Intervention de Véronique Gasté

Réunion du jeudi 19 juillet 2018 à 9h15
Commission d'enquête sur l'alimentation industrielle : qualité nutritionnelle, rôle dans l'émergence de pathologies chroniques, impact social et environnemental de sa provenance

Véronique Gasté, cheffe de bureau de la santé, de l'action sociale et de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) du ministère de l'éducation nationale :

Cibler les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) fait bien entendu partie de nos priorités. Il est vrai que, pour l'instant, je n'ai parlé que de prévention primaire et d'éducation à la santé. Nous avons d'autres axes de travail en matière de promotion de la santé, notamment le repérage des troubles de santé et les dépistages – une prévention plutôt secondaire.

Pour cela, deux visites médicales sont obligatoires. La première, aux 6 ans de l'enfant, la seconde, une visite de dépistage, à ses 12 ans, quand les phénomènes pubertaires commencent. Ces deux visites nous permettent de disposer d'indicateurs qui sont récupérés par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS).

La DRESS produit tous les deux ans un document sur l'état de santé de nos élèves, à partir du bilan de la sixième année, en CM2 et en 3e. S'agissant du bilan de santé de la sixième année, nous disposons de deux indicateurs, les dents cariées et l'obésité, qui sont malheureusement très corrélés au niveau socio-économique. Dès la sixième année de l'enfant, nous constatons que les inégalités sociales de santé sont installées, puisque nous avons un taux d'obésité beaucoup plus important chez les enfants de familles d'ouvriers que chez les enfants de familles de cadres.

Nous pensons que beaucoup de choses se jouent même avant les six ans de l'enfant, notamment à cause des habitudes familiales. Nos deux ministres, M. Blanquer et Mme Buzyn, nous ont demandé de travailler sur l'instauration d'un parcours « santé, accueil et éducation » 0-6 ans ; ils l'ont annoncé le 27 novembre dernier par communiqué de presse, et il fera l'objet d'une concertation avec les parties prenantes à la rentrée.

Ce parcours vise à rapprocher les professionnels de santé qui oeuvrent autour du jeune enfant jusqu'à l'âge de 6 ans. La santé commence dès la périnatalité, puisqu'un grand nombre de choses se jouent dans les 1 000 premiers jours de l'enfant. Le mode d'accueil a également un rôle important sur la santé de l'enfant. Vous le savez, dès la rentrée scolaire prochaine, la scolarisation sera obligatoire dès 3 ans.

Ces professionnels de santé sont nombreux : les centres de protection maternelle et infantile (PMI), la santé scolaire, la médecine libérale. Par ailleurs, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 stipule que les enfants de moins de 16 ans doivent désormais avoir un médecin traitant. Tous ces professionnels travaillent trop en silo. Ce projet vise donc à mieux coordonner l'action de ces professionnels autour de l'enfant, pour mieux repérer les difficultés de santé.

Nous disposons de seulement 1 038 équivalents temps plein (ETP) budgétés pour les médecins de l'Éducation nationale ; nous avons donc un déficit de médecins. Un déficit qui n'est pas un problème de moyens, puisque nous disposons d'un budget consacré au recrutement des médecins. Un chantier a été lancé par notre directeur général des ressources humaines (DGRH), depuis deux ans, pour revaloriser le statut et les indemnités des médecins de l'Éducation nationale. Nous pensons par ailleurs développer l'exercice mixte, qui intéresse certains jeunes médecins qui s'installent en libéral.

La visite médicale pour les enfants de 6 ans est bien entendu obligatoire, mais quand il y a une pénurie de médecins dans certains territoires, les enfants des QPV sont prioritaires.

Concernant le marketing, l'Éducation nationale a renforcé ces dernières années, ce qu'on appelle l'éducation aux médias et à l'information (EMI) dans toutes les classes. L'éducation à l'alimentation peut dont être abordée à ce moment-là.

L'instauration de l'EMI est liée aux attentats, avec la mise en place du plan de mobilisation de l'école pour les valeurs de la République. Nous nous étions, en effet, rendu compte que l'une des entrées possibles dans la radicalisation pouvait se faire par les théories du complot. Les experts et les chercheurs indiquent que les contre-discours ne fonctionnent pas, car dès que l'on s'attaque à une nébuleuse, la viralité d'internet est telle, que d'autres théories du complot apparaissent.

L'école, dans le cadre de sa mission émancipatrice à laquelle tous les enseignants et les personnels sont très attachés, vise à développer l'esprit critique, notamment grâce au cours d'éducation aux médias et à l'information, renforcé depuis 2015. L'éducation à l'alimentation peut être abordée dans ce cours, j'ai connu des professeurs d'histoire qui décryptaient les publicités sur l'alimentation, analysaient les composantes du discours, des slogans, des images et expliquaient la politique des groupes qui diffusaient ces publicités.

Par ailleurs, nous avons un opérateur, le réseau CANOPE, qui produit des ressources pédagogiques et éducatives. Il en a produit un certain nombre sur l'EMI. À l'intérieur du réseau CANOPE, se trouve le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI), qui forme les enseignants dans les académies.

Je pourrais évoquer d'autres sujets, tels que la vaccination, qu'un certain nombre de Français – et non les plus défavorisés – remettent en cause. Nous avons donc des messages, en termes de santé publique, à faire passer. Une mission qui a été renforcée ces dernières années, les réseaux sociaux prenant beaucoup d'importance dans la vie des adolescents ; or nous avons le devoir de contrer certains discours.

Des experts, tels que Gérald Bronner, dans son livre La démocratie des crédules, décryptent ces discours. Nous savons que nous ne devons pas prendre les adolescents qui y adhèrent frontalement, sinon nous renforçons leur croyance aux complots. Et les industries alimentaires et pharmaceutiques sont les industries le plus souvent soupçonnées de complots. C'est la raison pour laquelle nous développons l'esprit critique des enfants, afin qu'ils ne se fassent pas berner par les fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux.

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