Intervention de Stéphane Travert

Réunion du mardi 17 juillet 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

À l'issue du vote solennel en première lecture du projet de loi, après soixante-dix-sept heures de débat dans l'hémicycle, je vous indiquais que nous aurions le loisir de nous écrire pendant l'été, pour partager nos sentiments sur ce projet loi qui a impliqué chacun d'entre nous avec conviction, je le sais. Nous faisons encore mieux aujourd'hui, puisque nous nous retrouvons au milieu de ce beau mois de juillet, festif et euphorique, pour une nouvelle lecture certainement plus courte que la première mais toujours aussi empreinte de solennité, car c'est avec sérieux que nous abordons ce projet loi pour un rééquilibrage des relations commerciales, et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

Ce texte comportait initialement dix-sept articles. Il en compte aujourd'hui plus de cent, ajoutés au cours de la première navette parlementaire, soit près de cent articles additionnels. Je me réjouis de ce travail de co-construction qui enrichit le projet initial du Gouvernement, même si, vous le savez et je ne m'en suis pas caché au Sénat, certaines dispositions doivent faire l'objet d'un nouveau travail attentif du législateur pour parvenir à une mise en oeuvre opérationnelle du texte qui soit conforme au droit communautaire.

J'ai déjà eu l'occasion de vous l'indiquer, ce projet de loi est une brique de la politique alimentaire du Gouvernement, elle vient se poser à côté des plans de filières travaillés par les interprofessions, du grand plan d'investissement, de la future politique agricole commune et de toutes les autres actions mises en oeuvre dans ce domaine.

Mon objectif est clair : je veux redonner de la compétitivité à nos filières françaises par la montée en gamme et la reconnaissance de la qualité de nos productions.

Pour que ces démarches de segmentation fonctionnent, elles doivent aller de pair avec une contractualisation de la production. Pour que les producteurs investissent dans de nouveaux modes de production, ils ont besoin d'avoir une visibilité et des engagements sur les volumes et sur les prix. J'attends d'ailleurs de certaines filières qu'elles soient encore plus proactives sur ces démarches de contractualisation. Il faut les y encourager.

Je veux que ce projet de loi soit un outil opérationnel pour tous les maillons de la chaîne alimentaire. La loi va ainsi définir un nouveau cadre et proposera aux opérateurs économiques de nouveaux outils qui doivent être appréhendés ensemble. Le titre Ier ne fait ni plus ni moins que traduire le compromis issu des États généraux de l'alimentation (EGA) sur l'inversion de la contractualisation à partir des coûts de production, le transfert en cascade des indicateurs utilisés dans les contrats, les dispositions sur les coopératives, le renforcement de la clause de renégociation et de la médiation, le relèvement du seuil de revente à perte, l'encadrement des promotions sur les denrées alimentaires, l'interdiction, enfin, de céder à un prix abusivement bas.

Pour que ces dispositions soient effectives, il faut que les acteurs des filières agricoles s'en saisissent. L'interprofession, notamment, a un rôle particulier à jouer : elle doit mettre à la disposition des acteurs les outils adaptés aux spécificités des filières – je pense notamment aux indicateurs de coût de production et de prix de marché, je pense également aux modèles de contrat-type et de clause type. Qui en effet est mieux placé que les interprofessions pour définir les instruments les plus adaptés ?

Je peux concevoir la difficulté de se mettre d'accord au sein d'une interprofession, mais ce n'est pas en renvoyant le travail vers d'autres instances que les problèmes seront réglés. Nous avons pleinement conscience des difficultés, et nous avons trouvé ensemble en première lecture des solutions pour y remédier : la possibilité de s'appuyer sur l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, ou sur FranceAgriMer pour des expertises techniques ou encore la saisine du médiateur des relations commerciales agricoles en cas de blocage.

Je sais également que certaines interprofessions sont particulièrement prudentes au regard du droit de la concurrence. L'État les accompagnera, mais ne fera pas à leur place. C'est ce message que je tenais à délivrer en préambule de nos débats. Ma méthode, c'est la responsabilisation des filières. Elle exige de la confiance et s'accompagne nécessairement d'une grande exigence de ma part, exigence qui ne faiblira pas.

C'est précisément sur ce point que la commission mixte paritaire, qui s'est réunie la semaine dernière, n'a pu trouver d'accord. Sur d'autres points-clefs du projet de loi, j'ai eu l'occasion d'indiquer aux sénateurs ma déception. Je déplore notamment la suppression par le Sénat de l'habilitation permettant au Gouvernement de modifier le régime juridique des coopératives par ordonnance. Je suis convaincu de la nécessité de renforcer la transparence et la gouvernance des coopératives agricoles.

Je souhaite également revenir à l'habilitation initiale à légiférer par ordonnance sur l'encadrement des promotions à l'article 9 ; vous serez d'ailleurs très prochainement conviés à Bercy pour échanger sur le projet d'ordonnance avec les sénateurs.

Le titre II du projet de loi a également été largement modifié par le Sénat, notamment le volet relatif l'encadrement de la vente des produits phytopharmaceutiques : les sénateurs ont notamment supprimé l'article 14 et la séparation capitalistique du conseil et de la vente des produits phytosanitaires. Or je suis convaincu que ces dispositifs sont essentiels pour contribuer à réduire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Je souhaite donc que votre commission réintroduise ces dispositions essentielles à l'équilibre du projet de loi, fruit des EGA.

Je veux tout de même souligner le travail constructif du Sénat, qui a adopté nos engagements sur l'article 11 en matière de restauration collective, bien qu'en affaiblissant quelque peu le dispositif. Je me félicite donc que cet objectif essentiel pour le Gouvernement, celui d'atteindre 50 % de produits issus de l'agriculture biologique, locaux ou sous signes de qualité, à compter du 1er janvier 2022, réunisse les deux chambres parlementaires.

Par ailleurs, le Sénat a adopté dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale l'article 13, qui étend le délit de maltraitance animale et double les peines en cas de délit constaté lors de contrôles officiels. Il propose aussi de donner la possibilité aux associations de protection des animaux de se porter partie civile en cas d'infraction constatée par un contrôle officiel ; c'est donc chose faite.

Vous le savez, je serai à l'écoute de toutes les propositions d'amendements que vous formulerez pour améliorer encore le projet. Il s'agit de nous inscrire collectivement et résolument dans une trajectoire qui respectera tant les hommes – du producteur au consommateur – que l'environnement dans lequel ils évoluent.

Construire une trajectoire pour tirer notre agriculture vers le haut, par l'innovation, par l'investissement, par la montée en gamme, par la confiance, c'est lui donner toutes les chances de résister aux défis de la mondialisation.

Ce projet de loi fera gagner l'agriculture, si nous jouons collectif ; je sais que nous en sommes capables !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.