Intervention de Didier Migaud

Réunion du mercredi 5 juillet 2017 à 8h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes :

M. Raoul Briet, qui présidait la formation interchambres qui a délibéré sur le projet d'audit, pourra compléter mes propos s'agissant en particulier de l'utilisation de la réserve de précaution et des sous-budgétisations.

Certaines des questions posées ne s'adressent pas véritablement au Premier président de la Cour des comptes. En démocratie, les décisions reviennent aux élus du suffrage universel. C'est heureux ! La Cour des comptes est une juridiction qui formule des observations et fait des constatations. Si elle peut émettre des propositions et identifier des leviers d'action, c'est toujours en raisonnant à partir d'objectifs définis par les pouvoirs publics. La Cour des comptes n'a pas fixé le niveau du déficit public ; elle n'a pas voté le CICE. Les décisions sont prises par les assemblées. Pour sa part, la Cour ne peut raisonner qu'en se fondant sur les lois adoptées par le législateur et non sur la pensée de tel ou tel groupe politique.

Bien évidemment, il est possible de considérer que l'audit que nous présentons n'est pas complet, mais j'invite ceux qui m'ont interpellé sur des sujets que ce rapport n'aborde pas à consulter les autres travaux de la Cour. Il en existe par exemple sur la fraude sociale ou la fraude fiscale.

Je précise que les recettes qui pourraient être tirées d'une lutte accrue contre la fraude fiscale ne sont pas au coeur de cet audit de 2017. De plus, pour les calculer de façon sincère, il faudrait aussi tenir compte des dépenses qu'il faudra engager dans ce combat. Je rappelle également que certains sujets nécessitent que les décisions prises par la France soient relayées dans d'autres pays, en particulier en Europe.

Monsieur de Courson, nous n'avons pas dit que le projet de loi de finances initiale était « insincère ». En effet, ce n'est pas à la Cour des comptes de porter ce jugement mais au Conseil constitutionnel. Nous disons en revanche – et je persiste et signe – que des biais de construction affectent la sincérité de la loi de finances. Nous constatons que des éléments d'insincérité se trouvent dans la loi de finances initiale pour 2017 et dans le programme de stabilité. Nous parlons volontairement d'« insincérités » au pluriel, et nous documentons ces dernières, nous les précisons, nous les argumentons.

Il revient au Conseil constitutionnel d'apprécier la sincérité du budget au mois de décembre sur la base des informations dont il dispose. Notre audit, plus tardif, peut se fonder sur un début d'exécution. Il bénéficie en conséquence d'éléments plus précis pour apprécier un certain nombre d'insincérités. Nous sommes dans notre rôle en agissant ainsi, et vous seriez en droit de nous reprocher de ne pas l'avoir fait.

Le Parlement et le Conseil constitutionnel en tirent ensuite les conséquences qu'ils veulent. Le Conseil sanctionnerait une loi de finances insincère en l'annulant. Il a élaboré une jurisprudence selon laquelle il faut pour cela que les éléments d'insincérité d'une loi de finances soient tels que les équilibres du texte en seraient faussés intentionnellement. Il y a manifestement des sous-budgétisations en loi de finances initiale et dans le programme de stabilité qui étaient connues des parlementaires et des gouvernements, bien évidemment.

On a beaucoup entendu que le rapport de la Cour des comptes était à charge, qu'il était sévère. Non ! La Cour travaille toujours à charge et à décharge. Elle fait une photographie, la photographie la plus objective possible, tout en étant bien consciente qu'il existe aujourd'hui de nombreux moyens de déformer une photographie. Les possibilités de contournement ont toujours existé ; certaines années, elles sont tout simplement plus nombreuses que d'autres. Ce n'est pas le rapport de la Cour qui est sévère, c'est la réalité !

Nous n'avons raisonné que par rapport à une prévision de déficit de 2,7 % du PIB, devenu 2,8 dans le programme de stabilité. Et l'on ne peut pas dire qu'un certain nombre d'institutions, comme le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), la Banque de France ou la Commission européenne, n'ont pas alerté sur ces chiffres. Je me souviens de débats au sein même de la commission des finances de l'Assemblée au cours desquels l'appréciation du HCFP selon laquelle un déficit à 2,7 % paraissait « improbable » a été…

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