des problèmes liés à sa comptabilisation ?
La Cour chiffre à environ 500 millions d'euros la sous-estimation des dépenses de retraite et considère que nous courrons un risque accru en la matière pour 2018. Le Conseil d'orientation des retraites a récemment publié un rapport sur la question. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce sujet majeur ? Je rappelle que les dépenses de retraites constituent la première dépense publique.
M. Raoul Briet, qui présidait la formation interchambres qui a délibéré sur le projet d'audit, pourra compléter mes propos s'agissant en particulier de l'utilisation de la réserve de précaution et des sous-budgétisations.
Certaines des questions posées ne s'adressent pas véritablement au Premier président de la Cour des comptes. En démocratie, les décisions reviennent aux élus du suffrage universel. C'est heureux ! La Cour des comptes est une juridiction qui formule des observations et fait des constatations. Si elle peut émettre des propositions et identifier des leviers d'action, c'est toujours en raisonnant à partir d'objectifs définis par les pouvoirs publics. La Cour des comptes n'a pas fixé le niveau du déficit public ; elle n'a pas voté le CICE. Les décisions sont prises par les assemblées. Pour sa part, la Cour ne peut raisonner qu'en se fondant sur les lois adoptées par le législateur et non sur la pensée de tel ou tel groupe politique.
Bien évidemment, il est possible de considérer que l'audit que nous présentons n'est pas complet, mais j'invite ceux qui m'ont interpellé sur des sujets que ce rapport n'aborde pas à consulter les autres travaux de la Cour. Il en existe par exemple sur la fraude sociale ou la fraude fiscale.
Je précise que les recettes qui pourraient être tirées d'une lutte accrue contre la fraude fiscale ne sont pas au coeur de cet audit de 2017. De plus, pour les calculer de façon sincère, il faudrait aussi tenir compte des dépenses qu'il faudra engager dans ce combat. Je rappelle également que certains sujets nécessitent que les décisions prises par la France soient relayées dans d'autres pays, en particulier en Europe.
Monsieur de Courson, nous n'avons pas dit que le projet de loi de finances initiale était « insincère ». En effet, ce n'est pas à la Cour des comptes de porter ce jugement mais au Conseil constitutionnel. Nous disons en revanche – et je persiste et signe – que des biais de construction affectent la sincérité de la loi de finances. Nous constatons que des éléments d'insincérité se trouvent dans la loi de finances initiale pour 2017 et dans le programme de stabilité. Nous parlons volontairement d'« insincérités » au pluriel, et nous documentons ces dernières, nous les précisons, nous les argumentons.
Il revient au Conseil constitutionnel d'apprécier la sincérité du budget au mois de décembre sur la base des informations dont il dispose. Notre audit, plus tardif, peut se fonder sur un début d'exécution. Il bénéficie en conséquence d'éléments plus précis pour apprécier un certain nombre d'insincérités. Nous sommes dans notre rôle en agissant ainsi, et vous seriez en droit de nous reprocher de ne pas l'avoir fait.
Le Parlement et le Conseil constitutionnel en tirent ensuite les conséquences qu'ils veulent. Le Conseil sanctionnerait une loi de finances insincère en l'annulant. Il a élaboré une jurisprudence selon laquelle il faut pour cela que les éléments d'insincérité d'une loi de finances soient tels que les équilibres du texte en seraient faussés intentionnellement. Il y a manifestement des sous-budgétisations en loi de finances initiale et dans le programme de stabilité qui étaient connues des parlementaires et des gouvernements, bien évidemment.
On a beaucoup entendu que le rapport de la Cour des comptes était à charge, qu'il était sévère. Non ! La Cour travaille toujours à charge et à décharge. Elle fait une photographie, la photographie la plus objective possible, tout en étant bien consciente qu'il existe aujourd'hui de nombreux moyens de déformer une photographie. Les possibilités de contournement ont toujours existé ; certaines années, elles sont tout simplement plus nombreuses que d'autres. Ce n'est pas le rapport de la Cour qui est sévère, c'est la réalité !
Nous n'avons raisonné que par rapport à une prévision de déficit de 2,7 % du PIB, devenu 2,8 dans le programme de stabilité. Et l'on ne peut pas dire qu'un certain nombre d'institutions, comme le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), la Banque de France ou la Commission européenne, n'ont pas alerté sur ces chiffres. Je me souviens de débats au sein même de la commission des finances de l'Assemblée au cours desquels l'appréciation du HCFP selon laquelle un déficit à 2,7 % paraissait « improbable » a été…
..considérée comme excessive. Aujourd'hui, compte tenu de ce que la Cour a pu observer, je peux pourtant être encore plus affirmatif qu'à l'époque sur ce sujet. Nous étions tout à fait dans notre rôle en émettant un avis. Lorsqu'un avis ne plaît pas, au lieu de faire des reproches à ceux qui l'ont formulé, il serait sans doute préférable de s'interroger sur ce qui le fonde et d'apporter des réponses collectives aux problèmes posées. Mettre en cause la légitimité d'une institution ou d'un rapport lorsque ce dernier déplaît ne me semble pas être la bonne façon de procéder. Je respecte évidemment la représentation nationale, mais, dans une démocratie, il est utile que des institutions indépendantes s'expriment.
Il est vrai qu'une partie de ce rapport est une commande, je parlerais d'ailleurs plutôt de « demande », selon les termes de la Constitution, de la LOLF et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La LOLF prévoit qu'un rapport vous est remis tous les ans sur la situation et les perspectives des finances publiques afin que vous disposiez des éléments utiles à la préparation du débat d'orientation budgétaire. Nous avons également souhaité qu'une demande officielle nous soit transmise afin de bénéficier d'un accès plus facile aux pièces des administrations. Nous préférons que des instructions directes des ministres nous permettent d'ouvrir tous les tiroirs : nous gagnons du temps.
Tout ce que nous affirmons a évidemment fait l'objet d'échanges contradictoires avec la direction du budget et la direction générale du Trésor. Nous n'avons pas identifié 2 à 3 milliards d'euros d'annulations réelles de crédits sur 2017 sans en discuter avec l'administration : le budget et le Trésor sont en ligne avec ce que nous écrivons.
Nous posons avec sérénité la question de la sincérité et de la franchise. Nous constatons un certain nombre de sous-budgétisations. La Cour a déjà tenu ce discours : il ne s'agit pas d'une nouveauté mais d'un phénomène récurrent. Il reste que nous l'avons peut-être davantage rencontré dans le projet de loi de finances pour 2017 et dans le programme de stabilité.
Les sous-budgétisations ou le mode de calcul de la croissance potentielle peuvent aider à atteindre un objectif donné. Le niveau d'augmentation tendancielle de la dépense retenue peut aider à réaliser un montant d'économies. Depuis plusieurs années, malgré les changements d'environnement, on affichait toujours 50 milliards d'économies – nos constats nous amenaient plutôt à parler de 27 milliards pour 2017. Il suffisait de modifier l'hypothèse d'augmentation tendancielle de la dépense pour conserver le même montant d'économies. Il nous revient d'appeler votre attention sur ces sujets.
La réserve de précaution visait initialement à permettre d'affronter des aléas qui pouvaient intervenir en cours d'année. Aujourd'hui, elle sert à prendre en compte des sous-budgétisations de la loi de finances initiale. Nous posons la question : s'agit-il de l'usage normal d'une réserve de précaution ? En tout cas, il est clair qu'elle a changé de nature. On peut la fixer à 11, 13 ou 15 milliards d'euros ; à la limite on peut tout geler, mais le congélateur finira par être plein. Vous ne pouvez plus en ajouter sans que cela ne devienne fictif et ne corresponde plus à aucune réalité de gels de crédits. Certains gels ne sont pas crédibles ; l'exécution des années passées le montre bien.
Le raisonnement de la Cour est très honnête : dans les 3,2 % de déficit, elle inclut la capacité du Gouvernement d'annuler des crédits pour environ 2 à 3 milliards. Nous ne sommes pas à 3,4 % car nous considérons de façon objective que ce qui était possible une année peut l'être la suivante. Nous ne sommes pas là pour noircir le tableau davantage qu'il ne l'est déjà. Nous avions adopté la même démarche en 2012, et nous essayons d'être constants.
Le niveau des engagements financiers liés à Areva était peu prévisible lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2017 – il l'était davantage lors de l'examen du programme de stabilité. Même à l'époque de la loi de finances, l'on savait pourtant qu'une partie des sommes en question serait décomptée au titre de la comptabilité maastrichtienne en vertu de la jurisprudence d'Eurostat. La Cour était dans son rôle lorsqu'elle identifiait la possibilité de voir apparaître dans les comptes une partie de cette recapitalisation. Sommes-nous aujourd'hui trop optimistes ou trop pessimistes en estimant la somme en question à 2,3 milliards d'euros ? Il fallait au moins prendre ce montant en considération, mais nous ne savons pas s'il sera plus élevé. En tout état de cause, si la recapitalisation intervient dans les délais prévus, elle aura un impact sur les comptes de l'année 2017.
Pour ce qui concerne la dépense, la Cour se contente de vous présenter des pistes qui ne constituent pas des propositions formelles. Il revient aux pouvoirs publics de prendre des décisions. Il peut y avoir concomitance entre les éléments relevés par la Cour et les propos tenus par le Premier ministre ; je n'ai pas de commentaires à faire ni d'appréciation à porter sur telle ou telle décision prise par le Gouvernement. Si un rapport de la Cour est pris en considération, dès lors qu'il fait une description objective d'une situation, nous avons la faiblesse de penser que cela peut aller dans le bon sens.
J'entends que la Cour des comptes aurait un prisme de lecture, un biais de type libéral. En fait, nous n'avons pas d'a priori. Nous constatons que le niveau de dépenses du pays est élevé et que les résultats enregistrés ne correspondent pas à ce niveau d'engagement financier. L'efficacité et l'efficience de l'action publique constituent un véritable sujet pour la France. Il faut comprendre que les crédits peuvent parfois augmenter sans que l'action publique ne devienne plus efficace et efficiente. Pour le moment, la majorité des décideurs publics est plutôt indifférente à ce vrai problème. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à vous intéresser davantage aux résultats des politiques publiques. Évidemment, l'autorisation de dépenses que vous accordez tous les ans est importante, mais n'est-elle pas d'autant plus pertinente que vous pouvez examiner les résultats de l'action publique menée l'année qui précède ? Nous vous invitons en quelque sorte à n'accorder des crédits qu'à partir du moment où vous disposerez d'une évaluation des résultats de l'action publique et où vous aurez pu débattre de ces données.
Peut-on se satisfaire des résultats médiocres que nous connaissons ? Citons l'exemple de la politique du logement et de celles du soutien à l'économie ou à l'emploi ! Nous faisons partie des pays qui dépensent le plus pour soutenir l'emploi alors que nous enregistrons un niveau de chômage parmi les plus élevés : cherchons l'erreur !
Il existe de nombreux effets d'aubaine que l'on retrouve en matière de dépenses fiscales. Beaucoup d'entre elles sont insuffisamment ciblées. La frontière entre l'optimisation et la fraude fiscales n'est pas toujours facile à tracer. Des rapports de la Cour et du Conseil des prélèvements obligatoires existent sur ces sujets.
Pourquoi nous semblait-il si difficile d'atteindre les 2,7 points de PIB inscrits en loi de finances initiale ? Depuis 2013, la réduction du déficit public oscille tous les ans entre 0,1 et 0,2 point de PIB alors qu'une réduction de 0,6 point était annoncée pour 2017. Nous nous sommes toujours interrogés sur la façon de franchir un tel fossé alors que des facteurs contribuaient déjà à l'augmentation de la dépense publique.
Les questions se posaient d'autant plus que nous avions affaire à des économies de constatation. Par exemple, grâce à la faiblesse des taux d'intérêt, la charge de la dette pouvait diminuer alors que cette dernière augmentait. Pour les finances publiques, le recul de l'investissement des collectivités territoriales a eu des conséquences positives, ce qui n'est pas nécessairement le qualificatif adéquat si l'on raisonne d'un autre point de vue – bien que tout investissement ne soit pas vertueux en lui-même. On peut encore citer la diminution du prélèvement sur recettes, qu'il s'agisse de celles rétrocédées aux collectivités locales ou à l'Union européenne. Autant d'économies de constatation qui risquent de ne pas être reconduites en 2018 et 2019. Réduire l'augmentation de la dépense sera donc plus difficile demain qu'aujourd'hui compte tenu de la disparition des facteurs que je viens de citer.
Monsieur le rapporteur général, la masse salariale a effectivement diminué en point de PIB dans la période récente, mais ce recul n'est plus de mise en 2016. Pour l'État, la masse salariale enregistre cette année-là une augmentation de 1,6 %, ce qui représente une hausse équivalente à celle des cinq dernières années. La même augmentation est prévue pour 2017 et une augmentation plus importante encore est à attendre en 2018 compte tenu de décisions prises antérieurement. Nous disons simplement que, compte tenu des dépenses de santé et des dépenses sociales, si vous voulez contenir l'évolution de la dépense, il faudra bien maîtriser certains autres postes et que celui des dépenses de personnel peut en faire partie.
Tout ne peut pas toujours être ramené aux effectifs. Ils peuvent très bien augmenter sans que l'efficacité s'accroisse. Les questions de fonctionnement, d'organisation, et de répartition des personnels et des moyens dans l'ensemble du territoire sont également essentielles. Des inégalités de situation ne s'expliquent pas toujours par des réalités objectives.
Oui, une baisse de la dépense publique peut avoir un effet récessif ; tous les économistes le disent. Tout dépend du niveau de cette baisse. Une trop grande augmentation de la dépense peut aussi avoir des effets négatifs sur la croissance.
Il faut également tenir compte du fait qu'un pays comme la France, dont les comptes publics restent dégradés, ne peut pas trop s'écarter de ce que font ses partenaires sans avoir éventuellement à le payer par l'augmentation de ses taux d'intérêt sur les marchés financiers.
L'optimisation fiscale agressive n'est pas un sujet franco-français mais un problème européen. Les réponses apportées doivent être européennes sans quoi elles risquent de ne pas être efficaces.
La régulation a toujours existé, mais encore faut-il ne pas se tromper sur l'intérêt de la réserve de précaution qui ne doit pas servir à combler des sous-budgétisations.
En raison du calendrier électoral, nous n'avons pas pu présenter à votre commission le rapport sur l'exécution du budget de l'État en 2016, qui a été rendu public à la fin du mois de mai. Il comporte tous les éléments repris dans le travail que nous vous soumettons aujourd'hui, qu'il s'agisse des sous-budgétisations ou des marges relatives à l'utilisation de la réserve de précaution.
Le rapport du mois de mai constate que la sous-budgétisation structurelle s'est poursuivie pour le ministère de la défense. Il souligne que les sous-budgétisations ont triplé pour les autres ministères entre 2013 et 2016. Cette montée en puissance atteint son sommet en 2017 avec de très fortes sous-budgétisations au ministère de l'agriculture.
En 2016, les dépassements estimés au printemps ont été finalement couverts par la réserve de précaution que nous nous sommes efforcés de prendre en compte. Nous sommes partis d'une réserve de précaution de 13 milliards d'euros, en avril 2016. On comptait 5,6 milliards de risques de dépassement de crédits mais il n'y a eu finalement de compensation réelle par des annulations qu'à hauteur de 2,5 milliards.
Les crédits consommés à la fin de l'année 2016 ont dépassé ceux inscrits dans la loi de finances initiale à hauteur de 1,6 milliard, et l'on a enregistré des reports de charges croissants d'un exercice à l'autre pour 900 millions d'euros. Les contournements de fin de gestion, à hauteur de 700 millions, sont des dispositions arrêtées pour respecter la norme de dépense. Ils ont transféré la dépense de l'État vers d'autres administrations publiques sans modifier les résultats en termes de comptabilité nationale. Si vous additionnez les trois chiffres précédents, vous obtenez 3,2 milliards qu'il faut soustraire aux 5,6 de risques de dépassement de crédits. Autrement dit, nous étions bien à 2,5 milliards d'annulations vraies et sincères. Nous avons en conséquence fait l'hypothèse que la réserve de précaution, de même niveau cette année que l'année précédente, se dénouerait avec 2 à 3 milliards d'euros d'annulations réelles et sincères sans reports de charges.
Souvenons-nous qu'en 2012 le risque d'écart à la trajectoire était compris entre 0,3 et 0,5, soit un risque voisin de celui constaté cette année ! Il tenait à la révision de la prévision de croissance économique entre l'hiver 2011 et le printemps 2012 – pour un tiers –, et à une nouvelle estimation à la baisse de la prévision de recettes de l'impôt sur les sociétés. En 2012, les estimations de risques en dépenses étaient beaucoup plus faibles que cette année, autour de 1,5 à 2 milliards. Cela nous avait conduits à estimer qu'un dispositif de fin de gestion sérieux et rigoureux et la mobilisation des réserves de précaution permettraient de faire face à un risque de dépassement de crédits à hauteur de 1,5 à 2 milliards.
Monsieur le Premier président, la question de l'effort structurel et de la croissance potentielle fait l'objet d'un débat technique entre la Commission européenne et les services français. Que conseilleriez-vous à notre nouvelle majorité désireuse de se faire aider par une expertise indépendante sur ce sujet, et de dégager une trajectoire pluriannuelle ? La différence entre le structurel et le conjoncturel doit être fiable et stable, elle ne peut constituer un outil de pilotage à court terme dont nous connaissons les dangers en termes de maîtrise des dépenses.
Le chapitre IV de l'audit de la Cour est consacré aux leviers d'action susceptibles d'améliorer l'efficience des dépenses publiques. Dans une partie intitulée « Améliorer l'efficacité du système de l'enseignement supérieur pour faire face à une pression démographique prévisible », la Cour indique que les communautés d'universités et établissements (COMUE) ont un coût extrêmement élevé. Elle évoque à leur sujet la « création de nouvelles structures coûteuses, qui dupliquent les services support déjà présents dans les établissements du site ». Nous avions tiré la sonnette d'alarme sur ce point dès l'examen de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi Fioraso ». Nous ne pouvons que constater aujourd'hui que nos inquiétudes sont devenues une réalité.
La Cour indique également qu'il serait pertinent que les modalités d'allocation des moyens aux universités soient notamment établies « sur la base d'un modèle prenant en compte l'activité et la performance ». À la suite de l'adoption de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités et des préconisations de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) de l'Assemblée, un modèle de ce type avait été retenu. Il a malheureusement été supprimé à partir de 2012. La Cour a-t-elle déjà travaillé à des éléments nouveaux qui permettraient d'évaluer la performance de notre système universitaire ?
Ce rapport sur le dernier budget du quinquennat Hollande aurait mérité beaucoup plus de mesure, sauf à vouloir préparer l'opinion publique à une cure d'austérité sans précédent. Le gouvernement avait prévu pour cette année un déficit à 2,8 % du PIB ; aujourd'hui, la Cour juge qu'il sera plutôt à 3,2 %. Est-ce si grave ?
La Cour des comptes tient un discours dogmatique très libéral. Elle adopte une approche purement comptable qui ne tient pas compte des effets dynamiques : contrairement au Fonds monétaire international (FMI) et à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle n'intègre jamais le coefficient multiplicateur. Pourtant, les dépenses publiques soutiennent massivement l'activité, y compris l'activité privée, on l'oublie trop souvent.
La règle des 3 % est une règle européenne. Au moment de la crise de 2008, les États-Unis ont poussé leur déficit jusqu'à 13 points de PIB, le Royaume-Uni jusqu'à 11 points. En clair, le déficit n'est pas forcément une mauvaise chose. Je ne dis pas qu'il ne doit pas être piloté, ce serait une erreur majeure. Je crains seulement que ce rapport ne soit utilisé pour passer un coup de rabot généralisé sur toute la dépense publique et pour pratiquer des coupes à l'aveugle.
Prenons l'exemple des collectivités locales. La Cour des comptes n'a eu de cesse depuis dix ans de demander à juste titre une baisse des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales qui augmentaient en moyenne de 2 à 3 % par an. Or, les dépenses de fonctionnement des collectivités ont baissé pour la première fois en 2016, ce qui montrait que ces dernières avaient consenti des efforts sans précédent. La Cour écrit même à la page 170 de son rapport : « En 2016, les collectivités territoriales ont contribué pour moitié à la réduction du déficit public. » Néanmoins il subsiste encore, selon elle, des marges budgétaires importantes. Mais quelles sont les collectivités qui disposent de ces marges, et à quelle hauteur les estimez-vous ? Pour ma part j'ignore où elles peuvent se trouver.
Monsieur le Premier président, je suis d'accord avec vous sur plusieurs points. Vous considérez que la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a atteint ses limites, c'est vrai ; que l'abandon de la réforme de la DGF est une erreur, c'est vrai ; qu'assurer l'efficience des politiques publiques passe par une plus grande cohérence entre ceux qui décident des politiques et ceux qui en assurent le financement, c'est encore vrai. Puissiez-vous être entendu sur ce point !
J'en viens à la réserve de précaution. Tous les ans, une partie des crédits votés fait l'objet d'un gel : tous les ministères sont concernés en fonction de la nature de leurs dépenses, mais les crédits relatifs à la masse salariale sont exemptés. Ces montants ne peuvent être dépensés par les ministères sans autorisation de Bercy. Cette procédure est habituelle et bien connue du Parlement. Au fil des mois, les crédits gelés peuvent être dégelés en cas de besoin, voire annulés. Le problème vient des gels effectués pour financer des dépenses structurelles comme les opérations extérieures ou l'aide médicale de l'État.
Fallait-il parler d'insincérité ? Je ne le pense pas, et je crains que de telles déclarations ne soient pas propices au travail serein et nécessaire qui consisterait par exemple à examiner les plus de 80 milliards d'euros de niches fiscales car, vous avez raison monsieur le Premier président, les effets d'aubaine existent bien.
Monsieur le Premier président, en vous entendant évoquer l'insincérité des comptes, je me suis demandé comment nous allions pouvoir rétablir la confiance dans les données communiquées au public. Des expérimentations en ce sens sont en cours – certaines collectivités souhaitent par exemple faire certifier leurs comptes par des commissaires aux comptes – savez-vous où elles en sont ?
Parmi les préconisations formulées par la Cour, l'on retrouve la sempiternelle suppression des sur-rémunérations des fonctionnaires en outre-mer. Ce dispositif instauré par la loi du 3 avril 1950 devait répondre à des nécessités propres à des territoires dont l'éloignement et les handicaps structurels méritaient une attention particulière de la part des services de l'État. Environ 1 milliard d'euros par an contribuent à ce dispositif tant décrié depuis des années et dont la suppression est souvent présentée comme un vecteur d'économies.
Monsieur le Premier président, permettez-moi de mettre à nouveau en doute ce qui s'apparente à une fausse bonne idée car elle est technocratique et découle d'une grave erreur d'analyse politique et économique. Il a en effet été maintes fois démontré que ce système sert de levier de compensation à certains handicaps qui pénalisent nos capacités de développement économique. En outre, présenter cette sur-rémunération comme un privilège dont bénéficieraient les quelque 160 000 fonctionnaires en outre-mer relève d'une mauvaise approximation dès lors que l'on sait que ces territoires ne sont que des comptoirs par lesquels transitent des masses financières qui permettent aux populations concernées d'accéder à des produits exogènes dont le commerce profite essentiellement aux entreprises et aux industries de l'Hexagone.
Alors que le Président de la République et le Premier ministre réclament le rétablissement de la confiance, je considère que la suppression de cette sur-rémunération serait un très mauvais signal à l'adresse de nos populations. Je redoute qu'une telle solution soit pire que le mal au moment où les outre-mer attendent les plans de convergence qui doivent aboutir à la réduction des écarts de développement avec la France hexagonale. Je ne plaide évidemment pas en faveur du statu quo ; je prétends seulement que toute tentative de refondation du dispositif doit s'accompagner d'un dialogue constructif et ne pas découler de préconisations dont le caractère péremptoire ne pourrait que susciter des réactions sociales que personne ne souhaite à ce jour. Les manifestations populaires qui ont secoué la Guyane en mars et avril derniers nous rappellent cette réalité.
Monsieur le Premier président, j'espère que vous entendrez ces appels qui émanent du peuple dont je ne suis que le porte-parole.
La Cour des comptes est absolument légitime lorsqu'elle utilise le mot « insincérité » parce que certaines réalités ne sont pas regardées en face – je pense à la recapitalisation d'Areva ou aux contentieux agricoles européens. Je comprends moins l'appréciation portée sur les aléas qui surviennent lors de chaque exercice budgétaire et qui conduisent, année après année, à des réajustements visant à atteindre les objectifs initiaux de déficit.
J'ai vérifié : en février 2016, on enregistrait déjà plusieurs milliards de dépassements. Ceux qui s'insurgent aujourd'hui ne sont d'ailleurs pas les derniers à se vanter sur le terrain des augmentations de budget dont bénéficient par exemple la défense ou l'agriculture. Il est vrai que les années électorales sont malheureusement propices à des dérapages en la matière – vous l'aviez constaté pour 2012. Il faut prendre en compte cette réalité humaine et politique.
Le changement de législature constitue pour la Cour une « fenêtre de tir » qui peut lui permettre de tenir un discours encore plus ferme qu'à l'habitude sur ce qu'elle constate tous les ans. Elle peut exprimer son scepticisme plus intensément et dire plus vigoureusement son insatisfaction devant l'incapacité de notre pays à s'inscrire dans des trajectoires fortes.
Pouvez-vous par ailleurs m'indiquer, monsieur le Premier président, si les recettes de la contribution climat-énergie ont été prises en compte pour évaluer les trajectoires pluriannuelles ?
Lors des trois lectures par l'Assemblée du projet de loi de finances initiale pour 2017, le groupe Les Républicains n'a eu de cesse de dénoncer le risque de dérapage du déficit. La réalité nous donne aujourd'hui raison ; la nouvelle majorité devra trouver des solutions.
Nous avons identifié trois risques s'agissant de la dette. Le premier est relatif au rachat des primes d'émission : nous avons désormais atteint les limites de cette technique largement utilisée par la précédente majorité. Le deuxième risque tient à la perspective malheureuse d'une hausse des taux d'intérêt, qui aurait évidemment un impact sur le maintien du déficit en deçà des 3 % de PIB. Le troisième risque est que la dette est proche de basculer au-delà des 100 % du PIB. Il appartiendra à la nouvelle majorité de naviguer entre ces écueils.
Monsieur le Premier président, vous indiquez que le déficit dépassera en 2017 les 3 % du PIB si aucune mesure forte de redressement n'est prise. Le gel de la dépense hors inflation annoncé par le Premier ministre sera-t-il suffisant pour inverser la tendance ou faut-il aller au-delà ?
Nos échanges montrent à l'évidence qu'il y a besoin d'un projet de loi de finances rectificative très rapidement. Je ne comprendrai pas que la majorité actuelle et le Gouvernement s'entêtent à refuser que nous votions un collectif budgétaire dans le contexte que nous venons de décrire.
Je ne suis ni un ancien de la Cour des comptes ni même un ancien de cette commission, alors je vais dire les choses avec des mots simples, comme je les comprends.
Il y a consensus sur le fait que les questions que nous nous posons concernent essentiellement les dépenses. L'objectif consiste à trouver les moyens qu'elles diminuent et que cela se fasse rapidement, dès 2017.
Aussi, autant un projet de loi de finances rectificative serait utile s'il était question d'engager des dépenses nouvelles ou de percevoir des recettes nouvelles, autant les décrets d'avance ou d'annulation ont deux vertus : ils évitent toute tentation de dépenses nouvelles, et ils permettent d'agir rapidement alors que l'ordre du jour de notre assemblée est déjà chargé.
Comme la Cour des comptes et de nombreux collègues, j'estime que le sérieux budgétaire est un impératif. Il est nécessaire de respecter nos engagements européens, et de baisser la dépense publique.
Je souhaite revenir – cela ne vous étonnera pas – sur les appréciations que porte la Cour sur la politique du logement qu'elle estime coûteuse et parfois inefficace. Monsieur le Premier président, plusieurs affirmations du rapport me semblent contradictoires avec l'objet même des dispositifs dont il est question. Les mesures relatives à l'investissement locatif ou le prêt à taux zéro pour l'accession à la propriété ont été calibrées en prenant en compte les tensions des marchés, la diversité des territoires, et les revenus des ménages afin de créer un effet de relance que la Cour méconnaît. L'investissement privé et public est ainsi reparti à la hausse, l'augmentation du nombre des permis de construire délivrés et des mises en chantier le montre. Pourtant, les recettes induites par la politique du logement ne figurent pas dans votre rapport.
S'agissant des aides au logement sur lesquelles vous revenez souvent, un certain nombre de réformes ont été engagées. Vous les jugez sans doute insuffisantes, mais souvenons-nous que 80 % des allocataires de l'aide personnalisée au logement (APL) gagnent moins que le SMIC et que le revenu mensuel de ceux qui perçoivent ces aides est en moyenne de 700 euros. Elles sont donc indispensables pour que les ménages aient accès au logement.
Alors que nous avons veillé à cibler et à calibrer les dispositifs, sur quels fondements vous appuyez-vous lorsque vous considérez que la politique menée serait inflationniste ou favoriserait des effets d'aubaine ?
L'excellent rapport de la Cour des comptes montre que l'État et l'ancien gouvernement ont été des mauvais élèves : ils ont laissé filer les déficits, surestimé les recettes, sous-estimé les dépenses, présenté des éléments de budget volontairement insincères.
Alors que le niveau des taux d'intérêt est resté très bas, que se passera-t-il s'il devait remonter ? Quand seront prises des mesures qui nous éviteront de retrouver demain un budget insincère et fortement déficitaire ? En l'état actuel des choses, nous allons droit dans le mur !
Mais on compte aussi de bons élèves. Malgré le recul des dotations de l'État, les collectivités locales ont réduit leurs dépenses – ce qui a eu pour conséquence de faire chuter l'investissement dans l'économie locale. J'espère que l'on n'applique pas le principe des vases communicants entre les collectivités locales, dont les budgets sont équilibrés, et l'État, qui est fortement déficitaire. Monsieur le Premier président, comment voyez-vous l'évolution des finances publiques locales ?
Je participe pour la première fois à une séance de commission, mais je suis un peu surpris que, dans notre pays, il soit possible de voter un budget comportant « manifestement », selon vos propres termes, monsieur le Premier président, « des biais de construction ». J'ai travaillé quelques années au sein d'une collectivité territoriale : je pense qu'elle serait aujourd'hui sous tutelle si de telles pratiques avaient eu cours. Cette question dépasse celle de nos appartenances politiques car la réputation même de notre pays est en jeu. Je ne souhaite pas que nous puissions être comparés à la Grèce... Rendre ce type de situation et de vote impossibles à l'avenir doit constituer pour nous une priorité !
Je ne suis pas de ceux qui sont prêts à casser le thermomètre parce qu'il n'indique pas la température qui leur convient. Je connais trop le rôle important que joue la Cour des comptes au niveau local comme national. Cependant, afin de donner davantage de poids à votre travail, il me semblerait nécessaire de dissocier votre avis sur les comptes de vos conseils et préconisations. On pourrait aussi aller plus loin et, dans un délai d'un an, demander au gouvernement pourquoi il n'a pas suivi ces derniers.
Je ne rejoindrai ni les collègues qui voudraient intenter un procès au thermomètre parce qu'il y a la canicule, ni ceux qui considèrent qu'il faudrait être incompétent en finances publiques pour siéger au sein de cette commission...
S'agissant d'Areva, la comptabilité nationale applique une règle selon laquelle lorsque l'État participe à une recapitalisation au côté d'investisseurs privés, sa participation n'entre pas dans le calcul du déficit public. Après NewCo et Areva, il faudra compter avec EDF à hauteur de 3 milliards d'euros, et sans doute écrire ensuite d'autres paragraphes de la longue histoire de la recapitalisation du secteur énergétique. Il en coûtera autant de milliards d'euros que ce que la réduction des effectifs de la fonction publique permettrait d'économiser ! Que pensez-vous de cette règle ? Devons-nous la faire évoluer ? Courrons-nous le risque que les instances européennes ne fassent pas le même calcul que nous, ce qui signifierait que notre déficit serait plus élevé que prévu ?
La baisse des taux d'intérêt nous a fait gagner 11,6 milliards d'euros en quatre ans, soit 3 milliards par an, autrement dit l'équivalent de ce que produirait en économies le gel d'échelon dans la fonction publique. Quelles mesures pouvons-nous prendre pour sécuriser la situation et éviter qu'une mauvaise surprise en matière de taux d'intérêt ne vienne annihiler tous les efforts consentis par un gouvernement ?
J'en viens à la retenue à la source de l'impôt sur le revenu. Actuellement la prévision des recettes fiscales prend principalement en compte l'impôt sur les sociétés, la TVA et l'impôt sur le revenu. La recette de TVA est corrélée à l'activité annuelle, le produit de l'impôt sur les sociétés l'est également, dans une large mesure, depuis la réforme du cinquième acompte. Cela sera aussi le cas de celle de la recette de l'impôt sur le revenu une fois ce dernier prélevé à la source, alors qu'elle est aujourd'hui calculée sur la base de l'année n-1. Ne risquons-nous pas d'accroître la volatilité des recettes fiscales en mettant tous nos oeufs dans un même panier ? Dès lors que les trois impôts majeurs seront tous liés à l'activité de l'année en cours, que se passera-t-il en cas de retournement de cycle ? Les écarts de plusieurs dizaines de milliards d'euros qui pourraient advenir rendraient vains tous les efforts qui auraient pu être faits du côté de la dépense. Ne devrions-nous pas réfléchir à un système de stabilisation ? Une réserve, une sorte de fonds de stabilisation des recettes fiscales, pourrait être constituée dans les années fastes en prévision des années de vaches maigres. La Cour des comptes a-t-elle réfléchi à ces conséquences que pourrait avoir la réforme de la fiscalité ?
Dans le chapitre qu'elle consacre à « l'amélioration de l'efficience de la dépense publique », la Cour traite de la nécessité d'assurer un meilleur contrôle de la masse salariale et indique qu'il faut supprimer les avantages salariaux non justifiés parmi lesquels elle range « les majorations et indemnités outre-mer » pour 2,2 milliards d'euros. J'ai cherché des précisions à ce sujet, mais l'on ne trouve pas grand-chose dans le rapport, la Cour se contentant de renvoyer au volume 2 du tome I de son rapport public annuel de 2015, consacré aux compléments de rémunération des fonctionnaires d'État outre-mer.
Dans ce document, la Cour déplore le manque d'informations sur les sur-rémunérations et constate également que les conséquences de ce dispositif sur les économies locales sont peu documentées, la dernière étude à laquelle la Cour fait référence remontant à 2000 ! Elle conclut en affirmant qu'il « serait utile qu'une étude exhaustive sur les conséquences économiques des sur-rémunérations soit réalisée ».
Dès lors que vous reconnaissez manquer d'informations, sur quelles bases pouvez-vous considérer les majorations et indemnités outre-mer comme des « avantages salariaux non justifiés » ? En 2015, vous constatiez pourtant que l'écart de prix avec la métropole était de 49 % en Guyane, 51 % en Polynésie et 89 % en Nouvelle-Calédonie et vous affirmiez que l'idée n'était pas de faire des économies sur le dos des outre-mer, mais de mieux utiliser l'argent des sur-rémunérations en direction de l'outre-mer. Êtes-vous toujours dans cette logique ?
Il y a quelques années, Jean Arthuis disait des territoires ultramarins : « On ne peut dire qu'y vivre constitue une souffrance. » Cela peut sembler juste si l'on s'y rend de façon ponctuelle et que l'on ne regarde pas la réalité des outre-mer mais, moi qui vis sur place, je sais que le chômage atteint 30 % – 60 % chez les jeunes –, que l'insécurité est trois fois plus élevée que dans les territoires les plus violents de l'Hexagone, que l'illettrisme est important... Je juge donc brutal de parler d'« avantages salariaux non justifiés » d'autant que, selon le propre aveu la Cour, cette affirmation n'est étayée par aucun élément suffisamment probant et récent.
Monsieur le Premier président, je vous remercie, tout particulièrement pour vos réflexions sur la loi de règlement, qui nous seront utiles pour améliorer nos pratiques budgétaires. En effet, discuter, comme nous le faisons depuis des années, des intentions du Gouvernement et non de la réalité finit par produire des effets néfastes. Les mauvaises pratiques budgétaires des gouvernements successifs, de gauche et de droite, sont bien liées à ces discussions non pas concrètes mais théoriques, qui ne prennent pas en compte la réalité de la dépense publique. Nous assistons à un début de prise de conscience au sein de notre assemblée, c'est bien, mais nous aurions dû déjà nous en préoccuper il y a une dizaine d'années, et je crains qu'il ne s'écoule encore du temps avant que nous ne passions à l'action. Accélérons donc !
Le Président de la République a appelé à de nouvelles pratiques parlementaires : avec cette question de la loi de règlement, nous sommes au coeur du sujet. Si les bonnes pratiques ne sont pas adoptées tout de suite, la probabilité est élevée qu'elles ne soient remises à bien plus tard. J'observe que le projet de loi de règlement sera examiné dans dix jours, dans une impréparation totale. Ce sera donc, comme toujours depuis des dizaines d'années, avec la plus grande négligence ; nous sommes en train de rater le coche. J'aurais aimé que cet examen soit reporté au mois de septembre – ou plus tard – pour que les rapporteurs spéciaux, qui ne sont pas encore nommés, aient le temps d'y travailler, mais je ne pense pas que nous y parviendrons. Je voudrais du moins que nous prenions l'engagement de faire, l'an prochain, un véritable travail sur cette loi de règlement.
Se pose ensuite une question de calendrier et d'organisation de nos travaux. Jusqu'à présent, la loi de règlement est en général examinée au mois de juin, à la va-vite, car de nombreux textes se bousculent et le Gouvernement veut avancer sur d'autres sujets, et la discussion ne peut pas être féconde. Deux possibilités sont donc envisageables. Première possibilité, la discussion de la loi de règlement serait repoussée au mois de septembre ou d'octobre. Au cours d'une séquence budgétaire très longue, elle serait suivie par l'examen du projet de loi de finances initiale pour l'année suivante, la confrontation des deux textes permettant une discussion intéressante. Seconde possibilité, le projet de loi de règlement serait examiné plus tôt dans l'année, mais cela supposerait, monsieur le Premier président, que la Cour des comptes travaille un peu plus rapidement sur le sujet pour que nous puissions disposer plus tôt qu'avant la fin du printemps des documents qui nous permettent de faire notre travail sur la loi de règlement.
Merci beaucoup, cher collègue, d'aborder cette question, qui a été évoquée hier lors de la réunion du bureau de la commission des finances : comment améliorer l'examen du projet de loi de règlement, dans le cadre d'un calendrier plus constructif ?
Monsieur le Premier président, je voudrais votre avis sur la contribution des entreprises publiques au solde public. N'y a-t-il pas lieu de s'alarmer des performances dégradées de certaines, dont la rentabilité économique ou financière est très médiocre, du moins au regard d'autres entreprises, privées ? Tout à l'heure, vous appeliez de vos voeux une plus grande responsabilisation des responsables d'administrations publiques, n'y a-t-il pas lieu d'appeler également à une plus grande responsabilisation des dirigeants d'entreprises publiques, au regard des performances de leurs entreprises ?
Je voudrais revenir sur le cas de la SNCF. C'est aujourd'hui une entreprise publique, mais SNCF Réseau risque de devenir une administration publique. En effet, si ses recettes correspondant à des ventes excèdent aujourd'hui de plus de 50 % ses coûts, il est probable que cela ne durera pas. Dès lors, en comptabilité nationale, cette entreprise sera considérée comme une administration publique, ce qui aura pour conséquence de creuser le déficit public et d'alourdir la dette publique. Je voudrais votre avis sur ce mode de comptabilisation.
Je reviens sur la recapitalisation d'Areva. On considère qu'il s'agit d'une recapitalisation patrimoniale à partir du moment où l'apport en capital représente des actifs de même valeur, ce qui semble être le cas puisqu'effectivement des investisseurs japonais sont intéressés et veulent participer au capital d'Areva NewCo. Mais ce point de vue sera-t-il retenu par les autorités européennes ? Si ce n'est pas le cas, il est clair que le solde de nos comptes publics s'en trouvera encore dégradé.
Telle que calculée aujourd'hui par les pouvoirs publics, la croissance potentielle, évoquée par Mme de Montchalin, est vraisemblablement surestimée. En France, nous évaluons l'écart de production à 3,1 points de PIB, tandis que la Commission européenne retient 1,3 point, soit une différence de près de 2 points. Ce n'est pas sans conséquence : en résulte une très sensible sous-estimation du déficit structurel, et de l'effort structurel nécessaire. Ce sujet compliqué relève plus du Haut Conseil des finances publiques que de la Cour des comptes, et chaque économiste donne une estimation différente de la croissance potentielle, mais si nous voulons parler de la même chose, il me semble qu'il faut essayer de se rapprocher des estimations de la Commission européenne, du FMI, de l'OCDE et d'autres organismes internationaux. Je sais que la Commission européenne s'interroge et nous-mêmes avons formulé un certain nombre de propositions qui prennent en compte d'autres indicateurs, pour pouvoir apprécier l'ampleur de l'effort structurel nécessaire. Il est important, notamment quand la conjoncture s'améliore, de ne pas sous-estimer le déficit structurel. La discussion d'une nouvelle loi de programmation des finances publiques que doit proposer le Gouvernement à l'automne sera l'occasion d'en reparler, puisque le Haut Conseil des finances publiques aura l'occasion de formuler un avis à ce propos. En tout cas, l'écart nous paraît trop important entre l'estimation du Gouvernement et celle de certains organismes internationaux. Dans un souci de crédibilité, il faut le réduire.
M. Patrick Hetzel m'a interrogé sur l'enseignement supérieur, à propos duquel la Cour a déjà mené un certain nombre de travaux. Elle a notamment porté quelques appréciations sur la loi relative à l'autonomie des universités – renommée loi relative aux libertés et responsabilités des universités – que nous avons plutôt appréciée favorablement, tout en disant qu'il fallait vraisemblablement aller au-delà pour mettre à profit l'ensemble de ses dispositions. Nous sommes actuellement en train de travailler sur le sujet du regroupement des universités, qui vous préoccupe, monsieur Hetzel. Nous devrions pouvoir présenter ce travail au début de l'année prochaine. Je pourrai alors répondre plus précisément à votre question.
L'intervention de Mme Pires Beaune comporte plusieurs volets. Vous vous interrogez, madame la députée, sur la réalité que nous décrivons, puis sur le degré de gravité de cette réalité. Répétons-le : nous faisons une description objective de la réalité. La question de savoir s'il fallait plus ou moins de mesure ne se pose pas, selon nous. Nous estimons avoir fait un travail objectif, tout à fait en ligne avec les documents que nous avons pu obtenir lors de nos échanges contradictoires avec les administrations. D'ailleurs, tout le monde parvient à peu près aux mêmes chiffres, et à un déficit public de 3,1 ou 3,2 points de PIB. Il ne me paraît pas forcément pertinent de contester cette réalité, d'autant que la Commission européenne n'a jamais retenu le chiffre de 2,7 points de PIB. La Banque de France elle-même s'est exprimée, et s'attendait à un déficit à plus de 3 % du PIB, tandis que le Conseil constitutionnel n'a, pour sa part, jamais fait référence au chiffre de 2,7 % du PIB ; nous voyons bien qu'il lui posait une difficulté. Je ne sais pas ce que vous appelez une approche comptable, mais nous donnons la photographie la plus exacte possible de nos comptes au jour de la présentation de cet audit.
Quant aux coefficients multiplicateurs, nous les avons toujours pris en compte. Certes, la réalité économique relève plutôt du Haut Conseil des finances publiques, mais la Cour des comptes ne l'ignore pas pour autant. Et si le lien était si évident entre la croissance et la dépense publique, la France – je crois avoir déjà eu l'occasion de le dire devant cette commission – serait championne du monde de la croissance, son niveau de dépenses publiques étant des plus élevés. Le lien entre dépenses publiques et croissance n'est donc pas automatique. S'il suffisait d'augmenter la dépense publique pour alimenter la croissance... Toute l'analyse des années passées montre que cela ne correspond pas à une réalité économique. Nous le disons donc.
Nous ne sommes cependant pas favorables aux coupes à l'aveugle, et nous avons formulé un certain nombre d'observations critiques sur l'idée d'un rabot systématique. On peut comprendre que des mesures de ce type soient prises une année donnée, mais un rabot systématique, reconduit d'année en année, effectivement, c'est le contraire d'un arbitrage et cela peut avoir des effets pervers. Nous avons pu, dans un certain nombre de rapports, montrer de tels effets, qui concernaient un certain nombre de services régaliens de l'État. Il faut des mesures différenciées selon les priorités des pouvoirs publics et selon la taille des ministères, des opérateurs, etc. Des mesures structurelles et un certain nombre de réformes nous paraissent effectivement préférables aux coupes à l'aveugle.
Nous pensons que des marges demeurent au niveau des collectivités territoriales, à propos desquelles Mme Pires Beaune n'est pas la seule à m'avoir interrogé ; M. Saïd Ahamada l'a également fait. Nous aurons l'occasion, mesdames et messieurs les députés, de vous remettre au mois d'octobre un rapport sur les finances locales et de refaire le point, mais les situations sont très variées, selon les catégories de collectivités territoriales et au sein même desdites catégories. Nous reconnaissons tout à fait cette réalité objective, mais il y a sûrement encore des marges, notamment en matière de dépenses de fonctionnement. Les remontées des chambres régionales nous donnent un certain nombre d'exemples de collectivités territoriales qui maîtrisent mieux leurs dépenses de personnel et leurs dépenses de fonctionnement.
Quant à la réserve de précaution et à la sincérité, je crois que nous avons apporté un certain nombre de réponses. Il y a effectivement des gels et des surgels, mais, à un moment donné, ces surgels peuvent, je l'ai dit, devenir fictifs, ne pas correspondre à une réalité. Il y a des crédits engagés et des dépenses qui doivent être honorées, sans pouvoir être reportées. Sinon, ce sont aussi des éléments d'insincérité que nous pouvons constater. Et, oui, je le confirme, il y a des insincérités dans la présentation de nos comptes. Les exemples sont multiples, nous les avons détaillés : Areva ou encore l'UNEDIC – l'économie envisagée au moment de la loi de finances initiale était improbable.
M. Mohamed Laqhila m'a interrogé sur la certification des comptes des collectivités territoriales. L'expérimentation est en cours. Le Parlement a prévu qu'elle soit relativement longue, ce qui est utile. Il faut effectivement que l'on puisse travailler sur les conditions de la certification et préparer les collectivités territoriales candidates retenues pour que cette certification puisse se réaliser. Nous dirons un mot de la fiabilisation des comptes dans le rapport que je vous ai annoncé sur les collectivités territoriales et nous ferons le point sur cette expérimentation dans le cadre des rapports d'étape prévus. Prennent part à l'expérimentation des collectivités de tailles différentes, de toutes petites collectivités et de grandes collectivités. Nous devrons aussi vous dire si, pour notre part, nous trouvons pertinent que les comptes de toutes les collectivités territoriales soient certifiés. Je ne le pense pas, mais ne préjugeons pas des conclusions de cette expérimentation, dont il vous appartiendra de toute façon de tirer les conséquences.
MM. Gabriel Serville et Olivier Serva m'ont interrogé sur la sur-rémunération des fonctionnaires en poste outre-mer. Le coût de ces majorations, qui reposent sur des fondements relativement anciens, était, en 2015, de 1,4 milliard d'euros, et nous estimons que certaines différences entre départements, territoires et collectivités d'outre-mer ne s'expliquent pas et ne correspondent plus à des écarts de coût de la vie par rapport à la Métropole. Nous avons invité à une transformation de ce dispositif en un dispositif à trois étages : une majoration de traitement qui corresponde au surcoût réel, ce qui implique vraisemblablement une révision des barèmes ; une prime unique nouvelle, couvrant les frais d'installation outre-mer ; une fusion des indemnités de sujétion et d'éloignement, qui seraient réservées aux affectations les moins attractives. L'idée, je le répète, est non pas de faire des économies sur l'outre-mer mais d'utiliser avec plus d'efficacité et plus de justice ce montant en direction de l'outre-mer. La Cour des comptes ne veut pas reprendre des crédits à l'outre-mer, mais elle constate des injustices en ce qui concerne ces sur-rémunérations. Vous connaissez ces réalités. Je sais qu'il n'est pas facile de prendre des dispositions en cette matière, sur laquelle les élus d'outre-mer sont très mobilisés, mais c'est peut-être une question de justice.
Je ne reviens pas, monsieur Alauzet, sur les biais de construction et sur les éléments d'insincérité, que nous distinguons bien des aléas, toujours possibles. Effectivement, il faut pouvoir anticiper ; c'est normalement l'intérêt d'une réserve de précaution. Il n'appartient pas à la Cour de dire si les annulations de crédits doivent intervenir sous la forme d'un décret d'avance ou sous celle d'une loi de finances rectificative : au Gouvernement et au Parlement d'en décider. En revanche, nous avons pu constater, notamment l'an dernier, que des crédits annulés par décrets un jour pouvaient être rouverts le lendemain par une loi de finances et gelés la semaine suivante... Voilà qui offre une illustration des biais de construction et des insincérités.
Par ailleurs, oui, nous avons bien pris en compte la recette en 2018 de la contribution énergie-climat dans notre analyse.
Mme Dalloz a posé des questions sur la dette. Le graphique que vous trouverez en page 92 du rapport d'audit présente une simulation des conséquences d'une hausse de 100 points de base des taux d'intérêt – question également abordée par M. Julien Aubert. Cela représente 0,2 point de PIB à partir de 2018, puis 0,3 point à partir de 2019. L'impact total d'une augmentation des taux d'intérêt ne pourra cependant être constaté que lorsque la totalité du stock de la dette sera renouvelé ; les effets seront progressifs.
Projet de loi de finances rectificative ou décret d'avance ? Je reconnais mon incompétence en la matière. Je ferai donc la même réponse que je ferai à M. Stanislas Guerini. Il ne nous appartient pas de décider ; la LOLF prévoit les deux possibilités.
Nous ne sommes pas en désaccord avec ce qu'a dit Mme Pinel. Nous constatons globalement que toutes les dépenses, dans le domaine du logement, ne sont pas aussi efficaces ni aussi efficientes. Nous notons aussi qu'un certain nombre de dispositions ont été prises pour améliorer le ciblage – vous avez fait adopter des textes en ce sens, madame. Nous pouvons cependant constater que quelques dépenses fiscales – taux de TVA réduits pour les travaux, selon qu'ils améliorent la performance énergétique ou non – peuvent entraîner des effets d'aubaine, démontrés par des rapports d'évaluation au niveau national ou des travaux de la Commission européenne au niveau européen.
Notre rapport évoque l'aide personnalisée au logement pour les étudiants. La réforme n'a concerné que les personnes assujetties à l'impôt de solidarité sur la fortune.
Bien sûr, tous les dispositifs ne sont pas mauvais, loin de là, mais certains peuvent mériter d'être revisités. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut bien évidemment cibler davantage, notamment sur les zones où le besoin est réel.
J'ai répondu à la question de M. Jean-Pierre Vigier sur les taux d'intérêt. Nous faisons bien la distinction entre le déficit de l'État et le besoin de financement des collectivités territoriales, lesquelles ne peuvent emprunter que pour investir. Ce besoin de financement n'en est pas moins pris en considération dans le cadre des administrations publiques.
M. Saïd Ahamada est revenu sur les questions de sincérité. Il y va effectivement de la crédibilité d'un pays et de sa capacité à respecter les engagements pris ; tout responsable public y est évidemment sensible. Nous faisons bien la différence entre les constats, les observations que nous faisons et les quelques préconisations que nous pouvons faire en termes de leviers d'action. Nous faisons un suivi de nos recommandations, y compris celles qui concernent l'État. D'ailleurs, c'est le président Paul, rapporteur général à la Cour des comptes, ici présent, qui examine, à partir d'indicateurs, les suites données à nos recommandations. Les administrations de l'État – pas seulement les collectivités territoriales – sont elles-mêmes tenues de nous informer des suites données à nos recommandations. Nous en faisons notamment état dans le second tome du rapport annuel que nous rendons au mois de février.
Je pense avoir répondu aux questions de M. Julien Aubert sur les taux d'intérêt. Quant à Areva, aucun élément ne nous permet de penser que d'autres entreprises pourraient être concernées par des recapitalisations susceptibles d'avoir des conséquences en termes de comptabilité maastrichtienne – mais nous n'avons pas forcément toutes les informations.
Nous n'avons pas travaillé sur le prélèvement à la source. Bien évidemment, la prévisibilité sera d'autant moins grande que la recette sera plus contemporaine. Si Bercy se trompe rarement dans la prévision de recettes au titre de l'impôt sur le revenu, c'est parce que l'impôt est perçu sur les revenus de l'année précédente. S'il est prélevé sur les revenus de l'année en cours, des aléas de conjoncture pourront avoir des conséquences sur la recette, dont la prévision pourra être un peu plus fragile.
Je suis sensible aux propos tenus par M. François Cornut-Gentille sur l'intérêt d'une loi de résultat. La question de son inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale relève de la Conférence des présidents, mais pourrions-nous terminer nos travaux sur le budget de l'État avant le 31 mai ? Il faudrait que nous examinions la question avec Bercy. Si vous voulez que cet exercice soit le plus utile possible, il faut – c'est la difficulté – que tous les rapports annuels de performances aient effectivement pu être présentés. Il faut voir cela.
Bien évidemment, le nombre et la qualité des indicateurs comptent. Nous le voyons dans tous les pays qui ont adopté cette démarche de performance : les indicateurs suscitent des interrogations. Il faut qu'ils soient non pas purement quantitatifs mais aussi qualitatifs. Il faut aussi qu'ils aient quelque pérennité pour que les parlementaires que vous êtes puissent apprécier dans le temps la réalité de la performance.
Peut-être le président Briet peut-il répondre à M. Daniel Labaronne à propos des entreprises publiques.
Je rappelle simplement que la Cour a produit au début de l'année un rapport sur l'État actionnaire, qui vous présente le dernier état un peu construit et élaboré de nos analyses sur la question. Nous nous contentons, dans ce rapport, d'alerter sur deux points.
Premièrement, nous estimons qu'à l'horizon 2018-2020, les dividendes des entreprises publiques – qui font partie des recettes du point de vue du budget de l'État – devraient rester à un niveau historiquement bas. Nous en avons eu la confirmation en auditionnant le commissaire aux participations de l'État. La raison en est simple : ce sont les entreprises les plus rentables qui ont été cédées récemment. Demeurent plutôt, dans le portefeuille d'actifs de l'État, des entreprises historiques comme EDF ou la SNCF, dont on ne peut attendre des dividendes très substantiels.
Second point, la situation de la SNCF est préoccupante et on ne peut exclure le risque d'un reclassement de SNCF Réseau en administration publique au sens maastrichtien. Le cas échéant, le déficit des administrations publiques s'en trouverait creusé de 0,1 point de PIB et la dette publique alourdie de 2 points de PIB.
Vous avez évoqué, mesdames et messieurs les députés, un dernier sujet : la prise en compte de la compensation par l'État de certaines exonérations – pertes de recettes pour la sécurité sociale – ou des dépenses de sécurité. De toute façon, ce sont des dépenses. Il faut donc bien les prendre compte à un moment donné, et les financer. Nous les avons ainsi intégrées, nous l'avons dit, de façon tout à fait objective, dans l'exécution du budget de l'État. Celui-ci réduit très peu son déficit mais, effectivement, il compense un certain nombre de mesures.
Quant aux dépenses de sécurité et de défense, il faut bien les prendre en compte en tant que dépenses, mais il peut y avoir une négociation avec Bruxelles, qui peut faire preuve d'un peu de souplesse. Cela fait partie des négociations possibles entre autorités politiques. Pour notre part, nous sommes une juridiction, avec qui la négociation n'est pas possible : nous sommes obligés de décrire la réalité.
Je retiens qu'en ce qui concerne les dépenses il convient de prendre des mesures différenciées. Vous avez également mentionné à juste titre le fait que la Cour avait parfois pu mettre en exergue la nécessité de soutenir certaines dépenses pour entraîner de fortes d'économies en aval, je pense notamment à votre rapport du mois d'octobre 2016 sur la protection juridique des majeurs. Gardons-nous donc, même s'il faut faire des économies, de tout rabot qui s'appliquerait de manière indifférenciée.
Je pense que nous ne trancherons pas aujourd'hui la question de savoir s'il faut préférer un décret d'avance ou une loi de finances rectificative, mais nous en rediscuterons.
Retenons aussi qu'il faut engager des travaux sur la loi de règlement pour rendre plus effectif notre contrôle.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 8 heures
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, M. M'jid El Guerrab, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Gaillard, Mme Patricia Gallerneau, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Lacroute, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, M. Pierre Person, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, Mme Muriel Ressiguier, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth
Assistaient également à la réunion. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Fabien Gouttefarde, M. Gabriel Serville, M. Éric Straumann