Intervention de Adrien Quatennens

Séance en hémicycle du mercredi 25 juillet 2018 à 15h00
Liberté de choisir son avenir professionnel — Article 40 a

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Après le rejet des amendements de suppression soutenus par nos collègues, nous souhaitons présenter un amendement qui s'articule autour de la notion de subordination économique.

L'économie dite « collaborative », qui a pour principale caractéristique de mettre en relation des clients avec un prestataire par le biais d'une plateforme, s'est enfoncée dans une brèche créée par le flou entourant le statut de travailleur indépendant. Elle a créé une nouvelle classe de salariés ne disposant ni des droits et protections liés au salariat, ni de l'autonomie caractérisant le statut d'indépendant.

Ce qui prive principalement les travailleurs de l'économie dite « collaborative » de leur indépendance, c'est la mainmise que les plateformes ont, grâce à l'outil informatique, sur leurs conditions de travail et leurs conditions tarifaires. La plateforme de livraison à domicile Deliveroo, arrivée à Paris en avril 2015, payait ses coursiers 7,50 euros de l'heure plus un bonus de 2 à 4 euros par course selon leur performance et leurs relations avec la clientèle et les restaurants. Fin août 2017, changement brutal de politique : la course est rétribuée au tarif unique de 5,75 euros à Paris et de 5 euros dans les autres villes. La plupart de ces prestataires dits « indépendants » n'ont pas pu faire autrement que de s'incliner.

Ces « nouveaux prolétaires », comme on peut les appeler, tentent d'entrer en résistance : ils l'ont fait il y a deux semaines en organisant la première grève de leur histoire. Ils protestaient notamment contre la tentative de la majorité d'institutionnaliser leur situation bancale en leur offrant une espèce de sous-convention collective, via l'amendement de M. Taché adopté en première lecture. Le CLAP parlait ainsi de cet amendement : « Les seules contraintes qu'apporte votre amendement s'appliquent contre les travailleurs. La charte écrite de manière unilatérale renforce l'arbitraire des plateformes qui, jusqu'ici, ne se gênaient pas pour modifier à la baisse nos conditions salariales. »

Au lieu de cet aménagement insatisfaisant, qui légitime une situation injuste et intolérable, nous proposons de renforcer la définition du travail indépendant dans le code du travail, en précisant que les travailleurs indépendants ne peuvent être en situation de subordination économique vis-à-vis d'un seul donneur d'ordres. Ce critère de subordination économique a d'ailleurs été reconnu par la Cour de cassation, comme cela a déjà été dit. Il s'agirait d'un vecteur puissant de normalisation des rapports entre plateformes et travailleurs : les seconds ne seraient plus soumis aux diktats des premières ou ils bénéficieraient des droits afférents. Ce serait un pas historique, qui mettrait fin à une situation générant une forme profonde de précarité et menaçant l'ensemble des secteurs de notre économie.

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