Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mardi 17 juillet 2018 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Sans revenir sur les chamailleries de clochers entre la droite sénatoriale et la droite macronienne (Exclamations de plusieurs députés du groupe La République en Marche) de l'Assemblée, il convient de rappeler que les objectifs affichés depuis un an par la majorité sont loin de trouver leur traduction dans le projet de loi.

Nous devions rendre leur dignité aux agriculteurs et promouvoir une alimentation saine. Bref, mieux cultiver et mieux manger. Pourtant les agriculteurs ne seront pas gagnants avec votre texte. Alors que le tiers d'entre eux gagne moins de 350 euros par mois et qu'au moins un agriculteur se suicide tous les trois jours, ils continueront à se tuer à la tâche. Le projet de loi ne comporte ni prix planchers, ni aucun mécanisme d'arbitrage impartial et indépendant du marché : vous garantissez que les agriculteurs restent piégés dans la gueule du loup, celle des centrales d'achat des grands groupes agro-industriels, et de la grande distribution.

Vous n'inverserez pas la tendance avec votre texte : chaque semaine 250 exploitations disparaissent. La dernière étude publiée par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) révélait que la taille des exploitations avait doublé en vingt-cinq ans alors que le nombre d'exploitants agricoles n'a cessé de plonger. Avec la chute vertigineuse du niveau de vie et l'absence de perspectives, le métier d'agriculteur n'attire plus. À terme, la course au gigantisme mettra en danger notre indépendance alimentaire – je vous alerte sur ce sujet. Le tournant industriel pris par notre agriculture tend à effacer une spécificité française, celle de la qualité de l'alimentation, du bien manger.

Au-delà des scandales sanitaires qui se multiplient, la qualité de notre alimentation se dégrade. Aujourd'hui, 15 % de la population adulte française est considérée comme obèse, alors que ce ratio ne s'élevait qu'à 8,5 % il y a vingt ans. Une étude récente dirigée par le professeur Hercberg conclut qu'une augmentation de 10 % de la part des aliments ultra-transformés dans le régime alimentaire entraîne une augmentation dans les mêmes proportions des risques de cancer.

D'autre part, l'article 11 est beaucoup trop flou pour être contraignant et garantir que nous ayons des produits sains dans nos assiettes et celles de nos enfants. Puisque la majorité ne veut pas inscrire dans la loi des critères qui relèvent pourtant du bon sens paysan, comme la saisonnalité, puisqu'elle recule devant le ministre sur l'interdiction des couverts en plastique, puisqu'elle ne veut pas rendre obligatoire le Nutri-Score, ni réguler le marketing et la publicité en direction des enfants, j'ai peu d'espoir quant au déroulement de cette nouvelle lecture. Il ne tient qu'à vous de me surprendre.

De nos champs à nos assiettes, ce projet de loi ne change finalement rien sur le fond de la situation parce qu'il évite soigneusement la racine du problème : le modèle agroalimentaire productiviste et capitaliste, destructeur pour l'environnement. L'absence de l'écologie dans le texte crève les yeux : vous vous êtes arrangés pour que l'interdiction du glyphosate ne soit pas inscrite dans les conditions que l'on sait, en revanche, vous avez eu beaucoup de plus d'enthousiasme à répondre aux demandes des lobbies de l'agrobusiness, en particulier pour autoriser l'épandage par drones.

Depuis les États généraux de l'alimentation, les débats traînent en longueur. Il faudra donc attendre encore davantage pour que soit défendue une agriculture paysanne, écologique, et respectueuse des consommateurs, des agriculteurs et de la nature, qui est sa matière première. Je parle d'un modèle qui ne marcherait plus sur la tête, d'un modèle qui retrouverait du sens. Pour ma part, je continuerai, au nom du groupe La France insoumise, à soutenir des amendements nécessaires pour accélérer l'émergence de ce modèle vertueux.

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