L'audition commence à neuf heures vingt.
Nous accueillons ce matin Mme Véronique Gasté, cheffe de bureau de la santé, de l'action sociale et de la sécurité de la direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) du ministère de l'éducation nationale.
Madame, l'audition d'un représentant de l'Éducation nationale apparaît opportune à notre commission, dès lors que nombre de nos interlocuteurs, au cours de nos auditions, ont insisté sur la nécessité de sensibiliser les enfants, dès le plus jeune âge, à l'éducation nutritionnelle, ainsi qu'aux « bons gestes » contre toute forme de gaspillage alimentaire.
En outre, le milieu scolaire demeure certainement l'espace idéal pour contrer la prévalence du surpoids et de l'obésité.
Nous avons conscience que des actions sont déjà conduites dans de nombreux établissements. Peut-être sont-elles inégales ou, à tout le moins, éparpillées au cours de l'année scolaire ?
La densité des programmes ayant fait l'objet de nombreuses modifications, parfois contradictoires, au cours des années, ne facilite sans doute pas les choses. Néanmoins, dès 2004, une note de votre direction aux directrices et directeurs d'école précisait que «… les temps de sieste, de repos, de goûter et de restauration font partie des temps d'éducation ».
L'article L. 312-17-3 du code de l'éducation dispose qu'« une information et une éducation à l'alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire » doivent être dispensées dans les écoles. Cet article indique que ces actions doivent également s'inscrire en cohérence avec le Programme national pour l'alimentation (PNA) et le Programme national nutrition et santé (PNNS) et intervenir « dans le cadre des enseignements ou du projet éducatif territorial ». Sur ce point, les interrogations demeurent quant à leur place et au temps qui leur sont consacrés.'
Dans les faits, relèvent-elles du domaine des actions socio-éducatives aux contours parfois flous et qui ne sont engagées que lorsqu'il reste un peu de temps ?
Concernant la restauration scolaire, le décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 précise la qualité nutritionnelle des repas servis dans ce cadre. Comment l'application de ce texte est-elle évaluée ? Est-il en cours de réécriture, afin de l'harmoniser avec le plus récent PNNS ? Des nutritionnistes interviennent-ils de façon coordonnée et systématique en milieu scolaire ?
Madame, nous allons vous écouter au titre d'un exposé liminaire d'une quinzaine de minutes. Puis, nous engagerons un échange avec, notamment, les questions que vous posera notre collègue, Michèle Crouzet, rapporteure de notre commission d'enquête.
Je vous informe que cette audition est ouverte à la presse. Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment.
Mme Véronique Gasté prête serment.
Je vous remercie, monsieur le président.
La DGESCO a pour mission d'impulser l'ensemble des politiques éducatives pédagogiques, de la maternelle à la terminale. Cela concerne 12,3 millions élèves, répartis dans près de 68 000 établissements et unités pédagogiques, si l'on recense l'ensemble des écoles, collèges et lycées publics et privés sous contrat. Ce chiffre amène déjà un élément de réponse à l'une de vos interrogations relatives à l'aspect hétérogène de l'application des actions, puisque, vous vous en doutez, il est fort difficile de savoir ce qui se passe dans 68 000 unités pédagogiques, même si nous avons des remontées et que de nombreuses enquêtes y sont menées.
La politique de la DGESCO s'inscrit dans la politique gouvernementale, comme vous l'avez souligné. L'éducation à l'alimentation, au sein de l'Éducation nationale, s'inscrit dans le PNNS et, actuellement, nous participons au groupe de travail sur l'élaboration du PNNS 4. Nous nous inscrivons également, dans les orientations du Programme national pour l'alimentation (PNA) qui s'engage à faciliter l'accès des plus jeunes à une éducation fondée sur le goût, l'équilibre et la convivialité.
Nous nous inscrivons dans le cadre de la stratégie nationale de santé (SNS) 2018-2022, qui a été déclinée dans le Plan national de santé publique (PNSP), et un certain nombre de mesures concernant l'école, notamment la notion d'école promotrice de santé, qui sera à déployer dans les années à venir. Nous nous inscrivons également dans un engagement en matière d'éducation à l'alimentation, puisque nous aurons à créer, dès septembre, un vademecum sur l'éducation à l'alimentation, en lien avec nos deux ministères partenaires que sont le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère des solidarités et de la santé, mais également avec un opérateur, Santé publique France.
S'agissant de la stratégie nationale de santé, nous nous occupons également de la refonte, l'actualisation, du portail d'éducation à l'alimentation qui est hébergé sur notre site, Eduscol, créé en 2015, en lien avec Santé publique France. La Stratégie nationale de santé prévoit de l'actualiser, afin qu'il colle mieux aux orientations gouvernementales actuelles.
Nous avons participé aux États généraux de l'Alimentation (EGA), en particulier à l'atelier 9 visant à promouvoir une alimentation saine. Nous avons également été associés aux travaux du Groupement d'étude des marchés en restauration collective et de nutrition, (GEMRCN), dont les normes s'appliquent à la restauration scolaire.
Enfin, toujours au niveau national, nous sommes membre du Conseil national de l'alimentation (CNA) ; nous suivons ses avis, nous les diffusons en interne et nous participons actuellement à la rédaction de son prochain avis.
Ces orientations, définies dans diverses stratégies et plans, font l'objet de partenariats affirmés. Nous avons signé, avec le ministère des solidarités et de la santé, une convention-cadre, le 29 novembre 2016, au niveau national. Nous avons par ailleurs demandé aux rectorats, à savoir les unités, qui, dans les territoires, déploient la politique ministérielle et gouvernementale, de signer des conventions avec les agences régionales de santé (ARS), de manière à déployer les grandes orientations de santé publique, parmi lesquelles figurent, bien entendu, la prévention du surpoids et de l'obésité, la promotion de l'activité physique et l'éducation à l'alimentation.
En partenariat avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, nous déployons actuellement le programme européen sur le lait, les produits laitiers et les fruits et légumes.
Par ailleurs, nous avons signé un accord-cadre avec Santé publique France. Le programme annuel d'actions communes (PAC) nous permet d'oeuvrer, notamment sur l'éducation à l'alimentation et la prévention du surpoids, à l'aide d'un ensemble de ressources et d'outils pédagogiques mis à la disposition des enseignements.
Dans les territoires et les établissements d'enseignement, cela se traduit par plusieurs actions. Vous avez évoqué les actions socio-éducatives, mais avant de les aborder, je rappellerai que l'éducation à l'alimentation peut être abordée dans le cadre des programmes d'enseignement, en école primaire, en CE2, et dans le second degré, en classe de 5e, dans le programme de sciences de la vie et de la terre (SVT).
Nous avons également une discipline intitulée « prévention santé-environnement » (PSE), délivrée en lycée professionnel, qui aborde les aspects de l'éducation à l'alimentation. En lycée général et technologique, ce sont les programmes de 1ère ES et L, qui abordent l'éducation à l'alimentation. Enfin, d'autres disciplines y concourent : l'éducation physique et sportive (EPS), avec la promotion de l'activité physique, les langues vivantes, puisque dans cette matière, les langues ne sont pas le seul apprentissage de la langue en elle-même, on y trouve aussi la découverte de cultures, et notamment des actions petit-déjeuner qui sont organisées par les professeurs de langues vivantes, à l'occasion desquels il peut être conduit des actions avec l'infirmier de l'établissement ou le professeur de SVT, de manière à aborder une éducation nutritionnelle et non uniquement les aspects culturels.
Les professeurs d'histoire-géographie et de sciences économiques peuvent, quant à eux, aborder, la dimension économique ou patrimoniale de l'éducation à l'alimentation, puisque nous ne réduisons pas l'éducation à l'alimentation à la seule éducation nutritionnelle ; nous abordons l'ensemble des thématiques, aussi bien écologiques, avec la lutte contre le gaspillage alimentaire, que l'éducation au développement durable, l'éducation sociologique, avec les aspects culturels, économiques, avec l'étude de la faim dans le monde, par exemple, où les circuits économiques, liées à la production alimentaire et agricole.
Au-delà des programmes d'enseignement, les établissements peuvent mettre en place des actions d'éducation à l'alimentation, qui sont inscrites dans le cadre de la politique éducative du projet d'école et du projet d'établissement. Cette inscription n'est pas anodine. Elle donne, à la fois de la visibilité à nos partenaires et aux parents d'élèves, notamment sur les actions menées par l'école, et fait l'objet de discussions dans les conseils d'école pour le premier degré, et dans les conseils d'administration pour le second degré.
Nous disposons d'une instance non-décisionnelle, mais de dialogue partenarial, le Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), instance tout à fait intéressante pour déployer ce type d'actions d'éducation à l'alimentation. Elle est intéressante, à la fois parce qu'elle prépare les délibérations du conseil d'école et du conseil d'administration, mais surtout, parce qu'elle permet d'inviter des partenaires – la liste n'est pas limitative. De sorte que, en fonction des ressources partenariales locales, des représentants d'association peuvent être associés aux discussions du CESC, ainsi que des parents d'élèves, puisqu'il est important pour l'Education nationale d'associer les parents d'élèves aux actions dites socio-éducatives.
Nous pouvons également mettre en place une commission des menus, même si la restauration scolaire est la prérogative des collectivités territoriales. Pour autant, dans le second degré, le chef d'établissement a tout loisir de créer cette commission ad hoc, afin d'associer les parents d'élèves et la collectivité territoriale, avec le chef cuisinier et l'adjoint gestionnaire qui passe les commandes, à une réflexion sur une commission des menus. Les élèves participent également à cette commission des menus. Par ailleurs, un lien peut être fait avec d'autres instances où les élèves sont engagés ; je veux parler du conseil de la vie collégienne (CVC) et du conseil de la vie lycéenne (CVL), qui sont systématiquement consultés avant que le conseil d'administration de l'établissement ne délibère sur des questions de santé et de sécurité.
Pour associer les parents, nous disposons de dispositifs. D'une part, les espaces parents, créés en 2013, dans un certain nombre d'écoles et d'établissements du second degré. Des lieux animés par les parents pour les parents, dont les remontées nous font percevoir que dans les thématiques privilégiées par les parents – pour lancer des discussions entre eux, parfois en faisant appel à des experts sous forme de conférences – nous retrouvons le sommeil, les écrans et l'alimentation.
D'autre part, le ministre a souhaité également développer, à la rentrée prochaine, un outil appelé la « mallette des parents » qui, jusqu'alors, n'était destiné qu'aux professionnels de l'éducation, de manière à les aider à accueillir les parents, notamment au moment des réunions de rentrée, et à disposer d'un certain nombre de supports vidéo leur permettant de présenter comment fonctionne une école, et comment s'organisent les orientations.
Le ministre nous a demandé, cette année, de travailler sur un ensemble de thématiques, afin de présenter aux parents, dès la rentrée prochaine, ce que fait l'école en matière de santé ; or l'éducation à l'alimentation fait l'objet d'une fiche thématique. Ces fiches thématiques seront mises à disposition des parents sur un site, « la mallette des parents », actuellement en cours de construction. Pour les parents qui n'ont pas accès au numérique, ces fiches seront distribuées lors des réunions de rentrée.
Nous avons également un ensemble de partenariats avec les collectivités territoriales, qui peuvent se décliner dans des ateliers « Villes-Santé », ou prendre d'autres formes, notamment dans le cadre du réseau français des « Villes-Santé » de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce sont souvent les municipalités et les conseils généraux qui proposent de développer des actions éducatives en matière d'éducation à l'alimentation.
Nous disposons de plusieurs exemples dans diverses villes de France. La revue « Santé en action », de Santé publique France, fait état d'un certain nombre de ces actions, notamment à Angers. Ce partenariat avec les collectivités territoriales permet de déployer des actions en matière d'éducation à l'alimentation, dans toutes ses dimensions.
Les CESC font l'objet d'une relance depuis deux ans. En effet, en août 2016, une circulaire a été publiée afin de demander aux recteurs et aux inspecteurs d'académie d'instaurer un comité d'éducation, au niveau à la fois rectoral et départemental. Nous avons lancé, au mois de juin, une enquête sur les CESC, dont les remontées seront traitées en août. Nous pourrons ainsi savoir, à travers cette enquête, si l'éducation à l'alimentation fait bien l'objet d'un traitement au sein des CESC académiques, des CESC départementaux, des CESC d'établissement et des CESC inter-degrés. Comme vous le savez, les écoles n'ont pas de statut en droit, alors que les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), sont des personnes morales qui peuvent avoir des instances ; nous demandons donc, pour le premier degré, le déploiement des CESC inter-degrés de façon que l'école puisse se rattacher à des instances disposant de moyens, notamment en termes de budget. Nous attendons les résultats de cette enquête, de façon à pouvoir déterminer dans quelle mesure l'éducation à l'alimentation est déployée dans les territoires.
Les conventions ARS-rectorat nous en donnent un aperçu, puisque des rectorats ont développé, ces dernières années, notamment à Lille et Amiens, une prévention en matière de surpoids et d'obésité. Si les conventions ARS-rectorat sont établies dans le cadre des grandes orientations nationales, elles définissent des priorités par rapport au diagnostic territorial. Amiens et Lille avaient, dans leur population d'enfants et d'adolescents, un taux de prévalence du surpoids et d'obésité plus important que la moyenne nationale. C'est la raison pour laquelle le rectorat et l'ARS ont décidé d'oeuvrer sur cet axe en particulier.
Je vous remercie.
J'ai cité, dans ma présentation, l'article L. 312-17-3 du code de l'éducation, relatif à l'alimentation. J'ai l'impression que beaucoup de choses se font d'une manière diffuse, hétérogène, et que finalement l'éducation à l'alimentation n'est inscrite que dans un cursus général, en CE2 et en 5e – en SVT pour cette classe.
Pouvez-vous nous décrire le contenu du programme et nous indiquer combien d'heures y sont consacrées, de la maternelle au collège ?
À partir du moment où l'éducation à l'alimentation est inscrite dans les programmes, elle est obligatoire ; tous les élèves de France bénéficient donc, à un moment donné, de cette éducation à l'alimentation, dans le cadre des programmes. Le professeur des écoles décide du moment le plus opportun, au sein de l'année scolaire, notamment en CE2, pour enseigner cette éducation à l'alimentation.
Au-delà des programmes d'enseignement, nous invitons les enseignants à s'en emparer, dans le cadre des actions transversales d'éducation à l'alimentation. Si cette année, nous avons mené une enquête sur les CESC, c'est parce que la dernière enquête datait de 2008. Elle avait été réalisée par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), elle donc est accessible en ligne. L'enquête avait montré que les CESC s'emparaient de la thématique ; c'est d'ailleurs, l'une des thématiques, avec la prévention des conduites addictives, qui est la plus fréquemment abordée par les CESC.
Nous rencontrons davantage de problèmes avec d'autres éducations transversales, qui font parfois l'objet de réticences parentales ; je pense à l'éducation à la sexualité. L'éducation à l'alimentation fait l'objet d'un consensus qui nous permet, au contraire, d'avancer régulièrement sur cette question, avec des partenariats dans les territoires et les établissements d'enseignement.
En revanche, s'agissant des éducations transversales, il n'y a pas d'horaires d'enseignement définis, il revient à l'école, au collège et au lycée de déterminer les moments et les temps qui y sont consacrés. Dans le second degré, l'autonomie des EPLE, qui existe depuis le décret du 30 août 1985, leur permet de choisir les moments, les tranches d'âge et les niveaux d'enseignement où les éducations transversales vont être délivrées. Vous le savez, l'école est traversée par tous les enjeux sociétaux, qui sont abordés tout au long de la scolarité. L'éducation à l'alimentation, par exemple, est très souvent prodiguée en 6e et en 5e. En 4e et 3e, l'accent est mis sur l'éducation à la sexualité. Pour autant, l'éducation à l'alimentation n'est pas oubliée. Mais les priorités sont déterminées au sein des CESC et des conseils d'administration des EPLE, au regard de l'ensemble des orientations nationales et académiques.
Quand je vous parle d'enseignement obligatoire et d'horaires, vous me répondez CESC. Pouvez-vous, concrètement, nous donner une idée du volume horaire de ce cycle d'enseignement obligatoire ?
Je vous transmettrai une estimation du volume horaire, puisqu'il revient au professeur, dans le cadre de sa liberté pédagogique, de développer parfois davantage un pan du programme qu'un autre. Il abordera tout le programme, mais il lui revient de développer davantage certains axes. Je demanderai également au bureau chargé des programmes d'évaluer l'horaire minimum qui doit être consacré, par exemple, en CE2, à l'éducation à l'alimentation.
Concernant le GEMRCN – comment les cuisiniers s'occupent de la restauration collective, notamment dans les établissements scolaires –, il semble bien qu'il s'agit de l'un des guides principaux des intendants et des cuisiniers, de leur bible.
Aujourd'hui, ce GEMRCN ne se réunit plus. Comment envisage-t-on de faire le lien avec le PNNS 4 ? Des travaux sont-ils en cours pour actualiser et remettre ce GEMRCN en route ?
Il nous a été rapporté, lors de nos auditions, que le précédent GEMRCN contenait quelques recommandations que je qualifierai d'un petit peu extravagantes, notamment concernant les produits fromagers : des produits ultratransformés, enrichis en calcium, faisant office de fromages. Quelques incohérences de cette nature nous ont été rapportées, sur la qualité et le bien manger, notamment. Il nous semble urgent de remettre ce groupe d'étude sur pied.
Effectivement, il s'agit de la bible des adjoints gestionnaires, dans le second degré, et des gestionnaires des collectivités territoriales.
Dans le premier degré, ce sont les municipalités qui assurent la prestation, dans le second degré il y a différents cas de figure : soit la collectivité territoriale prend complètement en charge la prestation avec des cuisines centrales ou des prestataires comme Sodexo ou Sogeres, soit elle confie par délégation la prestation à l'établissement public local d'enseignement (EPLE).
L'adjoint gestionnaire a une responsabilité très importante dans le choix des denrées alimentaires, puisque c'est lui qui va passer des commandes. Le chef d'établissement, en tant qu'ordonnateur, signe les factures. Il dispose donc d'un vrai droit de regard sur la qualité des denrées alimentaires et notamment sur l'approvisionnement au niveau local – ça peut être des choix faits par des gestionnaires ou des chefs d'établissement. Le cuisinier a évidemment un grand poids en tant que force de proposition, puisqu'il connaît les aspects de technicité.
Le GEMRCN a toujours été un outil très important. J'ai été cheffe d'établissement, je puis donc vous affirmer que cela fait partie des choses bien connues par tous les adjoints gestionnaires et les chefs d'établissement.
Son lien avec le PNNS 4 est une vraie question, que j'ai posée au ministère des solidarités et de la santé et au ministère de l'agriculture et de l'alimentation. Une réunion est prévue sur ce sujet fin août, dans le cadre de la refonte du PNNS. Il est envisagé de relancer un groupe de travail.
Le GEMRCN était piloté par Bercy, et je ne sais pas comment les choses vont évoluer ; je ne puis donc rien vous dire pour l'instant. Mais nous avons demandé évidemment à y être associés. Même si ce n'est pas le ministère de l'éducation nationale qui dispose de la prérogative de cette prestation, il me semble très important d'y être associé, de manière à rendre cohérentes nos politiques éducatives. Nous en avons également parlé avec les collègues de la direction générale de l'alimentation (DGAL), ce sujet est suivi par les trois ministères.
Je vous remercie, madame, pour votre exposé.
Puisque les enseignants doivent prodiguer aux élèves des cours sur l'éducation à la santé et à l'alimentation, reçoivent-ils une formation ? Sont-ils vraiment sensibilisés à la problématique nutritionnelle et à l'importance de l'alimentation équilibrée – et donc aux problématiques de l'obésité et du diabète ? Les cours d'éducation sexuelle donnent de bons résultats, en est-il de même pour les cours d'éducation à l'alimentation ?
La Semaine du goût, manifestation placée sous le haut patronage du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, vise à organiser notamment des rencontres avec les professionnels du goût et des ateliers gourmands. Il semblerait que le ministère de l'éducation nationale n'en soit pas partenaire, alors même que durant cet événement des actions pédagogiques se déroulent en milieu scolaire. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est exactement ?
Par ailleurs, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a présenté des recommandations relatives à la restauration collective. Je pense notamment au développement et à la diffusion d'outils pour aider les établissements à créer leurs propres menus, à l'amélioration de la formation du personnel en matière de nutrition, à l'accueil des élèves qui ont un régime alimentaire particulier, et à la mise en place d'animations sur l'équilibre nutritionnel. Pouvez-vous nous dire si ces recommandations ont bien été mises en oeuvre dans les établissements ?
Quel regard porte le ministère de l'éducation nationale sur la restauration scolaire et sur la qualité nutritionnelle des repas qui sont servis ?
Madame Gasté, vous êtes membre du CNA. Nous avons auditionné récemment M. Guillaume Garot, son président, qui nous a indiqué qu'il avait rencontré des difficultés, à l'époque où il faisait partie du Gouvernement, à mobiliser le ministère de l'éducation nationale sur la question de l'alimentation ; qu'en pensez-vous ?
Par ailleurs, la place de l'éducation à l'alimentation est-elle vraiment prise en compte au niveau du ministère de l'éducation nationale, au niveau national ?
La formation initiale des enseignants dépend des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ESPE), mises en place en 2013 et rattachées aux universités. De sorte qu'elles bénéficient d'une certaine autonomie, à condition bien sûr que leurs plans et leurs maquettes de formation s'inscrivent dans les orientations définies dans le décret du 2 juillet 2013.
Dans ce décret, un certain nombre de dispositions sont obligatoires concernant l'aspect disciplinaire et les valeurs de la République. Il existe un tronc commun qui rassemble les éducations transversales, et qui doit être abordé dans les ESPE.
Les maquettes peuvent différer d'une ESPE à l'autre. Il serait donc intéressant d'interroger la nouvelle présidente du réseau national des ESPE, dont je ne me souviens plus le nom – M. Ginestié lui a laissé sa place il y a un mois –, pour avoir les maquettes de formation. Pour autant, il y a des disciplines pour lesquelles c'est obligatoire : SVT et sciences biologiques et sciences sociales appliquées (SBSSA). Ce sont les professeurs qui enseignent la discipline PSE en lycées professionnels, et les sciences médico-sociales font partie des disciplines obligatoirement abordées.
En matière de formation continue, nous sommes amenés, dans le cadre du plan national de formation (PNF), à proposer des actions de formation. Le ministère de l'éducation nationale forme les conseillers auprès des recteurs. L'éducation nationale étant le plus gros employeur de France, nous sommes obligés d'agir en deux strates dans le cadre de la formation continue. La DGESCO forme tous les conseillers des directeurs qui, ensuite, dans le cadre du PNF, doivent décliner les formations qu'ils ont reçues au sein des plans académiques de formation (PAF), pour toucher les enseignants.
En matière d'éducation à l'alimentation, nous avons, ces dernières années, promu l'éducation à l'alimentation, dans le cadre de la promotion de la santé en milieu scolaire. En 2016, nous avons relancé la promotion de la santé en milieu scolaire à travers ce que l'on a appelé à l'époque le « parcours éducatif de santé ».
Dans le cadre de la nouvelle SNS, avec la notion d'école promotrice de santé, nous relançons le déploiement d'éducation à l'alimentation qui est inscrite dans la SNS. L'année prochaine, nous allons opérer le déploiement de la notion d'école promotrice de santé, avec un renforcement de l'éducation à l'alimentation qui est clairement inscrite dans nos orientations. Il nous faut une année pour former les conseillers auprès des recteurs qui, l'année suivante, forment les enseignants. Il s'agit en effet d'un système pyramidal, mais il est difficile de faire autrement, puisque nous comptons 890 000 enseignants et 13 500 personnels de direction.
Parmi les conseillers auprès des recteurs, des personnels très importants s'occupent de l'éducation à l'alimentation. Il s'agit des conseillers techniques infirmiers et des conseillers techniques médecins ; ce sont eux qui peuvent porter la parole technique experte sur l'éducation nutritionnelle en particulier – auxquels s'ajoutent les inspecteurs disciplinaires.
Les disciplines pour lesquelles c'est obligatoire sont les suivantes : les inspecteurs d'académie, inspecteurs pédagogiques régionaux (IAIPR) pour les SVT, et les inspecteurs de l'Éducation nationale et d'enseignements technologiques (IENET) pour les SBSSA. Je suis désolée de ce jargon complexe, je pourrai, si vous le souhaitez, vous transférer tout cela par courriel.
Dans le cadre de la promotion de la santé en milieu scolaire, nous visons la réduction des inégalités sociales de santé et des inégalités d'éducation. Il s'agit de l'un de nos objectifs premiers que nous rappelons régulièrement, car en fonction de l'environnement familial, les enfants ne bénéficient pas tous du même cadre et de la même information ; l'école se doit donc de leur apporter, au nom du principe d'égalité du service public.
En ce qui concerne la Semaine du goût, le ministère de l'éducation nationale n'empêche pas les écoles volontaires d'y participer. Cependant, vous le savez, un certain nombre d'industriels prennent part à cette opération, et notamment le Centre d'études et de documentation du sucre (CEDUS). En octobre 2014, suite aux interrogations des journalistes, nous nous sommes positionnés clairement par rapport à la Semaine du goût : si nous n'interdisons pas les établissements scolaires qui le souhaitent d'y participer, nous ne valorisons pas cette Semaine du goût, dans la mesure où le CEDUS est impliqué.
On nous avait clairement reproché à l'époque un partenariat avec le CEDUS, un partenariat qui avait été très mal compris par les journalistes. Si dans les filières hôtellerie et restauration des sections d'enseignement professionnel, il peut y avoir un partenariat avec les professionnels, comme avec tous les métiers de bouche et de restauration – il faut bien que les élèves futurs cuisiniers apprennent les techniques de sucre –, nous n'avons jamais passé de conventions de partenariat avec le CEDUS pour l'éducation à l'alimentation ; fait que certains journalistes avaient prétendu. Nous nous sommes donc insurgés contre ces allégations et avons remis les éléments dans leur juste réalité. Pour faire taire ces journalistes, nous avons affiché le fait que nous ne rendrions pas visible cette semaine du goût sur notre portail.
Outre la semaine du goût, les classes du goût nous semblent très importantes. Il s'agit d'une action déployée par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, en lien avec la DGESCO, et qui permet à des enseignants volontaires de bénéficier d'une formation sur l'éducation au goût et une alimentation équilibrée pour la décliner en huit séances.
Séances au cours desquelles les élèves découvrent, par exemple, les fruits et les légumes de saison, avec une approche sensorielle qui nous semble très intéressante. Un événement que nous avons affiché de manière visible sur le portail de l'éducation à l'alimentation, créé en 2015. Aucun industriel n'est partie prenante. L'école se doit d'être garante du cadre éthique. Les parents nous confient leur enfant, il nous revient donc d'assurer la neutralité économique du service public d'éducation. Nous n'avons pas le droit d'influencer les enfants par rapport à des industries, à travers notamment le marketing industriel en matière alimentaire.
S'agissant de l'ANSES et de ses recommandations, nous sommes toujours attentifs à ses recommandations, tout comme à celles de la Haute Autorité de santé (HAS). Nos infirmiers et nos médecins disposent de l'information. Pour les élèves qui ont des régimes particuliers, nous avons mis en place des projets d'accueil individualisé (PAI) qui permettent, en cas d'allergie alimentaire, de prendre en compte les régimes des enfants.
Concernant l'amélioration de la qualité nutritionnelle de la restauration collective scolaire, les établissements d'enseignement y sont très soucieux. Cela fait partie, je le répète, des questions le plus souvent posées par les parents d'élèves dans les conseils d'administration. De sorte que très peu de chefs d'établissement peuvent se dédouaner de cette préoccupation. D'où l'importance de mettre en place des commissions des menus – elles ne sont pas obligatoires.
Je ne comprends pas pourquoi M. Guillaume Garot vous a indiqué qu'il avait eu du mal à mobiliser le ministère de l'éducation nationale, car nous travaillons très bien avec le CNA ; nous participons à ses séances et à ses commissions, Mme Dominique Voynet pourrait en témoigner.
Ma remarque était la suivante : le CNA a du mal à mobiliser le ministère de l'éducation nationale en matière d'alimentation.
Ce n'est pas le cas. Nous diffusons les avis du CNA, et nous y participons. Et l'éducation à l'alimentation fait vraiment partie de nos préoccupations et ne pose aucun problème dans les établissements scolaires. Il me semble parfois qu'il peut y avoir une méconnaissance de ce qui se passe dans les établissements scolaires.
Je rebondirai d'abord sur la neutralité de l'éducation nationale par rapport aux acteurs économiques, pour vous dire que je me souviens encore de l'époque où mes enfants revenaient à la maison avec des boîtes de corn-flakes Kellogg's qui leur avaient été distribuées à l'école, dans le cadre de la sensibilisation à la bonne alimentation. Heureusement, ce temps est révolu.
Il me semble, sans jugement de ma part, que nous sommes sur une approche très conceptuelle des choses. Mais peut-être que la déclinaison sur le terrain n'en est pas moins pragmatique. Vous avez assez peu évoqué la restauration collective, qui est un terrain d'application de la sensibilisation à l'éducation à l'équilibre alimentaire. Or il me semble qu'un travail de fond doit être réalisé, d'un point de vue pratique, entre ce lieu de restauration collective et le personnel. À ce propos, les personnes travaillant en cuisine sont-elles des fonctionnaires de l'Éducation nationale, ou sont-elles placées sous l'autorité du chef d'établissement ?
Vous avez parlé de la formation des enseignants, notamment de SVT, même si les autres enseignants sont aussi concernés, et du fait que ce sont les proviseurs qui sont les garants de cette éducation à l'alimentation et de la restauration scolaire. Est-ce à dire que ce sont eux qui sont les premiers destinataires des formations en nutrition et en équilibre alimentaire ?
Sur le portail de l'éducation à l'alimentation, nous rappelons que l'éducation à l'alimentation doit faire l'objet de projets collectifs, portés par l'ensemble des personnels. En effet, lorsqu'ils sont portés par une seule personne – infirmier, médecin ou le professeur de SVT –, cela ne suffit pas à toucher l'ensemble des élèves. Nous avons donc impulsé l'idée selon laquelle un projet collectif devait être porté, à la fois par le chef cuisinier, l'adjoint gestionnaire, le chef d'établissement, les professeurs, l'infirmier et le conseiller principal d'éducation (CPE), qui a un rôle très important en matière socio-éducative.
S'agissant du statut des personnels, nous sommes dans des relations partenariales, en permanence négociées, puisque les personnels de cuisine, qui agissent au sein de la restauration scolaire, quand il y a une délégation de cette prestation à l'EPLE, sont des personnels employés par la collectivité territoriale de rattachement, à savoir, le conseil départemental pour les collèges, et le conseil régional pour les lycées.
Pour autant, à partir du moment où ils exercent dans l'EPLE, ils sont sous l'autorité fonctionnelle du chef d'établissement. Ils sont donc sous l'autorité hiérarchique du président du conseil départemental ou du président du conseil régional, et sous l'autorité fonctionnelle du chef d'établissement dans l'exercice de sa mission quotidienne. Tout se passe très bien, depuis les lois de décentralisation. De nombreuses actions éducatives ont été réalisées, les collectivités territoriales étant parties prenantes sur un certain nombre d'actions dans le cadre de leur programme éducatif territorial.
L'adjoint gestionnaire, quant à lui, est un personnel de l'Éducation nationale. Tous les matins, il rencontre le chef cuisinier pour faire le point, non seulement sur le repas de la journée, mais également sur le plan alimentaire et les commandes à passer ; il en rend compte au chef d'établissement.
Le chef d'établissement est le pilote, à la fois administratif et en termes financiers, de l'établissement, puisqu'il est l'ordonnateur. Il préside son conseil d'administration, il est le représentant de l'état au sein de son établissement, il se doit donc de faire appliquer les orientations nationales et académiques. Il est également, depuis la rénovation du statut des personnels de direction de 2001, le premier pédagogue de l'établissement. L'ensemble de ses rôles lui permet d'agir sur l'éducation à l'alimentation et de porter cette question au sein du CESC et du conseil d'administration, voire de la commission des menus s'il l'a mise en place.
Si, dans les années 1980, il a pu y avoir des périodes de flottement, le temps que tout se mette en place, elles ont été largement dépassées. Par ailleurs, on peut le dire, l'état des collèges et des lycées s'est largement amélioré depuis la loi de décentralisation.
Cependant, et je vous parlais de cette hétérogénéité, tous les collèges et lycées ne vont pas construire un projet collectif d'éducation à alimentation, même si nous l'avons largement recommandé depuis 2015. Nous allons d'ailleurs le relancer dans le cadre de la SNS. Dès le mois de septembre, nous réunirons un groupe de travail qui sera composé du ministère de l'agriculture, de ministère de la santé, de Santé publique France et d'acteurs académiques – IAIPR et professeurs. Dans le cadre de ce vademecum, nous donnerons de grandes orientations et des exemples de fiches projets et de fiches de séances pédagogiques, en nous appuyant sur des expériences qui fonctionnent sur le terrain, de manière à valoriser ces bonnes pratiques. Nous mettons en général un an à élaborer un vademecum.
Je vous remercie, Madame, pour toutes les explications que vous venez de nous donner, malgré parfois la technicité des mots utilisés. Nous pouvons constater que de nombreuses actions sont menées.
Ma question concerne le suivi de toutes ces actions. Des indicateurs ont-ils été mis en place pour évaluer ces actions ? Travaillez-vous avec tous les ministères concernés ?
La question du suivi et de l'évaluation est toujours la question la plus épineuse, puisque nous comptons 68 000 établissements d'enseignement et unités pédagogiques et quantité de thématiques sur lesquelles nous devons assurer ce suivi et cette évaluation. L'enquête CESC a cet objectif. Nous disposons maintenant des résultats, que nous allons traiter au mois d'août. Nous pourrons ainsi voir comment les d'établissements départementaux et académiques se sont emparés de la question de l'éducation à l'alimentation, et avec quels partenaires. La décision de la diffusion de cette enquête ne m'appartient pas, mais, a priori, il ne devrait pas y avoir de difficulté pour la rendre publique.
J'ai découvert, aujourd'hui, le fonctionnement de la démarche engagée par l'Éducation nationale sur cette thématique de la santé alimentaire. Si j'ai bien compris, malgré la complexité des organisations internes de l'Éducation nationale, la dynamique est bien lancée, mais elle est relativement récente – depuis 2015.
Vous avez beaucoup insisté sur la notion de projets collectifs, de travail en transversalité avec les partenaires locaux. Je m'interroge sur une piste qui pourrait être éventuellement suivie par l'Éducation nationale, en relation avec le ministère de la santé, qui consisterait à cibler les quartiers prioritaires, à savoir ceux qui comptent le plus d'enfants en surpoids et ayant des problèmes de diabète, en matière d'éducation alimentaire. Ne serait-il pas nécessaire d'orienter votre stratégie d'abord vers ces quartiers, où se développe une épidémie sanitaire ?
Par ailleurs, ces populations sont particulièrement fragiles et sensibles aux publicités qui poussent à la consommation de sucre, de sel et de matière grasse. L'Éducation nationale ne pourrait-elle pas lancer une démarche éducative afin de contrebalancer l'impact nuisible en matière sanitaire de toutes ces publicités, à l'instar de la sécurité routière ? Nous-mêmes, parlementaires, nous avons du mal à intervenir sur cette question.
Cibler les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) fait bien entendu partie de nos priorités. Il est vrai que, pour l'instant, je n'ai parlé que de prévention primaire et d'éducation à la santé. Nous avons d'autres axes de travail en matière de promotion de la santé, notamment le repérage des troubles de santé et les dépistages – une prévention plutôt secondaire.
Pour cela, deux visites médicales sont obligatoires. La première, aux 6 ans de l'enfant, la seconde, une visite de dépistage, à ses 12 ans, quand les phénomènes pubertaires commencent. Ces deux visites nous permettent de disposer d'indicateurs qui sont récupérés par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DRESS).
La DRESS produit tous les deux ans un document sur l'état de santé de nos élèves, à partir du bilan de la sixième année, en CM2 et en 3e. S'agissant du bilan de santé de la sixième année, nous disposons de deux indicateurs, les dents cariées et l'obésité, qui sont malheureusement très corrélés au niveau socio-économique. Dès la sixième année de l'enfant, nous constatons que les inégalités sociales de santé sont installées, puisque nous avons un taux d'obésité beaucoup plus important chez les enfants de familles d'ouvriers que chez les enfants de familles de cadres.
Nous pensons que beaucoup de choses se jouent même avant les six ans de l'enfant, notamment à cause des habitudes familiales. Nos deux ministres, M. Blanquer et Mme Buzyn, nous ont demandé de travailler sur l'instauration d'un parcours « santé, accueil et éducation » 0-6 ans ; ils l'ont annoncé le 27 novembre dernier par communiqué de presse, et il fera l'objet d'une concertation avec les parties prenantes à la rentrée.
Ce parcours vise à rapprocher les professionnels de santé qui oeuvrent autour du jeune enfant jusqu'à l'âge de 6 ans. La santé commence dès la périnatalité, puisqu'un grand nombre de choses se jouent dans les 1 000 premiers jours de l'enfant. Le mode d'accueil a également un rôle important sur la santé de l'enfant. Vous le savez, dès la rentrée scolaire prochaine, la scolarisation sera obligatoire dès 3 ans.
Ces professionnels de santé sont nombreux : les centres de protection maternelle et infantile (PMI), la santé scolaire, la médecine libérale. Par ailleurs, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 stipule que les enfants de moins de 16 ans doivent désormais avoir un médecin traitant. Tous ces professionnels travaillent trop en silo. Ce projet vise donc à mieux coordonner l'action de ces professionnels autour de l'enfant, pour mieux repérer les difficultés de santé.
Nous disposons de seulement 1 038 équivalents temps plein (ETP) budgétés pour les médecins de l'Éducation nationale ; nous avons donc un déficit de médecins. Un déficit qui n'est pas un problème de moyens, puisque nous disposons d'un budget consacré au recrutement des médecins. Un chantier a été lancé par notre directeur général des ressources humaines (DGRH), depuis deux ans, pour revaloriser le statut et les indemnités des médecins de l'Éducation nationale. Nous pensons par ailleurs développer l'exercice mixte, qui intéresse certains jeunes médecins qui s'installent en libéral.
La visite médicale pour les enfants de 6 ans est bien entendu obligatoire, mais quand il y a une pénurie de médecins dans certains territoires, les enfants des QPV sont prioritaires.
Concernant le marketing, l'Éducation nationale a renforcé ces dernières années, ce qu'on appelle l'éducation aux médias et à l'information (EMI) dans toutes les classes. L'éducation à l'alimentation peut dont être abordée à ce moment-là.
L'instauration de l'EMI est liée aux attentats, avec la mise en place du plan de mobilisation de l'école pour les valeurs de la République. Nous nous étions, en effet, rendu compte que l'une des entrées possibles dans la radicalisation pouvait se faire par les théories du complot. Les experts et les chercheurs indiquent que les contre-discours ne fonctionnent pas, car dès que l'on s'attaque à une nébuleuse, la viralité d'internet est telle, que d'autres théories du complot apparaissent.
L'école, dans le cadre de sa mission émancipatrice à laquelle tous les enseignants et les personnels sont très attachés, vise à développer l'esprit critique, notamment grâce au cours d'éducation aux médias et à l'information, renforcé depuis 2015. L'éducation à l'alimentation peut être abordée dans ce cours, j'ai connu des professeurs d'histoire qui décryptaient les publicités sur l'alimentation, analysaient les composantes du discours, des slogans, des images et expliquaient la politique des groupes qui diffusaient ces publicités.
Par ailleurs, nous avons un opérateur, le réseau CANOPE, qui produit des ressources pédagogiques et éducatives. Il en a produit un certain nombre sur l'EMI. À l'intérieur du réseau CANOPE, se trouve le Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI), qui forme les enseignants dans les académies.
Je pourrais évoquer d'autres sujets, tels que la vaccination, qu'un certain nombre de Français – et non les plus défavorisés – remettent en cause. Nous avons donc des messages, en termes de santé publique, à faire passer. Une mission qui a été renforcée ces dernières années, les réseaux sociaux prenant beaucoup d'importance dans la vie des adolescents ; or nous avons le devoir de contrer certains discours.
Des experts, tels que Gérald Bronner, dans son livre La démocratie des crédules, décryptent ces discours. Nous savons que nous ne devons pas prendre les adolescents qui y adhèrent frontalement, sinon nous renforçons leur croyance aux complots. Et les industries alimentaires et pharmaceutiques sont les industries le plus souvent soupçonnées de complots. C'est la raison pour laquelle nous développons l'esprit critique des enfants, afin qu'ils ne se fassent pas berner par les fausses informations diffusées sur les réseaux sociaux.
Quelle est la force de frappe de ce dispositif ? Existe-t-il depuis longtemps ? Combien d'heures lui sont dédiées ?
On parle de remettre au goût du jour un cours d'instruction civique ; va-t-il entrer dans ce dispositif ? Est-ce une démarche expérimentale ? Ou bien, pardonnez-moi ce terme, une démarche « intello » ? Car cette démarche me semble indispensable, non seulement pour les problématiques alimentaires, mais également en matière de sexualité, du vivre ensemble, de violence ou de radicalisation.
L'éducation aux médias et à l'information existe depuis de nombreuses années. Je me renseignerai auprès de mes collègues en charge du développement de l'EMI et vous transmettrai les informations.
L'éducation à l'alimentation existait bien avant 2015, mais nous l'avons renforcée.
L'EMI est intégrée à l'enseignement moral et civique (EMC), dont les programmes ont été mis en place à la rentrée de 2015 dans tous les établissements scolaires. Je ne me souviens pas précisément du nombre d'heures obligatoires, mais vous trouverez cette information sur le portail Eduscol.
S'agissant de l'instruction civique, en effet, notre ministre a demandé au Conseil supérieur des programmes (CSP) de revoir les programmes d'EMC pour renforcer les aspects d'éducation à la citoyenneté et à l'instruction civique.
S'agissant des contre-publicités, ce n'est pas notre coeur de métiers de produire de tels messages. Vous avez cité la sécurité routière. En matière de santé publique, c'est notre opérateur, Santé publique France, qui élabore ces messages. Je n'en ai pas parlé, mais je peux vous citer, en matière d'éducation à l'alimentation et de promotion de l'activité physique, « J'aime manger, j'aime bouger », pour les élèves de 5e, et « Fourchettes et baskets ». En septembre, nous nous réunirons à nouveau en groupe de travail – Santé publique France, des acteurs académiques et mon bureau – pour travailler sur la rénovation de l'outil « Fourchettes et baskets ». Santé publique France dispose de la force de frappe, avec des spécialistes du marketing social et en communication en santé publique, et nous de l'expertise pédagogique ; ensemble, nous construisons des outils. Mais cet opérateur peut élaborer des campagnes d'information télévisuelles – il l'a déjà fait –, ou sous forme d'affiches. Pour la canicule, par exemple, nous distribuons tous les ans, dans les écoles, des affiches qu'il a élaborées sur les précautions à prendre en cas de forte chaleur.
En matière de sécurité routière, nous travaillons avec la Délégation à la sécurité routière (DSR), qui mène les campagnes – notre rôle est de lui communiquer les outils pédagogiques.
La pédagogie est l'art de la répétition, ce qui a été très bien compris par les publicitaires. Vous avez la responsabilité de convaincre vos collègues des autres ministères sur l'impact délétère de ces publicités. Nous avons du mal à les faire interdire. Et parfois, même les campagnes sont trop légères face à la puissance des publicités.
Le ministère de l'Éducation nationale est-il représenté au sein du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ?
Non, pas à ma connaissance. En 2016, la présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) a mis en place un groupe de travail, composé de 17 représentants ministériels et du CSA, sur la question de l'alcool et du tabac – la loi Evin. La politique du CSA est très intéressante en la matière.
L'audition se termine à onze heures trente-cinq.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 19 juillet 2018 à 9 h 15
Présents. - Mme Michèle Crouzet, Mme Zivka Park, M. Loïc Prud'homme, Mme Nathalie Sarles, Mme Élisabeth Toutut-Picard
Excusés. - M. Julien Aubert, M. Christophe Bouillon, Mme Fannette Charvier, Mme Sandrine Josso, M. Hubert Julien-Laferriere, Mme Bérengère Poletti