Comme de nombreux collègues commissaires aux lois et peut-être comme d'autres collègues qui ne le sont pas, j'ai également visité un centre de rétention administrative et discuté avec les agents qui le gèrent. S'agissant des justifications « d'ordre opérationnel » fournies par M. Boudié sur ce type de dispositif, j'ai entendu – mais peut-être ai-je été la seule – qu'en réalité, l'allongement de la durée de rétention ne résoudrait aucun problème opérationnel. Au contraire, il en créerait, parce que les CRA ne sont pas en mesure de garder aussi longtemps les personnes qui y ont été placées. Par conséquent, d'un point de vue pratique, cette mesure, que vous justifiez en raison de son immédiateté et de sa pérennité, n'est pas concluante du point de vue opérationnel, elle ne permettra donc pas de régler le problème.
D'ailleurs, d'autres raisons ont été invoquées : une partie des personnes placées dans les centres de rétention sont libérées un jour ou l'autre. Il s'avère en effet parfois impossible, pour différentes raisons, de prolonger leur rétention, soit parce que les laisser-passez consulaires ne sont pas accordés, soit parce qu'il s'avère qu'elles ne sont pas expulsables, par exemple parce que leur pays d'origine n'est pas un pays sûr. Il peut donc arriver que certaines d'entre elles, pour de multiples raisons, ont finalement droit à la protection, et elles n'ont donc pas leur place en rétention.
Par conséquent, monsieur le ministre d'État, madame la rapporteure, vous ne faites, en allongeant la durée de rétention, que rendre encore plus dure la situation de ces personnes au cours de leur rétention, tout comme le travail des agents. Cela n'aura absolument aucun effet sur les sources de l'immigration. En première lecture, un argument avait été avancé à ce propos : les passeurs seraient émus ou terrifiés par l'aggravation de cette sanction – telle semblait être leur logique – et l'allongement de la durée de la rétention les dissuaderait de poursuivre leur commerce, ce qui me semble être complètement illogique.