J'aurai trois remarques préliminaires.
Vous avez laissé entendre, Monsieur le rapporteur, qu'il y avait de bonnes et de mauvaises idées. La garde des Sceaux avait, elle, évoqué les bons et les mauvais amendements, ce qui ne lui a pas réussi. Je me permets donc de vous dire, le plus cordialement du monde, que seule l'Assemblée décide de ce que sont les bons ou les mauvais amendements, les bonnes ou les mauvaises idées. Personne n'a de leçon à recevoir en matière de bonnes idées, c'est notre discernement collectif qui en décide, et cela se traduit par un vote. On appelle cela la démocratie.
En second lieu, un syndicat vous a mis en cause, il a tort. Je ne doute pas une seconde de votre probité ni de votre indépendance d'esprit. Je tenais à vous le dire et à vous réaffirmer notre confiance. Pour autant, il n'était pas forcément nécessaire de le stigmatiser comme vous l'avez fait. Les organisations non gouvernementales (ONG) et les syndicats, pour lesquels j'ai le plus grand respect et dont nous avons besoin, se plaignent tous du manque d'écoute de la majorité. N'en rajoutons pas.
Enfin, je voudrais vous donner raison sur un point important : je suis convaincu que la CMP était vouée à l'échec compte tenu de nos points de désaccord avec les sénateurs. Par honnêteté intellectuelle, je me dois d'admettre que notre groupe ne tenait pas à ce qu'elle aboutisse à tout prix, c'est-à-dire en ne retenant pas les quelques acquis que nous avions réussi à obtenir, avec M. Guillaume Garot et les membres du groupe Nouvelle Gauche, et que le Sénat a brutalement supprimés au nom de la rationalisation et par conservatisme.
Cela étant nos désaccords subsistent. Nous estimons en effet que, dans une démocratie moderne, dans une économie de marché régulée ou une économie sociale de marché, la puissance publique se doit de fixer des indicateurs, de donner des repères. Toute notre approche de ce texte est dictée par cette conviction et par notre volonté d'associer la régulation de la puissance publique et la force de l'esprit d'entreprise qui caractérise notre agriculture.
À l'aune de cette ambition le parcours de ces derniers mois nous apparaît un peu désespérant. Après des États généraux formidables, consensuels et innovants, le projet de loi nous a semblé faire pâle figure par rapport aux ambitions affichées par la société civile et l'ensemble des parties prenantes. Quant au législateur, il n'a pas su éviter les écueils traditionnels : comme si les États généraux n'avaient jamais eu lieu, chacun s'est retranché dans ses positions coutumières, et la guerre a repris entre environnementalistes et productivistes. Cela a constitué une incontestable régression par rapport à l'ouverture démocratique que vous aviez initiée.
Pour ce qui concerne la Nouvelle Gauche, nous avons tenté, dans le cadre contraint que nous imposent les dispositions de la loi de modernisation de l'économie comme les règles européennes, de promouvoir des outils permettant à notre agriculture de se transformer – je pense notamment à la certification « Haute valeur environnementale » (HVE) ou à l'agriculture de groupe. Nous espérons qu'ils seront rétablis par la majorité.
Nous n'avons en revanche pas été entendus sur la généralisation des plans alimentaires territoriaux, ni sur l'élargissement des associations d'organisations de producteurs (AOP), ni sur les enjeux sanitaires de l'alimentation défendus par M. Guillaume Garot, qui représentent pourtant un formidable levier de développement pour notre agriculture.
Nous ne comprenons pas non plus pourquoi nos amendements sur le développement solidaire avec les pays africains et les pays en voie de développement ou sur le principe de réciprocité ont été rejetés.
Enfin, nous regrettons qu'un champ aussi important que celui des coopératives, qui concerne près de la moitié de notre économie agricole n'ait pas été pris en compte, sinon pour faire l'objet d'un décret. Nous pensons que le champ coopératif mérite en soi une loi et que le Parlement doit être associé à l'organisation de ce pan essentiel de l'économie sociale, qui, de surcroît, joue un rôle primordial dans l'aménagement du territoire.
J'évoquerai pour conclure, d'abord, les mesures sur le foncier, dont nous n'aurons pas la possibilité de discuter alors même qu'il serait urgent d'intervenir, ensuite l'héroïsme des sénateurs qui ont défendu de manière unanime la mise en place d'un fonds d'aide aux phyto-victimes pour lequel nous avions nous-mêmes plaidé en vain. J'espère que cette navette parlementaire nous permettra de doter ce fonds.