Ce rapport sur le dernier budget du quinquennat Hollande aurait mérité beaucoup plus de mesure, sauf à vouloir préparer l'opinion publique à une cure d'austérité sans précédent. Le gouvernement avait prévu pour cette année un déficit à 2,8 % du PIB ; aujourd'hui, la Cour juge qu'il sera plutôt à 3,2 %. Est-ce si grave ?
La Cour des comptes tient un discours dogmatique très libéral. Elle adopte une approche purement comptable qui ne tient pas compte des effets dynamiques : contrairement au Fonds monétaire international (FMI) et à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), elle n'intègre jamais le coefficient multiplicateur. Pourtant, les dépenses publiques soutiennent massivement l'activité, y compris l'activité privée, on l'oublie trop souvent.
La règle des 3 % est une règle européenne. Au moment de la crise de 2008, les États-Unis ont poussé leur déficit jusqu'à 13 points de PIB, le Royaume-Uni jusqu'à 11 points. En clair, le déficit n'est pas forcément une mauvaise chose. Je ne dis pas qu'il ne doit pas être piloté, ce serait une erreur majeure. Je crains seulement que ce rapport ne soit utilisé pour passer un coup de rabot généralisé sur toute la dépense publique et pour pratiquer des coupes à l'aveugle.
Prenons l'exemple des collectivités locales. La Cour des comptes n'a eu de cesse depuis dix ans de demander à juste titre une baisse des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales qui augmentaient en moyenne de 2 à 3 % par an. Or, les dépenses de fonctionnement des collectivités ont baissé pour la première fois en 2016, ce qui montrait que ces dernières avaient consenti des efforts sans précédent. La Cour écrit même à la page 170 de son rapport : « En 2016, les collectivités territoriales ont contribué pour moitié à la réduction du déficit public. » Néanmoins il subsiste encore, selon elle, des marges budgétaires importantes. Mais quelles sont les collectivités qui disposent de ces marges, et à quelle hauteur les estimez-vous ? Pour ma part j'ignore où elles peuvent se trouver.
Monsieur le Premier président, je suis d'accord avec vous sur plusieurs points. Vous considérez que la baisse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) a atteint ses limites, c'est vrai ; que l'abandon de la réforme de la DGF est une erreur, c'est vrai ; qu'assurer l'efficience des politiques publiques passe par une plus grande cohérence entre ceux qui décident des politiques et ceux qui en assurent le financement, c'est encore vrai. Puissiez-vous être entendu sur ce point !
J'en viens à la réserve de précaution. Tous les ans, une partie des crédits votés fait l'objet d'un gel : tous les ministères sont concernés en fonction de la nature de leurs dépenses, mais les crédits relatifs à la masse salariale sont exemptés. Ces montants ne peuvent être dépensés par les ministères sans autorisation de Bercy. Cette procédure est habituelle et bien connue du Parlement. Au fil des mois, les crédits gelés peuvent être dégelés en cas de besoin, voire annulés. Le problème vient des gels effectués pour financer des dépenses structurelles comme les opérations extérieures ou l'aide médicale de l'État.
Fallait-il parler d'insincérité ? Je ne le pense pas, et je crains que de telles déclarations ne soient pas propices au travail serein et nécessaire qui consisterait par exemple à examiner les plus de 80 milliards d'euros de niches fiscales car, vous avez raison monsieur le Premier président, les effets d'aubaine existent bien.