La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 9 quater.
Monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, conformément aux engagements que nous avons pris et pour permettre le déroulement des travaux de la commission des lois dans les meilleures conditions, la séance est suspendue jusqu'à dix-sept heures.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.
Cet amendement de suppression de l'article 9 quater s'inscrit dans la suite logique de l'amendement de suppression de l'article 9 ter. Nous souhaitons supprimer cette disposition, qui a été ajoutée par le Sénat et que nous jugeons inacceptable, parce qu'elle instaure un véritable parcours du combattant pour les parents dont l'un des deux devrait soit penser à la nécessité juridique de faire inscrire sur l'acte de naissance, sur présentation de justificatifs, qu'il ou elle réside en France en situation régulière depuis plus de trois mois avant la naissance de l'enfant, soit produire de tels documents plus d'une dizaine d'années plus tard.
Cela a été dit et répété : à l'encontre de tous les fantasmes et de toutes les fake news qui sont diffusées à ce sujet, le droit du sol ne s'applique ni automatiquement ni intégralement. Nombre de nos concitoyens et concitoyennes doivent franchir, je le répète, un véritable parcours du combattant, pour se voir reconnu un droit qui est légitimement le leur. Or l'article 9 quater, qui repose sur la suspicion, ne fait qu'ajouter encore une difficulté pour ces enfants qui, devenus adultes, voudront exercer ce droit qui est le leur.
De plus, l'article 9 quater ne permet en aucun cas de répondre concrètement aux problèmes qui se posent à Mayotte, puisque, comme cela a déjà été souligné, la question de l'accession à la nationalité n'est pas le fait, en majorité et en priorité, de celles et ceux qui sont désignés comme étant à la source des problèmes, à savoir les personnes de nationalité comorienne. De toute évidence, compliquer les démarches ne fera que confronter ces personnes à des difficultés administratives, voire les placer en situation irrégulière, tout en étant sans effet sur les raisons pour lesquelles elles arrivent à Mayotte – et y restent.
L'article n'a pour effet que de dénier à des personnes qui sont nos concitoyens et concitoyennes la reconnaissance et le respect des droits qui leur sont dus.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 252 .
Cet amendement de suppression de l'article 9 quater, qui prévoit une mesure spécifique pour les enfants nés à Mayotte, s'inscrit dans la suite logique de celui que nous avons déposé ce matin afin de supprimer l'article 9 ter. L'article 9 quater ne fait que rendre encore plus difficile le parcours de celles et ceux qui demandent un titre de séjour. Or chacun connaît les dysfonctionnements de l'administration à Mayotte, en raison notamment d'un manque criant de moyens, qui ne lui donne pas la possibilité de répondre, dans des délais raisonnables, aux demandes de titre de séjour.
L'article vise non pas à fluidifier le parcours pour mieux assurer le droit mais à le rendre plus complexe en créant des difficultés supplémentaires, aux dépens des personnes concernées, lesquelles resteront sur le territoire en situation irrégulière, ce qui rendra encore plus difficile leur accès aux droits.
Dans la suite logique de l'adoption de l'article 9 ter, cet article instaure un nouveau frein à une éventuelle demande d'accès à la nationalité française : après un premier barrage, représenté par l'obligation de résider depuis trois mois sur le sol français, la nécessité de faire inscrire cette précision sur l'acte de naissance. Quel sera le format de l'extrait d'acte de naissance ? Quels moyens aurons-nous pour vérifier les informations qui seront demandées à tous ceux qui souhaiteront acquérir la nationalité française par déclaration ?
La parole est à Mme Élise Fajgeles, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements de suppression.
L'article 9 quarter se contente de préciser la procédure permettant d'appliquer l'article 9 ter qui a été adopté ce matin : en conséquence, avis défavorable.
La parole est à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
Avis défavorable.
Je souhaite réagir à la réponse donnée par Mme la rapporteure, qui montre bien toute l'incohérence de l'article 9 quater. Vous ajoutez une complication administrative, alors même que vous prétendez vouloir simplifier ce type de démarche. Vous voyez bien que cette mesure ne fera que renforcer les difficultés et les discriminations que subissent déjà nos compatriotes à Mayotte. Compte tenu du manque de moyens de l'administration pour répondre aux usagers au quotidien, vous complexifiez les démarches pour les usagers et les agents. Alors même que vous avez fait voter une loi sur le droit à l'erreur, vous refusez d'appliquer ce principe à Mayotte. Pourquoi nos compatriotes de Mayotte n'auraient-ils pas le même droit à l'erreur que ceux de métropole ? Au lieu de répondre à la situation en renforçant les moyens des administrations et des préfectures, vous accroissez les sanctions pour les usagers. Cela montre encore une fois toute l'incohérence et l'inefficacité de cette mesure.
Ces deux amendements sont rédactionnels.
L'article 9 quater, amendé, est adopté.
La commission a supprimé l'article 10 AA.
Je suis saisi de cinq amendements, nos 19 , 192 , 266 , 475 et 294 , tendant à le rétablir et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 192 , 266 et 475 sont identiques.
La parole est à Mme Marine Le Pen, pour soutenir l'amendement no 19 .
L'aide médicale d'État représente cette année un coût de 1 milliard d'euros. Cette somme est considérable au moment où le Gouvernement ne cesse de parler d'économies et d'envisager la diminution des aides sociales – un certain nombre de mesures ont déjà frappé les étudiants et toucheront probablement les chômeurs demain…
… et les retraités à la rentrée.
Nous proposons de supprimer l'aide médicale d'État, comme nous le réclamons depuis de nombreuses années. L'AME constitue indiscutablement un appel d'air pour les clandestins, surtout dans un contexte de pression migratoire très forte et d'ouverture générale des frontières. Dans le benchmarking évoqué par M. Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, la France figure en bonne place, notamment grâce à ce dispositif. Nous proposons donc de mettre fin à celui-ci et de créer un fonds « urgence vitale » afin de prendre en charge les soins nécessités par une urgence vitale.
Cet amendement vise à remplacer l'aide médicale d'État par un dispositif axé sur les urgences médicales et la lutte contre les épidémies. Il s'agit en effet de faire preuve d'humanité et de fraternité, mais aussi de fermeté et crédibilité…
La parole est à M. Fabien Di Filippo, pour soutenir l'amendement no 266 .
Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. Comment comprendre aujourd'hui que l'aide médicale d'État rembourse sans conditions à peu près tous les soins assurés aux individus en situation irrégulière, qui sont entrés illégalement sur le territoire ? Dans la liste des soins pris en charge figurent notamment les frais d'examens prénuptiaux. Nous sommes bien loin du principe de départ ! Ce dispositif, qui coûtait 75 millions d'euros la première année, représente aujourd'hui une dépense de 913 millions d'euros. Quand on demande des efforts aussi importants à nos concitoyens, notamment aux plus modestes, il faut être équitable et remettre de l'ordre. Aujourd'hui, l'AME n'est plus une aide médicale d'urgence ; il faudrait pourtant y revenir.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 475 .
L'aide médicale d'État fait certainement couler beaucoup d'encre. Elle suscite les plus vives réactions : pour certains, elle est le symbole d'une aide humanitaire sacrée alors que pour d'autres, elle est l'illustration d'un système qui part à la dérive.
À titre indicatif, il me semble important de rappeler certains chiffres tout à fait parlants. En 2014, tous types d'AME confondus, cette aide a coûté la modique somme de 830,8 millions d'euros. En 2015, le nombre de bénéficiaires dépassait les 300 000 personnes, et un bénéficiaire type coûtait près de 280 euros chaque trimestre.
D'ailleurs, en juin 2014, une déclaration de l'ancienne ministre de la santé, Marisol Touraine, en réponse à la question d'un sénateur, avait mis le feu aux poudres. C'était édifiant ! Alors qu'une grande partie de la droite dit et redit depuis des années combien les conditions d'accès à l'AME sont problématiques, la ministre avait reconnu pour la première fois que le budget alloué à cette prestation, qui permet notamment aux étrangers en situation irrégulière d'être soignés, s'était littéralement envolé. Mieux encore, elle avait enfin admis que le fort accroissement du nombre de bénéficiaires de l'AME était directement lié au nombre de personnes immigrées, qui se font massivement soigner grâce à elle.
Le Sénat s'est emparé de ce sujet – il était temps ! – et a, me semble-t-il, apporté une solution mesurée ou équilibrée, selon le terme que vous préférez, loin des caricatures habituelles. Sans remettre en question l'AME en tant que telle, il en a simplement réduit la voilure en introduisant le principe selon lequel le recours à l'AME doit être associé à l'acquittement d'un droit annuel, dont le montant est fixé par décret. Il me semble que c'est une mesure de bon sens, car le nombre de bénéficiaires de l'AME à l'époque du gouvernement Jospin est sans commune mesure avec le nombre de bénéficiaires actuels. Il faut donc réformer ce dispositif.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir l'amendement no 294 .
Cet amendement a pour objet non de supprimer ou de remettre en cause l'AME, mais de maîtriser cette dépense publique. En effet, depuis sa création en 2000, les moyens financiers alloués à l'AME ne cessent de croître, passant de 75 millions d'euros à sa création à près de 1 milliard d'euros aujourd'hui. À ce constat, il convient d'ajouter le fait que la Cour des comptes, dans son rapport sur le budget de l'État en 2017, a émis des réserves sur la réalité, l'exhaustivité et l'exactitude des montants versés au titre de l'AME, …
… faute de contrôles effectués par les caisses d'assurance maladie lors de l'ouverture des droits.
Dans un contexte de contraintes budgétaires importantes et d'efforts qui, selon votre majorité, doivent être partagés par toutes et tous, il est difficilement acceptable que certains médicaments ou actes médicaux soient bien moins remboursés quand, dans le même temps, d'autres personnes ont un accès illimité et sans frais aux soins. Vous admettrez que cette situation ne peut plus durer alors que les assurés sociaux s'acquittent d'une participation forfaitaire d'1 euro pour les consultations ou les actes réalisés par un médecin.
Dès lors, je propose à travers cet amendement qu'un décret fixe le montant d'un droit dont devront s'acquitter les bénéficiaires de l'AME. Une telle mesure permettra ainsi de limiter l'inflation budgétaire de l'AME et de responsabiliser les bénéficiaires de cette aide, bien que l'inflation soit surtout, monsieur le ministre d'État, le résultat de votre incapacité à reconduire dans leur pays d'origine les étrangers en situation irrégulière.
Nous ne la transformerons pas non plus en aide médicale d'urgence, pour trois raisons.
Une raison d'humanité, tout d'abord : toute personne présente sur le territoire français a le droit de se faire soigner.
Ce sont les valeurs de la France.
Une raison de santé publique, ensuite : si elles ne sont pas prises en charge, si elles ne sont pas soignées correctement, certaines personnes peuvent développer des maladies et propager des épidémies. À ce moment-là, tout le monde devra être soigné. Pour une raison de santé publique, donc, nous n'avons aucun intérêt à laisser se propager ces maladies et ces épidémies.
Une raison financière, enfin. Vous ne cessez de dire que ces étrangers coûteraient énormément d'argent à l'État parce qu'ils abuseraient de notre système de santé. Cependant, les personnes qui se présentent aux urgences se font soigner – les médecins ne demandent pas à l'État l'autorisation de les soigner, et c'est bien normal. Nous risquerions donc un engorgement des services d'urgence, une désorganisation absolue de ces services, ce qui coûterait encore plus cher que ce que vous dénoncez.
Finalement, l'aide médicale d'État est le dispositif le plus humain et le plus juste, tant pour la santé publique que pour les finances publiques. Avis défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et sur les bancs du groupe NG.
Je supporte de moins en moins qu'à chaque fois que nous abordons le sujet sensible de l'AME, nos propos soient caricaturés.
Nous n'avons pas proposé de ne plus soigner les étrangers, encore moins les enfants.
À un moment donné, il faut être réaliste : l'aide médicale d'État a complètement dérivé. On en est à prendre en compte les frais d'examens prénuptiaux : je ne vois pas en quoi cela permet d'éviter la propagation des épidémies dans notre pays.
Soyez réalistes ! Quel est le budget qui a augmenté de 13 % l'année dernière ? Vous mobilisez de plus en plus de moyens pour bien accueillir les personnes en situation irrégulière qui ont violé nos lois pendant que, dans nos villages et dans nos campagnes, de plus en plus de gens ne peuvent même plus trouver de médecin traitant.
Il y aurait beaucoup de moyens à mettre pour que nos compatriotes puissent se soigner eux aussi.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Dans mon territoire, dans la circonscription d'où je viens, mes chers collègues, il y a des endroits où il est plus facile de trouver un vétérinaire pour soigner des vaches qu'un médecin pour soigner des hommes.
Réveillez-vous ! Prenez vos responsabilités ! Retrouvez le sens des priorités !
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Restons calmes, mes chers collègues !
La parole est à Mme Danièle Obono.
Nous sommes bien évidemment opposés à l'ensemble de ces amendements, quelles que soient les explications données pour les justifier.
J'ai entendu nos collègues invoquer une nécessité comptable, celle de vérifier la bonne tenue des comptes publics. Or nous avons expliqué de manière générale – pas seulement sur la question de l'accueil digne des migrants et des migrantes – qu'il ne fallait pas avoir une vision comptable des choses et faire passer la question économique avant tout. C'est vrai pour tout le monde, monsieur Di Filippo. Quand vous vous plaignez du manque de médecins et des difficultés d'accès aux soins, je m'étonne que vous n'ayez pas soutenu nos amendements visant à améliorer les soins et la couverture sanitaire, afin que la société se donne véritablement les moyens de prévenir la propagation des maladies.
Une fois n'est pas coutume, je rejoins les explications données par la commission. Tous les arguments rationnels, sur ce sujet comme sur tous ceux qui touchent à la politique migratoire – le simple respect de la dignité humaine et de nos engagements internationaux, les motifs sanitaires – , contredisent les propos tout à fait incohérents des auteurs de ces amendements.
On voit bien que la rhétorique de l'extrême droite ne s'appuie que sur des fantasmes qui confinent au ridicule. Je ne peux néanmoins m'empêcher de souligner l'hommage rendu par Mme Le Pen à M. Collomb. Quand vous ouvrez la brèche, monsieur le ministre d'État, comme vous le faites aujourd'hui en défendant votre projet de loi, vous permettez au Front national et à l'extrême droite de dérouler leur rhétorique. En l'occurrence, c'est avec vous qu'ils trouvent, très concrètement, des convergences.
Mes chers collègues, il s'agit d'un hommage à 1 milliard d'euros, au moment où un tiers des Français ne se soignent pas correctement parce qu'ils n'en ont plus les moyens – je sais que nos collègues du groupe Les Républicains s'en soucient alors que vous, députés de la majorité, n'en avez strictement rien à faire car, dans la « start-up nation », on ne se pose même pas la question.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
À ces Français, vous répondez par des ricanements, par de la morgue, comme vous en avez pris l'habitude depuis maintenant des mois et des mois.
Pour ma part, je considère qu'en France, alors que ce sont les Français qui paient l'immense majorité des impôts qui font fonctionner notre pays et notre système de santé – quoi qu'on en dise, et même si on tord les chiffres – ,…
… ce sont les Français qui doivent bénéficier en priorité de notre attention.
Je suis navrée de vous dire qu'on ne peut pas plaider pour la réduction des dépenses, comme vous le faites en vous attaquant d'ailleurs toujours aux mêmes et jamais à vos amis, et en même temps refuser de supprimer l'aide médicale d'État, dont la dérive est totale, …
… puisque son coût annuel est passé, comme cela a été rappelé, de 75 millions à 1 milliard d'euros. Vous me direz que cette augmentation est liée à l'aggravation spectaculaire de l'immigration clandestine, et je serai d'accord avec vous. Mais comme vous ne prenez par ailleurs aucune mesure pour limiter cette dernière…
Continuez, cher monsieur ! Continuez, je vous en prie ! Vous vous ridiculisez aux yeux de tous les Français.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Concluez, s'il vous plaît, madame Le Pen. Votre temps de parole est presque écoulé.
On ne peut pas vous faire confiance… Mais continuez ! Vous avez donné de vous l'image de ce que vous êtes.
Je suis ravie de constater qu'à ce moment – de tels moments sont malheureusement extrêmement rares – le Gouvernement a rappelé notre devoir de solidarité, d'autant qu'il y va de la santé de toutes et tous – les risques concernent non pas seulement les étrangers, mais tous les habitants de notre pays.
Nous ne voterons évidemment pas les propositions de nos collègues qui siègent en face. Plutôt que de vous intéresser aux nouvelles recettes potentielles que nous pourrions mobiliser pour une meilleure santé pour tous, ou de voir comment nous pourrions mieux récupérer les produits de l'évasion fiscale, plutôt que de chercher de nouvelles recettes qui nous permettraient d'assurer un service public de qualité pour tous, vous préférez vous intéresser à ces quelques étrangers qui bénéficient d'une aide bien normale.
Savez-vous combien il manque aujourd'hui ? Pensez-vous que ce milliard suffirait à assurer une meilleure santé pour l'ensemble de nos concitoyens ? C'est faux ! Allons plutôt voir comment l'argent est produit et réparti aujourd'hui, et nous aurons alors un débat intéressant.
L'amendement no 19 n'est pas adopté.
L'amendement no 294 n'est pas adopté.
Rappels au règlement
Ce rappel au règlement, qui se fonde sur l'article 58, est relatif à l'organisation des débats et, d'une manière plus générale, monsieur le président, puisqu'il s'adresse à vous, relatif au fonctionnement de notre assemblée. Notre chambre, qui représente la nation, le peuple de France, vient de subir une véritable humiliation. J'en appelle à votre arbitrage, monsieur le président, en tant que garant du respect de nos institutions et de l'Assemblée nationale.
La commission des lois, qui s'est transformée en commission d'enquête dans le cadre de l'affaire Benalla, vient en effet de subir une véritable humiliation. Elle est bridée dans son fonctionnement et les auditions essentielles à la manifestation de la vérité ont été entravées par le seul groupe La République en marche.
J'en donnerai un exemple : alors que le secrétaire général de l'Élysée est intervenu ce matin devant le Sénat, son audition, qui avait été sollicitée, a été refusée hier par le seul groupe de La République en marche. Je tiens à rendre hommage à la volonté de transparence du groupe MODEM qui, bien que membre de la majorité, avait souhaité cette audition.
Comme le corapporteur, Les Républicains ont indiqué qu'ils suspendaient leur participation à cette commission fantôme qui se voit dicter son fonctionnement par l'Élysée. C'est très grave et très choquant.
Monsieur le président de l'Assemblée nationale, il faut, car c'est votre devoir, que vous rétablissez l'honneur de l'Assemblée nationale, bafoué par le comportement du groupe majoritaire, dont l'attitude est dictée par l'Élysée, qui veut étouffer la vérité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Puisque le groupe MODEM vient d'être mis en cause, je tiens à préciser la réalité des choses, monsieur Ciotti, …
Non. Vous déformez les propos que nous avons tenus hier : nous avons dit que la liste établie par Mme la présidente et corapporteure de la commission nous satisfaisait et que nous aurions aimé y ajouter le nom de M. Kohler. Il y a une nuance, car votre propre liste ne nous convient pas du tout. Nous considérons en effet qu'elle va beaucoup trop loin.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Chers collègues, je l'ai déjà dit hier : nous n'allons pas refaire ici, en séance publique, les débats de la commission des lois, qui a été investie des pouvoirs d'une commission d'enquête parlementaire et qui poursuit par ailleurs ses travaux et ses auditions.
La commission a supprimé l'article 10 AB.
Je suis saisi de six amendements, nos 20 , 290 , 193 , 267 , 440 et 506 , qui visent à rétablir l'article et peuvent être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 193 , 267 , 440 et 506 sont identiques.
La parole est à M. Ludovic Pajot, pour soutenir l'amendement no 20 .
Puisque la justice semble avoir pour premier objectif non pas la défense de la France et des Français, mais celle des étrangers…
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
… – il est en effet scandaleux de valider le fait que les Français doivent payer intégralement leur carte dans les transports parisiens, tandis que les clandestins, ces gens qui ne respectent pas la plus élémentaire de nos lois, bénéficient d'une réduction – , nous proposons, à travers cet amendement, que la loi interdise littéralement une telle pratique et que la justice ne puisse plus s'opposer aux décisions de bon sens et, surtout, de justice sociale prises par les collectivités territoriales. Les clandestins entrés illégalement sur notre sol n'ont aucune raison de bénéficier de la solidarité nationale.
La parole est à Mme Nathalie Elimas, pour soutenir l'amendement no 290 .
Le droit de bénéficier de réductions tarifaires pour les personnes dans le besoin permet évidemment de lutter contre toute forme d'exclusion et d'inégalité, et promeut évidemment le modèle social français, ce dont nous sommes très fiers. En l'état actuel du droit, les personnes se maintenant sur le territoire avec un visa périmé ou abrogé, ou avec un titre de séjour, un récépissé ou une autorisation de séjour périmé ou non renouvelé peuvent bénéficier de la réduction tarifaire pour les transports, telle que prévue à l'article L. 1113-1 du code de transports. Il y a là une forme d'inégalité pour celles et ceux qui se mettent en conformité avec leurs obligations.
Le présent amendement vise donc à subordonner la tarification sociale pour les transports à la régularité du séjour en France. Il est ainsi proposé d'exclure les personnes séjournant irrégulièrement en France de cette tarification sociale, tout en maintenant l'avantage à la fois pour les citoyens européens séjournant dans les conditions prévues par la directive 200438 CE relative au droit des citoyens de l'Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, et pour les personnes en attente d'une décision concernant leur séjour sur le territoire.
Pour finir, je citerai deux chiffres concernant notamment l'Île-de-France : la mesure concerne aujourd'hui environ 120 000 personnes et représente pour Île-de-France Mobilités un coût de près de 43 millions d'euros.
Cet amendement a été déposé par mon collègue Éric Pauget. À aucun moment, au cours des différents débats parlementaires, l'intention du législateur n'a été de donner un avantage social supplémentaire, tel qu'un droit aux transports quasi-gratuits, à des étrangers en situation irrégulière.
Non, ce n'est pas gratuit ! On voit bien que vous n'avez jamais eu besoin de la réduction !
Du reste, une telle réduction tarifaire ne s'applique pas à la majorité des agglomérations françaises, voire des métropoles européennes. Il s'agit là d'une véritable prime à l'illégalité, car ces personnes n'ont pas le droit de séjourner sur le territoire français.
Monsieur le ministre d'État, vous dites vouloir afficher une plus grande fermeté contre l'immigration irrégulière. Il faut mettre en conformité vos actes et vos paroles : si les étrangers en situation irrégulière, à la différence des demandeurs d'asile, n'ont pas vocation à rester sur le territoire français, il n'y a aucune raison de leur accorder la quasi-gratuité des transports.
La parole est à M. Jean-Louis Thiériot, pour soutenir l'amendement no 267 .
Cet amendement, que je défends au nom de ma collègue Constance Le Grip, est absolument essentiel et vise à subordonner la réduction accordée au titre de l'article L. 1311-1 du code de transports à la condition d'un séjour régulier sur le territoire national.
Permettez à l'ancien vice-président d'Île-de-France Mobilités, qui a quitté ses fonctions voilà quelques jours pour rejoindre cet hémicycle, de vous dire, avec la plus grande mesure, à quel point cet amendement est essentiel. Il répond en effet à des considérations d'équité, de sagesse budgétaire et d'ordre public économique.
En termes d'équité, il n'est pas acceptable que des personnes qui se trouvent en violation des lois de la République – et c'est le cas des clandestins – puissent bénéficier d'un avantage que n'ont pas ceux qui sont en règle. Concrètement, cela signifie qu'un chômeur ou un précaire qui n'est pas dans cette situation devra payer son Pass Navigo, alors que les clandestins n'auront pas à le faire.
En termes budgétaires, comme l'a dit Mme Elimas, cette mesure représente un coût de 43 millions d'euros pour la région Île-de-France et Île-de-France Mobilités – 43 millions devront être retirés de projets d'investissement ou imputés par une hausse du prix du Pass Navigo.
L'amendement répond enfin à une considération d'ordre public économique : des personnes en situation irrégulière qui utilisent les transports financés par cette réduction tarifaire s'en servent, pour une bonne part, pour aller travailler et accomplir un travail clandestin.
Il s'agit donc d'un amendement de sagesse, de raison et de mesure et je crois qu'il peut être accepté bien au-delà de nos bancs.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 440 .
Il me semble que nous allons pouvoir nous retrouver sur cet amendement. Dans sa forme actuelle, en effet, l'article L. 1113-1 du code de transports permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier de la même réduction des tarifs de transport que les Français ou les étrangers en situation régulière.
Or l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile punit de cinq ans de prison et de 30 000 euros d'amende toute personne « qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France ». La rédaction actuelle de l'article place donc l'État français dans une situation délictuelle d'aide à la circulation d'étrangers en situation irrégulière. Cette exonération constitue en outre une forme de prime à la clandestinité, financée par l'argent des Français.
Le conseil régional d'Île-de-France avait donc légitimement tenté de remédier à cette situation en supprimant l'aide aux transports pour les clandestins, mais le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.
Pour changer cette situation absurde, le Sénat avait proposé de subordonner la réduction tarifaire à la régularité du séjour en France. Cette mesure de bon sens a été supprimée du projet de loi et je propose donc de la réintroduire. On ne peut pas faire semblant de lutter contre l'immigration illégale.
Cet amendement a lui aussi pour objet de soumettre le bénéfice d'une tarification réduite dans les transports à la régularité du séjour.
J'insisterai sur un point que nous avons déjà évoqué tout à l'heure à propos de l'aide médicale d'État : vis-à-vis des étrangers, nous devons évidemment faire preuve d'un devoir d'humanité, qui est prioritaire, mais nous ne devons pas lui sacrifier le devoir de justice car, en France, le contrat social est aussi fondé sur ce principe essentiel. Montrer que nous traiterions mieux des personnes en situation irrégulière que celles qui respectent les lois de notre République fragiliserait fondamentalement le contrat social. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à voter cet amendement.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Vous mettez beaucoup de choses dans vos amendements – ici, la lutte contre l'immigration illégale. En réalité, il s'agit d'une stricte question de mobilité : la tarification des transports a sa place dans le code des transports et je vous propose donc d'avoir ce débat, qui mérite certes que nous le tenions, lors de l'examen de la loi sur la mobilité, qui aura lieu à la rentrée.
Nous aurons, de toute façon, le temps d'en discuter. Je vous demande donc de retirer ces amendements, à défaut de quoi j'émettrais un avis défavorable.
Vous allez voter sur cet amendement et devoir assumer : vous voulez qu'on paie pour les clandestins !
Je partage, comme vous le savez, l'avis de Mme la rapporteure. Monsieur Ciotti, il ne faut pas confondre l'ensemble des codes, …
… car on finit par ne plus s'y retrouver. Il est ici question du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile – CESEDA– , tandis que l'amendement que proposez porte sur le code des transports. Nous verrons ce problème – qui existe – lorsque nous débattrons de la loi sur les mobilités.
Après avoir entendu l'argumentation raisonnée du Gouvernement et de la commission sur la question de l'AME, je trouve leurs réponses quelque peu faibles, j'en suis désolée : c'est une manière de botter en touche.
Je veux réaffirmer notre opposition à ces mesures, qui sont l'expression de tout ce qu'il y a de plus détestable en matière d'immigration. En effet, vous opposez les précaires et les vulnérables entre eux, les ouvriers français aux ouvriers étrangers, les précaires très très pauvres aux précaires très très pauvres sans-papiers. Il ne s'agit pas de bénéfices, il s'agit non pas de privilèges accordés à tous les précaires avec ces réductions, mais d'une aide de la société pour atténuer la situation difficile dans laquelle ils se trouvent. C'est également le cas des sans-papiers, qui bénéficient par extension de l'AME.
Je voudrais reprendre une partie de vos arguments, même si ce point de vue peut paraître un peu étroit. Pour répondre sur votre terrain, vous qui parlez d'équité et d'égalité, monsieur Becht, …
… trouvez-vous équitable ou juste que les personnes en situation irrégulière qui, selon la dernière étude du CNRS, contribuent positivement à l'économie de notre pays ne bénéficient pas de droits en termes de sécurité sociale, de reconnaissance administrative, comme c'est le cas de tous les autres salariés ? La seule réponse logique serait de régulariser ces personnes qui travaillent, vivent et ont des attaches en France, leur situation irrégulière étant le produit de tous les obstacles administratifs dressés devant eux.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous avons entendu la réponse de Mme la rapporteure et de M. le ministre d'État. Si nous avons bien l'engagement que le sujet sera étudié à l'occasion de l'examen du texte sur les mobilités, nous retirerons l'amendement. Par ailleurs, pourriez-vous nous indiquer à quel moment ce texte sera présenté ?
Sourires.
L'amendement no 290 est retiré.
Oui. Je partage la préoccupation de Mme Elimas : c'est une urgence. Nous ne savons pas quand sera inscrit à l'ordre du jour le projet de loi d'orientation sur les mobilités. Or la mesure en question coûte 43 millions d'euros à Île-de-France Mobilités. Nous ne pouvons pas attendre des mois pour que l'équité soit assurée et que la question budgétaire soit réglée.
Mais arrêtez donc ! Ce n'est pas vrai ! Tout cela, ce sont les arguments du Front national !
En ce qui nous concerne, nous maintiendrons nos amendements. Nous pensons que nous pouvons parfaitement adopter la mesure dans le présent projet de loi, monsieur le ministre d'État : elle sera de facto inscrite non pas dans le CESEDA mais dans le code des transports. D'un point de vue juridique, cela ne me semble poser aucun problème.
Je veux juste répondre ceci à Mme Obono : non, il ne nous paraît pas injuste de traiter de manière différente les personnes en situation régulière sur le territoire, qui ont fait l'effort d'obtenir une régularisation, et les personnes qui – rappelons-le – n'ont aucun droit au maintien sur le territoire français. Il faut remettre les choses à leur juste place : les personnes sans droit au maintien sur le territoire ne peuvent pas bénéficier de droits parfois plus favorables que ceux dont bénéficient les personnes respectant la légalité de l'ordre républicain.
L'amendement no 20 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 79
Nombre de suffrages exprimés 79
Majorité absolue 40
Pour l'adoption 11
Contre 68
Rappel au règlement
Il s'agit d'un rappel au règlement sur la base de l'article 58, alinéa 1er. J'ai demandé la parole à plusieurs reprises pour répondre au ministre et à la rapporteure mais vous ne me l'avez pas donnée, alors que je suis moi-même l'auteur de certains des amendements en discussion. J'aimerais donc que vous regardiez un petit peu plus souvent de notre côté pour pouvoir me donner la parole ; merci, monsieur le président.
J'en profite pour dire qu'il est un peu dommage que la seule réponse que l'on trouve à me donner sur ce genre d'arguments soit : « C'est déplorable » ou : « C'est détestable ». J'aurais aimé que M. le ministre d'État me réponde sur l'argument que j'ai cité, qui place l'État dans une situation délictuelle d'aide à la circulation des étrangers, avec les sanctions que j'ai pu rappeler.
Merci, madame la députée mais ce n'est plus un rappel au règlement. Je ferai non pas un rappel au règlement mais un rappel à la règle, madame Ménard : je donne la parole scrupuleusement sur la base d'une réponse à la commission et d'une réponse au Gouvernement. Quand les amendements sont identiques, cela vaut pour un seul amendement de la série, car sinon vous voyez bien que cela serait sans fin.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l'amendement no 137 tendant à la suppression de l'article.
Par cet amendement, nous voulons protester contre l'article 10 B, qui vise en réalité à élargir la notion de frontière à 10 kilomètres à l'intérieur du territoire. Cela aurait évidemment une incidence puisqu'il s'agit de pouvoir refouler, par une décision de non-admission, une personne se trouvant dans la zone de 10 kilomètres à l'intérieur des frontières. Dès lors que cette possibilité existe, une personne, qui pourrait très bien demander l'asile, se retrouve expulsée de manière beaucoup plus simple et facile, sans pouvoir revendiquer ses droits. Nous estimons que c'est là une entorse supplémentaire à la possibilité de demander le droit d'asile dans notre pays, ce qui est déjà malheureusement souvent le cas, parfois même illégalement. Nous demandons donc de conserver la définition de la frontière et de ne pas l'élargir, comme cela est prévu.
En réalité, dire que la non-admission ne se fait aujourd'hui qu'aux frontières est une fiction juridique car, vous le savez bien, elle peut être appliquée partout sur le territoire. La non-admission est moins protectrice qu'une OQTF, qui prévoit tout un système de droits et de protection. Nous avons introduit cette disposition par un amendement de Joël Giraud, qui connaît bien ce problème, étant lui-même frontalier : il sait bien qu'il est important de définir une zone limite pour ces procédures de non-admission. Avis défavorable.
Même avis que Mme la rapporteure. En effet, l'article 10 B entend justement encadrer strictement la procédure de non-admission en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, en parfaite conformité avec les modalités du contrôle des frontières prévues par le code frontières Schengen.
Je souhaite répondre en citant un cas concret. Pour bien comprendre ce que cela signifie, j'ai demandé il y a quelque temps une commission d'enquête sur les conditions d'accueil des réfugiés et le respect de l'État de droit dans les Alpes-Maritimes. Il y a peu, nous avons auditionné le préfet des Alpes-Maritimes sur cette question, qui a d'ailleurs été déjà soulevée dans plusieurs arrêts de la justice administrative.
Concrètement, les migrants arrivant à la frontière des Alpes-Maritimes peuvent être refoulés de telle manière qu'ils se retrouvent dans l'incapacité, y compris ceux qui en auraient le droit, de pouvoir justement faire tout simplement demande de leurs droits en termes de droit d'asile – excusez-moi, je ne suis pas très clair mais vous m'avez compris.
La situation est telle dans les Alpes-Maritimes que très peu de personnes parmi celles arrivant à la frontière dans les Alpes-Maritimes peuvent déposer leur demande d'asile. En effet, cette non-admission à la frontière équivaut à être refoulé de manière beaucoup plus automatique en Italie, y compris pour des personnes qui, je vous l'assure, pourraient très bien répondre aux critères de la Convention de Genève. Si vous élargissez cette zone, vous multipliez inévitablement ces situations absolument anormales.
Pour répondre à M. le ministre d'État et à Mme la rapporteure, non, vous n'apportez pas de garanties, au contraire : votre disposition permettra de refouler plus facilement les gens, alors qu'ils pourraient obtenir le droit d'asile. Croyez-moi, ce sont des cas concrets, qui se passent dans la vallée de la Roya, à Menton et ailleurs le long de la frontière des Alpes-Maritimes.
L'amendement no 137 n'est pas adopté.
L'article 10 B est adopté.
Je suis saisi d'un amendement no 253 , tendant à la suppression de l'article 10.
Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement.
Le présent amendement vise effectivement à supprimer l'article 10. Nous en revenons à la généralisation du recours à la vidéo-audience sans l'accord de la personne concernée, tant devant le juge administratif que devant le juge des libertés et de la détention, lorsqu'ils sont saisis dans le cadre des procédures de maintien en zone d'attente. En outre, différentes mesures contenues dans cet article portent atteinte au droit à se défendre et au droit à un procès équitable.
Enfin, dans le cadre des appels formés contre les ordonnances de maintien en zone d'attente prises par le juge de la liberté et de la détention, l'article 10 prévoit que le juge pourra rejeter les déclarations d'appels manifestement irrecevables, par ordonnance motivée, sans avoir préalablement convoqué les parties. Cette disposition porte atteinte au droit à un recours effectif et à l'accès au juge, en violation de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux.
Nous avons déjà longuement débattu de la vidéo-audience tout à l'heure. Concernant les ordonnances, cela concerne des appels manifestement irrecevables, c'est-à-dire forclos. L'avis est donc défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 67
Nombre de suffrages exprimés 66
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 11
Contre 55
L'amendement no 253 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 437 .
Déposer un recours devant n'importe quelle juridiction est bien sûr un droit fondamental. Concernant l'article L. 222-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué ne saurait être remis en question, bien entendu.
Toutefois, il est important de se demander si ces recours ne sont pas parfois un moyen de gagner du temps, au lieu d'être un moyen de rétablir une situation qui serait injuste. En effet, à l'heure actuelle, plus de 80 % des recours sont rejetés. Cette situation doit nous pousser à nous interroger sur les appels systématiques, qui ne débouchent pas forcément sur une décision favorable. Encore une fois, s'interroger sur cet état de fait n'est pas de ma part une volonté d'empêcher les recours.
Si l'on instaure une caution de 200 euros pour les demandeurs d'asile déboutés qui font appel, ce ne seront évidemment pas eux qui avanceront cette somme, mais bien plutôt les associations qui les assistent. Bien entendu, la somme de 200 euros, qui est importante mais qui peut être considéré e comme symbolique pour des associations, sera remboursée en cas de décision favorable. Mettre en place cette caution, c'est aussi permettre un respect plus grand de la justice car celle-ci, si elle est parfois gratuite, ne l'est pas dans les faits. Instaurer une caution de 200 euros, c'est montrer que la justice doit être respectée parce que si elle est donnée, elle n'est pas sans coûter.
Enfin, cette caution aurait des conséquences réelles dans la réduction du délai pour les demandes d'asile. Elle permettrait dès lors d'accorder une meilleure attention à ceux qui ont déposé leur dossier.
L'amendement no 437 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous proposons d'éviter un recul majeur de la part du Gouvernement en ce qui concerne les droits procéduraux des personnes qui sont en zone d'attente et se sont vu refuser l'entrée sur le territoire au titre de l'asile ou dont la prolongation en zone d'attente a été validée par un juge des libertés et de la détention.
Nous considérons que, malgré sa situation, une personne en zone d'attente ne doit pas faire l'objet d'une télé-audience sans son consentement. Nous avons débattu de cette pratique en soi, pour n'importe quel justiciable. Le 1o et le 2o de l'article 10 visent à supprimer la possibilité, pour la personne concernée, de refuser une télé-audience par la suppression des phrases « sauf si l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend s'y oppose, » et « à laquelle l'étranger dûment informé dans une langue qu'il comprend ne s'est pas opposé » – notamment à l'article L. 226-2 du CESEDA.
Le Gouvernement souhaite systématiser le recours à la télé-audience pour éviter de devoir convoquer physiquement et matériellement les demandeurs d'asile. Cette volonté d'une prétendue efficacité se fait au détriment du droit à une justice de qualité et en piétinant le consentement des personnes concernées. À l'intérieur ou à l'extérieur de zones d'attente, il convient de privilégier la personne physique et certainement pas de piétiner le droit des justiciables à refuser ce type de méthode. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de ces alinéas.
Comme vous connaissez mon point de vue sur la vidéo-audience, je ne le détaillerai pas mais je tiens à rappeler que, dans sa grande sagesse, le Sénat avait supprimé une telle disposition. En votant mon amendement, nous reprendrions la bonne idée sénatoriale d'un nécessaire consentement à la vidéo-audience.
Nous avons déjà longuement débattu de cette question. Avis défavorable sur les deux amendements.
Il s'agit de maintenir la possibilité pour le requérant de refuser d'être entendu par le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin à travers un moyen de communication audiovisuelle.
La question est tout de même très importante. Prenons l'exemple d'un entretien d'embauche. Imaginons qu'il se déroule par vidéo-conférence – la pratique commence à se répandre. Or bien des choses ne passent pas à travers ce prisme et, à un moment, la communication physique s'impose. Pour qu'une décision soit prise, il faut bien que la personne soit physiquement présente. Le requérant doit donc pouvoir demander à être physiquement présent.
J'ajoute un point puisque j'ai demandé la parole tout à l'heure sans l'avoir obtenue. D'aucuns assurent qu'il faudrait instaurer une caution de 200 euros, mais je rappelle qu'un recours n'est pas gratuit : le requérant doit payer le déplacement et des traductions. Il faut le savoir.
S'agissant d'amendements sur la vidéo-audience, l'avis sera toujours défavorable.
Je ne recommencerai pas notre débat de la matinée à ce propos mais j'appelle l'attention de mes collègues sur le fait que, ce matin, nous mettions en avant le caractère exceptionnel d'une telle procédure – en l'occurrence, avec la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA – mais il est maintenant question du juge administratif, et demain du juge civil voire du juge pénal.
Nous nous dirigeons vers un changement fondamental quant à la manière de rendre la justice dans notre pays : il ne sera plus possible d'avoir un contact humain avec le requérant et, pour le juge, de chercher la manifestation de la vérité et de forger son intime conviction dans les yeux et le visage de ce dernier. Tout cela va disparaître et ce me semble fort inquiétant pour la manière dont nous rendrons la justice dans les prochaines années.
Applaudissements sur les bancs des groupes NG et GDR.
L'article 10 est adopté.
Je suis saisi d'un amendement no 254 visant à supprimer l'article 10 bis.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour le soutenir.
L'amendement no 254 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 bis est adopté.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 268 .
L'amendement no 268 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 10 ter est adopté.
La commission a supprimé l'article 10 quater.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 116 , 194 , 196 , 269 et 195 , visant à rétablir cet article et pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 196 et 269 sont identiques.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 116 .
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 269 .
Nous revenons sur la question du regroupement familial à travers un certain nombre d'amendements visant à en durcir les conditions – car il n'est bien entendu pas question de l'interdire.
Il s'agit tout d'abord d'assurer les conditions matérielles suffisantes pour que les personnes qui arrivent en France par ce biais ne soient pas une charge pour l'État, pour la France qui les accueille, et pour qu'elles puissent s'intégrer pleinement à la nation.
Cela passe par plusieurs dispositifs – d'où ces différents amendements. Certains permettent d'étendre la durée avant laquelle il est nécessaire de pouvoir en appeler au regroupement familial, d'autres visent à augmenter les seuils et les plafonds de ressources.
En effet, des pays occidentaux qui sont des modèles, que nous connaissons tous pour leur politique d'immigration et, surtout, d'intégration ont des seuils bien plus élevés qu'en France. Dans notre pays, on est supposé, avec un revenu de 1 500 euros mensuels, pouvoir accueillir quatre ou cinq personnes. Qui peut croire une seule seconde qu'une famille de six personnes puisse vivre avec 1 500 euros nets ? C'est impossible. Avec un si faible revenu pour la personne qui accueille, on condamne à la pauvreté et à l'exclusion les personnes qui arrivent par l'intermédiaire du regroupement familial.
Je l'ai dit : d'autres pays – dont le Canada – ont augmenté le niveau de ressources nécessaires, avec des seuils parfaitement clairs, connus de tous, et privilégient une véritable intégration, non une fausse générosité.
Il s'agit de réserver le regroupement familial aux ressortissants étrangers qui aspirent à vivre conformément à nos règles de droit en excluant celles et ceux qui se seraient rendus coupables d'actes délictueux ou criminels.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Les conditions actuelles du regroupement familial nous semblent tout à fait conformes au droit à mener une vie familiale normale. Ce que vous proposez irait à l'encontre d'une telle orientation. Avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Je souhaite répondre à mes collègues Les Républicains, selon qui les étrangers ne sont pas très bien intégrés, d'où la nécessité d'un délai de vingt-quatre mois. Ils se trompent. En quoi le fait de laisser une personne célibataire pendant des mois et des mois favorisera-t-il son intégration en France ?
Vous dites que tous les étrangers gagnent 1 500 euros…
… et vous insinuez que tous les étrangers profitent des aides sociales. Si, c'est ce que vous dites. Moi, j'ai été étrangère et j'étais loin de gagner 1 500 euros. Disposez-vous de statistiques vous permettant d'affirmer que les étrangers, dans ce pays, gagnent ceci ou cela ? Je suis preneuse.
Je crois que M. Dumont a dit l'inverse, mais je lui donne la parole pour lever ce malentendu.
Je vais en effet essayer de le lever.
Je ne sais pas si ma collègue Sonia Krimi conserve encore en mémoire la soufflante poussée par son collègue Boudié et si elle n'a pas compris mon propos
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Le regroupement familial implique des seuils, vous le savez, tout comme la satisfaction à d'autres conditions pour le faciliter : il faut avoir un logement, par exemple, un certain niveau de ressources pour la personne qui accueille. C'est de ces seuils que je parlais et cela ne relève en rien d'une généralité : c'est l'état de notre droit.
L'amendement no 195 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 441 .
On entend très souvent, pour ne pas dire trop, que la France n'accueille pas assez de personnes immigrées, qu'elle n'est pas assez ouverte, pire, qu'elle bafoue les droits fondamentaux – on finit d'ailleurs par se demander pourquoi tant de personnes demandent l'asile dans notre pays, mais bon.
Moins populaire, pourtant, il y a une réalité dont on ne parle pas beaucoup : celle des pays d'où viennent les migrants et qui refusent de les reprendre lorsqu'ils sont déboutés de leur demande d'asile. Il existe donc un véritable problème de réadmission, de retour.
En 2016, 91 000 étrangers en situation irrégulière ont été interpellés et 31 000 se sont vu délivrer une obligation de quitter le territoire français – OQTF ; 24 700 sont partis, dont 12 900 de manière contrainte. La même année, 58 227 personnes ont été déboutées de leur demande d'asile. Emmanuel Macron a d'ailleurs reconnu lui-même que les pratiques de reconduite n'étaient ni effectives ni efficaces. Il n'est pas sans savoir que le retour de ces personnes dans leur pays d'origine ne peut se faire sans, précisément, l'accord de ce dernier.
Alors, si je suis farouchement attachée au droit d'asile, je ne cautionne absolument pas un droit d'asile où la France accueille mais où il n'y a pas de coopération avec les pays d'origine des personnes immigrées, notamment lorsque ces pays refusent de délivrer les laissez-passer indispensables. Parce qu'il y va du respect de notre droit et de notre souveraineté, il me semble pertinent d'instaurer une sorte de marché du « donnant-donnant » qui permettrait à la France de refuser aux ressortissants des pays qui ne coopèrent pas avec elle des visas de long séjour.
Quel est l'avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Il convient, me semble-t-il, de laisser les autorités diplomatiques travailler, négocier afin d'avancer sur cette question sans interférence. Avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements.
Je tiens à préciser que nous discutons de cette question avec l'ensemble des pays – non seulement le ministère de l'intérieur mais le Président de la République lui-même, qui en parle avec l'ensemble des chefs d'État. Nous sommes en train de progresser fortement.
J'entends qu'il ne faut pas forcément interférer avec les autorités diplomatiques, que le taux de délivrance de laissez-passer consulaires est extrêmement important dans certains pays : 91 % pour l'Albanie en 2017. En revanche, d'autres pays ne jouent pas du tout le jeu. L'Algérie ne donne suite à nos demandes qu'à hauteur de 50 %, la Tunisie 40 %, le Maroc 30 %.
Voilà ce qu'il en est pour les pays auxquels nous adressons des demandes, mais il faut tenir compte de l'autocensure de la France, qui refuse de demander des laissez-passer consulaires à d'autres pays. En l'occurrence, on n'entre pas dans le jeu diplomatique puisque nous ne faisons même pas de demande !
Je parlais tout à l'heure de l'Albanie – 91 % de taux d'acceptation des laissez-passer consulaires en 2017. Toutefois, on ne demande des laissez-passer consulaires que dans 7 % des cas d'Albanais contrôlés en situation irrégulière.
Cela prouve bien que nous pratiquons l'autocensure et que, au-delà de la diplomatie, il est absolument nécessaire que la France décide concrètement de demander les laissez-passer consulaires, en particulier auprès des pays avec lesquels nous entretenons de bonnes relations diplomatiques. J'ai déjà cité le cas de l'Albanie, mais c'est aussi le cas de l'Algérie, pour laquelle le taux de demandes de laissez-passer consulaires n'est que de 13 %, ce qui est évidemment insuffisant. Nous vous encourageons à augmenter ces chiffres, qui sont très décevants.
Je suis heureuse d'entendre le ministre d'État nous dire qu'il travaille sur cette question et que M. Emmanuel Macron y travaille également auprès des autres chefs d'État. Lorsqu'on visite les centres de rétention administrative, et ce n'est pas moi qui vous l'apprendrai, monsieur le ministre d'État, on s'aperçoit que c'est l'une des revendications principales des fonctionnaires de police. Ils nous disent qu'ils perdent un temps fou à aller au consulat avec les personnes en rétention. Comme la nationalité de ces personnes n'est pas toujours certaine, ils sont obligés de se rendre dans différents consulats. Ces voyages prennent beaucoup de temps aux fonctionnaires de police et coûtent beaucoup d'agent à l'État français. L'une de leurs revendications principales, je le répète, est de faire en sorte qu'un effort important soit fait au niveau diplomatique.
Vous nous dites, monsieur le ministre d'État, que vous êtes en train de travailler sur ce sujet, et je n'ai aucune raison de ne pas vous croire. Je pense que c'est vraiment l'une des solutions à creuser pour régler ce problème dans les années à venir.
Je voudrais abonder dans le sens de Mme la rapporteure. J'ai pu observer, comme M. le ministre d'État lorsqu'il s'est rendu au Niger, que ce pays, qui reçoit beaucoup de migrants, a mis en place et continue de mettre en place des dispositifs qui permettent aux représentants des ambassades de venir eux-mêmes dans les centres recueillant les demandeurs d'asile ou les migrants pour faciliter la délivrance des laissez-passer, notamment de reconduite à la frontière. Cela montre qu'il est important de laisser faire la diplomatie et les relations diplomatiques.
Sur ce point, Mme la rapporteure a parfaitement raison. Elle s'est, me semble-t-il, elle-même rendue au Niger avec des représentants de la commission des lois et du ministère de l'intérieur. Laissons faire les agents diplomatiques, qui connaissent leur métier. Il n'est pas question de se dire qu'on n'accordera pas de visas à des ressortissants dont les pays n'acceptent pas de coopérer avec nous en la matière. Le Niger, qui a une faible émigration, mais reçoit beaucoup de migrants, s'en sort parfaitement bien avec l'ensemble des pays que vous avez évoqués, madame Ménard, comme j'ai moi-même eu l'occasion de m'en rendre compte.
L'amendement no 271 n'est pas adopté.
L'article 11 condense toutes les mesures expéditives que vous voulez mettre en oeuvre, qu'il s'agisse par exemple du refus de l'octroi d'un délai de départ volontaire ou des obligations de quitter le territoire français, qui deviennent de plus en plus automatiques. C'est comme si vous oubliiez que chaque migrant est une personne, dont il conviendrait de savoir les raisons qui la poussent à venir se réfugier en France. Vous, vous ne voyez là qu'un flux de migrants, que vous traitez de manière quasi automatique.
Il me semble que cela résume l'esprit de votre projet de loi, son caractère injuste et expéditif. Je suis à peu près certain que si les mesures que vous proposez étaient déjà en vigueur, le jeune homme qui a sauvé un enfant sur un immeuble de quatre étages aurait été expédié dans son pays et n'aurait pu, aujourd'hui, avoir la nationalité française. Tout cela est contraire à nombre de conventions, notamment à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Et cela ne fera pas la fierté de notre pays. Ce n'est pas, en tout cas, la vision que j'ai envie d'avoir de notre pays.
En outre, tant que l'on n'aura pas réglé la cause de ces départs, ces mesures qui violent beaucoup de droits et beaucoup de consciences n'auront aucune efficacité. Elles ne feront que plonger dans la marginalité ceux qui en sont victimes.
Par cet article, on impose au demandeur d'asile de déposer ses demandes éventuelles de titre de séjour concomitamment avec sa demande de séjour, ce qui vise à lui faire renoncer à l'une de ces formes de séjour – asile et titres séjour – , car l'étranger pourra craindre que le fait de demander en même temps l'asile et le séjour atténue ses chances de se voir octroyer l'asile. Par ailleurs, il fait peser sur le demandeur d'asile la suspicion que la demande de séjour subsidiaire soit forcément une technique dilatoire pour repousser la mesure d'éloignement dont il ferait l'objet.
Cet article s'inscrit dans une tendance de suspicion généralisée envers l'étranger qui n'est pas propice à la cohésion sociale. Cette mesure s'appuie sur un lien de causalité infondé : une usurpation d'identité, le refus de communiquer des renseignements, la communication de renseignements inexacts, le refus de se soumettre à des relevés d'empreintes digitales ou des prises de photographies, le fait de ne pas disposer d'habitation principale ou le fait d'avoir refusé de se soumettre préalablement à certaines mesures n'induit pas automatiquement que le porteur cherchera à se soustraire à une obligation de quitter le territoire français.
Par ailleurs, l'utilisation d'un document d'identité ou de voyage établi sous un autre nom que le sien est déjà sanctionnée par l'article 226-4-1 du code pénal. Le refus d'accorder un délai de départ volontaire sur ce motif constituerait donc une seconde sanction pour la même faute, ce qui est contraire au principe non bis in idem, inscrit à l'article 368 du code de procédure pénale.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
S'agissant des demandes concomitantes, il ne s'agit pas de renoncer à l'une d'elles. Les requérants seront informés sur la manière de déposer leurs demandes et, en cas de circonstance nouvelle, il sera toujours possible de déposer une nouvelle demande de titre de séjour.
S'agissant des OQTF à six semaines, pour préserver le droit d'asile, il faut absolument éviter que cela devienne une voie détournée de régularisation. Il est donc important que les déboutés du droit d'asile soient reconduits le plus rapidement possible, une fois que la demande a été traitée dans les meilleures conditions. Avis défavorable sur ces deux amendements.
L'article L . 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile établit une liste de cas dans lesquels l'obligation de quitter le territoire français ne peut être prononcée. Dès lors, dans son principe même, l'article L. 511-4 limite les possibilités pour le juge ou toute autre autorité d'expulser les personnes étrangères dangereuses ayant commis des actes d'une grande gravité ou étant entrées de manière irrégulière sur le territoire.
Par cet amendement, nous souhaitons lever toutes les interdictions d'expulsion existant actuellement dans notre code pour renforcer les pouvoirs de décision des différentes autorités, et surtout pour permettre à ces dernières d'avoir la possibilité d'agir selon les différents cas.
Élément constitutif et inaliénable de notre souveraineté nationale, le fait de décider de qui se maintient ou non sur notre territoire ne devrait faire l'objet d'aucune restriction a priori. À charge ensuite, pour les autorités, de juger au cas par cas de qui peut se maintenir, ou non, sur le territoire.
L'amendement no 33 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 256 .
Cet amendement tend à supprimer les alinéas 2 à 4 de l'article 11, lequel est articulé à l'article 23. La mesure qui est proposée ici a pour effet de limiter de manière significative la possibilité de présenter une demande d'admission au séjour sur un fondement nouveau à la suite d'un refus de droit d'asile, par exemple lorsque l'intéressé justifie de l'existence de liens familiaux avec la France ou d'une bonne insertion, ou lorsqu'il a de graves problèmes de santé.
Cette limitation, comme d'autres collègues l'ont dit, s'inscrit dans la logique de l'accélération de la procédure, au détriment des droits de la personne. Elle s'inscrit aussi dans une logique de suspicion. Or si quelqu'un croit ici que cette logique de suspicion est de nature à limiter le nombre d'arrivées en France, il faut répéter que cela ne s'est jamais vu et que cette logique n'a aucun fondement. Sachez en outre qu'elle touche profondément, au jour le jour, une grande majorité de celles et ceux qui ont été un jour étrangers en France et qui ne le sont plus. Ce sont des propos qui restent humiliants pour eux – et pour nous toutes et tous qui souhaitons que la France s'honore par son devoir de solidarité. Le message que vous voulez envoyer menace et humilie l'ensemble de celles et ceux qui, un jour, ont été étrangers dans notre pays.
Il s'agit seulement ici de faire respecter les règles de droit. Une personne qui est déboutée doit pouvoir être reconduite rapidement dans son pays d'origine, et cette procédure y aide. Avis défavorable.
L'amendement no 256 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'autorité administrative peut obliger un étranger, européen ou non, à quitter le territoire français dans huit cas clairement définis, où l'étranger a, de façon flagrante, méconnu les dispositions légales du CESEDA ou du code du travail.
Le nouveau cas proposé à travers cet amendement est celui des représentants légaux d'un mineur de moins de treize ans qui a commis un crime ou un délit. La délinquance des mineurs très jeunes est aujourd'hui un fléau qui touche de plus en plus notre société et qui concerne de manière non négligeable les mineurs étrangers. Cette mesure vise à responsabiliser les parents des mineurs étrangers, en faisant peser sur eux la possibilité d'être expulsés si leur enfant commet des actes d'une particulière gravité.
L'amendement no 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 273 .
Cet amendement vise à appliquer un principe simple, à savoir que lorsqu'on a été accueilli en France, lorsqu'on a été protégé par la France, lorsqu'on a même été intégré dans la communauté nationale, il est absolument nécessaire d'en respecter les règles.
Être réfugié en France, c'est un ensemble de droits, mais c'est également un ensemble de devoirs. Pour nous, pour Les Républicains, pour la droite, il est absolument nécessaire que, parmi ces devoirs, figure celui de respecter la loi de notre nation.
L'amendement que nous présentons vise donc à permettre l'expulsion d'un réfugié qui a été condamné en dernier ressort pour un crime. Cela nous semble être de bonne politique de réaffirmer que lorsqu'on a été accueilli en France, on ne peut pas lui cracher à la figure.
En réalité, vous ne demandez pas l'expulsion, vous voulez qu'une OQTF soit délivrée contre les personnes qui sont condamnées. Vous faites donc une confusion entre l'OQTF et l'expulsion. Avis défavorable.
L'amendement no 273 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement vise à supprimer trois cas qui permettent actuellement de caractériser un risque de fuite. Ces trois cas constituent des situations de maintien irrégulier sur le territoire, or un maintien irrégulier ne peut caractériser à lui seul un risque de fuite.
L'amendement no 342 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement tend à revenir à la rédaction adoptée par le Sénat, qui permet d'ajouter comme critère à une OQTF la volonté délibérée d'empêcher l'enregistrement des empreintes digitales et qui portait à cinq ans, au lieu de trois ans, la durée maximale d'interdiction du territoire, conformément à la directive retour, afin de garantir l'effectivité de la mesure d'éloignement.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 433 .
« La confiance si nécessaire entre les hommes puisqu'elle est le lien de la société [… ] Je veux qu'elle soit toujours vraie et toujours prudente, et qu'elle n'ait ni faiblesse ni intérêt » écrivait La Rochefoucauld dans ses Maximes. C'est cette confiance qui doit exister entre les étrangers qui arrivent en France et la France elle-même, car les Français sont las de la politique migratoire actuelle, las de constater qu'une minorité mais une minorité agissante d'étrangers se conduisent parfois comme des délinquants.
Rappelons l'indignation provoquée par cet homme aux sept identités différentes, condamné à de multiples reprises et qui a sauvagement assassiné deux jeunes femmes sur le parvis de la gare de Marseille. Et comment la France pourrait-elle avoir confiance en l'étranger quand celui-ci, dans le cadre d'une procédure d'éloignement, continue de narguer notre pays, notamment en altérant volontairement ses empreintes digitales pour empêcher leur enregistrement ? Ce genre d'acte doit mériter une condamnation immédiate, à savoir l'obligation pour l'étranger de quitter sans délai le territoire français.
Au fond, cette demande n'est pas radicale. La justice doit simplement faire preuve de fermeté pour être respectée. Il faut montrer qu'on n'entre pas en France comme dans un moulin, et qu'en cas de décision administrative d'expulsion d'un étranger, la sanction doit être immédiate si celui-ci s'est joué des services français.
La hausse de 14 % du nombre d'expulsions en France ne doit pas être une source de satisfaction ou d'insatisfaction. Il s'agit simplement de permettre à la justice de faire son oeuvre.
C'est pourquoi un étranger menacé d'expulsion ne doit pas bénéficier d'un traitement favorable s'il a volontairement empêché le bon enregistrement de ses empreintes digitales.
Bien évidemment, ces infractions doivent être punies, mais nous préférons conserver un barème de sanctions en fonction de la gravité des infractions. L'avis sera donc défavorable.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 75 .
L'amendement no 75 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 508 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 442 .
Si un étranger est en situation irrégulière ou si un titre de séjour lui a été refusé, le préfet prononce une obligation de quitter le territoire français. La personne dispose alors d'un délai de trente jours pour remplir cette obligation. En cas de non-respect de ce délai, l'administration prononce une interdiction de retour en vertu de l'article 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Ce projet de loi pose une condition de circonstance humanitaire qui permettrait à un étranger d'échapper à une interdiction de retour en cas de non-respect du délai de départ volontaire. Pourtant, les circonstances humanitaires sont déjà prises en compte dans le traitement des demandes de séjour. Si l'étranger était bel et bien en situation de danger humanitaire, le droit d'asile lui aurait été accordé. Or, en l'espèce, il est question de personnes qui n'ont pas reçu de titre de séjour ou qui ne l'ont pas demandé.
Pour résumer : dans le premier cas, si une personne s'est vue refuser le titre de séjour, c'est que les circonstances humanitaires n'ont pas été jugées remplies ; dans le second cas, si une personne n'a pas demandé l'asile, qu'elle le demande, et son dossier pourra ainsi être traité et les conditions humanitaires retenues ou non. Sinon, notre procédure serait compliquée par des exceptions qui n'ont pas lieu d'être. Parce que la question migratoire requiert une rigueur extrême, il convient de supprimer cet alinéa inopportun.
L'amendement no 442 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à rendre possible l'abrogation de l'interdiction de retour sur le territoire français lorsque l'étranger, du fait d'un changement dans sa situation personnelle, remplit désormais une des conditions le protégeant contre une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Ces conditions sont prévues à l'article 511-4 du CESEDA. En effet, dans les cas où l'OQTF assortie d'une IRTF est levée, a fortiori, il est logique que l'IRTF soit également levée.
Il est défavorable car vous visez des cas qui n'ont aucune chance de se produire.
L'amendement no 343 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté.
Mes chers collègues, j'ai reçu aujourd'hui, jeudi 26 juillet, à dix-sept heures cinquante, une motion de censure déposée par M. Christian Jacob et quatre-vingt-dix membres de l'Assemblée, appartenant au groupe qu'il préside, en application de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.
En application de l'article 155, alinéa 3, du règlement, il est pris acte de ce dépôt. La motion de censure sera notifiée au Gouvernement et affichée.
La date de la discussion et du vote sur cette motion de censure sera fixée par la conférence des présidents qui se réunira aujourd'hui même à vingt heures.
Nous reprenons l'examen des articles du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
La commission a supprimé l'article 11 bis.
La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir l'amendement no 107 , tendant à le rétablir.
Cet amendement tend à réduire le délai de départ volontaire de trente à sept jours, afin d'éviter les risques de soustraction à la mesure d'éloignement prononcée.
J'ai été trop gentil, monsieur le député ; vous ne pouviez pas défendre cet amendement puisque vous n'en êtes pas signataire !
Sourires.
L'amendement no 107 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Par cet amendement, nous proposons de privilégier l'intérêt du requérant ou la qualité de la décision du juge plutôt que la simple facilitation organisationnelle qui pourrait être résolue par l'octroi de moyens humains et financiers supplémentaires à l'autorité judiciaire. En effet, cet article est une fausse bonne idée. Il prévoit d'allonger le délai de jugement de vingt-quatre a quarante-huit heures et de soixante-douze a quatre-vingt-seize heures dans différents cas : lorsque le juge des libertés et de la détention – le JLD – peut être saisi par l'étranger sur le placement en rétention ou les conditions de son interpellation, ou par le préfet s'il souhaite prolonger la rétention au-delà de quarante-huit heures ou lorsque le juge administratif est le seul compétent pour examiner la légalité de la mesure d'éloignement. Or, aujourd'hui, le JLD et le juge administratif doivent être saisis dans les quarante-huit heures suivant la notification du placement en rétention.
Le problème, c'est qu'à la lecture de l'étude d'impact, de l'exposé des motifs et du dispositif lui-même, cette réforme n'est absolument pas envisagée dans l'intérêt du requérant ou de la qualité de la prise de décision par le juge. Il s'agit manifestement juste, pour le pouvoir exécutif, d'éviter la multiplication des audiences ou les difficultés d'organisation entre le JLD et le juge administratif, ce qui peut être facilement résolu par l'octroi de moyens supplémentaires en faveur de la justice – nous en reparlerons, j'imagine, lorsque nous discuterons du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Ces dispositions sont dénoncées par les magistrats eux-mêmes, qui précisent que le délai de quatre-vingt-seize heures ne tient pas compte de la spécificité de la double intervention du JLD et du juge administratif, ne permet pas de résoudre les difficultés liées à cette double intervention et crée un nouveau délai parmi les quatre délais existants déjà. Vous avez ainsi le témoignage des professionnels directement impliqués, en plus de celui des associations d'aide aux migrants.
Eu égard au fait que cet article induit une rétention plus longue pour les requérants, cet amendement tend à éviter que notre droit ne méconnaisse l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au droit à la liberté et à la sûreté. La France, rappelons-le, a déjà été condamnée en 2016 sur ce point précis : la CEDH – la Cour européenne des droits de l'homme – avait considéré que l'état antérieur du droit posait une difficulté.
Cet article me semble augmenter encore les risques d'une condamnation. Aussi en demandons-nous la suppression.
L'allongement des délais de jugement correspondait à une demande très forte des magistrats pour mieux organiser le contentieux des étrangers. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 148 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 347 tend à supprimer l'OQTF dite « six semaines » qui prive l'étranger de garanties procédurales sans que les magistrats parviennent à tenir des délais impossibles, vous le savez. Cette préconisation est formulée dans le rapport sur l'application de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers.
Quant à l'amendement no 348 , il porte à cinq jours le délai dont dispose le juge administratif pour statuer sur la légalité de l'OQTF visant l'étranger placé en détention, contre soixante-douze heures actuellement. Il s'agit d'instaurer des délais de jugement raisonnables.
Il est important que les personnes déboutées du droit d'asile soient reconduites le plus rapidement possible. L'avis est donc défavorable.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 345 .
L'article L. 512-1 prévoit un régime de recours abrégé dans un délai de quinze jours et selon une procédure à juge unique sans conclusion du rapporteur public contre certaines OQTF. Cet amendement vise à ne pas rendre applicable ce régime dérogatoire aux étrangers n'ayant pas demandé le renouvellement de leur titre de séjour. La non-demande du renouvellement d'un titre de séjour dans le délai imparti peut être liée, vous le savez, à des circonstances particulières, extérieures à l'étranger, qui ne justifient pas de priver celui-ci du délai de droit commun de trente jours pour déposer son recours. Il peut s'agir de raisons tendant aux conditions d'accueil des étrangers dans certaines préfectures – difficultés à obtenir un rendez-vous sur internet, impossibilité d'avoir un interlocuteur au téléphone, files d'attente interminables ne permettant pas d'être reçu – ou de difficultés personnelles importantes – hospitalisation, problèmes lourds de santé, décès d'un conjoint ou d'un enfant.
L'amendement no 345 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement tend à supprimer l'OQTF dite « six semaines ». Sur 76 000 OQTF prononcées en 2017, seules 17 % ont été exécutées. Les procédures de signature et de circulation des dossiers, qui n'ont finalement pas d'effet, représentent une réelle perte de temps pour les agents travaillant dans les services des étrangers.
L'amendement no 485 est retiré.
Il prévoit de maintenir la possibilité pour le requérant de s'opposer à une audience en vidéoconférence. Je suis désolée d'insister à nouveau, et pour la dernière fois, mais je ne suis pas la seule à vous demander de revenir sur ce point, en particulier quand ont été commis des violences ou des sévices sexuels. La communication audiovisuelle pourrait, dans ce cas, inhiber les requérants concernés.
Il est identique : il tend à restaurer la possibilité de demander à être présent physiquement lors du recours en annulation d'une OQTF. Des personnes concernées peuvent être choquées par l'annonce de l'OQTF, surtout, j'ai pu le constater, lorsqu'elles pensaient voir leur demande acceptée. Il me semble indispensable de leur offrir la possibilité de s'exprimer directement.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Nous avons déjà longuement débattu de la vidéo-audience. Mon avis reste défavorable.
L'article 12 est adopté.
La parole est à M. Pierre-Henri Dumont, pour soutenir l'amendement no 108 , tendant à supprimer l'article 13.
L'amendement no 108 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 349 .
Cet amendement vise à demander un rapport d'évaluation de l'aide au retour volontaire. Ce dispositif mériterait d'être sérieusement évalué, ne serait-ce qu'afin de vérifier qu'il atteint son objectif de manière efficiente, d'autant que les parlementaires, saisis tous les dix-huit mois d'une loi relative à l'asile, gagneraient également à disposer d'une telle évaluation.
Comme toujours lorsqu'il s'agit d'une demande de rapport, j'émets un avis défavorable.
Je précise que le dispositif d'aide au retour volontaire atteint son objectif, et quelquefois même le dépasse. L'avis est défavorable.
L'amendement no 349 n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
Dans notre droit, le versement des aides sociales est subordonné à la détention de la nationalité française ou à la présence régulière sur le territoire de la République. Néanmoins, lors de la prise de certaines décisions, comme l'obligation de quitter le territoire ou la procédure Dublin, l'information n'est pas bien transmise, et, le temps que la personne soit effectivement reconduite à la frontière – par exemple, pour la procédure Dublin, dans un pays extérieur à l'Union européenne – , les aides sociales continuent à être versées. Cela contredit la volonté et la décision du législateur : conditionner le bénéfice des aides sociales, fruits de la générosité de la République française, au fait de résider régulièrement en France. Cet amendement tend à fluidifier le transfert d'information depuis les autorités administratives vers les organismes gestionnaires de ces aides, afin de faire respecter la législation en vigueur.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 406 .
En France, contrairement à ce que certains aiment à dire, les personnes en situation irrégulière sont à bien des égards prises en charge par l'État, notamment via un certain nombre d'aides sociales. Si l'AME – l'aide médicale d'État – est l'une des plus connues, car l'une des plus coûteuses d'entre elles, les personnes en situation irrégulière bénéficient aussi des prestations de l'aide sociale à l'enfance et des aides à la scolarisation puisque tous les enfants présents sur le territoire français doivent aller à l'école – et c'est tant mieux pour eux.
Il me semble bon de le préciser car certains de nos voisins ne sont pas aussi généreux. Le Danemark, par exemple, limite aux seuls traitements urgents les prestations dont les étrangers en situation irrégulière peuvent bénéficier dans le cadre du système national de santé. Il subordonne en outre la scolarisation des enfants à la régularité des séjours.
Si je ne crois pas qu'il faille supprimer toutes les aides sociales aux personnes en situation irrégulière, je crois en revanche qu'il faut les encadrer très clairement, car nul n'ignore que l'accès aux droits sociaux constitue un puissant facteur d'attraction de notre pays. Pour lutter contre ces mesures qui encouragent les appels d'air migratoires, il me semble également pertinent de préciser que, dès lors qu'une personne fait l'objet d'une mesure d'éloignement, c'est sans délai que l'administration compétente doit en être informée pour que tout aussi rapidement, les versements d'aides sociales soient suspendus.
Monsieur le ministre d'État, en première lecture, nous avions eu une discussion sur le placement des enfants en rétention administrative. À l'époque, nous avions jugé que ce placement pouvait être, hélas, nécessaire lorsqu'ils étaient accompagnés de leurs parents, dans les derniers jours avant leur retour, mais nous avions également reconnu que placer des enfants en rétention administrative – c'est-à-dire pratiquement en prison – était une mesure relativement lourde. En effet, les enfants n'ont strictement rien à voir avec la décision de leurs parents d'entrer irrégulièrement sur le territoire français en risquant d'être déboutés du droit au séjour. Monsieur le ministre d'État, je crois que vous vous étiez engagé, à l'époque, à organiser un nouveau débat sur ce point, voire à prévoir un texte spécifique sur les mineurs dont les dispositions permettraient que les enfants ne soient pas placés en centre de rétention classique, mais se voient aménager des conditions particulières lorsqu'ils doivent être détenus avec leurs parents.
Sur les amendements identiques nos 226 et 467 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis également saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public sur l'amendement no 257 .
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de trois amendements, nos 410 , 226 et 467 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 226 et 467 sont identiques.
La parole est à M. Erwan Balanant, pour soutenir l'amendement no 410 .
Cet amendement vise à interdire le placement des mineurs en rétention administrative. Nous en avons longuement discuté en première lecture, en commission et en séance, puis en nouvelle lecture en commission. Il faut reconnaître que la majorité a réalisé une véritable avancée en s'engageant à trouver une solution pour interdire la rétention des enfants. J'aurais pu retirer cet amendement, mais je le maintiens en tant qu'amendement d'appel pour réaffirmer l'idée que, dans notre pays, aujourd'hui et demain, on ne peut pas placer des enfants en rétention – la chose n'aurait d'ailleurs jamais dû être possible. On m'oppose parfois qu'on ne peut pas séparer les enfants de leurs parents ; évidemment, mais il doit y avoir des solutions pour pallier ce problème. Vous allez sûrement nous répondre, madame la rapporteure, que l'assignation à résidence sera encouragée, dont acte ; mais nous devons trouver une solution pérenne et efficace qui garantisse qu'aucun enfant ne se retrouve derrière les grillages d'un centre de rétention administrative de notre pays.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 226 .
C'est effectivement un sujet important, que nous avons beaucoup évoqué en première lecture puis en nouvelle lecture, en commission, et qui fait débat dans la société, notamment dans le milieu associatif. En première lecture, je ne me souviens pas de réels engagements, sinon de celui du ministre d'État, qui, pour calmer les esprits, a promis à sa majorité de travailler sur la question, mais, ce que j'en retiens, c'est que ses engagements portaient essentiellement, sur un aménagement possible des centres de rétention. À côté des citoyens et des associations concernées, la CNCDH, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, a appelé l'attention du Gouvernement à de nombreuses reprises sur les risques encourus par les mineurs, qu'ils soient isolés ou qu'ils accompagnent leurs parents, qu'ils soient placés en zones d'attente ou en centres de rétention. Des médecins et des chercheurs pointent régulièrement les effets néfastes de l'enfermement sur le développement des enfants. Comme je le disais récemment en commission, une table à langer et un toboggan ne changeront pas, au Mesnil-Amelot, le fait qu'un avion passe toutes les quatre-vingt-dix secondes et que, dans ces conditions, un enfant de cinq mois qui y passe huit jours a du mal à trouver le sommeil, ce qui est pourtant essentiel, à cet âge, pour le bon développement du cerveau.
Je rappelle également – preuve que le travail avance pour trouver une autre solution – que Nils Muiznieks, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, a déclaré il y a peu, à l'occasion de la présentation de son plan en cinq points pour supprimer la détention des migrants : « Il n'existe aucune circonstance dans laquelle la détention d'un enfant du fait de son statut de migrant, qu'il soit isolé ou accompagné de sa famille, pourrait être décidée dans son intérêt supérieur. La suppression totale de la détention des migrants mineurs devrait être une priorité pour tous les États. » Il disait par ailleurs : « Il est grand temps que les États investissent dans des alternatives à la rétention des migrants. »
Cette mesure n'est donc pas exigée uniquement par des militants de l'ultra-gauche…
Sourires.
… et quelques citoyens solidaires empêchés par la justice, mais aussi par de nombreuses institutions, des médecins, des chercheurs, ainsi que par des députés, et pas uniquement du groupe GDR.
M. Balanant a très bien résumé la situation en disant qu'en première lecture, des engagements avaient été pris ; mais, comme lui, je ne peux pas m'en satisfaire et j'attends que nous rediscutions de ce problème concernant les mineurs. Au Sénat, la rétention des enfants a fait l'objet de vifs échanges entre sénateurs et avec le Gouvernement. La solution proposée par la commission des lois du Sénat et adoptée contre l'avis du Gouvernement en séance publique – limiter à cinq jours le délai de rétention des familles – montre les dérives législatives possibles, puisqu'elle laisse penser qu'enfermer des enfants serait acceptable sur une certaine durée. Heureusement, la commission des lois de l'Assemblée est revenue sur cette disposition.
Revenons au fond. La France place des familles en rétention. L'enfermement, quelle qu'en soit la durée, représente une violation de l'intérêt supérieur de l'enfant. Malgré le droit français, qui dispose que l'assignation à résidence est la règle et la rétention, une exception, le placement des familles en rétention s'apparente, dans certaines préfectures, à un mode de fonctionnement, adopté notamment pour faciliter l'organisation des expulsions.
Du reste, en plus d'être contre-productive, cette mesure me semble pratiquement inutile : sur les cinquante-six familles enfermées en métropole en 2018, cinquante-quatre sont restées en rétention moins de quarante-huit heures, et neuf familles sont restées neuf jours avant d'être libérées sur injonction de la Cour européenne des droits de l'homme. Alors que l'opinion publique de notre pays s'est indignée du traitement infligé aux enfants de migrants aux États-Unis, …
… la France risque-t-elle de passer à côté de l'opportunité de mettre fin à l'injustice et à la violence que constitue l'enfermement des enfants sur son territoire ? Je demande également la suppression de cette possibilité.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NG, FI et GDR.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements en discussion commune ?
Soyons précis : deux articles concernent la rétention des mineurs. Actuellement, en France, la rétention des mineurs non accompagnés n'est absolument pas possible, et ce projet de loi n'y change rien. Ce qui est possible – et le texte proposé ne change pas non plus cette disposition, qui date de la précédente législature – , c'est la rétention des familles accompagnées de mineurs.
Vous dites, madame Faucillon, n'avoir pas entendu d'engagements lors de l'examen du texte en première lecture. Pour ma part, j'ai bien entendu Florent Boudié affirmer, au nom du groupe LaREM, qu'un travail était en cours en vue de rédiger une proposition de loi de nature à trouver une solution pérenne à ce problème grave qui nous touche tous. En effet, les militants ou les associations ne sont pas les seuls à s'en soucier ; nous sommes tous concernés par la rétention des mineurs et voulons trouver une solution.
Comme je l'ai dit en première lecture et répété en commission, nous manquons de cadre juridique ; il faut y travailler en organisant des auditions et en réalisant une étude d'impact en vue d'aboutir à autre façon de prendre en charge les familles en situation irrégulière et accompagnées de mineurs. Je souligne que le placement en rétention ne concerne qu'un nombre très limité de cas où il y a eu violation de l'assignation à résidence ou obstacle à la mesure de reconduite, mais il faut trouver des façons de prendre ces familles en charge. À Mayotte, en particulier, toute mesure irréfléchie risque de rendre la situation encore plus explosive qu'elle ne l'est. Il est donc important de ne pas se précipiter sur de fausses bonnes solutions, par exemple en fixant une durée de rétention. La durée moyenne de rétention des familles avec mineurs étant actuellement de douze heures, cela ne ferait qu'aggraver les choses. Mieux vaut travailler tous ensemble à une solution pérenne, cadrée juridiquement, qui permette enfin de résoudre ce problème grave qui nous touche tous.
L'avis est donc défavorable sur ces trois amendements.
Comme vient de le dire Mme la rapporteure, cette situation est vraiment exceptionnelle. Il s'agit d'une procédure strictement encadrée, qui n'intervient que lorsqu'une famille assignée à résidence s'est déjà soustraite à une procédure d'éloignement en fuyant le domicile ou en plaçant ses enfants ailleurs afin d'y faire échec, et si le placement en rétention de l'étranger dans les quarante-huit heures précédant le départ programmé préserve l'intéressé et le mineur qui l'accompagne de certaines contraintes liées à leurs nécessités de transfert.
En outre, je tiens à préciser que notre droit permet que seuls les parents soient placés en rétention : les enfants mineurs sont alors placés, pendant ce temps, en famille d'accueil. Toutes les familles peuvent recourir à cette possibilité, et c'est lorsqu'elles refusent que les mineurs accompagnant leurs parents sont placés en rétention.
Comme vous l'avez dit vous-même, cette procédure est exceptionnelle, et nous voulons réfléchir avec vous aux moyens de l'encadrer davantage. C'est dans cet esprit qu'une proposition de loi sera examinée par le Parlement, afin d'aller au fond des choses et d'identifier qui cela concerne. Nous savons d'ores et déjà que, parmi les principaux intéressés, se trouvent des personnes qui sont arrivées en France sans visa, ont demandé l'asile, ne l'ont pas obtenu et se trouvent donc en instance d'expulsion, et que leur pays d'origine veut bien reprendre ; encore faut-il que nous puissions les éloigner.
Je voudrais apporter à ce débat un autre regard, sous l'angle de l'histoire. Au XXIe siècle, un pays comme le nôtre, censé être une démocratie moderne, peut-il éviter d'enfermer des enfants ? Les enfants sont tout de même une catégorie particulière de la population, sans compter que les enfants concernés par ces mesures ont généralement eu un parcours très difficile. Quel signal donnons-nous en plaçant des enfants en centre de rétention ? Est-ce digne de la démocratie française du XXIe siècle ? Vous avez dit, ministre d'État, que les cas sont très rares. Nous devons trouver une solution pour y répondre sans recourir à l'enfermement.
En vous écoutant, monsieur le ministre d'État, je me convaincs encore plus de la nécessité de cet amendement visant à poser un principe fort d'interdiction. Vous nous dites que la durée moyenne de rétention n'est que de douze heures et que cela concerne peu de personnes. Mais enfermer ne serait-ce qu'un enfant durant une heure, ce serait déjà trop pour notre République. Interdisons la rétention des enfants – des mineurs accompagnés, puisqu'il est déjà interdit, à l'heure actuelle, de placer en rétention les mineurs non accompagnés – une fois pour toutes dans notre pays !
Visiblement, comme vous l'avez dit, cela ne concerne que peu de cas. Je suis sûr qu'il ne coûterait pas plus cher, qu'il ne serait pas plus compliqué d'accompagner ces personnes par d'autres moyens. Or je doute que la proposition de loi à venir dont vous parlez interdirait cette pratique ; j'ai plutôt l'impression qu'on nous proposera un dispositif simplifié, autorisant toujours le placement en rétention des mineurs. Nous avons là une occasion d'inscrire définitivement dans la loi cette interdiction. Nous trouverons des solutions ultérieurement.
Monsieur le ministre d'État, vous avez évoqué la possibilité de placer les parents dans un CRA – un centre de rétention administrative – tandis que les enfants sont confiés à une famille d'accueil. Mais cela n'est pas tolérable non plus ! On ne peut pas séparer les parents de leurs enfants, surtout quand ces familles ont connu des parcours difficiles – certaines viennent de passer du temps à dormir dans la rue et toutes connaissent une forte précarité.
Cette interdiction nous servirait, nous grandirait : elle ferait de la France un exemple pour d'autres pays. Je vous conjure donc de voter pour cet amendement.
Vous nous expliquez que les cas sont rares. Mais on constate une explosion du nombre de mineurs placés en rétention au cours de l'année 2017, dans la ligne d'un accroissement continu depuis 2013, et les chiffres de l'année 2018 ne démentiront pas cette tendance. La durée moyenne de rétention est certes plutôt de quarante-huit heures, mais, pour certaines familles, c'est beaucoup plus long, et il arrive qu'elles passent une dizaine de jours en centre de rétention avant de finir par obtenir le droit d'asile – des erreurs de ce genre peuvent se produire, il s'en est produit récemment.
Votre logique, celle dont témoigne ce projet de loi, mène immanquablement à des dérives, on le sait : lorsqu'on fait primer les expulsions sur le reste, les droits reculent, et c'est ce qui se passe avec la rétention des enfants. Il n'y a donc aujourd'hui pas d'autre solution républicaine possible que l'interdiction de cette pratique.
Par ailleurs, ne faites pas comme si aucun travail n'avait été accompli sur cette question. Comme je le disais, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a présenté des propositions. Il existe donc d'autres solutions.
Enfin, mes chers collègues, sans vouloir vous vexer, je vous rappelle qu'il y a trois mois, on nous a déjà annoncé qu'un travail allait être lancé sur cette question. C'est ce que l'on nous répète aujourd'hui, mais je n'arrive pas à savoir si la mission concernera tous les députés ou seulement ceux du groupe La République en marche.
J'attends votre réponse.
Quoi qu'il en soit, il faut déterminer des priorités, et si cette question n'en constitue pas une, je ne comprends pas ! Lundi, allons aborder à nouveau la question de l'interdiction des portables au collège. N'avez-vous pas l'impression que c'est une blague ? Au cours de ces trois derniers mois, nous aurions plutôt dû travailler sur la question des mineurs en rétention, qui est une priorité !
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Je crois que nous devrions, tous ensemble, interdire purement et simplement de placer des enfants dans des centres de rétention. Au lieu de cela, nous nous retrouvons à débattre d'une mesure qui aggraverait la situation. Je ne comprends pas comment les collègues s'étant rendu dans un centre de rétention pourraient voter pour cette possibilité. Quiconque s'est rendu dans un centre de rétention administrative sans le prévenir à l'avance sait qu'il s'agit de prisons, et de rien d'autre.
Comment admettre que l'on place en prison des enfants qui, en l'occurrence, n'ont rien fait ? Qu'ils appartiennent à une famille d'immigrés en situation irrégulière ou à une famille française, ce n'est pas acceptable, nous ne pouvons pas l'admettre.
Dans certaines circonstances, notamment quand on est représentant du peuple, on est confronté à un choix binaire. Souvent les choix sont plus complexes, mais parfois ils sont strictement binaires : il faut alors répondre par oui par ou par non. Ces questions interpellent nos consciences : nous ne pouvons pas voter, en tout état de cause, un article autorisant à placer des enfants en centre de rétention ! C'est d'autant moins acceptable que vous souhaitez augmenter la durée maximale de rétention ! Au moment de voter cette mesure, je vous appelle à vous prononcer en conscience, car vous serez redevable de votre vote non seulement au long de votre mandat de député, mais au-delà !
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Ne vous exclamez pas, c'est incroyable ! Ne pas mettre d'enfants en centre de rétention, cela devrait être un choix simple !
Je suis sûr qu'au-delà des députés qui s'exclament, nombre de membres du groupe La République en marche voteront selon leur conscience ; j'espère qu'avec leur appui, nous refuserons cette pratique.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
C'est une question d'une particulière gravité que celle de la rétention administrative des familles avec mineurs. C'est une question d'humanité, dont la majorité présidentielle – particulièrement le groupe La République en marche – se préoccupe beaucoup, dans sa totalité comme dans sa diversité.
Monsieur Coquerel, ne mentez pas en évoquant ce sujet : le droit existant autorise la rétention administrative des mineurs. Certains ont renié leur parole, comme le précédent Président de la République, qui avait pris, en 2011, l'engagement formel, par écrit, devant le Réseau éducation sans frontière, d'interdire la rétention des mineurs, et ne l'a pas tenu.
La rétention administrative des mineurs a quadruplé entre 2015 et 2017, puis elle a augmenté significativement au cours de l'année 2017. À cet égard, notre engagement est clair et net, et nous n'y dérogerons pas : nous voulons terminer le quinquennat en ayant apporté une réponse durable, digne, ferme sur nos principes, à cette question.
Nous avons donc pris la décision d'engager un travail sur ce problème. Nous devons d'abord trancher plusieurs questions.
La première est d'ordre opérationnel : s'il n'y a pas de rétention, comment s'assurer des garanties de représentation ? L'État de droit, en l'occurrence les décisions d'éloignement, doit en effet être respecté.
La seconde est liée à Mayotte car c'est une question d'égalité républicaine. Comment accepter que la rétention administrative des mineurs soit interdite sur le territoire métropolitain mais qu'elle soit maintenue à Mayotte ? Là-bas, 4 200 enfants sont en rétention avec leur famille. Se pose ici un problème de gestion des flux migratoires, nous en avons déjà parlé ce matin. Cette question est explosive et, si nous prenions une mesure d'interdiction immédiate, elle s'appliquerait aussi sur ce territoire.
Nous allons donc engager le travail de préparation d'une proposition de loi. Madame Faucillon, nous associerons à ce travail l'ensemble des groupes parlementaires qui le voudront, à commencer, bien sûr, par le groupe MODEM, qui sera avec nous en première ligne. Je le répète : nous réglerons cette question de manière digne et définitive.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 410 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 27
Contre 44
Sur l'amendement n o 257 , je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement est quasi identique aux précédents. Il pose le même principe mais réaffirme qu'il est interdit de placer des mineurs non accompagnés en rétention ou en zone d'attente. Vous nous expliquerez sans doute, madame la rapporteure, qu'à l'heure actuelle, les mineurs non accompagnés ne sont pas placés en centre de rétention. Nous répondons, d'une part, que c'est déjà arrivé et, d'autre part, qu'ils peuvent toujours être enfermés dans les zones d'attente. Vous ne pouvez donc pas dire qu'on ne procède pas, dans notre pays, au placement de mineurs non accompagnés en rétention. Nous reposons donc le principe : si cela n'arrive pas dans les faits, tant mieux, cela continuera.
Même avis que Mme la rapporteure.
Sourires.
Je voudrais plaider à mon tour et essayer d'interpréter les réactions de nos collègues. Je suis persuadé que celui qui s'est exprimé il y a un instant, disant qu'on allait régler le problème, l'espère en conscience, de même que ceux qui l'ont applaudi – même s'ils montrent ainsi qu'ils le rejoignent sur le refus de voter notre amendement. On se comprend.
Il y a divergence d'appréciation : nous pensons que cela ne peut pas attendre ; vous pensez que ce n'est pas urgent. Je ne commenterai pas ces positions mais je ferai écho à ce qu'a dit tout à l'heure mon collègue Coquerel : certaines évidences sont inscrites en nous, quelle que soit la situation. Beaucoup d'enfants tombent, notamment dans les escaliers, mais, quoi qu'il arrive, où que ce soit, peu importe les circonstances, c'est un atavisme ancré dans le coeur humain que de se pencher pour rattraper le gamin. Il n'y a pas d'exception à cette règle. Elle ne se vérifie pas quand il s'agit d'un adulte, même d'une personne en état évident de faiblesse, par exemple d'une personne âgée.
C'est exactement à la même attitude que nous vous appelons. Je comprends que des collègues disent que les mineurs en situation irrégulière créent des problèmes techniques et juridiques de toutes sortes, mais il restera avant tout qu'il est de notre devoir d'être humain de leur venir en aide. C'est ce dont nous essayons de vous convaincre, non pas que nous doutions que vous ayez conscience des devoirs qui vous incombent en tant qu'être humain, mais parce qu'ils doivent, dans cette circonstance, s'exprimer avec une force absolue et totale. Voter cet amendement n'est peut-être pas la meilleure idée du monde, mais c'est la seule qui soit conforme à la profondeur de vos sentiments et de vos principes.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
J'aurais voulu m'exprimer sur l'amendement Balanant. Je tiens à confirmer que je suis moi aussi opposé à la rétention des enfants, même pendant quelques heures. Je suis d'ailleurs contre la rétention de tous les demandeurs d'asile parce que je considère qu'ils ne sont pas des criminels et qu'il doit y avoir d'autres solutions pour régler le problème.
Avec ma collègue Élodie Jacquier-Laforge, Je suis cosignataire d'un amendement de repli tendant à rétablir l'article 15 quater parce que je sais que ces amendements de refus de la rétention des mineurs ne passeront pas, mais j'ai souhaité m'exprimer dès maintenant parce qu'il est important que des députés de tous bords disent non à la rétention des mineurs non accompagnés, un non clair, simple et direct.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
Ce n'est pas le sujet.
Je note toutefois la volonté de la majorité de sortir de cette situation d'ici à la fin de la législature.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 77
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 25
Contre 46
L'amendement no 257 n'est pas adopté.
En France, en 2016, 13 000 mineurs non accompagnés, venant principalement du Mali, du Soudan, d'Irak ou d'Afghanistan, ont été pris en charge au titre de la protection de l'enfance. Bien sûr, il est tout à fait normal que les mineurs bénéficient d'une attention toute particulière, mais celle-ci n'est légitime que quand le supposé mineur l'est vraiment. Or cette suspicion est malheureusement fondée sur le réel. Selon un rapport d'information du Sénat du 28 juin 2017, seuls 40 % de ces étrangers dits « mineurs » le seraient vraiment.
Cette réalité pose plusieurs problèmes, notamment financiers : le coût annuel de l'accueil est de 1,95 milliard d'euros pour l'ensemble des mineurs. Comment justifier devant les Français que la moitié de cette dépense n'aurait normalement pas eu lieu d'être ? Je pense à mon département, l'Hérault : en avril 2018, les services départementaux se sont rendu compte que cinq garçons d'origine ivoirienne, prétendument mineurs, avaient en fait entre dix-huit ans et vingt, voire vingt-cinq ans – on ne sait pas bien. Total de l'opération pour le département : 800 000 euros. C'est scandaleux.
Beaucoup de demandeurs d'asile peuvent avoir envie d'utiliser le statut de mineur voire d'en abuser. Si un demandeur d'asile rompt la confiance que la France doit avoir à son égard, il faut pouvoir le placer en rétention et, à terme, le renvoyer. Notre pays doit arrêter d'être le dindon de la farce et de fermer volontairement les yeux sur le réel : cela n'a plus de sens ! On sait que nombreux demandeurs d'asile sont tentés de se faire passer pour des mineurs pour obtenir des droits supplémentaires. C'est de bonne guerre, mais cette situation est condamnable et doit cesser. La conséquence est inéluctable : un faux mineur doit pouvoir être placé en rétention. Mon amendement vise donc à établir une justice conforme au réel et aussi à assurer aux vrais mineurs une meilleure protection.
Madame Ménard, vous avez bien compris qu'un large consensus se dégage dans cette assemblée pour limiter autant que possible la rétention des mineurs, certains d'entre nous souhaitant même son interdiction. Or, non seulement vous placez comme valeur première la suspicion à l'égard des personnes qui se déclarent mineures mais, en plus, vous voulez aggraver la situation en mettant encore plus de personnes en rétention. L'avis est évidemment défavorable.
Il n'est absolument pas question de jeter la suspicion. Je me fonde sur un rapport du Sénat qui montre que seuls 40 % de ces étrangers dits « mineurs » le sont vraiment. Il ne s'agit pas de suspicion mais juste d'ouvrir les yeux sur le réel : nous ne vivons pas dans le monde des Bisounours, et il y a des filières de passeurs qui utilisent le statut de mineurs pour des gens qui, malheureusement, prétendent l'être mais ne le sont pas.
Il faut vivre avec les yeux ouverts sur la réalité. Ce n'est malheureusement pas une question de suspicion mais de réalisme.
L'amendement no 455 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir l'amendement no 351 .
Monsieur le président, j'avais demandé à deux reprises la parole sur les amendements précédents et vous n'avez pas souhaité me la donner. J'estime qu'une seule intervention par groupe, ce n'est pas excessif, d'autant que le groupe Nouvelle Gauche n'exagère pas dans ses demandes de parole.
Mme la présidente de la commission des lois a évoqué, le 18 juillet dernier, une mission d'information commune avec la commission des affaires sociales sur le sujet de la rétention des mineurs. Notre collègue Florent Boudié vient de nous préciser le contour de cette mission et son échéance. Nous y sommes bien évidemment favorables, mais que fait-on d'ici là ? Nous estimons qu'il faut mettre en oeuvre les solutions alternatives qui existent déjà. En tout cas, nous demandons comme préalable l'interdiction de la rétention des mineurs avant de remédier aux piètres conditions matérielles d'accueil sur le territoire national, qui ont d'ailleurs fait l'objet, plusieurs collègues l'ont rappelé, de six condamnations par la Cour européenne des droits de l'homme.
Monsieur le ministre d'État, vous nous avez dit qu'on leur laisse le choix. Mais de quel choix s'agit-il pour une famille ? Garder avec soi son enfant en rétention ou le laisser partir en famille d'accueil ? Vous appelez cela un choix ? Elles n'en ont aucun, et le résultat est la rétention de l'enfant.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 19
Contre 51
L'amendement no 351 n'est pas adopté.
L'article 15 ter est adopté.
Le Sénat a supprimé l'article 15 quater.
La parole est à Mme Élodie Jacquier-Laforge, pour soutenir l'amendement no 289 , tendant à le rétablir.
Le groupe MODEM vous propose, mes chers collègues, d'encadrer strictement dans le temps la rétention des mineurs en la limitant à vingt-quatre heures pour les nécessités du transfert, contre quarante-huit heures actuellement, et, pour le majeur accompagnant, à cinq jours s'il n'a pas respecté la mesure d'assignation à résidence ou s'il a pris la fuite. Cette solution est équilibrée puisqu'elle permettrait de garantir la nécessaire effectivité des mesures d'éloignement sans séparer les familles, tout en limitant strictement la durée de la rétention.
J'ai bien noté que des travaux seront prochainement entrepris sur l'encadrement voire l'interdiction totale de la rétention des mineurs. J'y souscris, bien évidemment, parce que je crois que c'est vraiment le rôle du Parlement. Je me permets néanmoins de rappeler que nous sommes fin juillet et que nous débattons de cette question depuis le mois d'avril. Je souhaiterais que l'on puisse à présent voter l'encadrement déjà proposé à l'époque par le MODEM. Ce serait un premier signal positif avant de travailler sur le sujet.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
Madame Jacquier-Laforge, l'encadrement que vous proposez n'apporterait pas de solution pérenne – vous le reconnaissez vous-même – , contrairement à ce que propose de faire M. Boudié. La durée moyenne de rétention des familles avec mineurs avant leur reconduite est plus courte que vingt-quatre heures et, quand elle est plus longue, c'est pour des raisons strictement opérationnelles. De toute façon, à l'heure actuelle, nous ne disposons pas d'un cadre juridique permettant de prendre en charge les familles en situation irrégulière. J'émets donc un avis défavorable sur votre amendement, qui ne règle pas le sujet. Une vraie solution pérenne est à trouver dans notre future proposition de loi, mais il faut préalablement passer cette étape en votant le projet de loi en lecture définitive.
Il est identique à celui de Mme la rapporteure. Le ministère de l'intérieur est prêt à travailler avec M. Boudié et l'ensemble des parlementaires pour examiner cette situation.
Dans chaque loi, il y a au moins une disposition d'une portée symbolique très forte. L'interdiction de la rétention des mineurs aurait pu être cette mesure phare, mais le Parlement n'en a pas décidé ainsi. J'en comprends les raisons administratives, voire logistiques, au regard des contraintes de la reconduite à la frontière. Mais cet amendement est un bon compromis entre l'encadrement juridique de la rétention et la nécessaire humanité que nous ressentons tous, que nous avons exprimée très fortement et qui aurait été plus reconnue par une interdiction totale, d'autant plus que la plupart des enfants ne restent que douze heures. Fixer dans la loi une interdiction au-delà de vingt-quatre heures serait une première étape dans la réflexion collective que l'on mène.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Je répondrai en quelques mots à notre collègue Élodie Jacquier-Laforge, dont je comprends, comme je l'ai dit il y a quelques instants, la préoccupation. L'amendement qu'elle a déposé soulève au fond la même difficulté – le JLD en moins, comme je le préciserai tout à l'heure – que l'amendement voté au Sénat. En effet, cinq jours, c'est beaucoup plus que la durée moyenne de rétention des mineurs. L'effet induit de cet amendement est, à l'inverse, de laisser la possibilité de systématiser une rétention d'une durée pouvant aller jusqu'à cinq jours. En réalité, à Mayotte comme sur le territoire métropolitain, cette rétention ne dure en moyenne que quelques heures. Il me semble par conséquent que la solution intermédiaire que vous proposez ne répond au fond même pas à votre objectif.
J'apporterai également quelques précisions à nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Elsa Faucillon sur le calendrier de notre travail, que nous avons commencé il y a quelques semaines. Pour tout dire, une rencontre a été organisée à mon initiative sur ce sujet. Avec le calendrier que chacun connaît – le projet de loi constitutionnelle, les quelques événements de la semaine passée et le projet de loi asile et immigration – , il n'a pas été facile de travailler sur ce sujet. Mais nous allons intensifier notre travail à partir du mois de septembre. J'ai pris l'engagement que la proposition de loi soit écrite et que des propositions puissent être faites, en particulier au Gouvernement, pour la fin de l'année, afin que nous soyons en mesure d'en débattre au premier trimestre ou, au plus tard, au premier semestre 2019.
J'ajoute que l'objectif est de répondre non seulement à la question de la rétention administrative des mineurs, mais plus généralement à celle de toutes les personnes vulnérables, c'est-à-dire des personnes handicapées, des personnes en souffrance, des malades et des femmes enceintes. Chère collègue Battistel, je veux bien que vous parliez de principes, puisque nous en parlons aussi, mais j'ai souvenir que, lors du mandat précédent, il avait été renoncé à l'engagement très ferme qui avait été pris lors de la campagne électorale, aussitôt l'élection passée.
L'amendement no 289 n'est pas adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 16.
La parole est à Mme Sandrine Mörch.
J'ai choisi, dans le cadre de cette nouvelle lecture, de cosigner l'amendement de suppression des dispositions qui allongent la durée de la rétention administrative, élément clé de ce projet de loi, qui, selon moi, malgré de véritables avancées, n'a pas atteint un équilibre qui m'aurait permis, tout en restant fidèle à mes convictions, de le voter. Il faut le rappeler encore et encore : traverser une frontière sans titre n'est pas un délit, le migrant n'est pas un délinquant et la rétention administrative est un enfermement en dehors de toute procédure judiciaire qui ne doit être qu'un dernier recours.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.
Petit rappel historique : depuis la découverte, en 1975, dans le port de Marseille, d'un hangar désaffecté qui servait, sans aucune base légale, à enfermer les étrangers expulsés ou refoulés du territoire, la France a légalisé cette pratique et nous appliquons en la matière une politique de plus en plus répressive – six jours, douze jours, trente-deux jours, quarante-cinq jours et désormais quatre-vingt-dix jours pour ne pas voter cent-trente-cinq jours. Jusqu'où ira-t-on et, surtout, pour quelle efficacité ? En effet, moins de 3 % des personnes concernées sont éloignées à l'expiration du délai de quarante-cinq jours.
Certains migrants disent que la rétention est pire que la prison, ce qui, bien entendu, n'est pas le cas dans tous les CRA. Il nous est tout de même impossible de fermer les yeux sur les actes d'automutilation, …
… ni sur la violence psychologique de l'attente et sur celle entraînée par la promiscuité et l'absence totale d'activité physique, intellectuelle ou culturelle. Cela fait des années que l'on entend, même si cela n'a jamais été confirmé, qu'allonger la durée de rétention permettra de reconduire davantage à la frontière.
C'est pourquoi je suis opposée à cette mesure et je voterai pour les amendements de suppression.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et FI.
Ayant pu visiter deux centres de rétention administrative, dont l'un le lendemain d'une visite que j'ai effectuée dans le centre de détention de ma circonscription, j'ai donc pu comparer ces établissements. J'en ai déduit qu'il valait parfois mieux, en France, être détenu que retenu. Et retenu pour quelle destination ? Pas pour la France, puisqu'on expulse. On va en CRA avant de partir – le terme « rétention » contient un paradoxe, qui est aussi celui des mesures liées à l'immigration.
Nous éprouvons des difficultés avec l'hospitalité.
Peut-être est-ce dû à l'étymologie de ce mot compliqué, venant du latin hospes, qui a donné hospitalité, et hostis, qui, avec la même racine, a donné hostilité. Toute l'histoire de la Méditerranée, dont l'immigration actuelle porte l'héritage, est marquée du sceau de cette ambiguïté. Il nous faut donc clarifier les termes que nous employons : nous ne retenons que pour mieux éloigner, et nous sommes hospitaliers avec une telle méfiance que se lit parfois notre hostilité. Au lieu de réviser des délais, pourrions-nous réviser les mots ? Au lieu de réviser des délais, donnons-nous les moyens d'une hospitalité assumée et d'un éloignement dans des conditions dignes d'une nation bienveillante.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et FI.
Comme de nombreux collègues commissaires aux lois et peut-être comme d'autres collègues qui ne le sont pas, j'ai également visité un centre de rétention administrative et discuté avec les agents qui le gèrent. S'agissant des justifications « d'ordre opérationnel » fournies par M. Boudié sur ce type de dispositif, j'ai entendu – mais peut-être ai-je été la seule – qu'en réalité, l'allongement de la durée de rétention ne résoudrait aucun problème opérationnel. Au contraire, il en créerait, parce que les CRA ne sont pas en mesure de garder aussi longtemps les personnes qui y ont été placées. Par conséquent, d'un point de vue pratique, cette mesure, que vous justifiez en raison de son immédiateté et de sa pérennité, n'est pas concluante du point de vue opérationnel, elle ne permettra donc pas de régler le problème.
D'ailleurs, d'autres raisons ont été invoquées : une partie des personnes placées dans les centres de rétention sont libérées un jour ou l'autre. Il s'avère en effet parfois impossible, pour différentes raisons, de prolonger leur rétention, soit parce que les laisser-passez consulaires ne sont pas accordés, soit parce qu'il s'avère qu'elles ne sont pas expulsables, par exemple parce que leur pays d'origine n'est pas un pays sûr. Il peut donc arriver que certaines d'entre elles, pour de multiples raisons, ont finalement droit à la protection, et elles n'ont donc pas leur place en rétention.
Par conséquent, monsieur le ministre d'État, madame la rapporteure, vous ne faites, en allongeant la durée de rétention, que rendre encore plus dure la situation de ces personnes au cours de leur rétention, tout comme le travail des agents. Cela n'aura absolument aucun effet sur les sources de l'immigration. En première lecture, un argument avait été avancé à ce propos : les passeurs seraient émus ou terrifiés par l'aggravation de cette sanction – telle semblait être leur logique – et l'allongement de la durée de la rétention les dissuaderait de poursuivre leur commerce, ce qui me semble être complètement illogique.
Dans tous les cas, ne serait-ce que de votre point de vue opérationnel, une telle mesure est totalement inutile et ajoute de la souffrance à de la souffrance.
L'article 16 est un peu, en définitive, l'article symbole du projet de loi, en ce qu'il durcit les conditions de vie et d'accueil des migrants dans ce pays, qu'ils soient irréguliers ou non.
Tout à l'heure, j'ai expliqué que les conditions de vie dans les centres de rétention administrative et dans les prisons, ainsi que le ressenti de ceux qui y sont placés, sont comparables, puisqu'il y a privation de liberté et que les conditions de vie y sont extrêmement dures.
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'entends certains de nos collègues s'exclamer ; je pense, je le répète, qu'ils ne sont jamais allés visiter ces centres.
Je vous rappelle, parce qu'il faut toujours s'en souvenir, que la seule faute commise par les personnes placées dans les centres de rétention administrative est simplement de ne pas avoir de papiers. Rien d'autre ! Elles ne sont effet pas des malfaiteurs ni des criminels, et n'ont commis aucun délit, si ce n'est d'être irrégulièrement entrées dans notre pays. Or, monsieur le ministre d'État, avec l'article 16, vous autoriserez le triplement du nombre maximal de jours que des migrants pourront passer en centre de rétention, alors que rien ne justifierait qu'ils ne passent la moindre une journée en prison. Or ils pourraient séjourner dans un CRA pendant 90 jours, voire pendant 135 jours, comme nous l'avons vu lorsque nous avons parlé, tout à l'heure, des enfants.
Cela dépasse l'entendement, surtout que, comme vient de le dire ma collègue Obono, en réalité, cette mesure ne résoudra pas le moins du monde la question qui nous est posée. Elle ne la résoudra pas, d'abord, parce que vous n'avez pas prévu les crédits nécessaires à la construction du nombre de centres qui permettraient d'accueillir toutes les personnes susceptibles de se voir condamnés à y être placés. En réalité, vous savez très bien que cette mesure ne constituera pour beaucoup qu'une menace. Mais celle-ci sera telle qu'elle va entraîner encore plus vers la marginalité et la peur tous ceux qui se retrouvent, en France, dans une situation irrégulière. Or cette marginalité et cette peur peuvent les entraîner, à terme, dans des situations difficiles et être génératrice, pour la société, d'un chaos – il suffit par exemple de voir ce qui se passe aujourd'hui porte de la Chapelle, mais pas seulement. La situation y serait encore beaucoup plus grave si les associations n'y agissaient pas.
Toutes ces mesures sont donc à la fois inefficaces et terriblement injustes. Elles font partie de celles que vous ne pouvez pas voter. Je vous demande donc de ne pas voter pour l'article 16.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous soutiendrons bien évidemment les amendements qui viseront à supprimer cet article, qui vise à allonger la durée de rétention.
Je répondrai à notre collègue Florent Boudié, en toute amitié, puisque nous avons, au cours du précédent mandat, appartenu au même groupe et que nous avons partagé les mêmes objectifs. Nous avons peut-être connu, sur un certain nombre de sujets, les mêmes déceptions. Je vous souhaite, monsieur Boudié, de ne connaître aucune déception au cours du présent mandat. Ce n'est parce qu'on est membre du groupe majoritaire – cela vous est arrivé et cela vous arrivera – que l'on obtient tout ce qu'on souhaite. Preuve en est : les amendements qui ont été déposés par votre majorité à l'instant ont été rejetés par le Gouvernement. Évidemment, on souhaiterait que tous les objectifs que l'on a en entamant une législature avec un groupe politique soient actés et validés, mais ce n'est pas le cas. Il convient donc de faire preuve d'humilité et de modestie envers nous.
Je préférerais ne pas avoir à défendre cet amendement, car j'aimerais que cet article n'existât point, mais l'enjeu est important. J'ai déjà parlé de l'allongement de la durée de rétention. Je rappelle que nous avons voté une loi sur le régime d'asile européen, dite « loi Warsmann », qui va conduire à ce qu'une personne « dublinée » dans notre pays se retrouve quasi automatiquement placée en centre de rétention.
Je rappelle également que, dans certains pays comme l'Italie et la Grèce, les personnes « dublinées » – ce qui explique l'augmentation du nombre de personnes dans cette situation – n'ont pas effectué tout le parcours visant à obtenir le droit d'asile, comme elles pourraient le faire, en France, devant l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, mais ont juste vu leurs empreintes digitales relevées et leurs photographies d'identités prises. Les informations que je vous donne sont celles de l'OFPRA.
Vous voyez donc à quel point l'article 16 va non seulement faciliter le placement en centres de rétention, mais également aggraver les conditions de la rétention, dont la durée va s'allonger.
L'article comporte d'autres dispositions, notamment le recours à la vidéo-audience, qui méconnaît nécessairement le droit au recours, et les quatre heures supplémentaires dont le ministère public disposera pour demander que l'appel formé contre une décision de placement en rétention soit suspensif. Bref, comme je l'ai dit tout à l'heure, tout cela aggrave la loi.
J'ai entendu certains de nos collègues – à moins qu'il ne s'agisse du ministre d'État ou de la rapporteure – affirmer, y compris à propos des enfants, que des ajustements permettront ultérieurement de régler les problèmes. Je voudrais savoir pourquoi on aggrave d'abord les choses avant éventuellement d'y remédier par la suite ; il y a là une logique qui dépasse mon entendement. Je rappelle enfin que les dispositions que nous sommes en train de voter s'appliqueront également aux familles et aux enfants.
Je vous demande donc, chers collègues, de voter cet amendement.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 258 .
Cet amendement tend lui aussi à supprimer l'article 16, qui entérine le fait que des femmes, des hommes et aussi des enfants pourront passer quatre-vingt-dix jours dans des centres de rétention. Je signale d'ailleurs qu'aujourd'hui, alors que la durée est fixée à quarante-cinq jours, il arrive que certaines personnes y passent quatre, voire cinq fois quarante-cinq jours. C'est une pratique qui n'est pas seulement utilisée pour expulser, mais qui sert aussi à criminaliser le fait d'être un étranger.
Puisque le président restreint les prises de parole, je profite de la défense de cet amendement pour dire à M. Boudié que j'ai bien noté qu'il avait pris des engagements avec beaucoup de fermeté et d'assurance, mais que je l'avais entendu prendre ces mêmes engagements il y a trois mois, en donnant à l'époque un autre calendrier. Il avait parlé de juin, et nous sommes maintenant en juillet.
Non, monsieur Boudié, ce n'est pas ce que vous aviez dit, nous pourrons nous référer au compte rendu. Vous vous étiez engagé sur un délai de trois mois, que vous n'avez pas respecté.
Nous serons donc très attentifs sur ce point, d'autant que je trouve vos propos et ceux du ministre d'État très contradictoires.
En outre, je le dis aux collègues de la majorité, dans l'article 16, il y a d'autres mesures sur lesquelles il conviendrait de se pencher. Ainsi, l'exercice de leurs droits par les personnes retenues sera désormais garanti non plus à compter de l'arrivée au lieu de rétention, ce qui donnera toute latitude à l'administration de différer l'information de la personne retenue sur la nature et l'étendue de ces droits. Il s'agit d'un article emblématique de ce projet de loi, qui privilégie une logique d'exclusion au détriment du respect des droits.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
S'agissant de l'allongement de la durée de rétention, je vous signale que le texte initial prévoyait une durée de 130 jours. À l'issue d'un travail important effectué en commission, avec le Gouvernement, en vue de réduire cette durée, nous avons abouti à une durée de 90 jours, avec un séquençage permettant l'intervention du juge judiciaire à plusieurs reprises, afin de garantir l'exercice de leurs droits par les personnes retenues.
Pourquoi est-il nécessaire de prévoir un allongement de la durée de rétention ? Parce que, lorsque le délai arrive à son terme, il revient à l'autorité policière de faire exécuter la procédure, mais qu'elle ne le peut pas en raison de procédés dilatoires, de refus de participer à l'entretien consulaire ou de refus d'embarquement, de plus en plus nombreux. On se retrouve ainsi dans une situation où le droit n'est pas appliqué, tout simplement. On a évoqué la délivrance des laissez-passer consulaires, mais il convient de ne jamais perdre de vue qu'il existe des procédés permettant de faire obstacle à l'exécution du droit. Il importe donc, dans le cadre de garanties que nous avons fixé tous ensemble, avec le séquençage que j'évoquais, d'accorder des possibilités de rétention supplémentaires afin de faire face à ces manoeuvres dilatoires.
L'avis est donc défavorable sur ces trois amendements.
Comme vient de le dire Mme la rapporteure, ce texte résulte d'un travail entre la commission et le Gouvernement. Nous voulons faire en sorte que le droit d'asile soit plein et entier en France, mais nous ne pouvons pas pour autant proclamer que tout étranger qui pénétrera en France en situation irrégulière y restera quoi qu'il arrive. Je vous l'ai dit : nous sommes en train de travailler avec les autorités des différents pays concernés pour trouver des solutions, notamment sur les laissez-passer consulaires. Ce sont ces pays eux-mêmes qui nous demandent de leur donner un peu plus de temps, afin qu'ils puissent vérifier l'identité des personnes pour accorder les laissez-passer consulaires. En général, cela implique un aller-retour entre les consuls et les gouvernements desdits pays, ce qui prend, vous l'imaginez, un peu de temps. Nous progressons, mais laissez-nous ce délai supplémentaire, sans quoi le principe du droit d'asile sera rejeté et les thèses de l'extrême droite l'emporteront. Il faut donc voter cette mesure.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
On nous dit que ce texte résulte d'un travail entre la commission et le Gouvernement, celui-ci ayant prévu initialement bien pire. Ce serait donc maintenant un peu moins pire. On reste néanmoins dans le pire du pire ! Je ne trouve pas que ce soit satisfaisant, d'autant que ce travail a été facilité par nos interventions, par nos amendements, par la mobilisation des associations et de nombreux acteurs de terrain, qui ont souligné les problèmes que posent ces dispositions. Cet argument ne tient donc pas et ne justifie pas le maintien de votre opposition à la suppression de l'article.
D'autre part, en filigrane de ce que dit le ministre d'État, j'entends qu'il y aurait des manoeuvres dilatoires, notamment de la part de certains pays, qui prendraient du temps.
Non, ce n'est pas ce que j'ai dit !
On va donc en faire subir les conséquences aux personnes, puisque ce sont elles, ces personnes vulnérables, déjà dans des situations difficiles, précaires, qui vont subir l'allongement de la durée de rétention. Si l'on croit que les manoeuvres dilatoires sont le fait non des pays mais des personnes, cela revient à considérer que le fait de requérir un droit – le droit à faire appel, le droit à faire respecter ses droits, le droit à vérifier que l'on n'est pas victime d'une erreur – est une manoeuvre dilatoire. Avec cela, vous n'avez pas besoin de faire craindre que l'extrême droite voie ses thèses devenir majoritaires, puisque vous les légitimez !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 274 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 275 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Cet amendement a pour objet de conserver le même niveau de garantie pour l'évaluation de la vulnérabilité de l'intéressé, en prévoyant explicitement que celle-ci s'opère sur la base d'une évaluation individuelle. Il convient de préciser la rédaction du texte en consacrant une évaluation individuelle systématique des personnes. Une telle évaluation est en effet indispensable si, comme le fait le titre IV ajouté, l'état de vulnérabilité doit être pris en compte dans la détermination de la durée de rétention.
La prise en compte de la vulnérabilité d'une personne ne peut être qu'individuelle. L'amendement est donc satisfait. L'avis est défavorable.
L'amendement no 350 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur l'amendement no 161 , je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir cet amendement.
Quel pays, en 2018, peut encore oser placer des bébés ou des enfants en rétention ? C'est, hélas, le cas de notre pays, la France, que la Cour européenne des droits de l'homme a déjà condamnée à six reprises pour de tels enfermements. Selon le défenseur des droits, notre pays, en 2017, a enfermé près de 300 mineurs, dont de nombreux nourrissons. Cette situation déshonore notre République. J'ai visité plusieurs CRA, où j'ai constaté que les conditions de vie y sont déjà difficiles pour des adultes et qu'il est inhumain d'y laisser séjourner les plus jeunes. La privation de liberté n'est jamais anodine. Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, souligne que même les séjours de courte durée occasionnent des traumatismes.
Pour mémoire, la France a ratifié, le 7 août 1990, la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui précise, dans son article 3-1 : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. » Or la rétention administrative, même avec ses parents, n'est jamais, bien entendu, dans l'intérêt supérieur de l'enfant.
Les migrants sont particulièrement vulnérables, et ni les mineurs ni leurs parents ne devraient être placés en centre de rétention. C'est pourquoi je vous invite à voter notre amendement.
Nous venons d'avoir longuement le débat sur la rétention des mineurs. L'avis reste défavorable.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 8
Contre 40
L'amendement no 161 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 407 .
L'amendement no 407 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je défendrai en même temps les amendements nos 3 et 4 , monsieur le président.
Un étranger qui n'a pas ou n'a pas encore le droit de rester sur notre territoire doit, pour qu'il voie sa situation éventuellement régularisée, montrer des gages de bonne foi. Le droit en vigueur autorise le placement en rétention d'un étranger en situation irrégulière lorsque ce dernier manifeste un comportement qui pourrait montrer une volonté de fuir, en vue d'échapper à une mesure d'éloignement. L'alinéa 8 de l'article 16 prévoit de supprimer un de ces cas laissant présumer une volonté de fuir : le refus de laisser prendre ses empreintes digitales ou le fait de tenter de saboter cette opération.
L'amendement no 3 vise à continuer à considérer ce comportement comme le signe d'une non-coopération.
Quant à l'amendement no 4 , il vise à conserver dans cette liste un autre des cas jusqu'à présent regardé comme un risque non négligeable de fuite.
L'amendement no 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4 et 417 rectifié .
L'amendement no 4 a déjà été défendu par M. Pajot.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 417 rectifié .
Comment peut-on accepter qu'un étranger dissimule volontairement des éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou, plus grave encore, de ses demandes antérieures d'asile ? Comment peut-on accepter que cette dissimulation, que ces mensonges ne puissent plus, si ce projet de loi est adopté, être regardés comme des risques non négligeables de fuite, ce qui implique, je le rappelle, un placement en rétention ? Comment peut-on sérieusement accepter que les services administratifs de la France soient roulés dans la farine sous prétexte d'humanisme ?
Un étranger capable de dissimuler son parcours migratoire, sa situation familiale ou ses demandes antérieures d'asile pourrait mentir ou dissimuler bien d'autres choses. Si ce n'est pas un problème pour vous, pour moi, ça l'est ! Dans de telles conditions, en effet, quelle confiance la France pourrait-elle accorder à cette personne ? Si la question de la transparence ou de la vérité n'en étouffe pas certains dans cet hémicycle, je pense que les Français, eux, la veulent, et sont en droit de la demander aux étrangers. Cette demande n'a rien de révolutionnaire ou de dégradant, bien au contraire : il s'agit seulement de transparence envers l'administration – mais, dans cet hémicycle, l'exigence de transparence est de toute évidence un concept à géométrie variable.
Ce que je demande est donc simple : si un étranger désire réellement être accueilli en France, il doit se soumettre à notre législation et à notre administration, et répondre avec sincérité et vérité.
L'objet de ces amendements ne correspond pas du tout à ce qui vient d'être dit. Des personnes qui auraient falsifié leurs documents ou leurs empreintes digitales ne se verraient de toute façon pas attribuer de titres de séjour. L'avis sera donc défavorable.
Les amendements identiques nos 4 et 417 rectifié , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra