La commission a examiné, en nouvelle lecture, le projet de loi, modifié par le Sénat, pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (n° 1135 rect.), sur le rapport de M. Jean-Baptiste Moreau.
Mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui l'examen, en nouvelle lecture, du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire, et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM).
Après de longs débats en commission et en séance, ayant permis l'adoption de 441 amendements au total, notre assemblée avait voté ce texte en première lecture, le 30 mai dernier. Le Sénat a achevé sa première lecture le 2 juillet en ayant adopté, quant à lui, 225 amendements.
À la demande du Gouvernement, la commission mixte paritaire (CMP) s'est réunie le 10 juillet à l'Assemblée nationale, pour examiner les dispositions restant en discussion. Le désaccord entre les deux chambres du Parlement a été constaté dès l'examen de l'article 1er, sur la disposition donnant à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM) ou à FranceAgriMer compétence pour valider les indicateurs utilisés pour la détermination des prix.
Mais ce n'était pas la seule question où les positions des deux assemblées ne pouvaient se rapprocher. Le désaccord aurait tout aussi bien pu être constaté par la CMP sur des dispositions du titre II introduites dans le texte de l'Assemblée à l'initiative de la commission du développement durable et supprimées par le Sénat.
L'échec de la CMP nous impose d'étudier ce projet de loi en nouvelle lecture. À ce stade de la procédure, je rappelle que s'applique la règle dite « de l'entonnoir », énoncée à l'article 108 de notre Règlement, qui comporte deux volets :
– d'une part, il n'est plus possible d'amender les articles votés conformes dans les deux chambres, sauf pour coordination, rectification d'erreur matérielle ou pour assurer le respect de la Constitution. Si le projet de loi EGALIM comportait, lors de son dépôt, 17 articles, il en regroupe désormais 110, dont 28 ont été votés conformes ;
– d'autre part, les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées doivent être en relation directe avec une disposition encore en discussion. Dès lors, les amendements sans lien direct ne peuvent être acceptés.
Sur un total de 506 amendements déposés, 119 amendements ont été retirés, dont 83 au titre de la règle dite de l'entonnoir ; un amendement a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Il reste donc 387 amendements à examiner.
Si ce nombre est très inférieur aux 1 874 amendements discutés en commission lors de la première lecture, il demeure suffisamment significatif pour imposer une organisation permettant d'étudier au mieux ces différentes propositions. Je vous inviterai donc à reprendre les modalités d'examen que nous avions retenues en première lecture et qui, tout le monde en conviendra, avaient permis des débats de qualité.
Nous débuterons donc par une discussion générale, où nous entendrons M. Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, puis notre rapporteur, M. Jean-Baptiste Moreau. Les orateurs des groupes auront ensuite chacun la parole pour quatre minutes et les autres intervenants pour une minute.
Nous passerons alors à l'examen des articles et des amendements. Dans ce cadre, je vous précise que, je serai très strict sur les durées d'intervention et que vous ne disposerez pas de plus d'une minute pour la défense de vos amendements. En ce qui concerne les amendements identiques, un seul orateur par groupe ayant déposé l'un des amendements en discussion interviendra ; les autres auteurs d'amendements identiques ne pourront prendre la parole que s'ils ont des arguments supplémentaires à faire valoir. Enfin, dans la discussion suivant l'intervention de l'auteur, après l'avis du rapporteur et, s'il le juge nécessaire, du Gouvernement, je n'autoriserai qu'un orateur pour et un orateur contre.
Bien entendu, ces règles seront mises en oeuvre en veillant à respecter l'équilibre entre les groupes et, sur les questions de fond, je saurai faire preuve de la souplesse nécessaire au débat.
À l'issue du vote solennel en première lecture du projet de loi, après soixante-dix-sept heures de débat dans l'hémicycle, je vous indiquais que nous aurions le loisir de nous écrire pendant l'été, pour partager nos sentiments sur ce projet loi qui a impliqué chacun d'entre nous avec conviction, je le sais. Nous faisons encore mieux aujourd'hui, puisque nous nous retrouvons au milieu de ce beau mois de juillet, festif et euphorique, pour une nouvelle lecture certainement plus courte que la première mais toujours aussi empreinte de solennité, car c'est avec sérieux que nous abordons ce projet loi pour un rééquilibrage des relations commerciales, et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Ce texte comportait initialement dix-sept articles. Il en compte aujourd'hui plus de cent, ajoutés au cours de la première navette parlementaire, soit près de cent articles additionnels. Je me réjouis de ce travail de co-construction qui enrichit le projet initial du Gouvernement, même si, vous le savez et je ne m'en suis pas caché au Sénat, certaines dispositions doivent faire l'objet d'un nouveau travail attentif du législateur pour parvenir à une mise en oeuvre opérationnelle du texte qui soit conforme au droit communautaire.
J'ai déjà eu l'occasion de vous l'indiquer, ce projet de loi est une brique de la politique alimentaire du Gouvernement, elle vient se poser à côté des plans de filières travaillés par les interprofessions, du grand plan d'investissement, de la future politique agricole commune et de toutes les autres actions mises en oeuvre dans ce domaine.
Mon objectif est clair : je veux redonner de la compétitivité à nos filières françaises par la montée en gamme et la reconnaissance de la qualité de nos productions.
Pour que ces démarches de segmentation fonctionnent, elles doivent aller de pair avec une contractualisation de la production. Pour que les producteurs investissent dans de nouveaux modes de production, ils ont besoin d'avoir une visibilité et des engagements sur les volumes et sur les prix. J'attends d'ailleurs de certaines filières qu'elles soient encore plus proactives sur ces démarches de contractualisation. Il faut les y encourager.
Je veux que ce projet de loi soit un outil opérationnel pour tous les maillons de la chaîne alimentaire. La loi va ainsi définir un nouveau cadre et proposera aux opérateurs économiques de nouveaux outils qui doivent être appréhendés ensemble. Le titre Ier ne fait ni plus ni moins que traduire le compromis issu des États généraux de l'alimentation (EGA) sur l'inversion de la contractualisation à partir des coûts de production, le transfert en cascade des indicateurs utilisés dans les contrats, les dispositions sur les coopératives, le renforcement de la clause de renégociation et de la médiation, le relèvement du seuil de revente à perte, l'encadrement des promotions sur les denrées alimentaires, l'interdiction, enfin, de céder à un prix abusivement bas.
Pour que ces dispositions soient effectives, il faut que les acteurs des filières agricoles s'en saisissent. L'interprofession, notamment, a un rôle particulier à jouer : elle doit mettre à la disposition des acteurs les outils adaptés aux spécificités des filières – je pense notamment aux indicateurs de coût de production et de prix de marché, je pense également aux modèles de contrat-type et de clause type. Qui en effet est mieux placé que les interprofessions pour définir les instruments les plus adaptés ?
Je peux concevoir la difficulté de se mettre d'accord au sein d'une interprofession, mais ce n'est pas en renvoyant le travail vers d'autres instances que les problèmes seront réglés. Nous avons pleinement conscience des difficultés, et nous avons trouvé ensemble en première lecture des solutions pour y remédier : la possibilité de s'appuyer sur l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, ou sur FranceAgriMer pour des expertises techniques ou encore la saisine du médiateur des relations commerciales agricoles en cas de blocage.
Je sais également que certaines interprofessions sont particulièrement prudentes au regard du droit de la concurrence. L'État les accompagnera, mais ne fera pas à leur place. C'est ce message que je tenais à délivrer en préambule de nos débats. Ma méthode, c'est la responsabilisation des filières. Elle exige de la confiance et s'accompagne nécessairement d'une grande exigence de ma part, exigence qui ne faiblira pas.
C'est précisément sur ce point que la commission mixte paritaire, qui s'est réunie la semaine dernière, n'a pu trouver d'accord. Sur d'autres points-clefs du projet de loi, j'ai eu l'occasion d'indiquer aux sénateurs ma déception. Je déplore notamment la suppression par le Sénat de l'habilitation permettant au Gouvernement de modifier le régime juridique des coopératives par ordonnance. Je suis convaincu de la nécessité de renforcer la transparence et la gouvernance des coopératives agricoles.
Je souhaite également revenir à l'habilitation initiale à légiférer par ordonnance sur l'encadrement des promotions à l'article 9 ; vous serez d'ailleurs très prochainement conviés à Bercy pour échanger sur le projet d'ordonnance avec les sénateurs.
Le titre II du projet de loi a également été largement modifié par le Sénat, notamment le volet relatif l'encadrement de la vente des produits phytopharmaceutiques : les sénateurs ont notamment supprimé l'article 14 et la séparation capitalistique du conseil et de la vente des produits phytosanitaires. Or je suis convaincu que ces dispositifs sont essentiels pour contribuer à réduire l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Je souhaite donc que votre commission réintroduise ces dispositions essentielles à l'équilibre du projet de loi, fruit des EGA.
Je veux tout de même souligner le travail constructif du Sénat, qui a adopté nos engagements sur l'article 11 en matière de restauration collective, bien qu'en affaiblissant quelque peu le dispositif. Je me félicite donc que cet objectif essentiel pour le Gouvernement, celui d'atteindre 50 % de produits issus de l'agriculture biologique, locaux ou sous signes de qualité, à compter du 1er janvier 2022, réunisse les deux chambres parlementaires.
Par ailleurs, le Sénat a adopté dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale l'article 13, qui étend le délit de maltraitance animale et double les peines en cas de délit constaté lors de contrôles officiels. Il propose aussi de donner la possibilité aux associations de protection des animaux de se porter partie civile en cas d'infraction constatée par un contrôle officiel ; c'est donc chose faite.
Vous le savez, je serai à l'écoute de toutes les propositions d'amendements que vous formulerez pour améliorer encore le projet. Il s'agit de nous inscrire collectivement et résolument dans une trajectoire qui respectera tant les hommes – du producteur au consommateur – que l'environnement dans lequel ils évoluent.
Construire une trajectoire pour tirer notre agriculture vers le haut, par l'innovation, par l'investissement, par la montée en gamme, par la confiance, c'est lui donner toutes les chances de résister aux défis de la mondialisation.
Ce projet de loi fera gagner l'agriculture, si nous jouons collectif ; je sais que nous en sommes capables !
J'ai l'honneur aujourd'hui de reprendre la parole devant vous en ma qualité de rapporteur du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, pour une nouvelle lecture en commission des affaires économiques.
Avant de débuter, je précise à nouveau que je suis encore agriculteur mais que je ne suis plus président de coopérative – je suis membre du bureau et administrateur, mais inactif. Je précise cela car j'ai été accusé de conflit d'intérêts par un syndicat agricole, qui aurait sans doute préféré comme rapporteur quelqu'un qui ne connaît rien à l'agriculture pour continuer à lui asséner ses contre-vérités. J'ajoute que mes positions sur l'article 8, qui vise à réformer le fonctionnement des coopératives ne laissent aucun doute sur mon absence de parti pris.
Ce texte est la traduction législative des États généraux de l'alimentation. Nous avons déjà beaucoup travaillé pour l'enrichir, mais des corrections et des améliorations sont encore nécessaires pour répondre aux ambitions et aux objectifs fixés par les EGA.
Aujourd'hui, notre devoir est de donner encore plus de corps à ce texte : plus de moyens pour atteindre les objectifs fixés par le Président de la République lors du discours de Rungis, plus d'ambition pour revaloriser le travail de nos agriculteurs et créer les conditions d'une alimentation saine et durable pour chacun.
À la suite à la tenue des EGA, de juillet à décembre 2017, le projet de loi est passé en première lecture devant notre commission des affaires économiques en avril dernier. Il fut ensuite débattu en séance publique et adopté par l'Assemblée nationale le 30 mai dernier, par 339 voix pour et 84 voix contre, au terme de huit jours et huit nuits de débats. Dans un second temps, le texte tel que voté par l'Assemblée nationale fut examiné par le Sénat et adopté le 2 juillet, après avoir été très fortement modifié. La commission mixte paritaire, qui s'est réunie le mardi 10 juillet 2018, n'est pas arrivée à trouver un texte de compromis sur les dispositions restant en discussion.
Je regrette que nos deux chambres n'aient pas pu s'accorder, mais je veux profiter de ce moment pour saluer le travail collectif mis en oeuvre avec les sénateurs et les députés pendant la navette parlementaire et après le résultat de la CMP pour préparer cette nouvelle lecture. Nous avons échangé dans un esprit constructif, ce qui a permis des avancées intéressantes lors de la première lecture au Sénat, que je compte reprendre pour plusieurs d'entre elles. 493 amendements ont été déposés, dont 31 par le rapporteur, 132 par le groupe LaREM, 158 par Les Républicains, 72 par le groupe Nouvelle Gauche, 27 par La France insoumise et 13 par le groupe MODEM.
Néanmoins, si les apports de la navette parlementaire sont réels, le fait est que le Sénat a aussi considérablement modifié le projet de loi que nous avions construit dans l'esprit des EGA, en particulier sur des dispositions adoptées à l'initiative de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de notre assemblée : beaucoup d'articles essentiels à la réussite de nos objectifs ont été supprimés.
Ces objectifs, je tiens ici à les rappeler, ce sont ceux que nous poursuivons depuis le début des EGA et qu'il nous incombe aujourd'hui de graver dans le marbre : d'abord, faire en sorte que chaque agriculteur puisse vivre dignement et sereinement du fruit de son travail ; ensuite, rétablir la confiance entre l'ensemble des membres des filières et de l'interprofession afin de sortir des postures et d'aller vers de véritables négociations et compromis ; enfin, répondre aux nouvelles attentes des consommateurs.
La version du texte voté au Sénat nous éloigne considérablement de la concrétisation de ces objectifs. Des lignes rouges ont été franchies, sur lesquelles il était impossible, lors de la CMP, de transiger.
À l'article 1er, la validation des indicateurs de coûts de production et de prix par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, votée contre l'avis du rapporteur et du Gouvernement, est contraire aux recommandations de l'Autorité de la concurrence, à l'esprit des EGA et au discours de Rungis du Président de la République, qui appelait à responsabiliser les filières. S'il s'agit bien du texte adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, c'est une fausse bonne idée, dont nous voulons la suppression, car une telle mesure contribuerait à déresponsabiliser les interprofessions, ce qui est tout sauf souhaitable compte tenu de l'esprit des États généraux de l'alimentation. Ce serait de plus totalement inefficace dans l'objectif de l'augmentation du prix payé au producteur.
Des dispositions « vertes » adoptées à l'initiative de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale ont été supprimées par le Sénat, notamment la séparation des activités de vente et de conseil et l'interdiction des remises, ristournes, rabais pour les produits phytopharmaceutiques. Les sénateurs ont aussi voté la suppression de l'interdiction du réaménagement de tout bâtiment d'élevage de poules pondeuses en cage et la suppression de l'interdiction des bouteilles en plastique dans la restauration collective.
D'autres dispositions ont été fortement édulcorées, comme la hausse des seuils pour l'application d'un plan de diversification des protéines ou la suppression de l'expérimentation sur les contenants plastiques dans les cantines.
Au vu des objectifs que nous poursuivons depuis des mois dans l'esprit des EGA, une CMP conclusive était impossible dès lors que nous ne pouvions pas trouver de point d'entente sur ces questions.
Ces points sont, avec beaucoup d'autres, les raisons pour lesquelles nous nous retrouvons aujourd'hui en commission des affaires économiques pour une nouvelle lecture. Cette nouvelle lecture doit être pour nous l'occasion de recentrer le débat sur l'objectif premier des EGA : rééquilibrer les relations commerciales et redonner un revenu digne à nos agriculteurs. La nouvelle version du texte que nous allons voter devra garantir un réel équilibre pour une meilleure rémunération des agriculteurs et la mutation vers un modèle agricole plus durable et plus conforme aux attentes sociétales.
Dans ces discussions renouvelées, je vois une réelle opportunité d'aller plus loin que les ambitions affichées en première lecture, en particulier par le renforcement du rôle du médiateur des relations commerciales agricoles, à mon avis beaucoup plus efficace pour l'élaboration des indicateurs qu'une validation par un organisme public.
Cette deuxième lecture est aussi l'occasion de rappeler à chaque acteur de la chaîne alimentaire sa responsabilité pour atteindre les objectifs des EGA, communément partagés : aux agriculteurs de se regrouper en organisations de producteurs et en associations d'organisations de producteurs pour peser face à la grande distribution ; aux consommateurs de se transformer en « consom'acteurs » et de traduire leurs attentes dans leurs actes d'achat ; aux industriels de s'engager pour valoriser le travail des agriculteurs ; aux enseignes de la grande distribution enfin de s'engager à adopter des comportements vertueux dans les négociations commerciales, afin de répartir équitablement la valeur. À défaut, ces comportements seront sanctionnés, et dénoncés.
En tant que députés, c'est à nous que reviendra d'adopter le texte en lecture définitive pour qu'il soit opérationnel avant les prochaines négociations commerciales agricoles au mois d'octobre prochain : ce projet de loi et les deux mesures emblématiques que sont le seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions seront bien appliquées lors des prochaines négociations commerciales, c'est indiscutable et indispensable.
À nous donc de travailler dans les prochaines heures, comme nous avons su le faire depuis le début de nos travaux, pour remettre l'agriculture française en marche avant. Les attentes de chacun des acteurs, de la fourche à la fourchette, sont grandes, et notre rôle nous oblige. J'ai confiance en la qualité de nos travaux à venir, dans la perspective de présenter un texte fort et ambitieux en séance publique.
Après l'échec de la commission mixte paritaire la semaine dernière, nous sommes amenés aujourd'hui à examiner de nouveau le projet de loi EGALIM en nouvelle lecture. Je regrette que la réunion entre les sénateurs et les députés n'ait pas permis de trouver un texte de compromis, mais les positions portées par les sénateurs étaient de nature à dénaturer l'esprit même du texte.
Le travail important de l'ensemble des groupes à l'Assemblée nationale avait permis, me semble-t-il, de parvenir à un texte d'équilibre, qu'il nous faut aujourd'hui impérativement rétablir. Il nous faut saluer l'important travail parlementaire et l'implication de chacun sur ces bancs, avec 441 amendements adoptés à l'Assemblée nationale et 225 au Sénat. Le texte initial comportait dix-sept articles ; il en compte désormais plus de cent après l'examen du texte au Sénat.
Je veux aussi rappeler que les États généraux de l'alimentation consistaient en premier lieu à « jouer collectif », afin de créer un véritable esprit d'équipe entre les différents acteurs du monde agricole. Cet état d'esprit collectif – qui a permis à la France de triompher, il y a à peine deux jours, dans une autre discipline –, c'est ce qui manque aujourd'hui cruellement à notre agriculture. Il nous faut changer de modèle, arrêter les postures, pour permettre à la ferme France de redresser la tête et d'aller de l'avant. C'est l'objet et l'esprit initial de ce texte, motivé par deux constats.
Le premier, c'est qu'il est indispensable d'inverser la construction du prix et de donner de nouveaux outils à nos agriculteurs pour des relations commerciales plus équilibrées, tout comme il est indispensable de responsabiliser les différents acteurs, et notamment les organisations interprofessionnelles dans la définition des indicateurs de coûts de production. Le discours du Président de la République à Rungis était clair : c'est aussi aux acteurs du monde agricole de se prendre en main – ils nous ont prouvé qu'ils pouvaient le faire – et de renouer le dialogue dans les filières.
Le second constat est qu'il convient de renforcer la prise en compte des nouvelles attentes de la société, toujours plus nombreuses, que ce soit dans le domaine du bien-être animal ou dans celui de l'information des consommateurs. Les mesures adoptées dans le titre II par notre assemblée étaient particulièrement ambitieuses, et je regrette le conservatisme du Sénat, qui a souhaité supprimer nombre d'entre elles.
Le monde agricole l'a compris, comme le prouve d'ailleurs la présentation, ces derniers jours, par le premier syndicat agricole d'un contrat de solutions. Les agriculteurs sont prêts à avancer vers une transition de notre modèle, avec moins de pesticides et des pratiques plus respectueuses de notre environnement.
La volonté du groupe La République en Marche sera de revenir à un texte équilibré avec plusieurs objectifs, au premier rang desquels celui de laisser aux interprofessions le soin de rédiger des indicateurs de coûts de production, car c'est en responsabilisant les acteurs – à la disposition desquels nous mettons néanmoins des filets de sécurité, avec l'OFPM et le médiateur – que nous permettrons au monde agricole de relever la tête.
Nous entendons ensuite réintroduire les grandes mesures emblématiques de ce projet de loi qui ont été supprimées ou dénaturées par le Sénat – je pense au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions, à la réforme du système coopératif, mais également à l'interdiction des remises, rabais et ristournes ou encore à la séparation capitalistique de l'activité de vente et de conseil dans le secteur des produits phytopharmaceutiques, autant d'engagements forts du Président de la République.
Enfin, nous voulons revenir à des mesures fortes et ambitieuses en matière de transition agricole, avec la définition des néonicotinoïdes, la fin de l'élevage de poules en cage ou les diverses mesures pour une alimentation saine et durable.
Je veux aujourd'hui également rassurer les agriculteurs et les citoyens qui nous regardent et chez lesquels les États généraux de l'alimentation et ce projet de loi ont suscité de fortes attentes et un réel espoir de changement. Alors que nous fêterons dans quelques jours l'anniversaire du lancement des EGA et que nous arriverons bientôt au terme de l'examen parlementaire de ce projet de loi, je vous confirme que les engagements pris sur l'effectivité et la mise en application des mesures attendues seront tenus, afin que ces nouveaux outils soient opérationnels dans le cadre des prochaines négociations commerciales.
Vous l'aurez compris, notre majorité s'inscrit dans une logique constructive pour une agriculture qui va de l'avant, retrouve sa compétitivité et prend en compte les nouvelles attentes de nos concitoyens.
En mai dernier, le groupe Les Républicains avait exprimé son scepticisme sur le texte issu des travaux de notre assemblée en s'abstenant sur le vote. Nous considérions en effet que le projet de loi avait perdu de vue les travaux des EGA, lesquels avaient pourtant mobilisé l'ensemble des filières et des acteurs. Loin de rééquilibrer les relations commerciales, il imposait de nouvelles contraintes aux producteurs – nos débats s'étant d'ailleurs égarés parfois dans des considérations étrangères à la crise agricole pourtant visée par le projet de loi.
Le texte qui nous arrive du Sénat répond en revanche en grande partie aux attentes de la profession. Il enclenche une réelle protection en matière contractuelle et comporte des mesures fortes et positives en matière de détermination des prix, permettant ainsi d'équilibrer les relations commerciales, comme le souhaitent les uns et les autres.
L'enjeu est désormais de conserver cette impulsion afin de renforcer la protection des agriculteurs. Vous le savez, nous regrettons l'échec de la commission mixte paritaire. Malgré notre volonté d'accélérer les choses et de donner enfin à nos agriculteurs les clés pour réussir les prochaines négociations, aucun accord n'a pu être trouvé. Notre rapporteur assurait, lors de la CMP, que le texte serait en vigueur avant le début des prochaines négociations commerciales : on ne peut qu'en douter.
Cet échec s'explique notamment par le fait que la majorité a affiché une position régressive, sous l'injonction du Gouvernement, voire de l'Élysée. Notre rapporteur a ainsi confirmé ne pas accepter le texte voté par le Sénat ; plus grave encore, il a manifesté son intention de revenir sur des articles pourtant votés dans des termes quasi identiques, par les deux chambres, prenant le risque que la majorité se renie et bafoue le travail accompli jusqu'ici.
Les députés de la majorité membres de la commission mixte paritaire ont en réalité fait échouer la CMP, non sur le titre II, comme cela a pu être dit, mais sur l'article 1er et le titre Ier, plus précisément, sur les modalités d'élaboration des indicateurs contribuant à la formation des prix agricoles, pourtant adoptées par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Cette marche arrière fait courir le risque que les États généraux n'aient servi à rien, car la neutralité des indicateurs constitue bien, pour nous, le fondement d'un texte censé rééquilibrer les rapports de force dans les filières.
Alors que débute cette nouvelle lecture, l'Assemblée nationale ne doit plus se laisser distraire ou se laisser influencer par les lobbies de la grande distribution et perdre de vue l'objet du projet de loi. Il nous appartient de reprendre les travaux du Sénat et de travailler à renforcer l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et à développer une alimentation saine et durable, puisque c'est bien le sujet et l'intitulé de ce texte.
Le groupe MoDem accueille avec regret cette nouvelle lecture du projet de loi destiné à rééquilibrer les relations commerciales dans le domaine agricole. En effet, une CMP conclusive aurait permis une promulgation rapide de la loi, laquelle aurait donc pu être mise en oeuvre immédiatement.
L'objectif du texte étant d'inverser la logique de construction des prix afin de mieux rémunérer les agriculteurs, il importe en effet qu'il soit appliqué le plus rapidement possible. Toutefois, les divergences de fond entre la rédaction issue de notre assemblée et celle issue du Sénat étaient telles qu'un accord n'a pas été possible. Les modifications substantielles votées par la majorité sénatoriale trahissent l'esprit initial du projet de loi et la philosophie même des États généraux – je pense notamment à la déresponsabilisation des filières, à la suppression du name and shame permettant au médiateur de rendre publiques ses conclusions mais aussi à la suppression de l'interdiction des remises sur les produits phytopharmaceutiques, interdiction qui était destinée à protéger la santé humaine et animale.
Afin que la loi soit conforme aux conclusions des EGA, il est nécessaire de retrouver les équilibres conclus entre les différentes parties prenantes lors de ces longs mois de réflexion. C'est pourquoi mon groupe défendra, lors de cette nouvelle lecture, le travail mené par les organisations interprofessionnelles, au plus près des réalités des filières ; nous insisterons notamment sur la pertinence d'utiliser les indicateurs diffusés ou élaborés par ces organisations.
Nous sommes pour l'élaboration de plans de filières et pour une plus forte responsabilisation des interprofessions, qui sont les plus à même de définir les prêts adaptés aux réalités quotidiennes des producteurs.
Je tiens néanmoins à souligner le vote conforme du Sénat sur plusieurs articles que nous avions introduits dans le texte en première lecture. Je pense entre autres à l'introduction du « fait maison » dans la restauration collective, à la mise en oeuvre du régime dérogatoire au dispositif de prix abusivement bas outre-mer ou encore, dans ces mêmes territoires, à l'entreposage des produits consignés dans un local commercial : actuellement, en effet, les produits sont laissés à la garde du détenteur, ce qui pose des difficultés lorsque celui-ci ne possède pas de local commercial, les produits consignés risquant de disparaître. Ce dispositif sera particulièrement utile aux Antilles, dans le cadre du contrôle des denrées susceptibles d'être contaminées par le chlordécone et vendues via des circuits informels. Je me réjouis du consensus trouvé entre nos deux assemblées sur ces articles importants.
Je sais que nos travaux cette semaine seront tout aussi intéressants et enrichissants que lors de la première lecture, laquelle a contribué à étendre la portée et la profondeur du texte sur des sujets primordiaux comme la prise en compte des indicateurs de production, la sécurisation de la contractualisation en cascade, le renforcement du rôle du médiateur et de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la prise en compte des projets alimentaires territoriaux dans la restauration collective, mais aussi le développement de la méthanisation, le contrôle des sociétés de l'agro-alimentaire qui rechignent à publier leurs comptes ou encore la valorisation des abattoirs mobiles.
Il importe, pour le bien-être de nos agriculteurs et la vitalité de notre agriculture, que ces avancées, votées en mai, soient confirmées et que les équilibres établis durant les EGA soient respectés. Tel est l'état d'esprit dans lequel le groupe MoDem et apparentés aborde cette nouvelle lecture.
Je voudrais témoigner du fonctionnement de la commission mixte paritaire, dont j'étais membre suppléant. Après une heure quarante-six de discussion générale, l'examen du texte au fond n'a duré que neuf minutes ! Ne faisons donc pas porter aux sénateurs la responsabilité de cet échec : c'est une grave erreur de le dire, plus encore de l'écrire. Pour avoir assisté aux discussions, je puis affirmer que la majorité et, derrière elle, le Gouvernement, n'avait pas la volonté de faire aboutir la CMP.
Monsieur le ministre, je vous apprécie plutôt et j'ai confiance en vous. Vous venez d'une région d'élevage, où la production de lait est importante. Or, s'il est un secteur d'activité qui a besoin d'un rééquilibrage des relations commerciales et d'une contractualisation forte, c'est bien le secteur laitier.
À cet égard, j'en veux un peu à celui qui a convaincu le Président de la République de déclarer à Rungis qu'on allait inverser la construction du prix. En effet, c'est peut-être malin en termes de communication, mais cela met le Président de la République, le Gouvernement et nous-mêmes en difficulté car, plus nous progressons dans nos travaux, moins je crois à l'inversion de la construction du prix.
Comme bon nombre de députés, je rencontre des industriels et des représentants de la grande distribution, qui nous rappellent les réalités du marché : un industriel de Mayenne n'achètera pas du lait normand ou breton à 400 euros la tonne si le lait néo-zélandais est à 200 euros, quand bien même le Président de la République aurait annoncé l'inversion de la construction des prix à partir des indicateurs de coûts de production.
Ces indicateurs de coûts de production, je souhaite qu'à l'issue de cette nouvelle lecture, ils puissent être déterminés de manière incontestable. À vous, Monsieur le ministre, de mettre les moyens sur la table.
Votre projet de loi procède du constat que les agriculteurs français, en tout cas les éleveurs ne parviennent pas à vivre dignement des fruits de leur travail et qu'il convient donc de rééquilibrer les relations commerciales. Mais vous n'allez pas assez loin, notamment en ce qui concerne la grande distribution et les centrales d'achat qui, après s'être regroupées au niveau national, s'organisent à présent à l'échelle européenne.
Pour ce qui concerne le titre II, les députés comme les sénateurs ont bien compris que les agriculteurs français, qui sont des gens honnêtes, sérieux et professionnels, sont conscients de la nécessité d'opérer la mutation de l'agriculture française et de renoncer aux néonicotinoïdes comme au glyphosate. En dépit de toutes les polémiques, le Gouvernement a d'ailleurs adopté la bonne démarche pour permettre que l'ensemble des parties prenantes trouvent des solutions permettant l'arrêt progressif du glyphosate.
Enfin, en matière de bien-être animal, je fais là aussi confiance aux filières pour opérer la mutation des techniques d'élevage.
J'aurai trois remarques préliminaires.
Vous avez laissé entendre, Monsieur le rapporteur, qu'il y avait de bonnes et de mauvaises idées. La garde des Sceaux avait, elle, évoqué les bons et les mauvais amendements, ce qui ne lui a pas réussi. Je me permets donc de vous dire, le plus cordialement du monde, que seule l'Assemblée décide de ce que sont les bons ou les mauvais amendements, les bonnes ou les mauvaises idées. Personne n'a de leçon à recevoir en matière de bonnes idées, c'est notre discernement collectif qui en décide, et cela se traduit par un vote. On appelle cela la démocratie.
En second lieu, un syndicat vous a mis en cause, il a tort. Je ne doute pas une seconde de votre probité ni de votre indépendance d'esprit. Je tenais à vous le dire et à vous réaffirmer notre confiance. Pour autant, il n'était pas forcément nécessaire de le stigmatiser comme vous l'avez fait. Les organisations non gouvernementales (ONG) et les syndicats, pour lesquels j'ai le plus grand respect et dont nous avons besoin, se plaignent tous du manque d'écoute de la majorité. N'en rajoutons pas.
Enfin, je voudrais vous donner raison sur un point important : je suis convaincu que la CMP était vouée à l'échec compte tenu de nos points de désaccord avec les sénateurs. Par honnêteté intellectuelle, je me dois d'admettre que notre groupe ne tenait pas à ce qu'elle aboutisse à tout prix, c'est-à-dire en ne retenant pas les quelques acquis que nous avions réussi à obtenir, avec M. Guillaume Garot et les membres du groupe Nouvelle Gauche, et que le Sénat a brutalement supprimés au nom de la rationalisation et par conservatisme.
Cela étant nos désaccords subsistent. Nous estimons en effet que, dans une démocratie moderne, dans une économie de marché régulée ou une économie sociale de marché, la puissance publique se doit de fixer des indicateurs, de donner des repères. Toute notre approche de ce texte est dictée par cette conviction et par notre volonté d'associer la régulation de la puissance publique et la force de l'esprit d'entreprise qui caractérise notre agriculture.
À l'aune de cette ambition le parcours de ces derniers mois nous apparaît un peu désespérant. Après des États généraux formidables, consensuels et innovants, le projet de loi nous a semblé faire pâle figure par rapport aux ambitions affichées par la société civile et l'ensemble des parties prenantes. Quant au législateur, il n'a pas su éviter les écueils traditionnels : comme si les États généraux n'avaient jamais eu lieu, chacun s'est retranché dans ses positions coutumières, et la guerre a repris entre environnementalistes et productivistes. Cela a constitué une incontestable régression par rapport à l'ouverture démocratique que vous aviez initiée.
Pour ce qui concerne la Nouvelle Gauche, nous avons tenté, dans le cadre contraint que nous imposent les dispositions de la loi de modernisation de l'économie comme les règles européennes, de promouvoir des outils permettant à notre agriculture de se transformer – je pense notamment à la certification « Haute valeur environnementale » (HVE) ou à l'agriculture de groupe. Nous espérons qu'ils seront rétablis par la majorité.
Nous n'avons en revanche pas été entendus sur la généralisation des plans alimentaires territoriaux, ni sur l'élargissement des associations d'organisations de producteurs (AOP), ni sur les enjeux sanitaires de l'alimentation défendus par M. Guillaume Garot, qui représentent pourtant un formidable levier de développement pour notre agriculture.
Nous ne comprenons pas non plus pourquoi nos amendements sur le développement solidaire avec les pays africains et les pays en voie de développement ou sur le principe de réciprocité ont été rejetés.
Enfin, nous regrettons qu'un champ aussi important que celui des coopératives, qui concerne près de la moitié de notre économie agricole n'ait pas été pris en compte, sinon pour faire l'objet d'un décret. Nous pensons que le champ coopératif mérite en soi une loi et que le Parlement doit être associé à l'organisation de ce pan essentiel de l'économie sociale, qui, de surcroît, joue un rôle primordial dans l'aménagement du territoire.
J'évoquerai pour conclure, d'abord, les mesures sur le foncier, dont nous n'aurons pas la possibilité de discuter alors même qu'il serait urgent d'intervenir, ensuite l'héroïsme des sénateurs qui ont défendu de manière unanime la mise en place d'un fonds d'aide aux phyto-victimes pour lequel nous avions nous-mêmes plaidé en vain. J'espère que cette navette parlementaire nous permettra de doter ce fonds.
Je rappellerai quatre éléments de contexte : la disparition, d'abord, au nom de la concurrence libre et non faussée, des mécanismes de régulation des prix et des productions ; le fait ensuite que les agriculteurs mais aussi les consommateurs sont devenus une simple variable d'ajustement dans la guerre des prix à laquelle se livrent la grande distribution et les groupes industriels agroalimentaires, une guerre qui déséquilibre la chaîne de valeur et fragilise l'ensemble du secteur agroalimentaire français pourtant stratégique dans l'économie nationale ; en troisième lieu, ce que nous dénoncions déjà, il y a dix ans, lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie, à savoir une contractualisation qui ne peut être gagnante pour toutes les parties, car elle est laissée au seul jeu des forces de marché – j'avais à l'époque insisté sur le mirage de cette contractualisation, alors que le renard était toujours plus libre dans le poulailler, que les centrales d'achat se concentraient de plus en plus et qu'à l'inverse les filières et les producteurs ne parvenaient pas à s'organiser suffisamment ; enfin, le rejet dogmatique et systématique par les majorités successives des outils de bon sens – conférence annuelle, définition de prix planchers, coefficient multiplicateur, encadrement des marges de distribution en cas de crise – que nous proposions pour permettre à la puissance publique, aux agriculteurs et aux interprofessions d'intervenir directement sur la construction des prix d'achat.
Dans ce contexte, quels sont les enjeux aujourd'hui ? Bien que nous disposions d'une vision assez claire des marges de chacun des acteurs, le législateur a choisi de limiter son intervention à des mesures visant à renforcer la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, sans jamais vouloir transformer les rapports de force. Est-ce de la naïveté, de l'idéologie ou le souci de préserver certains intérêts ? Nous devons nous poser la question, parce que les grands distributeurs et les grands groupes industriels n'ont pas attendu l'avènement du nouveau monde pour s'adapter aux éventuelles contraintes qu'on pouvait leur imposer : ils l'ont toujours fait.
Le texte dont nous débattons aujourd'hui n'échappe pas à la règle, et si certains déchantent aujourd'hui, je pressentais dès le départ que l'atterrissage serait rude, après les États généraux de l'alimentation, qui avait fait naître un espoir réel que l'on intervienne enfin dans la construction des prix d'achat. En refusant aux interprofessions ou – ce qui serait à vos yeux encore plus sacrilège – à des organismes publics la possibilité de construire des indicateurs de coûts de production, vous touchez les limites de votre exercice de communication.
Ces propositions, qui font consensus au Sénat et à l'Assemblée, ne seraient à mon sens qu'un premier pas sur la route d'un rééquilibrage partiel de la répartition de la valeur ajoutée au bénéfice des producteurs. Cela dit, nous comprenons, avec votre potentiel coup de force sur l'article 1er, que votre position est purement idéologique. Elle est en tout cas bien loin de ce que les agriculteurs attendaient. Vous êtes corsetés par la doctrine selon laquelle il faut laisser le marché libre et ne pas imposer des normes, pourtant indispensables dans le secteur agricole.
Après les accords de libre-échange signés au fil de l'eau, sans contrôle, sans engagement ni contreparties au niveau agricole, nous aboutissons aux mêmes résultats en termes de logique de construction des prix. Votre positionnement conduit à mettre en oeuvre un texte, certes très technique, mais qui n'aura, dans les faits – je vous le dis, et je ne suis pas le seul – pas la moindre efficacité en matière d'équilibre des relations commerciales. Il ne modifie en rien les rapports de force. La majorité des organisations agricoles ne s'y trompent pas. Ce texte ne changera rien, ou alors il changera les choses, seulement à la marge, car il reste inscrit dans un modèle économique qui favorise le plus fort.
Durant ces discussions, nous allons encore tenter de vous convaincre, mais je crains, que le raidissement de vos propositions ne soit plus en phase, non pas avec nous, c'est secondaire, mais avec la réalité des attentes du monde agricole.
Sans revenir sur les chamailleries de clochers entre la droite sénatoriale et la droite macronienne (Exclamations de plusieurs députés du groupe La République en Marche) de l'Assemblée, il convient de rappeler que les objectifs affichés depuis un an par la majorité sont loin de trouver leur traduction dans le projet de loi.
Nous devions rendre leur dignité aux agriculteurs et promouvoir une alimentation saine. Bref, mieux cultiver et mieux manger. Pourtant les agriculteurs ne seront pas gagnants avec votre texte. Alors que le tiers d'entre eux gagne moins de 350 euros par mois et qu'au moins un agriculteur se suicide tous les trois jours, ils continueront à se tuer à la tâche. Le projet de loi ne comporte ni prix planchers, ni aucun mécanisme d'arbitrage impartial et indépendant du marché : vous garantissez que les agriculteurs restent piégés dans la gueule du loup, celle des centrales d'achat des grands groupes agro-industriels, et de la grande distribution.
Vous n'inverserez pas la tendance avec votre texte : chaque semaine 250 exploitations disparaissent. La dernière étude publiée par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) révélait que la taille des exploitations avait doublé en vingt-cinq ans alors que le nombre d'exploitants agricoles n'a cessé de plonger. Avec la chute vertigineuse du niveau de vie et l'absence de perspectives, le métier d'agriculteur n'attire plus. À terme, la course au gigantisme mettra en danger notre indépendance alimentaire – je vous alerte sur ce sujet. Le tournant industriel pris par notre agriculture tend à effacer une spécificité française, celle de la qualité de l'alimentation, du bien manger.
Au-delà des scandales sanitaires qui se multiplient, la qualité de notre alimentation se dégrade. Aujourd'hui, 15 % de la population adulte française est considérée comme obèse, alors que ce ratio ne s'élevait qu'à 8,5 % il y a vingt ans. Une étude récente dirigée par le professeur Hercberg conclut qu'une augmentation de 10 % de la part des aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire entraîne une augmentation dans les mêmes proportions des risques de cancer.
D'autre part, l'article 11 est beaucoup trop flou pour être contraignant et garantir que nous ayons des produits sains dans nos assiettes et celles de nos enfants. Puisque la majorité ne veut pas inscrire dans la loi des critères qui relèvent pourtant du bon sens paysan, comme la saisonnalité, puisqu'elle recule devant le ministre sur l'interdiction des couverts en plastique, puisqu'elle ne veut pas rendre obligatoire le Nutri-Score, ni réguler le marketing et la publicité en direction des enfants, j'ai peu d'espoir quant au déroulement de cette nouvelle lecture. Il ne tient qu'à vous de me surprendre.
De nos champs à nos assiettes, ce projet de loi ne change finalement rien sur le fond de la situation parce qu'il évite soigneusement la racine du problème : le modèle agroalimentaire productiviste et capitaliste, destructeur pour l'environnement. L'absence de l'écologie dans le texte crève les yeux : vous vous êtes arrangés pour que l'interdiction du glyphosate ne soit pas inscrite dans les conditions que l'on sait, en revanche, vous avez eu beaucoup de plus d'enthousiasme à répondre aux demandes des lobbies de l'agrobusiness, en particulier pour autoriser l'épandage par drones.
Depuis les États généraux de l'alimentation, les débats traînent en longueur. Il faudra donc attendre encore davantage pour que soit défendue une agriculture paysanne, écologique, et respectueuse des consommateurs, des agriculteurs et de la nature, qui est sa matière première. Je parle d'un modèle qui ne marcherait plus sur la tête, d'un modèle qui retrouverait du sens. Pour ma part, je continuerai, au nom du groupe La France insoumise, à soutenir des amendements nécessaires pour accélérer l'émergence de ce modèle vertueux.
Nous en avons terminé avec les orateurs des groupes politiques. Je vais maintenant donner la parole, pour une minute chacun, aux députés inscrits dans la discussion générale.
M. Thierry Benoît l'a bien expliqué : la CMP à laquelle j'ai participé la semaine dernière était quasiment morte dans l'oeuf, puisque, avant d'entrer dans la salle nous avions déjà eu vent d'un échec. Sur plus d'une heure et demie de débat, seulement quelques minutes ont été consacrées au fond : l'article 1er a constitué un point de blocage alors même que l'Assemblée et le Sénat l'avaient adopté dans des versions quasiment identiques.
Monsieur le ministre, quand cette réforme s'appliquera-t-elle ? Il y a urgence. Les États généraux de l'alimentation ont commencé au mois de juillet 2017, il y a un an : pouvez-vous nous assurer que les décrets d'application du projet de loi sortiront à temps pour les périodes de négociations commerciales qui débuteront en octobre prochain et se poursuivront jusqu'au mois de février ?
Après l'élan et l'espoir suscités par les États généraux de l'alimentation, nous avions dit notre déception s'agissant du texte adopté par l'Assemblée en première lecture. Je veux redire combien le groupe Nouvelle Gauche a été choqué par les raisons invoquées par notre rapporteur pour rejeter l'accord en CMP.
La majorité de l'Assemblée a parfaitement le droit de ne pas être d'accord avec la majorité du Sénat, mais lorsque des dispositions sont quasiment adoptées dans les mêmes termes par les deux chambres – ce qui était le cas de celles relatives aux coûts de production –, on ne peut pas entendre qu'il faut renoncer à un accord parce qu'il déplairait à l'Élysée et au Gouvernement. Je le dis de façon grave et solennelle : si la réforme des institutions dont nos collègues débattent en ce moment même dans l'hémicycle, conduit, comme nous le craignons, à une diminution des droits du Parlement pour concentrer la réalité du pouvoir entre les mains du pouvoir exécutif, alors nous faisons fausse route.
Il faut donc donner tout son sens à ce qui a été dit, ou plutôt à ce qui a été fait en commission mixte paritaire, parce, répétons-le, nous ne sommes pas les agents du Gouvernement, nous sommes les députés du peuple et, avec notre légitimité et notre souveraineté, nous devons exercer l'entièreté de nos droits.
Il y a un an, avec les États généraux de l'alimentation, vous avez suscité beaucoup d'espoirs ; aujourd'hui, il y a beaucoup de déception. Ce texte permettra-t-il de donner aux agriculteurs un revenu décent ? Je ne le pense pas. Permettra-t-il à l'agriculture française de retrouver sa première place en Europe ? Je ne le crois pas.
Monsieur le ministre, l'amendement relatif aux centrales d'achat, que le Gouvernement a défendu dans l'hémicycle, n'a convaincu absolument personne. Évoluerez-vous enfin sur ce sujet, et remettrez-vous en cause le pouvoir et la puissance d'achat de ces centrales ? Regardons la réalité en face : si vous ne faites rien à ce sujet, tous les mécanismes que vous mettez en place ne serviront à rien !
Où en êtes-vous des négociations sur le budget de la politique agricole commune (PAC) ? S'agissant de la question du revenu décent des agriculteurs, à Paris, vous proposez une loi qui ne servira à rien, sauf à nous amuser pendant qu'à Bruxelles, on accepte des reculs du budget de la PAC. Ce n'est pas admissible pour nos agriculteurs.
L'Assemblée et le Sénat s'étaient mis d'accord sur une logique de construction des prix. À l'Assemblée, nous avions même adopté des amendements contre l'avis du Gouvernement et du rapporteur. Il s'agissait de l'un des seuls points importants afin d'accompagner nos agriculteurs et d'obtenir des prix corrects leur permettant de se rémunérer. En CMP, sur ordre de l'Élysée, vous avez simplement tout cassé et détruit le travail des parlementaires. Avec cette méthode, vous cassez non seulement le travail parlementaire, mais aussi la démocratie.
Monsieur le rapporteur, j'aimerais que nous puissions travailler à nouveau sur ce sujet et revenir à ce qui a été obtenu grâce à l'examen par les deux chambres.
L'article 1er traite de la construction du prix et des indicateurs de coûts de production. Notre assemblée a identifié le rôle des interprofessions dans l'élaboration de ces indicateurs, tout en prévoyant, en cas de désaccord à l'intérieur de la filière, de faire appel à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM).
Monsieur le rapporteur, j'ai entendu votre opposition à cette disposition, mais je ne la comprends toujours pas. Sans elle, il y a plus aucune assurance de pouvoir se référer à des indicateurs partagés et incontestables. Il ne sera plus possible de co-construire un prix et, de fait, parce que c'était bien l'objectif de votre texte, d'améliorer le revenu de nos agriculteurs, en particulier de nos éleveurs. Qu'est-ce qui motive votre opposition farouche et déterminée à une disposition de bon sens et consensuelle – elle a été adoptée par les deux chambres ?
Nous sommes déçus et attristés par l'échec de la CMP, échec qui repose essentiellement sur la disposition relative à la construction des prix agricoles, pourtant adoptée par les députés et les sénateurs. Il s'agissait d'une disposition centrale sur les indicateurs du coût de production et des prix.
Monsieur le rapporteur, nous nous sommes sentis trahis après que nous avons assisté à tous les débats pendant huit jours et huit nuits. Nous aurions souhaité de votre part une attitude plus positive lors de la CMP. Je suis persuadé qu'elle aurait alors pu aboutir. Je vous demande de vous ressaisir.
La sagesse a prévalu chez nos collègues du Sénat concernant la séparation capitalistique entre le conseil et la vente de produits photopharmaceutiques. Votre approche, Monsieur le ministre, qui est également celle du rapporteur, et celle de l'Assemblée nationale en première lecture, se fonde sur une intention très louable, mais elle se heurtera demain à la réalité lorsqu'il faudra l'appliquer sur le terrain.
Je pense même que cette disposition appliquée dans sa version initiale aurait des effets inattendus, avec des formes de vente nouvelles, voire incontrôlées, qui seraient loin du but recherché.
Monsieur le ministre, ce qui compte, c'est ce qui marche – tel est le fil rouge qui doit nous réunir sur ce texte, aujourd'hui.
S'agissant de la construction du prix en marge avant, l'introduction par l'Assemblée nationale, confirmée par le Sénat, de la diffusion des indicateurs de coûts de production par les interprofessions demeure un point central dans le rééquilibrage de chaîne de valeur au bénéfice des agriculteurs.
Nous estimons qu'il est indispensable de maintenir cette disposition dans sa rédaction actuelle. Dans un contexte où certains grands distributeurs et industriels travaillent déjà à la formation de leurs propres indicateurs, nous vous appelons à fermer la porte à des pratiques commerciales qui induiraient une remise en cause perpétuelle du travail des agriculteurs.
J'entends beaucoup parler de déception. Eh bien, nous aussi, nous sommes déçus ! Avec le rapporteur, nous sommes déçus par le caractère non conclusif de cette CMP. Nous avons consacré une heure quarante-cinq de débat à l'identification d'un certain nombre de lignes rouges que le Sénat n'a pas souhaité franchir. Je pense à nos positions respectives sur les articles 8, 14 ou 15. Les positions du Sénat étaient de nature à faire échouer la CMP. Dépassons la procédure : ce n'est pas parce que la CMP a été déclarée non conclusive à l'article 1er que nous aurions pu aboutir !
Nous avions travaillé de manière très constructive au sein de cette commission pour aboutir à un texte équilibré entre les titres Ier et II, pour nos agriculteurs, et pour répondre aux attentes sociétales des Français. Nous devons rétablir cet équilibre, car vous savez aussi bien que moi que le Sénat l'avait complètement dénaturé.
Si nous avions vraiment voulu une CMP non conclusive, elle n'aurait pas duré une heure quarante-cinq, elle aurait duré un quart d'heure – c'est la durée habituelle d'une CMP non conclusive.
Comme l'a dit Mme Célia de Lavergne, nous avons confronté nos points de vue, et nous avons constaté un certain nombre de désaccords. Comme nous avons pris les articles dans l'ordre, nous avons commencé par buter sur l'article 1er mais on nous fait un faux procès en disant que nous ne voulions pas de CMP conclusive et que seul l'article 1er posait un problème. Il en posait en effet, je l'assume totalement, et je n'ai pas besoin du Président de la République ou du Premier ministre pour savoir que des indicateurs validés par la puissance publique ne sont pas une bonne idée et qu'ils ne résolvent en rien…
Si l'article 1er avait été adopté par le Sénat dans le texte de l'Assemblée, nous n'y serions pas revenus. Le Sénat a modifié certains de ces alinéas, ce qui permet à la discussion de se poursuivre.
Le texte actuel ne résoudra en rien les problèmes de la profession. Il pourrait même avoir un effet néfaste. Les indicateurs doivent être validés au sein des interprofessions, qui fonctionnent par consensus.
Pas un d'entre vous n'a participé aux débats du Sénat… (Exclamations sur plusieurs bancs.) Je dis cela uniquement pour vous donner une note d'ambiance : le débat a été très respectueux, très technique, très intéressant et passionnant, mais nous avons eu un certain nombre de désaccords.
Si la CMP a échoué sur l'article 1er, parce que nous ne partageons pas la volonté que l'État soit garant des indicateurs de coûts de production – nous préférons laisser la liberté et la responsabilité aux filières et aux interprofessions en la matière –, il nous semblait important d'avancer, par exemple concernant l'article d'habilitation relatif aux coopératives, ou sur d'autres sujets, mais nous avions un désaccord profond.
Le débat au Sénat nous a permis de progresser sur plusieurs points qui sont aujourd'hui dans le texte et que j'espère vous voir conserver parce qu'ils enrichissent véritablement le projet de loi.
En termes de calendrier, la lecture définitive aura lieu au début de l'automne – je rappelle que nous siégerons en session extraordinaire dès la rentrée de septembre. La loi sera donc bien promulguée avant les négociations commerciales 2018-2019. Le travail sur les ordonnances se mène en parallèle, en associant les députés et les sénateurs. Vous serez conviés à travailler sur l'ordonnance traitant du secteur coopératif. Nous serons prêts pour les négociations commerciales. C'est un impératif.
L'article 10 quater A relatif aux centrales d'achat a été voté conforme. L'Autorité de la concurrence s'est saisie des rapprochements entre les distributeurs. Je veux saluer le travail et les échanges entre le rapporteur, le Gouvernement, et un certain nombre de députés. Je pense au travail entamé en particulier par le groupe UDI, Agir et Indépendants, et par M. Charles de Courson, qui porte depuis longtemps des amendements sur le sujet. En la matière, il faut apporter une réponse européenne.
Il en va de même s'agissant de la PAC. Vous avez constaté qu'hier, l'Allemagne nous a rejoints. Nous sommes désormais vingt-deux pays sur vingt-sept à exiger un budget ambitieux en la matière. Il faudra que nous nous mobilisions encore davantage. C'était pour moi, hier, une grande satisfaction de présenter à Bruxelles, lors du conseil des ministres de l'agriculture, cette déclaration conjointe franco-allemande.
J'ai cru entendre parler de « démocratie en danger » ou même de « trahison ». Je veux bien admettre que l'Assemblée soit propice aux effets de tribune, mais soyons sérieux : il ne s'agit pas de trahir la démocratie, mais de voir comment, ensemble, nous pouvons servir notre agriculture de la meilleure des manières. Je suis évidemment prêt à débattre et à retravailler sur un certain nombre de sujets, mais vous ne pouvez pas reprocher au Gouvernement de défendre des lignes rouges tout en respectant les convictions des uns et des autres. Vous le savez, j'essaie d'en tenir compte, et de construire des solutions durables en répondant le plus précisément possible aux questions que vous me posez. Je n'ai pas changé de méthode d'action depuis la dernière fois que nous nous sommes vus.
Mes chers collègues, je vous propose d'en venir à l'examen des articles et des 387 amendements restant en discussion.
Titre 1er
Dispositions tendant à l'amélioration de l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire
Article 1er (articles L. 631-24, L. 631-24-1, L. 631-24-2, L. 631-24-3 [nouveau], L. 631-24-4 [nouveau], L. 631-24-5 [nouveau], L. 665-2, L. 932-5, L. 952-5 et L. 953-3 du code rural et de la pêche maritime) Rénovation des contrats de vente de produits agricoles destinés à la revente ou à la transformation
La commission est saisie de l'amendement CE67 du rapporteur.
Cet amendement de clarification prévoit que l'inversion de la responsabilité de formuler une proposition de contrat est valable aussi bien dans les secteurs soumis à contractualisation obligatoire que dans les secteurs où le contrat écrit est facultatif. Dans ce dernier cas, le règlement (UE) n° 13082013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles prévoit la possibilité, pour un producteur, une organisation de producteurs (OP) ou une association d'organisations de producteurs (AOP), d'exiger un contrat écrit ou une proposition de contrat de la part de l'acheteur avant livraison.
La généralisation de l'inversion de la proposition contractuelle devrait permettre de renforcer la place du producteur dans tous les secteurs agricoles.
Avis favorable. Si cet amendement ne modifie par l'article 1er sur le fond, il facilite sa lecture et lève une ambiguïté.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine l'amendement CE7 de M. Arnaud Viala.
Cet amendement vise, en quelque sorte, à « sacraliser » les propositions d'accord-cadre écrit, émises par l'organisation de producteurs, et à en faire le socle unique de la négociation. L'objectif est de faire le parallèle avec les conditions générales de vente (CGV) que tout fournisseur doit proposer à son acheteur, et qui sont le point de départ de la négociation, ce qui n'est pas le cas des conditions d'achat du client. L'intérêt est de faire le lien avec les sanctions prévues à l'article L. 442-6 du code de commerce.
Avis défavorable. Vous souhaitez que le contrat individuel ne puisse déroger à l'accord-cadre.
La formulation de l'article 1er vous donne déjà satisfaction puisque les contrats individuels des producteurs sont « subordonnés au respect des stipulations de l'accord-cadre ». Les contrats individuels passés pour les volumes de produits en cause, concernés par la commercialisation via l'OP, ne pourront déroger à cet accord-cadre. En cas de dérogation, les contrats concernés seront sanctionnés – sanctions que nous nous avons durcies en première lecture.
Avis défavorable. En tout état de cause, dès qu'un accord-cadre est signé par l'OP ou l'AOP, tout contrat individuel doit le respecter.
Par ailleurs, l'amendement supprimerait la notion de « socle unique de la négociation » utilisée à l'alinéa 5 pour qualifier la proposition de contrat ou d'accord-cadre écrit, ainsi que la mention que « tout refus de la proposition de contrat ou d'accord-cadre écrit par le premier acheteur ainsi que toute réserve sur un ou plusieurs éléments de cette proposition doivent être motivés et transmis à l'auteur de la proposition dans un délai raisonnable au regard de la production concernée ». La suppression de ce qui constitue des avancées du débat parlementaire de première lecture me paraîtrait dommageable.
La commission rejette l'amendement.
Elle est saisie des amendements identiques CE146 de M. Dino Cinieri, CE156 de M. Antoine Herth, CE238 de M. Jérôme Nury, et CE375 de M. Patrice Perrot.
Je propose de clarifier le dispositif en ne laissant pas la possibilité à un acheteur de passer outre la conclusion d'un accord-cadre avec une organisation de producteurs. Cette proposition est indissociable du renforcement du rôle de la médiation en permettant au médiateur de saisir le juge en référé.
L'amendement identique CE156 vise à renforcer le rôle des OP : une OP doit avoir l'exclusivité de la négociation avec un éventuel acheteur dès lors qu'un producteur l'a mandaté pour cela. Les choses n'étant pas suffisamment structurées et organisées en amont, il faut que les OP détiennent le pouvoir exclusif de conclure un accord avec l'acheteur.
L'article 1er adopté par l'Assemblée ne laissait aucune liberté à un acheteur de contourner l'accord-cadre, contrairement à la version du Sénat. Nous proposons de revenir au texte de l'Assemblée.
Il s'agit de prioriser, et de mettre en avant les organisations de producteurs, en s'inspirant des débats des États généraux de l'alimentation.
Avis défavorable. Entendons-nous bien : nous parlons de secteurs pour lesquels la contractualisation n'est pas obligatoire ! Le Gouvernement a introduit de la souplesse pour ces secteurs et il est vrai que l'article 1er comporte déjà beaucoup de formalisme. Il serait souhaitable de laisser un peu de souplesse aux producteurs engagés avec une OP qui n'aurait pas conclu d'accord-cadre – s'il s'agit d'une coopérative, il existe un règlement coopératif. Je suis certain qu'il n'est pas utile d'introduire de nouvelles rigidités et des contraintes trop importantes dans des secteurs où il reste beaucoup à faire en matière de contractualisation.
Défavorable. Il convient d'adopter une approche pragmatique et de préserver la possibilité pour le producteur de signer un contrat individuel si, pour une raison ou une autre, son organisation de producteurs est en situation d'échec dans une négociation avec un acheteur.
Si cette possibilité n'existait pas, les producteurs seraient incités à ne pas se regrouper en organisations de producteurs, regroupement que nous voulons favoriser. Il faut éviter tout risque de blocage qui pourrait les empêcher de vendre leur production, voire les pousser à s'affranchir d'un contrat écrit – ce qui ne va pas dans le sens de ce que nous souhaitons faire. Je le répète : en tout état de cause, dès qu'un accord-cadre est signé par l'OP ou l'AOP, tout contrat individuel doit le respecter.
Nos amendements défendent l'idée que dès lors qu'un agriculteur adhère à une organisation de producteurs, cette dernière négocie et aucune négociation ou aucun accord n'est possible en dehors d'elle. Ils ne visent pas à rendre la contractualisation obligatoire. L'éleveur fait ce qu'il veut : il a la liberté d'adhérer ou de ne pas adhérer à l'OP.
Si l'organisation de producteurs est en situation d'échec lors de négociations et que le producteur trouve un débouché commercial pour tout ou partie de sa production, il faut qu'il puisse signer un contrat avec le transformateur ou le distributeur concerné. Le producteur pourra d'ailleurs faire bénéficier son OP de ce débouché.
Si l'on ne laisse pas cette possibilité aux producteurs, ils risquent de considérer qu'il est inutile de rejoindre une OP.
Je partage les préoccupations exprimées par M. Thierry Benoit s'agissant du rôle des OP. S'il s'agit d'une organisation de producteurs commerciale, c'est-à-dire une coopérative, le problème ne se pose pas. Il se pose en revanche, vous avez raison pour les organisations de producteurs non commerciales (OPNC). J'ai déposé un amendement qui rétablit le texte de l'AN afin que les OP et les OPNC facturent pour le compte de leurs adhérents, ce qui leur donne une mission supplémentaire. En l'absence de personnels ou de personnels qualifiés, je crains que certaines OPNC soient bien en peine aujourd'hui de négocier un accord-cadre. Nous sommes parfaitement conscients qu'il faut renforcer les OP, mais, connaissant en particulier l'état actuel des OPNC, il serait prématuré de leur demander de conclure systématiquement des accords-cadres ; je pense qu'elles n'en sont pas capables.
La commission rejette ces amendements.
Elle en vient aux amendements identiques CE94 de M. Jérôme Nury, et CE118 de M. Dino Cinieri.
Mon amendement a pour objet de préciser que tout contrat écrit conclu entre un producteur membre d'une organisation de producteurs sans transfert de propriété et un acheteur doit être précédé de la conclusion d'un accord-cadre écrit entre l'organisation et l'acheteur, afin d'éviter les cas où un acheteur souhaiterait contourner cette négociation collective.
Un acheteur pourrait en effet tenter de contourner la négociation collective en engageant une relation bilatérale avec un producteur qui aurait pourtant donné mandat à son organisation pour négocier la commercialisation de sa production.
Tel qu'il résulte de la première lecture dans chaque chambre, l'alinéa 5 prévoit bien que la conclusion d'un contrat individuel est précédée de la conclusion et, dans tous les cas, subordonnée au respect de l'accord-cadre écrit. Le Sénat a adopté un amendement prévoyant que, dans les secteurs où le contrat n'est pas obligatoire, la signature du contrat individuel ne sera pas nécessairement précédée de la signature d'un accord-cadre par l'OP. Les amendements étant satisfaits par la rédaction actuelle du texte, j'émets donc un avis défavorable.
Même avis. Si l'on prend l'exemple du secteur de la viande bovine pour lequel on n'enregistre aujourd'hui que 2 % de contractualisation, il faut préserver la possibilité pour un producteur de signer un contrat individuel si son OP échoue dans ses négociations.
La commission rejette ces amendements.
Elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques CE95 de M. Jérôme Nury et CE222 de M. Jean-Yves Bony, ainsi que de l'amendement CE120 de M. Dino Cinieri.
L'amendement CE95 vise à préciser et clarifier la rédaction relative à la clause de prix, en particulier afin que ce dernier soit déterminable par le producteur pendant toute la durée du contrat. Il connaîtra ainsi le prix auquel il sera payé à l'issue du contrat.
L'amendement CE120 vise à renforcer la rédaction relative à la clause de prix. Le prix doit pour le moins être déterminable par le producteur pendant toute la durée du contrat. Il s'agit d'interdire les formules de calcul qui l'empêchent de connaître le prix auquel il sera payé en cours de contrat.
Avis défavorable sur les trois amendements.
J'entends vos préoccupations relatives au prix « déterminé » et au prix « déterminable ». Les prix des produits livrés et payés par les acheteurs résultent de formules de calcul qui, pour de nombreux produits, comme le lait, ne le rendent pas déterminé à l'avance, avant la livraison sans quoi l'objet du contrat fixerait systématiquement un prix, sans tenir compte par exemple de la qualité du lait.
De fait le prix déterminable résulte de la formule « critères et modalités de détermination du prix » de l'alinéa 7 que nous avons rétabli en première lecture grâce à l'un de mes amendements en séance publique.
Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable aux trois amendements.
La commission rejette les amendements identiques.
Elle rejette ensuite l'amendement CE120.
Puis elle examine l'amendement CE24 de M. Thierry Benoit.
L'alinéa 7 indique que la proposition de contrat ou d'accord-cadre écrit et le contrat ou l'accord-cadre écrit conclu comportent a minima les clauses relatives au prix ou aux critères et modalités de détermination et de révision du prix. L'amendement vise à préciser que cela concerne « notamment le prix collecté au siège du vendeur et le prix livré chez l'acheteur ».
Par exemple, depuis 1983, avec les quotas laitiers, on avait une rémunération augmentée des primes PAC, qui ressemblait à un revenu. Aujourd'hui, il y a des contrats avec leurs clauses. Nous proposons de dissocier le prix du lait collecté chez l'agriculteur du prix livré à la laiterie. Cela peut aider à déterminer le coût de production et être intégré dans le contrat. Ce qui vaut pour le lait vaut évidemment pour d'autres productions.
Défavorable. Nous avons déjà débattu de ce dispositif en première lecture. Je ne suis pas du tout certain qu'une telle dissociation du prix serait favorable aux producteurs, en particulier dans les zones de déprise agricole où l'on trouve, par exemple, peu d'exploitations laitières – je suis même sûr du contraire. Nous rencontrons déjà un problème dans certaines zones dans lesquelles les exploitations sont dispersées : des coopératives refusent de collecter le lait pour des raisons de coût. Nous connaissons ce problème dans la région d'où je viens.
Avis défavorable. Certes, au-delà des questions de différences de coût de collecte, par exemple entre les zones de montagne et de moyenne montagne et la plaine normande, la décomposition entre le prix à l'exploitation et le prix une fois le lait transporté chez le transformateur pourrait constituer un paramètre pertinent. Pourquoi ne pas en faire mention dans des frais de livraison ? On pourrait aussi en tenir compte dans l'élaboration du contrat. Il revient aux interprofessions de se saisir de ce « découpage » du prix de revient en une comptabilité analytique, et de l'intégrer aux clauses types. L'inscription dans la loi de cette dissociation du prix n'aurait en revanche pas de sens.
Une chose est claire depuis que nous avons commencé l'examen des amendements : il manque des OP et des AOP qui couvriraient l'essentiel du territoire. C'est un élément essentiel au dispositif. Tant que nous n'aurons pas ces grandes AOP, les problèmes qu'évoque M. Thierry Benoit constitueront de véritables distorsions de concurrence et des handicaps.
La situation est tout de même « surréaliste » : face à une capacité de livraison partielle – je ne parle pas du lait –, nous avons des coopératives qui renâclent à assurer la collecte.
Tant que nous n'aurons pas de grandes AOP capables d'assurer une péréquation, et d'apporter une garantie de prix lié à un contexte, commun et mutualisé, nous n'y arriverons pas.
Une grande politique fondée sur le premier et le deuxième pilier de la PAC, aidant et facilitant la constitution des OP, et le relèvement des seuils, auraient été des mesures parfaitement à notre portée. Elles auraient pour le moins pu être annoncées par le Gouvernement et la majorité.
Il me semble très important de découpler le prix entre la livraison en cour de ferme et la livraison finale. Même si, Monsieur le rapporteur, vous pensez que cela peut figurer dans le contrat, cela ne sera cependant pas le cas au bout du compte car ce n'est pas dans l'intérêt de certains. Cela peut ne pas être profitable au producteur mais cela ne saurait lui être défavorable. Il me semble donc important que ce point figure dans la loi. J'ai rencontré beaucoup de producteurs qui ont envie d'opérer cette dissociation pour pouvoir s'organiser. Cela permettra de les protéger. C'est le rôle de la loi.
Je pense que ce sujet reviendra à l'ordre du jour. Lorsque les organisations de producteurs seront pleinement consacrées, elles pourront lancer une consultation pour trouver une entreprise qui collecte, à laquelle elles désigneront ensuite l'industriel chez qui elle doit effectuer la livraison, en vue de la fabrication de tel ou tel produit. Tel est précisément le sens de l'amendement.
Aujourd'hui, il y a des accords de collecte entre les industriels : on va chez un agriculteur et on ne sait pas d'où vient le lait, puisque la citerne est anonyme. Mais je suis persuadé que nous allons aller de plus en plus vers des collectes différenciées à l'avenir. Puisque nous voulons rendre leur souveraineté aux agriculteurs, et notamment aux producteurs laitiers, nous devons les engager à s'organiser et à lancer leurs propres consultations. Car la collecte est une chose et la transformation en est une autre.
Je suis tout à fait favorable à cet amendement, car nous devons avoir une véritable transparence sur le prix. C'est en quelque sorte le premier pas vers le coefficient multiplicateur. Cela permet de voir l'évolution du prix dans la filière. À défaut, il est plus difficile de s'organiser.
Je suis d'accord avec M. Dominique Potier s'agissant du renforcement des OP. Je crois fermement à la subordination de certaines aides de la PAC à l'appartenance à une organisation de producteurs. Hélas, seul l'argument financier incitera en effet certains producteurs à se regrouper en OP. C'est une orientation que je soutiendrai également dans le cadre des discussions sur la nouvelle PAC.
Après une concertation large avec l'ensemble de la profession et les organisations syndicales, un décret a été publié en avril au sujet du seuil. Nous examinerons plus tard un amendement sur ce point. La question relève cependant du niveau réglementaire, non du niveau législatif.
La transparence est en outre réclamée par les acheteurs. Prendre en considération le transport peut la renforcer.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CE416 de M. André Chassaigne.
Cet amendement est sans doute l'un des plus importants. Je dirais même que c'est celui qui pourrait permettre la réussite – ou l'échec – du projet de loi. Nous sommes en effet au coeur du débat : il s'agit de faire en sorte que le contrat ou l'accord-cadre comporte « les modalités précises de prise en compte des coûts de production dans la détermination du prix ».
Étant un député de consensus, je suis prêt à accepter la suppression par voie de sous-amendement de la deuxième phrase de mon amendement, qui, du fait de sa nature descriptive, n'est pas vraiment indispensable. En tout cas, l'adoption de la première permettrait de franchir un grand pas et d'avancer beaucoup plus rapidement dans les discussions qui suivent.
Concernant l'intégration d'un niveau de rémunération équitable, il est d'usage d'intégrer la rémunération du producteur dans ces coûts. Ainsi, les indicateurs de l'Institut de l'élevage la prennent déjà en compte. Dans le logiciel Couprod, ce travail est valorisé à hauteur de 1,5 SMIC par unité de main-d'oeuvre, pour se rapprocher du salaire médian français. Je ne vois donc pas ce que peut ajouter une inscription dans la loi.
Il faut aussi tenir compte de ce que, dans la formation du prix, il n'y a pas que les coûts de production : les indicateurs retenus par ces contrats sont multiples. Ils peuvent également prendre en compte les prix de marché. Il revient aux interprofessions de choisir ceux qu'elles souhaitent, sans leur en imposer l'un ou l'autre. Avis défavorable.
Si la prise en compte des coûts de production est nécessaire, elle ne peut s'envisager dans un contexte déconnecté des réalités de marché. On ne peut ainsi parler du prix du blé sans envisager sa cotation sur le marché international. La prise en compte de la qualité est également primordiale, si nous voulons placer l'agriculture dans une perspective de création de valeur. Si un agriculteur s'engage dans une démarche de qualité, sa rémunération doit en tenir compte. Dans le cadre de la construction d'un prix, nous devons donc prendre en considération une multiplicité d'indicateurs.
Mon avis est défavorable. Les EGA n'avaient pas prévu de consacrer la prépondérance d'un indicateur sur les autres. Je renvoie moi aussi à la responsabilité des interprofessions.
Je ne suis pas convaincu. La mention du coût de production n'est en aucun cas exclusive : il ne s'agit pas d'éjecter du texte de loi les autres critères. Pourquoi celui-ci ne devrait-il cependant pas être mentionné au milieu des autres, comme la quantité ou la qualité des produits livrés ? Avez-vous peur que cela puisse heurter les conditions d'échange et du marché ? Il n'y a pas de raison, à mon sens.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CE404 de M. André Chassaigne.
Nous souhaitons que les indicateurs pris en compte dans la détermination du prix puissent faire référence à l'origine des produits au même titre qu'à leur composition ou à leur qualité.
Pourquoi pas, même si votre intention, si c'est celle de valoriser les produits sous signes de qualité et d'origine (SIQO), peut être couverte par le respect d'un cahier des charges. C'est un amendement que nous avions adopté en première lecture. Avis favorable.
La première lecture a permis l'ajout d'un indicateur relatif à l'origine des produits, à l'alinéa 14. Cette mention supplémentaire serait donc superfétatoire. Évitons le bavardage et préférons-lui l'efficacité.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite, en présentation commune, les amendements CE25 et CE26 de M. Thierry Benoit.
Il s'agit de nouveau des clauses que l'on peut intégrer dans les contrats ou dans les accords-cadres. Comme Européens, nous avons une vision très internationale du commerce. Nous proposons donc d'introduire des clauses relatives aux incoterms, c'est-à-dire au commerce international, et des clauses relatives à la saisonnalité. Un produit peut en effet faire l'objet d'une contractualisation, tout en voyant son prix varier selon les saisons.
Si les producteurs peuvent s'appuyer sur ces conditions tarifaires internationales, dites incoterms, il n'est pas nécessaire de les rendre obligatoires dans les clauses minimales des contrats de toutes les productions. Avis défavorable.
Pour le second amendement : vous indiquez qu'il s'agit d'un amendement de précision. C'est le moins qu'on puisse dire ! Laissons les interprofessions et les OP, en fonction des productions, définir le degré de détail des clauses contractuelles à prévoir. Un certain nombre de possibilités sont ouvertes. Il ne nous semble pas raisonnable d'instaurer ces clauses minimales. Avis défavorable.
Pour l'amendement CE25, il me semble que les modalités de rédaction doivent être laissées au libre choix des différentes parties. Évitons de figer dans la loi la rédaction des contrats, par le recours à une codification trop spécifique.
Quant à l'amendement CE26, il n'est pas souhaitable d'imposer aux filières des clauses sur la régularité de livraison. Prenons l'exemple de la filière bovine : les animaux sortent aussi des exploitations en fonction de leur date de naissance et de la qualité de la pousse de l'herbe. Il y a donc un certain nombre d'éléments qui entrent en ligne de compte. Avis défavorable.
À propos de l'amendement CE25, indiquer les incoterms pourrait avoir du sens. Cela peut paraître technique, mais c'est ce qui définit, concrètement, le lieu de paiement, le lieu de livraison et le lieu d'assurance des produits. Ces points ont généré de nombreux conflits dans les négociations commerciales. Faire référence à ces éléments de définition du transfert de propriété n'est pas sans intérêt.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CE493 du rapporteur.
Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE257 et CE259 de M. Dominique Potier.
L'amendement CE257 vise, dans le cas d'une conversion à l'agriculture biologique, à exonérer de toute indemnité de résiliation un agriculteur qui, changeant de mode de production, doit aussi changer de lieu de livraison. Nous créerions ainsi une exception au contrat. La conversion à l'agriculture biologique suppose en effet une remise en cause si importante du métier qu'elle peut justifier de pouvoir changer de livreur sans passer sous les fourches caudines d'une indemnité de résiliation. Les sénateurs socialistes et républicains avaient déposé un amendement en ce sens.
L'amendement CE259 est un amendement de repli. Il prévoit que la personne livrée bénéficie, le cas échéant, d'un délai d'information d'un an, pour qu'elle puisse prendre ses dispositions.
La rédaction que vous proposez qui prévoit l'absence totale d'indemnité de résiliation en cas de conversion à l'agriculture biologique n'est pas justifiée, car une telle conversion nécessite de se préparer de nombreux mois en amont pour repenser le système de production. Cette préparation doit se faire, en général, en relation avec les acheteurs, en cherchant à favoriser la mise en place de démarches contractuelles. C'est dans cet esprit que les filières biologiques pourront se structurer.
Enfin, le paragraphe 6 de l'article 168 du règlement UE n° 13082013 régissant l'organisation commune de marché (OCM), ou le paragraphe 4 de son article 148 pour le secteur du lait, garantit la libre négociation des éléments du contrat, notamment les clauses de résiliation, ce qui interdit aux États membres de priver totalement les parties de la possibilité de prévoir de telles indemnités dans le droit national.
Avis défavorable aux deux amendements.
Offrir à l'une des parties la possibilité de se retirer sans contrepartie peut aboutir à l'effet inverse de ce que l'on recherche, à savoir que le producteur et l'acheteur puissent discuter pour trouver ensemble de nouveaux débouchés aux produits issus de l'agriculture biologique.
En outre, le projet de loi prévoit des dispositions sur les indemnités de résiliation en cas de changement de mode de production. J'émets donc un avis défavorable sur ces amendements, même si je partage avec vous l'objectif de développer l'agriculture biologique. Ce sont les nouveaux marchés qui lui permettront de progresser de plus en plus.
Le groupe La France insoumise avait proposé les mêmes amendements au cours de l'examen en première lecture. Nous allons donc soutenir ces amendements.
Monsieur le rapporteur, vous expliquez que l'agriculture biologique se prépare en amont. Certes. Mais la temporalité de la transition et celle des contrats peuvent se percuter parfois, ce qui crée un frein à la conversion vers l'agriculture biologique. Il serait donc de bon aloi de dégager les agriculteurs concernés de ces contraintes.
Permettez-moi de préciser deux points. D'abord, en production végétale, en particulier dans le domaine des céréales, il y a une demande, dès la deuxième année, pour la production de transition, dite production de type C2. La rupture du contrat peut donc devenir nécessaire dans les dix-huit mois de la conversion à l'agriculture biologique. Les choses vont très vite, se déroulant dans l'espace d'un an et demi et non de trois ans !
Ensuite, certains acheteurs ne sont pas intéressés par l'agriculture biologique. N'ayons pas la candeur de croire que la négociation va les faire changer d'avis. J'en appelle donc à l'intérêt général, qui justifie que nous accordions cette liberté au livreur, en créant cette exception en sa faveur.
Mais quand commence exactement la conversion ? Dès la première année de transition ou à l'issue de celle-ci, quand on entre pleinement dans l'agriculture biologique ?
Dans le domaine des céréales, une conversion prend trois ans. Mais, dès la deuxième année de production, il y a une demande de marché, notamment pour intégrer cette production dans l'alimentation animale. Rompre le contrat existant pour trouver un nouveau contrat constitue donc un vrai sujet.
Certaines laiteries, dont je tairai le nom, sont clairement opposées à la production biologique. Elles ne créent pas de filière en leur sein et n'en créeront pas non plus demain. Or cela pose un vrai problème aux producteurs.
La conversion à l'agriculture biologique constitue un engagement fort, qui mérite des contreparties. Vous qui défendez la libre entreprise et la prise de risques, allez laisser ceux qui s'orientent dans cette voie face à des contraintes difficiles à gérer.
La commission rejette successivement les amendements.
Elle examine ensuite l'amendement CE175 de Mme Bénédicte Taurine.
Je reviens sur la question de la construction du prix à partir du coût de production. Plusieurs indicateurs seraient susceptibles d'être pris en compte. Nous défendons quant à nous l'idée que ceux-ci doivent être établis par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM), commission administrative à caractère consultatif, indépendante des différents acteurs. Il est en effet primordial selon nous que ces indicateurs soient déterminés par un organisme public et qu'ils soient acceptés par tous.
Bien sûr, les interprofessions, les instituts techniques et les organisations de producteurs pourront alimenter par leurs chiffres l'OFPM, mais c'est à lui qu'il reviendra d'établir les indicateurs.
L'OFPM calcule déjà les coûts de production. Il n'est pas utile de mentionner ici la disponibilité de ses indicateurs, dans la mesure où les parties ont le choix de les utiliser ou non, même si elles sont très incitées à utiliser les indicateurs des interprofessions qui s'appuient très souvent sur ceux des instituts techniques. L'article 5 quater donnera d'ailleurs un rôle plus important à l'OFPM – nous y reviendrons.
Concernant l'intégration d'un niveau de rémunération, la plupart des instituts techniques prennent déjà en compte les coûts de production à hauteur de 1,5 SMIC par unité de main-d'oeuvre. C'est quasiment systématique, car le salaire de l'agriculteur et du producteur fait bien évidemment partie des coûts de production.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CE6 de M. Arnaud Viala.
Il s'agit d'un amendement de précision sur la détermination du prix, et notamment des indicateurs qui lui servent de base. Ceux-ci doivent être publics et vérifiables. Il en va de la réussite de ce dispositif.
Cela me fait de la peine de devoir le dire à des élus du groupe Les Républicains, mais contraindre des opérateurs à utiliser des indicateurs nécessairement publics n'est pas possible au regard du respect de la liberté contractuelle des parties, principe à valeur constitutionnelle. En revanche, votre intention peut être satisfaite par l'article 5 qui prévoit que les indicateurs des interprofessions sont rendus publics.
L'idée est de laisser les opérateurs choisir leurs indicateurs, y compris publics mais pas nécessairement, et de faire en sorte que les indicateurs disponibles soient pertinents et consensuels. Nous donnons ce rôle aux interprofessions parce qu'elles fonctionnent sur le mode du consensus. C'est une force à exploiter.
A contrario, faire valider des indicateurs par un organisme public est tentant à court terme, mais serait le plus sûr moyen de donner à la partie la plus forte la possibilité de les contester et de poursuivre ainsi le rapport de forces lors des négociations contractuelles qui ne manqueront pas d'intervenir. On ne peut obliger des parties à un contrat à utiliser des indicateurs de manière péremptoire et obligatoire.
Avis défavorable.
Nous avons eu de nombreux débats à ce sujet au cours de l'examen en première lecture. Nous avons prévu des garde-fous pour répondre à la crainte légitime que la partie la plus forte n'impose ses indicateurs, ce qui serait, en tout état de cause, totalement contraire à l'esprit de la loi.
C'est pourquoi j'avais soutenu l'amendement introduisant, à l'article 5 quater, la possibilité de disposer d'un avis technique et scientifique de l'OFPM, sur un indicateur ou sur une méthode d'élaboration d'un indicateur. Cela permet d'accompagner et de sécuriser l'élaboration et le choix d'indicateurs.
J'ai aussi soutenu les modifications portées à l'article 4, qui renforcent l'action du médiateur. Celui-ci pourra émettre un avis ou une recommandation sur les indicateurs lorsqu'il sera saisi par un membre de l'interprofession qui constatera un blocage. En première lecture, nous avions choisi qu'en ce cas, on fasse appel au médiateur des relations agricoles. Il sera donc possible de porter à la connaissance de l'ensemble du public et des opérateurs ses avis et recommandations.
Avis défavorable.
Vous soutenez qu'on ne peut imposer des indicateurs publics. Mais si ces indicateurs ne sont pas obligatoires, ce raisonnement ne tient pas. Or il s'agit précisément de seulement les « prendre en compte ». Cette formulation n'est pas exclusive, puisqu'elle n'empêchera pas qu'il soit tenu compte d'autres indicateurs. Pourquoi ne voulez-vous pas que soient pris en compte les indicateurs établis par l'OFPM ou FranceAgriMer, par exemple ?
Mais les opérateurs ont déjà le droit de le prendre en compte. C'est une faculté dont ils jouissent déjà. Si l'on en fait une obligation, on portera atteinte à la liberté contractuelle.
Nous nourrissons tous la crainte que la grande distribution s'organise en conséquence, qu'Intermarché engage du personnel pour établir des indicateurs, qui seront ensuite imposés aux producteurs. On devrait au contraire pouvoir s'appuyer sur l'OFPM. Rassurons les éleveurs en faisant en sorte que, si la grande distribution cherche à imposer des indicateurs, ce soient ceux de l'OFPM qui entrent en compte.
En première lecture, nous avons prévu des garde-fous pour éviter qu'une partie n'impose à une autre des indicateurs. J'ai entendu les craintes émanant de groupes de producteurs s'agissant d'indicateurs que la grande distribution chercherait à imposer à l'ensemble de l'interprofession. Nous avons d'ailleurs besoin d'interprofessions « longues » qui permettent de définir des indicateurs prenant en compte toutes les opérations, de l'amont jusqu'à l'aval. Nous visons une co-construction de l'ensemble des indicateurs, qui s'appuie aussi sur les travaux de l'OFPM.
Mais ce dernier ne doit en aucun cas donner une sorte de label à un prix sous peine de déresponsabiliser l'ensemble des interprofessions. Celles-ci, en effet, à chaque fois qu'un blocage apparaîtra, se tourneront vers l'OFPM et cesseront de chercher à construire des indicateurs de prix. En pratique, si le marché fonctionne bien nous n'entendrons parler de rien, mais, si les indicateurs publics ne garantissent pas ce fonctionnement correct, c'est l'État qui sera remis en cause. Nous voulons au contraire laisser aux interprofessions toute leur responsabilité.
Nous sommes ici au coeur d'un débat extrêmement important. Alors que 80 % du marché est détenu par un seul distributeur ou transformateur, quels sont les verrous mis en place pour empêcher que s'établisse un rapport léonin dans la fixation des prix ?
Dans la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite « Sapin II », il est prévu que l'Institut de l'élevage, par exemple, donne des indications sur les coûts de production. Avec M. Thierry Benoit, nous avions en effet réussi à faire en sorte que le panier de produits d'une multinationale du lait ou de la viande, sa capacité à produire de la valeur ajoutée sur des marques ou sur des indications géographiques protégées (IGP), puisse être pris en compte dans la fabrication du prix. Nous avions ainsi densifié l'information publique disponible. Le texte ne constitue-t-il pas une régression à cet égard ? J'attends vos éclaircissements sur ce point.
Nous sommes tous d'accord pour donner aux acteurs la responsabilité de construire un prix avec un étalon aisément reconnaissable. Le terme « publics » est peut-être maladroit, en l'occurrence, et l'expression « prennent en compte » peut laisser penser, j'en conviens, que ces indicateurs seraient obligatoires, alors que ce n'est pas notre intention. Je vais donc travailler de nouveau à la rédaction de cet amendement avec M. Arnaud Viala, en vue de la séance publique. Notre but est seulement de permettre aux interprofessions, qui ne sont s pas dans un état de passivité totale, de construire leurs propres indicateurs reconnus.
L'amendement est retiré.
La commission adopte ensuite l'amendement rédactionnel CE77 du rapporteur.
Puis elle examine, en discussion commune, l'amendement CE260 de M. Dominique Potier, les amendements identiques CE68 du rapporteur et CE376 de M. Nicolas Turquois, l'amendement CE258 de M. Dominique Potier, l'amendement CE405 de M. André Chassaigne et l'amendement CE431 de M. Olivier Gaillard.
Permettez-moi seulement de vous lire l'amendement. Il est proposé d'insérer la phrase suivante : « Sauf s'ils sont définis par toute structure régionale, nationale ou européenne leur conférant un caractère public ou déterminés par des accords interprofessionnels mentionnés au présent titre, les indicateurs utilisés par les parties doivent préalablement être approuvés par l'autorité administrative, selon les modalités fixées… »
On dit donc bien que l'accord des parties est premier. Nous espérons que, grâce aux outils relatifs à la décartellisation de la grande distribution et à la politique volontariste que vous allez mettre en oeuvre en vous appuyant sur les aides des premier et deuxième piliers de la PAC, qui favorisera la montée des AOP, ces dispositions ne trouveront pas à s'appliquer. Mais, dans le cas contraire, une boussole sera nécessaire ; il faudra des repères. Quand la puissance publique recule, c'est le rapport de forces qui l'emporte, au détriment des producteurs. Ce n'est pas le bon sens ou l'empowerment des acteurs.
L'article 5 quater permettra aux interprofessions de demander l'avis de l'OFPM pour construire les indicateurs en cas de difficulté. Il pourra également se prononcer sur les méthodes d'élaboration de ces indicateurs.
Mon amendement CE68 vise à substituer aux trois dernières phrases de l'alinéa 14 les deux phrases suivantes : « Les organisations interprofessionnelles peuvent élaborer ou diffuser ces indicateurs qui peuvent servir d'indicateurs de référence. Elles peuvent, le cas échéant, s'appuyer sur l'observatoire mentionné à l'article L. 682-1 ou sur l'établissement mentionné à l'article L. 621-1 », soit l'OFPM ou FranceAgriMer.
Si un accord revêt une dimension publique quasi imposée, il ne sera pas respecté par les parties, à commencer sans doute par les grandes surfaces.
Je prendrai l'exemple de la filière des semences. La France est l'un des pays leaders en ce domaine. Des entreprises multinationales sélectionnaient des variétés et les faisaient multiplier en France en passant par l'intermédiaire des coopératives pour accéder aux agriculteurs. Mais une discussion sans fin avait lieu, tous les ans, sur le mode de rémunération, tandis qu'une concurrence apparaissait entre les différents organismes multiplicateurs, tels que les coopératives.
Il y a sept ou huit ans, dans le domaine du maïs semence, un accord interprofessionnel est intervenu, qui est valable dans toute la France. Il prévoit que chaque organisme multiplicateur, c'est-à-dire, en pratique, chaque coopérative, devra définir un rendement du maïs dans sa région, en se fondant sur une comparaison avec la marge supplémentaire apportée au regard d'une parcelle en irrigation.
Un prix de référence est ainsi défini : par exemple les cotations moyennes, sur un an, du maïs à Bordeaux. Tout le monde a accès à cette information, qui définit un différentiel de charge lié au maïs semence. Cette règle de base vaut pour toute la France. Personne n'est obligé de le suivre, mais, en pratique, 95 % des accords de multiplication suivent cet indicateur. Voilà qui montre la puissance de l'accord interprofessionnel. Agriculteurs, donneurs d'ordre ou intermédiaires, tous les acteurs ont été responsabilisés et ont trouvé leur compte dans l'affaire.
Mon amendement CE258 propose d'ajouter : « après avis de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ». C'est le même esprit et le même combat.
Si l'amendement CE68 du rapporteur est adopté, il fera tomber les suivants. Or mon amendement CE405 répare un oubli du texte qui nous est soumis. Seul, en effet, est évoqué FranceAgriMer. Il existe pourtant un autre établissement qui a compétence en outre-mer, à savoir l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-Mer (ODEADOM), mentionné à l'article D. 684-1. Cet oubli me semble regrettable.
L'objet du présent amendement est de faire bénéficier le dispositif de fixation du prix d'un gage d'efficacité supplémentaire par une obligation de publication des indicateurs servant à la fixation des prix. Il mise sur la transparence et la confiance, sans remise en cause de la liberté contractuelle.
S'agissant de l'amendement CE260, confier à l'État la conception et la validation des indicateurs est contraire au droit européen de la concurrence et notamment à l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), qui pose le principe de prohibition des ententes anticoncurrentielles. En effet, donner à l'OFPM la mission de valider ces indicateurs, c'est prendre la voie de la fixation, par l'État, d'un prix minimum.
Si cette disposition était adoptée par le Parlement, ce sont les producteurs qui s'exposeraient à des sanctions de l'Autorité de la concurrence. Avis défavorable. Ce serait en outre contre-productif. Admettons qu'il existe un rapport de forces où la grande distribution est très puissante. Même dans ce cas, les indicateurs ne peuvent être validés que par le biais d'un consensus. La grande distribution ne saurait donc imposer ses vues, puisqu'un consensus est nécessaire. Les interprofessions ne valideront pas en leur sein les indicateurs de la grande distribution.
Imaginons toutefois que, une interprofession ayant échoué à se mettre d'accord, l'OFPM valide des indicateurs publics. Cela ne ferait que repousser le problème. Il ne serait pas réglé du tout. Quand les producteurs et leur premier acheteur se rencontreront, la discussion se déroulera sur la base d'indicateurs qui ont été refusés… Or, loin de fixer un prix minimum, ces indicateurs ne servent qu'au sein d'un calcul de formule de prix – je parle d'expérience, ayant participé à des box de négociation. Je sais donc comment l'acheteur expliquera que les indicateurs, publics ou non, ne recueillent pas son assentiment et qu'il ne veut donc les prendre en compte que pour une part infime du prix. La loi sera ainsi formellement respectée, sans que cela ait le moindre impact sur le prix payé aux producteurs.
Nous nous pencherons plus tard sur la fonction du médiateur des relations commerciales. Car, si on n'arrive pas à déboucher sur un consensus au sein de l'interprofession, on ne règle rien, que les indicateurs soient publics ou non. On ne règle rien ! Voici mon opinion, fondée sur mon expérience.
Il faut réussir à sortir de ce jeu de postures. J'ai assisté à des discussions sur les indicateurs au sein des interprofessions : des postures s'opposent. Et ce n'est pas le pays des bisounours ! Si chacun arrive avec des idées préconçues pour s'opposer systématiquement à tout ce que l'autre va lui proposer, rien ne sera résolu.
C'était tout l'intérêt des États généraux de l'alimentation : nous avons réussi à mettre autour de la table des gens qui ne se parlaient plus. Ils ont repris la discussion sur des bases neutres, dépourvues de postures.
Vous me demandez, Monsieur Dominique Potier, quels verrous seront mis en place. C'est d'abord l'OFPM qui assurera une mission d'appui technique à la fabrication des indicateurs de coût. C'est ensuite le médiateur des relations agricoles : dès qu'il y a un blocage, nous encourageons les parties prenantes à le solliciter, pour qu'il trouve un consensus et un compromis permettant de dégager une solution contractuelle. Enfin, c'est le suivi des plans de filière.
Pour ma part, je reçois régulièrement les représentants des plus importantes filières agricoles, et nous faisons un point sur les avancées et sur les engagements qu'elles ont pris, par exemple en matière sociétale ou pour la construction des indicateurs de prix. Ainsi, dernièrement, nous avons reçu la filière bovine, la filière porcine et la filière laitière. Nous travaillons avec elles sur l'avancée de leurs travaux en vue de la définition de ces indicateurs, dont elles auront besoin à partir de la rentrée pour les prochaines négociations commerciales. Nous regardons aussi où elles en sont en ce qui concerne les contrats types et les clauses types. Quant au consensus, si un blocage ne permet pas à l'interprofession d'y parvenir, il est recouru au médiateur.
Je suis donc évidemment favorable aux amendements identiques CE68 et CE376 et défavorable aux autres.
Il n'appartient pas à l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires qui n'en a pas la capacité et dont ce n'est pas le rôle, d'évaluer les indicateurs pour tous les contrats.
En revanche, l'objectif d'établir des garde-fous est déjà satisfait par l'article 5 quater, qui prévoit qu'une interprofession puisse solliciter l'avis de l'Observatoire de la formation des prix et des marges sur un indicateur ou sur une méthode d'élaboration d'un indicateur.
Que pensez-vous de la précision que nous proposons de faire par l'amendement CE405, Monsieur le ministre ?
Nous ne voulons évidemment pas exclure les outre-mer de la discussion, mais il n'est pas question d'établir ici une liste totalement exhaustive de tous les contributeurs : il s'agit de viser les acteurs essentiels qui peuvent venir en appui aux interprofessions, à savoir l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et FranceAgriMer. En outre, votre amendement, Monsieur André Chassaigne, renvoie à un article réglementaire du code rural et de la pêche maritime. Nous ne pouvons donc accéder à votre demande.
Monsieur le ministre, vous ne m'avez pas compris. Je m'inscris dans le cadre de l'amendement de M. le rapporteur, même si je ne l'approuve pas. Il ne s'agit pas de faire un inventaire à la Prévert ou d'en rajouter, mais l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer est précisément l'équivalent, en outre-mer, de FranceAgriMer.
Avec ces amendements identiques CE68 et CE376, nous arrivons au coeur du sujet. On commence à « détricoter » ce sur quoi l'Assemblée nationale et le Sénat s'étaient accordés en matière d'indicateurs. L'idée est de casser la régulation par l'Observatoire qui avait été introduite par les uns et par les autres. On nous dit qu'il ne faut pas déresponsabiliser les interprofessions, mais ce sont bien elles qui doivent s'entendre sur un indicateur et, si elles ne le font pas, c'est l'Observatoire qui prend la main. C'est un mécanisme clair, avec de véritables garde-fous.
Par ailleurs, l'amendement CE68 ne donne pas un rôle très clair aux interprofessions. Les deux phrases qu'il tend à substituer aux trois dernières phrases de l'alinéa 14 comportent trois fois le mot « peuvent ». Autant dire que l'option envisagée présente un caractère des plus facultatifs !
Ensuite, nous ouvrons la voie à des indicateurs qui seraient le fait exclusif des plus puissants, des grandes surfaces, de la grande distribution. Finalement, ce ne seront pas les indicateurs objectifs et neutres qui s'imposent pour que les prix permettent une rémunération correcte. Ces amendements identiques contreviennent donc à l'esprit même des États généraux de l'alimentation.
Non seulement je souscris à ce qui vient d'être dit, mais les paroles du rapporteur sonnent à nos oreilles comme un aveu. Raisonnons de manière très cartésienne : si les indicateurs publics sont inutiles, les indicateurs non publics le sont tout autant, et cette loi n'améliorera en rien le revenu de nos agriculteurs.
Nous l'avons bien senti lors des tables rondes organisées par notre commission dans le cadre des États généraux de l'alimentation : la seule chose qui puisse changer la donne dans les négociations et la formation des prix, c'est la transparence. Si tout le monde ne connaît pas les règles et les modalités de la construction des prix, ce seront de nouveau des négociations dans des alcôves, dont certains seront exclus, des pressions, etc., et vous ne ferez rien avancer. À un moment, le consommateur, l'agriculteur et les entreprises ont le droit de savoir sur quelles bases ils travaillent. La transparence seule permettra de faire évoluer la fixation des prix.
Je remercie le ministre de sa réponse, mais le travail de l'OFPM, le médiateur, le dialogue avec les filières ne sont pas des verrous au sens propre : ce sont des aides, des leviers que l'on peut actionner. Ce n'est pas comme un arbitre qui tranche sur le terrain. En fait de verrous, il ne s'agit que de médiation, et nous avons vu ce que cela a donné avec la loi dite « Sapin II ». Nous avions, droite et gauche confondues, défendu pied à pied certains dispositifs, contre l'avis du Gouvernement, pour parvenir à un équilibre et à une loi votée à l'unanimité, mais la saison commerciale qui a suivi n'a pas été bonne. Je vous pose donc la question de façon très précise : au bout du compte, au-delà des annonces et des discours, qu'apporte ce projet de loi en plus de la loi Sapin II ? J'ai bien identifié quelques petites avancées, mais qu'y a-t-il de vraiment différent ? Nous devons respecter un principe de réalité et prendre nos responsabilités.
Il est un exemple, en matière agricole, de fixation d'un prix indicatif, suggérant un arbitrage pertinent entre la rémunération du capital et celle du travail : le fermage. Cela n'empêche pas une négociation, mais un prix qui semble cohérent, dans le département considéré, est donné pour que le propriétaire et le fermier vivent correctement. Et puis, si nous voulons des contrats tripartites, il faut que les consommateurs disposent d'un repère, public, pour pouvoir être un levier du changement. Sinon, ce sera vain.
Avec la loi Sapin II, nous y étions, aux indicateurs publics ! Et puis, s'il s'agit de transparence, je prends le Président de la République et le Gouvernement au mot. Lorsque nous évoquons des indicateurs publics, c'est que nous voulons des repères incontestables et incontestés par aucune des parties, parce que c'est cela, le problème. Vous avez annoncé l'inversion de la construction du prix, c'est un élément nouveau, et cette annonce plaît bien sûr aux agriculteurs : « Enfin, on tiendra compte des coûts de production ! Des indicateurs, des références, en toute transparence, incontestables par aucune partie à la négociation, nous permettront de vivre de notre métier ». Malheureusement, au point où en sont nos travaux, le compte n'y est pas.
Vraiment, cet amendement, avec trois occurrences du mot « peuvent », nous livre la quintessence de l'abandon en rase campagne. C'est incompréhensible, c'est même un peu pathétique – le mot est un peu méchant, pardon.
Mais laissons cela de côté. Je veux insister sur un point. À quoi tenait l'échec de la loi de modernisation de l'économie et de toutes les tentatives de ce type depuis dix ans ? À l'insuffisante structuration des filières. Vous-même, Monsieur le ministre, Monsieur le rapporteur, vous nous dites : il faut s'appuyer sur les interprofessions, sur les organisations interprofessionnelles.
Le texte adopté par le Sénat permet précisément de conforter les interprofessions : « Les indicateurs sont diffusés pour les organisations interprofessionnelles ». Remplacer cela par la mention du fait que les organisations interprofessionnelles « peuvent »… C'est vraiment, passez-moi l'expression, « les mettre à poil » ! C'est leur enlever un pouvoir indispensable. On pourrait comprendre que vous ne vouliez pas trop d'État, que vous ne vouliez pas d'une agriculture administrée – je ne partage pas ce point de vue, mais vous avez des arguments que je peux entendre. De là à vider de sa substance le seul moyen de sauver votre projet de loi… C'est incompréhensible !
Nous avons effectivement le sentiment, avec cet amendement du rapporteur, d'un aveu de faiblesse. Nous pouvions avoir des désaccords sur d'autres points du texte, mais celui-ci a quasiment fait consensus en première lecture. Une grande partie des oppositions et de la majorité se sont entendues. Il faudrait maintenir cette rédaction, car c'est précisément un tel consensus qui permet de le soutenir.
Avec votre amendement, Monsieur le rapporteur, vous affaiblissez considérablement la force des dispositions prises. Le médiateur pesant déjà bien peu – il ne peut même pas saisir un juge –, il faudrait au moins un étalon établi par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, et l'Observatoire, ce n'est pas l'État.
L'OFPM est quand même sous la tutelle de mon ministère !
Certes, mais ce n'est pas comme si le ministère élaborait les indicateurs : toute la profession est impliquée.
Soyez donc raisonnable, Monsieur le rapporteur. Nous ne pourrons pas soutenir cet amendement. Et s'il est adopté, nous ne pourrons pas soutenir le texte.
L'article 5 quater, dont a parlé M. le ministre, vise effectivement à renforcer les dispositions de l'article 1er – nous ne sommes pas tout à fait d'accord –, relatives à l'inversion de la construction du prix en permettant à l'OFPM d'être saisi par l'un de ses membres, soit par le médiateur des relations commerciales agricoles soit par une organisation interprofessionnelle agricole, afin de donner un avis sur des indicateurs de coûts de production ou des indicateurs de prix. Néanmoins, il n'est pas souhaitable que l'organisme se substitue aux interprofessions pour la création de ces indicateurs. Nous demandons donc la suppression de la seconde phrase pour qu'il n'y ait pas de confusion.
Je crains une confusion, dans nos échanges, entre les acteurs et les outils.
Votre constat est juste, Monsieur André Chassaigne. Un certain nombre d'interprofessions ne sont pas assez puissantes ou alors elles sont trop « courtes », n'intégrant pas les distributeurs finaux. Considérons cependant des marchés très spécifiques, par exemple celui de la viande française. À 95 % ou 98 %, les grandes surfaces distribuent essentiellement de la viande bovine française : le problème vient de la diversité des coopératives, des abatteurs privés. La grande distribution joue sur cela.
Il faut renforcer les interprofessions et l'État peut éventuellement accompagner cette démarche. Il s'agit de parvenir à une interprofession qui fasse bloc, des producteurs d'un côté des transformateurs de l'autre. Là est l'enjeu.
Si vous parvenez, dans une interprofession la plus « longue » possible, à un consensus entre les différents acteurs, l'effet, en termes d'inversion de la construction des prix, sera massif. Il faut donc, je rejoins M. Dominique Potier sur ce point, des organisations de producteurs au poids significatif, non une multiplicité d'acteurs secondaires. L'enjeu, ce n'est pas le caractère public ou non des indicateurs, c'est la force des interprofessions.
Je ne répéterai pas encore tout ce que j'ai déjà dit. Simplement, ces indicateurs ne seront efficacement pris en compte et ne serviront à quelque chose dans la construction des prix que s'ils sont le fruit d'un consensus interprofessionnel. Ce n'est pas formuler un aveu d'impuissance que de le dire, au contraire.
En outre, nous savons très bien – j'ai moi-même siégé dans des instances syndicales et des instances interprofessionnelles – que si nous renvoyons à un autre la responsabilité en cas d'absence de consensus, eh bien, la plupart des interprofessions ne chercheront pas le consensus et opteront pour cette solution de facilité. Il est toujours plus facile de renvoyer à quelqu'un d'autre, a fortiori à l'État, que d'assumer ses propres responsabilités – cela ne vaut pas que pour l'agriculture.
Enfin, écrire « doivent » plutôt que « peuvent » à cet article contreviendrait à l'organisation commune des marchés.
Les avancées de la jurisprudence, qu'il faut saluer, concernent non pas les organisations interprofessionnelles (OI) mais les organisations de producteurs (OP), et c'est là une nuance importante. Les organisations interprofessionnelles telles qu'elles existent en France ne se retrouvent nulle part ailleurs en Europe.
En première lecture, nous avons transposé un certain nombre d'avancées du règlement Omnibus, qui portaient notamment sur la répartition de la valeur, mais cela concerne les organisations interprofessionnelles. Les organisations interprofessionnelles n'ont pas le droit de s'entendre sur des prix et des volumes, ce serait anticoncurrentiel, et le montant des sanctions encourues – parfois effectivement prononcées dans le passé – s'élève à des millions d'euros.
Je veux revenir aux conclusions de l'atelier 7 des États généraux de l'alimentation : il faut encourager les interprofessions à construire des indicateurs. C'est précisément l'objet des dispositions que vous examinez, et rien d'autre.
Quant aux indicateurs publics prévus par la loi Sapin II, le constat a été fait lors des EGA : cela ne fonctionne pas. Nous traduisons donc le compromis trouvé lors des EGA, avec l'appui de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires et le recours au médiateur, qui peuvent apporter une aide précieuse aux interprofessions dans la définition des indicateurs.
Il a été dit que le médiateur ne pouvait saisir le juge, mais c'est justement pour que l'on puisse saisir le médiateur que nous ne lui donnons pas la possibilité de saisir le juge. S'il le pouvait, personne ne le solliciterait pour parvenir aux compromis nécessaires. Ensuite, il y a les sanctions qui peuvent permettre de résoudre certains problèmes.
Je rejoins le rapporteur : il y va de la responsabilité des interprofessions, qui doivent faire leur travail, et uniquement leur travail.
La commission rejette l'amendement CE260.
Puis elle adopte les amendements identiques CE68 et CE376.
En conséquence, les amendements CE258, CE405 et CE431 tombent.
La commission se saisit de l'amendement CE21 de M. Arnaud Viala.
Cet amendement est capital pour garantir l'efficacité de tout le dispositif. Il mise sur la transparence pour garantir la confiance, sans remettre en cause la liberté contractuelle. La commission des affaires économiques a adopté à l'article 5 la proposition de notre rapporteur en permettant que les indicateurs de coûts de production, s'ils ne sont pas définis par les interprofessions, puissent être élaborés et publiés par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Cette mesure va dans le bon sens mais n'est en aucun cas suffisante pour construire des indicateurs de coûts de production réalistes et donc former des prix justes. En effet, l'alinéa 15 de l'article 1er précise que les parties peuvent utiliser tous les indicateurs disponibles ou spécialement construits par elle. Les parties, que ce soit les producteurs, les industriels ou n'importe quel acheteur, ont donc toute latitude pour construire ces indicateurs, au risque qu'ils soient déconnectés de la réalité. L'expérience sur le terrain montre en effet que, dans de nombreux cas, les acheteurs font pression sur les producteurs pour imposer leurs conditions, et les producteurs pourraient, sur l'insistance de l'acheteur, se sentir contraints de reconnaître des indicateurs pourtant infondés.
Pour éviter cette situation qui engendrerait de facto des prix injustes pour les agriculteurs, les indicateurs doivent systématiquement être publiés afin d'être accessibles au plus grand nombre et pouvoir être dénoncés, le cas échéant. Sans violer le secret des affaires – il s'agit d'indicateurs, non de prix finaux –, ce dispositif est un garde-fou pour éviter toute pratique déloyale ou pression de la part des acheteurs. Son adoption renforcerait l'intérêt de toutes les parties de privilégier les indicateurs élaborés par les interprofessions qui soient les plus légitimes.
Ce projet de loi qui vise à inverser la logique de construction du prix pour que la valeur soit plus équitablement répartie au profit des producteurs ne peut absolument pas laisser les parties définir entre elles les indicateurs sans aucune garantie ni transparence. À l'heure de la loi pour la transparence de la vie publique qui a renforcé le poids des lanceurs d'alerte, alourdi les sanctions pour les entreprises qui ne publient pas leurs comptes et obligé les acteurs à publier leurs actions de représentation d'intérêts, cette disposition est d'actualité et plus que nécessaire.
Nous avons déjà prévu, en première lecture, de rendre publics les indicateurs déterminés par les interprofessions, qui doivent servir aux cocontractants. Je ne vois, en revanche, pas l'intérêt, pour les cocontractants de communiquer au public les indicateurs utilisés. S'il s'agit de mieux rémunérer les producteurs, cela n'apportera pas grand-chose.
Par ailleurs, l'amendement ne précise pas quelle partie devrait les publier, ce qui poserait un problème de responsabilité, d'autant que vous prévoyez, cher collègue, des sanctions. L'esprit des États généraux de l'alimentation n'est pas d'aller aussi loin.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Nous ne sommes pas d'accord sur le principe. Je partage votre préoccupation de dénoncer les indicateurs qui engendrent des prix injustes pour les agriculteurs. Le Gouvernement a donc soutenu l'amendement qui introduit à l'article 5 quater la possibilité de disposer de l'avis technique et scientifique de l'Observatoire de la formation des prix et des marges sur un indicateur ou sur une méthode d'élaboration d'indicateur. Nous avons également choisi, à l'article 4, de renforcer l'action du médiateur, qui peut émettre un avis, une recommandation sur les indicateurs.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CE27 de M. Thierry Benoit.
Je repose la question de notre collègue Dominique Potier au ministre. Qu'y a-t-il de neuf par rapport à la loi Sapin II ?
J'ai pris bonne note de l'amendement du rapporteur, qui prévoit que les interprofessions « peuvent élaborer ou diffuser ces indicateurs qui peuvent servir d'indicateurs de référence », mais, dans la réalité, ce sera beaucoup plus difficile que ce que l'on a annoncé aux agriculteurs.
C'est le producteur qui propose le contrat sur la base d'indicateurs sur lesquels les deux contractants doivent s'accorder. C'est là l'une des nouveautés par rapport à la loi Sapin II.
J'en viens précisément à votre amendement, cher collègue. Les indicateurs des interprofessions seront par nature consensuels : ils ne seront issus que d'un consensus. Je ne suis donc pas favorable à l'idée de compliquer le mécanisme en prévoyant la participation des conférences publiques de filière, qui ont avant tout pour objet de permettre aux parties de se parler – les États généraux de l'alimentation sont d'ailleurs assez révélateurs à cet égard.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Je suis défavorable à cet amendement. La loi Sapin II ne prévoit que des indicateurs publics. Lors des États généraux de l'alimentation, le constat a été fait : cela ne fonctionne pas. Il faut donc revenir à ces indicateurs des interprofessions, fruits d'un compromis entre les différentes parties, en nous dotant des garde-fous nécessaires pour éviter que l'une des parties impose à l'autre ses propres indicateurs.
Les orientations données par les conférences publiques de filières instituées par la loi Sapin II peuvent servir les différents acteurs, mais il n'est pas nécessaire de légiférer pour que ce soit le cas. Ces conférences existent, mais leur rôle n'est pas de prévoir la prise en compte de ces indicateurs.
Des entreprises de biscuiterie ou de chocolaterie – par exemple, les madeleines Jeannette, les galettes Saint-Michel, le chocolat Bovetti – travaillent « en direct » avec les grandes et moyennes surfaces et arrivent à dégager les marges nécessaires, sans interprofession les aidant à faire leur prix.
La grande nouveauté de ce projet de loi, c'est qu'une exploitation agricole aussi pourra enfin être plus indépendante, dans des relations commerciales plus équitables et plus justes, elle pourra dégager des marges et être à égalité avec les autres.
Il y a une autre nouveauté par rapport à la loi Sapin II : les accords-cadres deviennent obligatoires dans les secteurs à contractualisation obligatoire.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CE469 du Gouvernement.
Il s'agit ici de supprimer l'alinéa 15 de l'article 1er. L'ajout des notions de prix déterminé ou de prix déterminable n'est pas nécessaire. En effet, tant le code civil que la Cour de cassation ont déjà précisé ces notions. Par ailleurs, l'article 1er du projet de loi prévoit déjà que le contrat comporte des clauses relatives au prix ou aux modalités de détermination du prix, donc des clauses qui fixent un prix déterminé ou déterminable, en fonction des indicateurs prévus à l'alinéa 14. Par définition, un prix déterminable peut être calculé par l'ensemble des parties.
La seconde phrase de l'alinéa 15 pose problème car elle peut être interprétée comme introduisant une obligation de transmettre aux pouvoirs publics les formules de prix, ce qui ne va pas dans le sens de la simplification et porte à croire en une validation tacite sans retour de l'État, ce qui n'est bien évidemment pas possible. Il ne revient pas à l'État de valider les formules de prix. En revanche, bien évidemment, il appartient à l'État, dans le cadre de sa mission de contrôle, de vérifier que les formules de prix respectent les dispositions de la loi et nous serons vigilants sur ce point.
Je suis favorable à cet amendement. Une partie du dispositif de cet alinéa était déjà satisfaite par le droit actuel et par l'alinéa 7 de l'article 1er.
Monsieur le ministre, vous venez de supprimer le rôle de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires quand les organisations interprofessionnelles ne diffusent pas d'indicateurs. Votre dispositif devient incomplet. Pire, vous venez de supprimer la mention de la diversité des conditions et des systèmes de production. Or c'est une réalité de nos territoires. Voici que vous voulez encore supprimer un alinéa. Votre argumentaire, que j'ai bien écouté, m'inquiète. Cet alinéa de précision me semblait le bienvenu.
La lisibilité d'une formule de calcul participe à la clarté et surtout à la confiance dans la relation contractuelle, et l'État a un devoir de régulateur quand nos producteurs souffrent d'abus. Pour jouer ce rôle, la connaissance – nous ne parlons pas de validation – des indicateurs par les pouvoirs publics est un élément de la veille sur le rééquilibrage des relations commerciales. Si le calcul du prix n'est pas possible par la seule connaissance des indicateurs et de la pondération, le risque d'incompréhension peut être source de déséquilibre. Or nous cherchons à réduire ce risque.
C'est pourquoi il faut conserver l'esprit de cet alinéa, éventuellement en l'amendant, mais tous les amendements du rapporteur et du ministre témoignent d'une marche arrière par rapport à la volonté de réguler et d'inverser la construction du prix. Nous assistons, et c'est bien triste, à un enterrement de première classe des États généraux de l'alimentation.
Je ne suis pas convaincu du tout par l'argumentation de M. le ministre. Je suis même extrêmement inquiet.
C'est encore un élément de transparence qui sera supprimé, alors qu'il faut, nous le disons tous, de la transparence.
Je ne veux pas faire de procès d'intention, mais je me demande comment vous pouvez demander la suppression de cet alinéa 15. Pour capituler ainsi, vous avez dû être soumis à des tirs d'origines diverses.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'amendement CE85 de M. Arnaud Viala tombe.
La commission en vient à l'amendement CE261 de M. Dominique Potier.
C'est un amendement extrêmement utile. Il prévoit une évaluation tous les deux ans, par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, de la mise en oeuvre de cette nouvelle négociation, de ce nouveau monde, que vous annoncez. Vous venez de nous préciser – je vous remercie de votre honnêteté – que le changement tenait notamment à la généralisation des accords-cadres. Ils n'ont pas provoqué de révolution dans la formation du prix, mais ils sont maintenant généralisés, c'est un progrès, quoique mince.
Vous venez aussi de nous dire que le changement tenait à la construction du prix « par le bas », mais il ne me semble pas que la loi Sapin II prévoyait leur construction « par le haut », par des multinationales ou la grande distribution. Le changement me semble donc plus sémantique que juridique.
Je ne parlerai pas d'enterrement. Je dirai plutôt que le dispositif a été largement « survendu », et je crains des désillusions. Dès lors, un processus d'évaluation permanent par l'Observatoire de la formation des prix et des marges me paraîtrait extrêmement utile.
Vous avez dit que cette évolution était possible. Je souhaite qu'elle soit obligatoire, et l'article 5 quater, auquel vous renvoyez, ne répond pas à nos attentes. La saisine de l'OFPM doit être automatique pour une analyse en continu.
J'avais demandé, à l'automne dernier, une analyse permettant de comprendre l'échec des négociations commerciales un an après l'adoption de la loi Sapin II dans laquelle le syndicalisme agricole et le Parlement dans son ensemble avaient placé beaucoup d'espoir. On nous avait dit qu'en raison de la tenue des États généraux une évaluation n'était pas nécessaire. Il me semble aujourd'hui qu'une analyse permanente de la formation des prix sera très utile au législateur et aux différents opérateurs des filières.
L'OFPM remet déjà un rapport annuel sur la formation des prix et des marges dans l'ensemble des filières. Pourquoi demander en plus ce bilan ? On peut éventuellement demander à l'OFPM d'intégrer certaines observations dans son rapport annuel, mais je ne crois pas que ce soit d'ordre législatif. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Il y a trois semaines, nous avons fait une conférence de presse avec l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, à l'occasion de la remise par ce dernier de son rapport annuel, sur lequel beaucoup de commentaires ont pu être faits. Il n'entre cependant pas dans les attributions de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires d'évaluer les mesures gouvernementales. J'ai bien entendu tout au long des débats, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, que les parlementaires souhaitaient pouvoir évaluer les dispositifs mis en oeuvre par cette loi : ce sera l'objet d'un comité de suivi de l'application de la loi, d'un comité de suivi des relations commerciales. Il y a aussi un comité de suivi des interprofessions. Nous aurons donc toutes les évaluations appropriées.
Je suis convaincu par vos arguments. Vous répondez à notre souhait d'une évaluation permanente d'un dispositif dont nous espérons tous le succès mais dont nous craignons qu'il ne soit pas à la hauteur des enjeux.
L'amendement est retiré.
La commission examine l'amendement CE406 de M. André Chassaigne.
Nous souhaitons que la proposition d'accord-cadre écrit et l'accord-cadre conclu précisent l'origine des produits agricoles à livrer au même titre que la quantité et la qualité.
Les discussions en première lecture ont permis l'ajout, à l'alinéa 14, de la prise en compte dans le prix d'un indicateur relatif à l'origine des produits. Je suis donc défavorable à votre amendement, qui est déjà satisfait.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle se saisit de l'amendement CE377 de M. Nicolas Turquois.
Il s'agit simplement de revenir à la rédaction adoptée par l'Assemblée en première lecture, qui a été modifiée par le Sénat, en rétablissant la mention « définies par l'interprofession ».
L'OP qui propose l'accord-cadre est, à mon avis, la mieux placée pour définir la périodicité de la négociation sur les volumes. Je reste donc défavorable à cet amendement.
Votre amendement ne tient pas compte des débats précédents et est satisfait par le texte. Le Gouvernement y est donc défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Elle se saisit ensuite de l'amendement CE69 du rapporteur.
J'avais déjà défendu cette disposition, mais, après avoir été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale, elle a été supprimée par le Sénat. Si les producteurs membres d'une organisation de producteurs ou d'une association d'organisations de producteurs peuvent déjà leur déléguer le mandat de facturation de leurs produits, il convient d'en faire le droit commun. Cela permettra à l'organisation de producteurs, notamment dans le cas des coopératives laitières, d'avoir l'ensemble des informations de facturation et que la facturation ne soit pas faite par l'industriel. Le transfert ne sera pas automatique dans le seul cas où l'OP ou l'AOP décide en assemblée générale que cette facturation peut être déléguée à un tiers ou à l'acheteur.
Cet amendement vise bien à renforcer les organisations de producteurs pour qu'elles aient un vrai rôle et ne soient pas juste de simples boîtes aux lettres.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CE86 de M. Arnaud Viala.
Il s'agit de retirer le critère de durée minimale. Aujourd'hui, dans certaines filières, des contrats ont une durée inférieure à trois ans. Ne les remettons pas en question par cette loi. Évitons de freiner le développement de la contractualisation dans certaines filières, notamment les moins avancées. Il s'agirait plutôt de laisser la possibilité au cadre interprofessionnel de définir les durées les plus adaptées.
Il n'est pas opportun d'empêcher de parties de signer un contrat d'une durée plus longue, si c'est leur volonté. Laissons les contractants apprécier cela librement. Je suis donc défavorable à cet amendement.
La commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CE424 de Mme Frédérique Tuffnell.
Nous proposions, en première lecture, un bilan trois mois avant l'échéance des contrats, tacitement reconductibles, d'une durée supérieure à un an, pour en évaluer la bonne exécution. Cette disposition que nous avons adoptée a été supprimée au Sénat.
Ce bilan n'est pas une simple contrainte administrative supplémentaire. Tout contractant a le droit de faire ce type de bilan afin de vérifier si l'équilibre souhaité par les parties au moment de la conclusion du contrat est toujours respecté. Or, si les distributeurs procèdent très naturellement à de tels bilans, ce n'est pas toujours le cas des agriculteurs. Rendre ce genre de bilan obligatoire, c'est avant tout créer un environnement optimal pour les producteurs en cas de renégociation.
Les spécificités de ce bilan seront fixées en concertation et inscrites en annexe au contrat. Elles porteront sur trois ou quatre critères – il ne faut pas que ce soit un roman. Il me paraît assez logique de vérifier certains points avant la reconduction tacite d'un quelconque contrat.
Cet amendement ayant été adopté contre mon avis en première lecture, j'y suis toujours défavorable. Il ajoute une contrainte supplémentaire pour les parties et ce bilan peut donner l'impression à ces dernières qu'elles négocient sans cesse leur contrat dans certaines filières.
Je vous demanderai de retirer votre amendement, à défaut de quoi j'y serai défavorable. L'objectif de ce bilan n'est pas très clair. Cette question ayant fait l'objet de débats contradictoires dans les deux assemblées, je suggère de conserver l'idée pour en faire une bonne pratique que les interprofessions pourront promouvoir dans des guides ou dans les contrats-types. On n'a pas besoin de légiférer pour cela.
Je suis un peu surprise de cette nouvelle position. Je retire mon amendement si ma proposition peut figurer dans un guide. J'insiste quand même sur le fait que la négociation est indispensable pour les contrats supérieurs à un an, afin que les deux parties se mettent autour de la table et discutent des éléments précis de ce contrat.
L'amendement est retiré.
La commission examine, en présentation commune, les amendements CE28 et CE29 de M. Thierry Benoit.
L'amendement CE28 est défendu. Concernant l'amendement CE29, vous savez que je suis très sensible à la question du lait, tout comme M. le ministre de l'agriculture, que je souhaite alerter. Comme vous le savez, nos producteurs utilisent des tanks à lait et peuvent destiner leur production laitière à plusieurs acheteurs. L'amendement CE29 vise à ce que l'acheteur ne puisse exiger du producteur qu'il dispose d'un tank par acheteur. Cela vaut pour le lait normand, breton, charentais etc.
Avis défavorable aux deux amendements. En ce qui concerne l'amendement CE28, le droit actuel permet déjà aux interprofessions d'adopter un accord interprofessionnel étendu sur les sujets contractuels, dans les limites du code rural et de la pêche maritime et de l'OCM (organisation commune de marché) de 2013. Le Gouvernement proposera aux alinéas 49 et 50 un amendement similaire mais plus précis car faisant référence à l'article L. 631-24 du code précité. Quant à l'amendement CE29, il relève du niveau réglementaire, voire de l'accord interprofessionnel. L'article 1er s'applique à tous les contrats agricoles et pas uniquement au lait.
Nous avions déjà eu ce débat en première lecture. Il ne convient pas de remettre en cause la faculté d'avoir autant d'outils de stockage que d'acheteurs. Il faut laisser ce choix à la discrétion des cocontractants lors de la négociation des contrats. J'entends la difficulté mise en avant, la question étant de savoir qui, du producteur ou de la laiterie, est propriétaire du tank à lait. Cette disposition n'est pas de nature législative. Avis défavorable.
Je retire l'amendement CE28 mais je maintiens l'amendement CE29. Je veux bien croire que cette mesure relève du domaine réglementaire mais nous avons bien débattu et légiféré sur les doggy bags ! La disposition que je propose est importante pour les producteurs de lait et il coûte peu de la faire figurer dans la loi.
L'amendement CE28 est retiré.
Puis la commission rejette l'amendement CE29.
Elle adopte ensuite l'amendement CE76 de coordination du rapporteur.
La commission examine l'amendement CE336 de M. Thierry Benoit.
Nous avons déposé cet amendement en nouvelle lecture pour prendre en compte la spécificité des contrats d'intégration, qui fixent des critères entre éleveurs et intégrateurs. Cet amendement vise à inverser la construction du prix, y compris pour les contrats dits d'intégration de façon que, quand les industriels ou la grande distribution négocient avec les intégrateurs, il soit possible d'imposer des exigences en matière de coût de production.
L'article 1er ne s'applique pas aux contrats d'intégration mais nous avions adopté en séance un alinéa spécifiquement consacré à ces derniers. Cet alinéa n'ayant pas été remis en cause par le Sénat, nous ne jugeons pas nécessaire d'en rediscuter. Avis défavorable.
Il est important que les contrats d'intégration puissent bénéficier de la clause de l'article 1er relative à l'intégration en cascade d'indicateurs. Cette disposition ayant déjà été adoptée en première lecture, votre amendement est satisfait. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie des amendements identiques CE165 de M. Vincent Descoeur et CE443 de M. Patrice Perrot.
L'amendement CE165 propose d'encourager l'interprofession à rendre obligatoire à très court terme la conclusion de contrats de vente et d'accords-cadres écrits mentionnés à l'article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, spécifiquement pour les viandes bovines commercialisées sous signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO).
Le Président de la République a indiqué faire confiance aux filières pour prendre leur destin en main. L'esprit de ce texte est de donner un cadre à la contractualisation tout en laissant chaque interprofession faire le choix ou non de rendre la contractualisation obligatoire.
Moins de 2 % des transactions sont réalisées par voie contractuelle dans la filière bovins viande. Afin de limiter progressivement l'atomisation sectorielle qui la caractérise, la filière bovine s'est fixé un objectif de 30 % des transactions par voie contractuelle d'ici à cinq ans. Elle ne fait pas le choix de la contractualisation obligatoire qui serait prématurée.
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Il n'est nullement question d'imposer la contractualisation à l'interprofession mais de l'encourager.
La commission rejette ces amendements.
Elle étudie en discussion commune les amendements CE30 de M. Thierry Benoit, CE121 de M. Dino Cinieri et CE96 de Jérôme Nury.
L'amendement CE121 tend à créer une obligation réelle d'information renforcée de l'acheteur à l'égard des producteurs, à l'image de ce qui se pratique en droit de la consommation entre un consommateur et un vendeur professionnel.
Compte tenu de la situation des producteurs, il faut absolument garantir une transparence dans le processus de contractualisation et de formation des prix. L'amendement CE96 vise à protéger les parties les plus faibles en créant une obligation d'information de l'acheteur à l'égard du producteur.
Monsieur le rapporteur, pourriez-vous choisir entre ces trois amendements dans la mesure où ils sont rédigés différemment ?
Par définition, un prix déterminable est un prix qui peut être calculé. Il n'y a donc pas lieu de prévoir un mécanisme supplémentaire. Je m'en remets à la sagesse de la commission concernant ces trois amendements, même si l'amendement CE30 me paraît plus concis et plus précis.
La commission adopte l'amendement CE30.
En conséquence, les amendements CE121 et CE96 tombent.
La commission en vient à l'amendement CE470 du Gouvernement.
Le texte qui avait été adopté en première lecture exclut, pour les coopératives, la définition d'une clause relative aux délais de préavis et à l'indemnité applicable lors de la résiliation du contrat.
La sortie du contrat coopératif ou le retrait de l'associé-coopérateur est prévue par les statuts coopératifs et ne peut qu'exceptionnellement intervenir avant la fin de la période d'engagement du coopérateur. Il ne s'agit pas ici d'y porter atteinte mais simplement de prévoir que les délais et les pénalités qui demeurent à l'appréciation du conseil d'administration doivent, en coopérative comme dans le cas général, tenir compte du fait que le départ est lié à un changement du mode de production, tel que la conversion en agriculture biologique, non valorisé par la coopérative.
Par ailleurs, l'amendement renvoie à la nécessité de prendre en compte des indicateurs pour déterminer les apports des associés-coopérateurs et rappelle la possibilité de mettre en place une clause de répartition de la valeur.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte l'amendement CE470.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CE471 du Gouvernement.
Elle examine l'amendement CE31 de Mme Lise Magnier.
Cet amendement, suggéré par Mme Lise Magnier, concerne la vente de betteraves et de cannes à sucre aux entreprises sucrières et vise à anticiper la renégociation, après 2020, du règlement OCM. Il s'agit de sécuriser les dispositions de l'article 125 de ce règlement, relatives aux betteraves et à la canne à sucre.
Je suis allé récemment chez Mme Lise Magnier à Châlons-en-Champagne assister au Forum planet A, organisé par M. Benoist Apparu. Nous avons alors discuté de ce sujet dont nous avions déjà débattu en première lecture. Le sucre bénéficie d'une exemption de l'OCM négociée de longue lutte et qui ne s'applique que depuis un an. Il me semble donc vraiment prématuré de remettre en cause cette exemption et de se lancer de nouveau dans des discussions interprofessionnelles alors que le prix du sucre a été fixé pour trois ans à 25 euros la tonne, avec des formules de prix similaires et une prime de revalorisation versée aux producteurs en fonction des excédents dégagés. Il faudra trouver une solution après 2020 mais mesurons déjà l'impact de cette exemption sur la filière. Avis défavorable.
L'application de l'OCM n'est pas optionnelle. Il n'y a donc pas lieu d'anticiper des évolutions futures. À ce stade, la contractualisation dans le secteur du sucre est entièrement régie par l'OCM et le secteur dispose, depuis 2016, de la capacité d'établir des clauses de répartition de la valeur qui sont régies par les accords interprofessionnels. Il reste possible à la filière du sucre d'établir des règles équivalentes par accord interprofessionnel. Avis défavorable.
Il est vrai que nous avions déjà débattu de cet amendement en première lecture. Je l'avais défendu et avais pris acte des propos du rapporteur. Il convient de rester vigilant à l'égard de la filière car si le prix du sucre est garanti pour trois ans, le marché est en train de s'effondrer du fait d'un apport de sucre en provenance d'autres pays comme le Pakistan. Certains acteurs coopératifs, et d'autres, non coopératifs, ont décidé de revoir à la baisse le prix d'achat aux paysans. La fin des quotats betteraviers est venue perturber un écosystème auparavant très équilibré. Il convient donc, encore une fois, d'être attentif à cette filière.
À ce stade de la discussion, je retire l'amendement. Ma collègue Mme Lise Magnier en rediscutera avec le Gouvernement et jugera s'il est opportun de le redéposer.
L'amendement est retiré.
La commission est saisie de l'amendement CE472 du Gouvernement.
Il s'agit de prévoir que les contrats-types étendus par accord interprofessionnel puissent compléter les clauses mentionnées au 2° de l'article L. 631-24.
Pour répondre à certaines attentes exprimées par différentes interprofessions, notamment celles du secteur viti-vinicole, il est proposé de rappeler que les interprofessions peuvent préciser et compléter par accord interprofessionnel étendu les clauses prévues par les dispositions de la loi. J'ai compris de mes échanges récents avec certaines interprofessions que cet ajout était de nature à les rassurer.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements identiques CE326 de M. Dino Cinieri, CE350 de Mme Lise Magnier, CE374 de M. Jacques Cattin, CE388 de M. Patrice Perrot, CE389 de M. Fabrice Brun et CE432 de M. Olivier Gaillard tombent.
La commission adopte l'article 1er modifié.
Article 1er bis (nouveau) (article L. 631-24-6 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Droit à la poursuite de la collecte laitière pendant 3 mois en cas de résiliation du contrat par l'acheteur
La commission en vient à l'amendement CE473 du Gouvernement.
Il s'agit de supprimer l'article 1er bis qui prévoyait la prolongation de contrats après leur résiliation, dans le secteur du lait. J'entends parfaitement la volonté de protéger la partie la plus faible au contrat mais la disposition qui a été introduite par le Sénat n'est pas acceptable car elle porte atteinte à la liberté contractuelle et soulève une difficulté constitutionnelle au regard du principe d'égalité en limitant cette disposition aux contrats laitiers. Il n'est pas nécessaire d'introduire des dispositions supplémentaires. Le code de commerce prévoit déjà que la résiliation d'un contrat, pouvant s'assimiler à une rupture brutale de contrat, et la menace de déréférencement, qui s'apparente à une pratique abusive, sont pleinement répréhensibles.
Le chantage à la collecte est quand même un problème. En première lecture, ce débat avait été introduit par nos collègues du groupe du Mouvement démocrate et apparentés. Pourriez-vous nous apporter des précisions, Monsieur le ministre ?
Aujourd'hui, le chantage à la collecte ne peut exister. Le droit prévoit qu'il ne peut y avoir de rupture de collecte. Si certains actes ont pu être commis dans le passé, des sanctions sont désormais prévues. Tant qu'un litige n'a pas été réglé avec l'entreprise avec laquelle on a contractualisé, il ne peut y avoir de rupture de collecte.
Si nous légiférons, c'est précisément parce que les textes actuels ne protègent pas suffisamment les producteurs. Dans certains cas, malgré les dispositions légales actuelles, le chantage est tel qu'ils se retrouvent en rade. À force de vouloir supprimer les dispositions que nous avions réussi à ajouter au texte en première lecture pour donner de la force à l'agriculture française, vous risquez de rendre cette loi complètement inutile !
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 1er bis est supprimé et l'amendement CE407 de M. André Chassaigne tombe.
Article 2 (article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime) : Sanctions des manquements aux obligations contractuelles
La commission aborde l'amendement CE14 de M. Arnaud Viala.
Il s'agit de faire en sorte que le producteur ne puisse pas être poursuivi à titre individuel quand il y a un problème dans le contrat-cadre prévu à l'article 2. Nous continuons de prôner avec vous une dynamique permettant aux interprofessions et aux filières de contractualiser.
La loi doit être la même pour tout le monde. Nous avons déjà discuté de ces amendements en première lecture. Dès lors qu'on accroît les responsabilités des producteurs et de leurs OP, cela doit s'accompagner de sanctions afin qu'il n'y ait pas deux poids deux mesures pour un même manquement entre producteurs et acheteurs. Il en va de la crédibilité du dispositif.
Nous avons adopté en première lecture des amendements visant à atténuer la possibilité de sanctionner les producteurs. De plus, le Gouvernement pourra nous rassurer sur le fait que les sanctions prévues ne sont que des plafonds. Nul doute que les circulaires d'application de cet article encourageront à sanctionner les pratiques de la partie la mieux placée dans le rapport de force économique.
Avis défavorable.
Le projet de loi mentionne les clauses devant obligatoirement figurer dans un contrat ou un accord-cadre ainsi que celles relatives à la délégation de la facturation, telles qu'elles sont ressorties de l'équilibre des EGA, et les sanctions visant à rendre ces dispositions effectives – toute obligation devra être assortie d'une sanction. Par ailleurs, la sanction n'interviendra qu'après un délai de mise en conformité et sera proportionnée à la gravité des faits constatés.
Je ne reprendrai pas ici l'exercice auquel nous nous étions livrés en première lecture, consistant à prendre l'exemple d'un producteur de telle ou telle filière qui serait soumis aux sanctions prévues par les textes actuels. Mieux vaut cependant que les producteurs n'aient pas connaissance de votre réponse alors qu'ils seraient non loin de vous : cela pourrait faire des étincelles ! Certaines situations individuelles ne souffrent pas qu'on laisse ces dispositions dans le texte.
Considérez, Monsieur le président, que j'ai également défendu mon amendement CE13.
La commission rejette l'amendement CE14.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur elle rejette ensuite l'amendement CE13 du même auteur.
Puis elle examine les amendements identiques CE12 de M. Arnaud Viala, CE32 de M. Thierry Benoit, CE97 de M. Jérôme Nury, CE122 de M. Dino Cinieri et CE408 de M. André Chassaigne.
Il s'agit de défendre le faible contre le fort. Si un producteur refuse de signer un contrat, j'imagine qu'il a de bonnes raisons de le faire et qu'il se sent piégé. Or les sanctions sont pesantes. C'est pourquoi nous proposons de supprimer l'alinéa 10.
En supprimant l'alinéa 10, cet amendement vise à protéger les producteurs qui, parfois, ne sont pas en mesure de proposer un contrat à l'acheteur. Or ils seraient alors soumis à une sanction qui nous paraît beaucoup trop lourde.
L'objectif du texte n'est pas d'ajouter des contraintes pour les agriculteurs mais bien au contraire, de les aider dans leurs relations commerciales. Or, la sanction prévue à cet alinéa, pesant sur le producteur, est disproportionnée. Il arrive en effet que le producteur, à titre individuel, ne soit pas en mesure d'émettre une offre de contrat.
Nous souhaitons la suppression de l'alinéa 10 dont la mise en application pourrait entraîner de nombreux contentieux.
Avis défavorable également. Attention à la façon dont on présente les choses ! Vous dites vouloir défendre les faibles mais nous n'avons pas de leçon à recevoir. Il s'agit bien évidemment de défendre les producteurs qui se sont parfois retrouvés dans des situations intenables face à certains transformateurs ou distributeurs. Cependant, la loi s'applique à tout le monde. En première lecture, nous avons travaillé sur le périmètre des sanctions et je vous avais donné des chiffres précis pour montrer ce qu'elles pouvaient représenter pour un producteur. D'autre part, il y a sanction quand le contrôleur fait la démonstration qu'un des cocontractants a commis une faute caractérisée en ne proposant pas de contrat. Or, en l'espèce, jamais le producteur ne sera pris en défaut puisqu'il s'agit de sa marchandise et de ses produits. C'est le premier ou le deuxième acheteur ou encore le distributeur qui pourrait refuser le contrat et qui justifierait qu'on fasse appel au médiateur. Il n'y a donc pas lieu de supprimer ces sanctions pour une des parties.
Vous avez évoqué l'alinéa 10 mais je souhaite revenir sur les alinéas 3 et 4. L'alinéa 3 vise le fait pour un producteur de conclure un contrat écrit ou un accord-cadre ne comportant pas toutes les clauses mentionnées à l'article L. 631-24 ou comprenant une délégation de facturation. L'alinéa 4 vise, lui, le fait pour un producteur de conclure un contrat méconnaissant le 1° de l'article précité. Nous demandons que le producteur, individuellement, ne puisse pas être poursuivi parce qu'il n'aurait pas appliqué, par méconnaissance, des articles du code rural.
Les amendements que nous examinons concernent l'alinéa 10 et pas les alinéas 3 et 4.
Je reviens sur les amendements précédents car nous avions appliqué la même logique à tous les alinéas de cet article. Nous souhaitons supprimer la mention des producteurs à tous les alinéas relatifs aux sanctions dans le texte.
La commission rejette ces amendements.
Membres présents ou excusés
Réunion du mardi 17 juillet 2018 à 16 h 30
Présents. – M. Damien Adam, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Thierry Benoit, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, M. Éric Bothorel, M. Alain Bruneel, M. Sébastien Cazenove, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Fabien Di Filippo, M. Julien Dive, Mme Stéphanie Do, Mme Christelle Dubos, M. Daniel Fasquelle, Mme Véronique Hammerer, M. Philippe Huppé, M. Guillaume Kasbarian, Mme Célia de Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, Mme Graziella Melchior, M. Jean-Baptiste Moreau, M. Mickaël Nogal, M. Jérôme Nury, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Benoit Potterie, M. Richard Ramos, M. Jean-Bernard Sempastous, Mme Huguette Tiegna, M. Nicolas Turquois
Excusés. – M. Jean-Claude Bouchet, M. José Evrard, M. Roland Lescure, Mme Bénédicte Taurine
Assistaient également à la réunion. – M. Thibault Bazin, M. Jean-Yves Bony, M. Fabrice Brun, M. André Chassaigne, M. Vincent Descoeur, M. Olivier Gaillard, M. Guillaume Garot, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Gérard Menuel, M. Patrice Perrot, M. Loïc Prud'homme, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Frédérique Tuffnell, M. Arnaud Viala, M. Jean-Pierre Vigier