J'évoquerai la démarche que nous avons mise en place il y a huit ou neuf ans, conçue comme structurante pour nos équipes qui ont besoin, au quotidien, d'outils et de méthodes pour la fabrication de meilleurs produits.
L'audition d'aujourd'hui repose sur deux éléments. Le premier est la diminution de la qualité des produits agricoles de base, utilisés dans nos recettes. Le second est d'avoir voulu compenser cette qualité, pendant de nombreuses années, par l'ajout d'ingrédients, tels que les additifs et les conservateurs.
Par ailleurs, l'évolution des modes de consommation a été déterminée par la recherche de produits pouvant se garder le plus longtemps possible et pas nécessairement au frais, ce qui nous a conduits à ajouter des arômes, des additifs et des conservateurs.
Au lancement de cette démarche structurée appelée « la chasse aux substances controversées », nous avons choisi d'éliminer environ 90 de ces substances – aussi bien du sel et du sucre que des additifs et des conservateurs.
Nous devions pour cela travailler de manière différente. D'abord, nous devions oublier la notion d'effet de seuil ; beaucoup de substances sont autorisées jusqu'à un seuil donné. En acceptant de dépasser cette notion, nous voulions travailler sur le fameux « effet cocktail » – de façon très humble, bien entendu, car nous pourrions difficilement prétendre avoir théorisé le sujet. Mais, en travaillant sur une liste de nombreuses substances, il a été possible d'éviter un certain nombre de collusions entre les substances et donc d'effets néfastes.
Nous avons dû, pour cela, aller plus loin que les réglementations qu'elles soient françaises ou européennes, mais surtout, nous avons pris conscience que nous ne pourrions pas le faire seul, en tant que distributeur. Nous sommes des producteurs de marques distributeurs, nous n'avons pas d'usines ; nous travaillons avec des industriels, cette transformation ne peut donc se faire sans eux.
Nous avons donc mis en place une méthode qui vaut ce qu'elle vaut, mais dont l'essence est d'être positionnée dans le temps et remise à jour chaque année.
Nous avons mis en place un premier indicateur d'alerte sanitaire. Nous avons noté de zéro à quatre tous les additifs, tous les ingrédients controversés. À partir de cette notation, nous avons défini les effets auxquels ces ingrédients pouvaient être associés – cancérogène, mutagène et reprotoxique (CMR) – et les avons classés.
Le second indicateur est l'indicateur d'alerte réglementaire. Nous réalisons systématiquement un benchmark international des endroits où les ingrédients sont limités ou interdits, de manière à obtenir une vision de l'ensemble des pays, notamment des pays producteurs de ces ingrédients.
Enfin, nous avons créé un indicateur d'alerte sociétal, que nous avons tenté d'objectiver en prenant en compte les avis des ONG, des associations de consommateurs et en étudiant, par des outils modernes d'écoute, tels que le web social, les inquiétudes des clients à travers le monde.
Nous avons ainsi pu noter chaque ingrédient et commencé à travailler pour éliminer les 90 premiers. Cette liste évolue, nous l'ajustons chaque année. En effet, nous pouvons avoir remplacé un ingrédient par une substance qui, elle-même, est controversée un peu plus tard. Je rappellerai d'ailleurs que les scientifiques n'ont pas résolu le sujet, sinon nous n'en discuterions pas aujourd'hui et des règles auraient été adoptées.
Nous avons mis en place cette démarche depuis environ huit ans, et nous tenons à votre disposition un certain nombre de documents et de résultats. Elle s'est traduite par une seconde action, qui correspond à mon premier constat : les filières agricoles doivent évoluer.
Dans le cadre de cette démarche, nous avons lancé un travail avec les filières agricoles pour nous assurer que, lorsqu'on fait le choix de dépolluer l'un de nos produits d'une substance, celle-ci est supprimée dans l'ensemble des familles de produits intégrant cet ingrédient. Il s'agit donc d'un travail long et fastidieux, parfois compliqué, mais qui a l'avantage de nous permettre de nous projeter sur le long terme.
Notre démarche contenait deux volets : un volet santé et un volet environnement. Le sujet des pesticides a été traité de plusieurs manières par les industriels ces derniers mois. La première a consisté à proposer des produits contenant zéro résidu de pesticides. Si cela est une bonne avancée sur le plan de la santé, elle ne vaut rien sur le plan environnemental. Nous avons donc initié des rencontres annuelles systématiques avec les producteurs pour mettre en place des points de progrès sur la diminution de l'usage des pesticides ; l'enjeu environnemental exigeant que nous travaillons sur ce sujet.
Je conclurai sur les difficultés rencontrées pour mettre en oeuvre notre démarche. Nous l'avons lancée, je vous l'ai dit, suite aux nombreuses demandes des clients, alors qu'ils n'avaient pas la même conscience des problèmes qu'aujourd'hui. Nos premiers pas ont été extrêmement compliqués, nous en sommes à deux procès pour avoir retiré – en informant nos clients de ce retrait – un certain nombre de produits : conservateurs, huile de palme, etc. Il y a donc un besoin explicatif de toutes ces démarches visant à fabriquer des produits plus sains et dont l'impact environnemental est réduit.
Par ailleurs, nous avons été qualifiés, par certains, de lanceurs d'alerte. Or notre démarche n'avait pas cette vocation ; nous voulions instaurer une forme de transparence de nos produits – qui se traduira par une application.