Je vous remercie, Monsieur le président.
Je suis ravi de revenir devant votre commission après l'audition d'une délégation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), le 14 juin dernier, conduite par le docteur Gérard Lasfargues, et au cours de laquelle nous avons eu l'occasion de présenter les missions de l'Agence en matière de sécurité sanitaire des aliments, mais aussi d'aborder très rapidement l'Observatoire des aliments (OQALI).
L'Observatoire est piloté conjointement par l'ANSES et l'INRA, c'est donc tout naturellement que nous avons préparé, avec notre collègue de l'INRA, nos interventions liminaires afin de les rendre complémentaires.
Je commencerai, tout d'abord, par les missions et l'organisation de l'OQALI. Puis je vous donnerai quelques données d'évolution de la qualité de l'offre observée. Enfin, Louis-Georges Soler interviendra sur le sujet de la modification de la composition nutritionnelle des aliments, de la reformulation et de ses déterminants.
L'OQALI, créé en 2008, est la section nutritionnelle chargée des questions relatives à l'offre caractéristique des aliments de l'Observatoire de l'alimentation. Il a pour mission d'exercer un suivi global de l'offre alimentaire, via l'information figurant sur les emballages des aliments transformés, présents sur le marché français. Il mesure l'évolution de la qualité nutritionnelle des aliments, à partir de deux principales composantes : la composition nutritionnelle – lipides, glucides, protéines, parfois sel, sucre ou fibres – et les autres informations d'intérêt nutritionnel présentes sur les étiquetages, telles que les allégations nutritionnelles santé, les valeurs nutritionnelles, les ingrédients, dont les additifs, et les labels.
Les indicateurs de suivi de la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire élaborés par l'OQAli sont fondés sur les données présentes sur les emballages des produits transformés. Ils intègrent les volumes de vente des produits. L'OQALI acquiert, chaque année, les données des parts de marché des produits auprès du panel privé Kantar Worldpanel, afin de couvrir une large part de l'offre alimentaire. Soixante milles produits sont actuellement couverts par l'OQALI. Par ailleurs, nous assurons la représentativité des indicateurs, du fait de notre connaissance de ces parts de marché.
L'OQALI répond à différentes questions. Quel est le potentiel d'amélioration de la qualité nutritionnelle des aliments ? Pour ce faire, nous analysons les différences de composition entre les meilleurs produits et les moins bons du point de vue nutritionnel. Y a-t-il de plus en plus de sucre, de sel ou de matières grasses dans les aliments transformés vendus en France ? Quels sont les groupes d'aliments transformés dont la teneur en graisses saturées diminue ? Quel est l'impact des chartes signées par les professionnels avec les pouvoirs publics, dans le cadre du PNNS ou du Programme national pour l'alimentation (PNA) ?
L'OQALI a également pour mission de suivre le dispositif d'étiquetage nutritionnel simplifié volontaire, le Nutri-Score, depuis mars 2018.
Le fonctionnement de l'OQALI se fait par des études sectorielles – environ six études sont publiées chaque année –, pour analyser à un niveau fin, secteur par secteur, des évolutions de la qualité de l'offre. Les dernières études, qui ont été publiées en juin, après notre audition, portaient sur les plats cuisinés surgelés, les plats cuisinés frais et sur les sauces et condiments.
Par ailleurs, nous réalisons des études transversales, qui sont réparties selon les compétences des équipes. L'équipe de l'INRA, qui dispose de compétences en sciences humaines et sociales, réalise des études sur le comportement des acteurs – les industriels et les consommateurs –, en prenant en compte les parts de marché et les prix des produits.
L'équipe de l'ANSES, qui a plutôt des compétences en surveillance épidémiologie et d'évaluation des risques, analyse les listes d'ingrédients – matières grasses, additifs, allergènes –, et évalue les impacts des évolutions de composition de l'offre sur les apports nutritionnels, donc sur l'équilibre nutritionnel de la population.
La gouvernance de l'OQALI est composée, d'un comité de pilotage interministériel, avec les ministères de la santé, de la consommation et de l'agriculture, qui se réunit deux fois par an et qui valide le programme de travail ; d'un comité d'orientation dans lequel sont représentées les parties prenantes – associations de consommateurs, Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Ce comité est informé des travaux et peut proposer de nouvelles orientations. Enfin, de groupes de travail sectoriels qui réunissent les principaux acteurs interprofessions, qui valident les nomenclatures et facilitent la collecte des données.
Toutes les études de l'OQALI, ainsi que les données ayant servi à leurs réalisations, sont publiées sur son site internet. Les données ont été auparavant rendues anonymes. Ces études sont également présentées aux groupes de travail sectoriels et font l'objet de présentations régulières aux parties prenantes et à la communauté scientifique lors de colloques, au Conseil national de l'alimentation (CNA), au niveau européen, et devant le High Level Group on Nutrition and Physical Activity de la Commission européenne. Les rapports d'activité portent, quant à eux, davantage sur son fonctionnement, et sont adressés aux ministères. Par ailleurs, nous avons publié une dizaine d'articles scientifiques.
S'agissant de l'évolution de la qualité de l'offre alimentaire réellement observée en France, un premier bilan a pu être réalisé en 2007 pour douze secteurs, regroupant près de 14 000 produits – les biscuits, les gâteaux industriels, les chips, les charcuteries… Les secteurs ont été étudiés, une première fois avant 2010, et une seconde fois de 2010 à 2013.
Dans un contexte marqué par un renouvellement très important des produits, ce bilan fait le constat que le nombre d'informations nutritionnelles disponibles pour les consommateurs est en augmentation, grâce notamment à l'étiquetage nutritionnel, qui est devenu obligatoire, mais surtout grâce aux informations facultatives, telles que les repères nutritionnels. Les portions indiquées sont également en augmentation – soit plus d'informations sur la qualité nutritionnelle des produits sur les emballages. On observe, par ailleurs, une diminution des allégations de santé et une stabilité des allégations nutritionnelles.
Concernant le Nutri-Score, un premier point d'étape sera réalisé pour octobre prochain. L'existence d'un premier état des lieux sur la qualité nutritionnelle des aliments, établi grâce aux études réalisées dans le cadre de l'OQALI, avant la mise en place du Nutri-Score, permettra d'évaluer son impact sur la formulation et la qualité nutritionnelle des aliments.
Quelques évolutions ont été mises en évidence. En matière de composition nutritionnelle, l'étude montre des évolutions qui sont, tantôt à la baisse, tantôt à la hausse, pour les différentes familles d'aliments étudiés. Il n'y a pas de tendance globale à l'amélioration ou à la détérioration de la composition nutritionnelle des aliments transformés.
Il est à noter une évolution significative de la composition nutritionnelle pour moins de 30 % des familles considérées. L'impact de ces évolutions, pondérées par les parts de marché, sur les apports nutritionnels, apparaît plutôt à la baisse pour les sucres, les protéines, le sel et les acides gras saturés, mais reste d'ampleur modeste, de l'ordre de 1 % d'apport en moins – sur deux ou trois ans de suivi, une période relativement courte. Elles apparaissent en revanche à la hausse, s'agissant des lipides, avec une évolution comprise entre 1% et 3 % d'augmentation selon les populations concernées. Quelques évolutions à la hausse pour les fibres sont également à noter.
Les principales évolutions positives constatées proviennent de démarches collectives, dans le cadre de chartes d'engagement volontaire de progrès nutritionnel, d'accords collectifs ou d'initiatives collectives. Par exemple, la baisse des acides gras saturés que l'on a constatée dans les chips et les frites est liée au remplacement de l'huile de palme, qui était utilisée pour la cuisson, par de l'huile de tournesol – insaturée. Ces premières données d'évolution seront complétées en 2019-2020 pour la quasi-totalité des secteurs.
Par ailleurs, les listes d'ingrédients sont analysées par l'OQALI. Ces analyses permettent de fournir des données très importantes sur les fréquentes utilisations des ingrédients, sur les allergènes et les matières grasses. Nous avons réalisé une étude sur le dioxyde de titane, qui a été intégrée à une étude sur l'évaluation des risques de l'Agence. Par ailleurs, une étude sur la fréquence d'utilisation des additifs et de matières sucrantes, et leurs évolutions, est en cours et sera publiée début 2019.
Il importe aussi de comparer la qualité nutritionnelle de l'offre en France à celle des autres pays européens. L'OQALI est leader en Europe sur ce sujet. Le High Level Group on Nutrition and Physical Activity de la Commission européenne considère, dans un avis officiel, l'OQALI comme le standard à privilégier pour la mise en place d'une surveillance de la qualité nutritionnelle des aliments au niveau international.
L'ANSES a coordonné, avec l'INRA, l'Action conjointe européenne sur la nutrition et l'activité physique – Joint Action on Nutrition and Physical Activity (JANPA) – qui comportait un volet sur la qualité nutritionnelle des aliments. Les principaux enseignements qui ont été tirés de ce projet sont les suivants : la nature de l'offre alimentaire est spécifique à chaque pays – très peu de références de produits sont communes aux pays ; il existe des différences de composition nutritionnelle entre les pays, au sein de familles de produits homogènes et comparables. Nous avons, par exemple, mené une étude pilote de tests en Autriche, en France et en Roumanie pour les boissons sucrées et les céréales de petit-déjeuner – l'objectif était de suivre les sucres. L'OQALI a ainsi pu observer qu'en Roumanie les sodas sont plus sucrés que ceux vendus en France et en Autriche. En revanche, les céréales chocolatées ou fourrées sont plus sucrées en France qu'en Autriche.
Les différences étant marquantes, il est important de mettre en place ce suivi au niveau européen, avec une méthodologie commune.
Un suivi de l'action conjointe JANPA est en cours de lancement. La direction générale de la santé (DGS) a lancé un appel d'offres. Un tel suivi permettra de comparer une vingtaine de catégories d'aliments – leurs compositions nutritionnelles – provenant de quinze pays.