Cet amendement est capital pour garantir l'efficacité de tout le dispositif. Il mise sur la transparence pour garantir la confiance, sans remettre en cause la liberté contractuelle. La commission des affaires économiques a adopté à l'article 5 la proposition de notre rapporteur en permettant que les indicateurs de coûts de production, s'ils ne sont pas définis par les interprofessions, puissent être élaborés et publiés par l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Cette mesure va dans le bon sens mais n'est en aucun cas suffisante pour construire des indicateurs de coûts de production réalistes et donc former des prix justes. En effet, l'alinéa 15 de l'article 1er précise que les parties peuvent utiliser tous les indicateurs disponibles ou spécialement construits par elle. Les parties, que ce soit les producteurs, les industriels ou n'importe quel acheteur, ont donc toute latitude pour construire ces indicateurs, au risque qu'ils soient déconnectés de la réalité. L'expérience sur le terrain montre en effet que, dans de nombreux cas, les acheteurs font pression sur les producteurs pour imposer leurs conditions, et les producteurs pourraient, sur l'insistance de l'acheteur, se sentir contraints de reconnaître des indicateurs pourtant infondés.
Pour éviter cette situation qui engendrerait de facto des prix injustes pour les agriculteurs, les indicateurs doivent systématiquement être publiés afin d'être accessibles au plus grand nombre et pouvoir être dénoncés, le cas échéant. Sans violer le secret des affaires – il s'agit d'indicateurs, non de prix finaux –, ce dispositif est un garde-fou pour éviter toute pratique déloyale ou pression de la part des acheteurs. Son adoption renforcerait l'intérêt de toutes les parties de privilégier les indicateurs élaborés par les interprofessions qui soient les plus légitimes.
Ce projet de loi qui vise à inverser la logique de construction du prix pour que la valeur soit plus équitablement répartie au profit des producteurs ne peut absolument pas laisser les parties définir entre elles les indicateurs sans aucune garantie ni transparence. À l'heure de la loi pour la transparence de la vie publique qui a renforcé le poids des lanceurs d'alerte, alourdi les sanctions pour les entreprises qui ne publient pas leurs comptes et obligé les acteurs à publier leurs actions de représentation d'intérêts, cette disposition est d'actualité et plus que nécessaire.