Par cet amendement, nous proposons de privilégier l'intérêt du requérant ou la qualité de la décision du juge plutôt que la simple facilitation organisationnelle qui pourrait être résolue par l'octroi de moyens humains et financiers supplémentaires à l'autorité judiciaire. En effet, cet article est une fausse bonne idée. Il prévoit d'allonger le délai de jugement de vingt-quatre a quarante-huit heures et de soixante-douze a quatre-vingt-seize heures dans différents cas : lorsque le juge des libertés et de la détention – le JLD – peut être saisi par l'étranger sur le placement en rétention ou les conditions de son interpellation, ou par le préfet s'il souhaite prolonger la rétention au-delà de quarante-huit heures ou lorsque le juge administratif est le seul compétent pour examiner la légalité de la mesure d'éloignement. Or, aujourd'hui, le JLD et le juge administratif doivent être saisis dans les quarante-huit heures suivant la notification du placement en rétention.
Le problème, c'est qu'à la lecture de l'étude d'impact, de l'exposé des motifs et du dispositif lui-même, cette réforme n'est absolument pas envisagée dans l'intérêt du requérant ou de la qualité de la prise de décision par le juge. Il s'agit manifestement juste, pour le pouvoir exécutif, d'éviter la multiplication des audiences ou les difficultés d'organisation entre le JLD et le juge administratif, ce qui peut être facilement résolu par l'octroi de moyens supplémentaires en faveur de la justice – nous en reparlerons, j'imagine, lorsque nous discuterons du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Ces dispositions sont dénoncées par les magistrats eux-mêmes, qui précisent que le délai de quatre-vingt-seize heures ne tient pas compte de la spécificité de la double intervention du JLD et du juge administratif, ne permet pas de résoudre les difficultés liées à cette double intervention et crée un nouveau délai parmi les quatre délais existants déjà. Vous avez ainsi le témoignage des professionnels directement impliqués, en plus de celui des associations d'aide aux migrants.
Eu égard au fait que cet article induit une rétention plus longue pour les requérants, cet amendement tend à éviter que notre droit ne méconnaisse l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au droit à la liberté et à la sûreté. La France, rappelons-le, a déjà été condamnée en 2016 sur ce point précis : la CEDH – la Cour européenne des droits de l'homme – avait considéré que l'état antérieur du droit posait une difficulté.