En mai dernier, le groupe Les Républicains avait exprimé son scepticisme sur le texte issu des travaux de notre assemblée en s'abstenant sur le vote. Nous considérions en effet que le projet de loi avait perdu de vue les travaux des EGA, lesquels avaient pourtant mobilisé l'ensemble des filières et des acteurs. Loin de rééquilibrer les relations commerciales, il imposait de nouvelles contraintes aux producteurs – nos débats s'étant d'ailleurs égarés parfois dans des considérations étrangères à la crise agricole pourtant visée par le projet de loi.
Le texte qui nous arrive du Sénat répond en revanche en grande partie aux attentes de la profession. Il enclenche une réelle protection en matière contractuelle et comporte des mesures fortes et positives en matière de détermination des prix, permettant ainsi d'équilibrer les relations commerciales, comme le souhaitent les uns et les autres.
L'enjeu est désormais de conserver cette impulsion afin de renforcer la protection des agriculteurs. Vous le savez, nous regrettons l'échec de la commission mixte paritaire. Malgré notre volonté d'accélérer les choses et de donner enfin à nos agriculteurs les clés pour réussir les prochaines négociations, aucun accord n'a pu être trouvé. Notre rapporteur assurait, lors de la CMP, que le texte serait en vigueur avant le début des prochaines négociations commerciales : on ne peut qu'en douter.
Cet échec s'explique notamment par le fait que la majorité a affiché une position régressive, sous l'injonction du Gouvernement, voire de l'Élysée. Notre rapporteur a ainsi confirmé ne pas accepter le texte voté par le Sénat ; plus grave encore, il a manifesté son intention de revenir sur des articles pourtant votés dans des termes quasi identiques, par les deux chambres, prenant le risque que la majorité se renie et bafoue le travail accompli jusqu'ici.
Les députés de la majorité membres de la commission mixte paritaire ont en réalité fait échouer la CMP, non sur le titre II, comme cela a pu être dit, mais sur l'article 1er et le titre Ier, plus précisément, sur les modalités d'élaboration des indicateurs contribuant à la formation des prix agricoles, pourtant adoptées par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Cette marche arrière fait courir le risque que les États généraux n'aient servi à rien, car la neutralité des indicateurs constitue bien, pour nous, le fondement d'un texte censé rééquilibrer les rapports de force dans les filières.
Alors que débute cette nouvelle lecture, l'Assemblée nationale ne doit plus se laisser distraire ou se laisser influencer par les lobbies de la grande distribution et perdre de vue l'objet du projet de loi. Il nous appartient de reprendre les travaux du Sénat et de travailler à renforcer l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et à développer une alimentation saine et durable, puisque c'est bien le sujet et l'intitulé de ce texte.