La séance est ouverte à dix heures trente-cinq.
Nous recevons à présent M. Jean-Luc Volatier, adjoint au directeur des risques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), de M. Louis-Georges Soler, directeur de l'unité de recherches « Alimentation et sciences sociales » de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), et de Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles de l'ANSES.
Nous connaissons bien ces trois intervenants que nous avons reçus au titre des délégations de leur organisme respectif, dans le cadre d'auditions antérieures. Mais cette fois, c'est en tant que représentants de l'Observatoire de la qualité des aliments (OQALI) que nous les entendons.
L'OQALI a été créé en 2008, par les ministères en charge de l'agriculture, de la santé et de la consommation, à la suite d'une proposition qui figurait au deuxième programme national nutrition et santé (PNNS 2). Son pilotage opérationnel est assuré de façon conjointe par l'ANSES et l'INRA.
L'OQALI est l'un élément d'un ensemble plus large, l'Observatoire de l'alimentation, créé par la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, dont il est la « section nutritionnelle » chargée des questions relatives à l'offre et aux caractéristiques des aliments.
À ce titre, l'OQALI collecte une multitude de datas sur la composition nutritionnelle et les paramètres d'étiquetage. Une base de données a ainsi été constituée afin de suivre l'évolution, dans le temps, des références présentes sur le marché français.
Une question s'impose naturellement : à quoi sert cette base de données, dont on imagine qu'elle grossit, année après année ? Est-elle utilisée pour la définition du nouveau PNNS ou par la recherche, afin de mener des études sectorielles ? Le cas échéant, pourriez-vous nous donner des exemples ? Cette base est-elle suffisamment utilisée par les pouvoirs publics ?
D'ailleurs, avec cette base de données, peut-on disposer, par familles de produits, des fréquences et degrés d'utilisation de chaque additif, des différents arômes de synthèse ou encore d'un certain nombre d'ingrédients parmi les plus répandus ?
Des caractéristiques propres à l'alimentation industrielle ultra-transformée transparaissent-elles clairement de la base de données de l'OQALI ?
Madame, messieurs, nous allons vous écouter au titre d'un exposé liminaire de 20 minutes. Puis nous engagerons un échange avec, d'abord, les questions posées par ma collègue Michèle Crouzet, en sa qualité de rapporteure de la commission d'enquête.
Je vous informe que cette audition est ouverte à la presse.
Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, les personnes entendues déposent sous serment. Je vous demande donc de prêter serment.
MM. Jean-Luc Volatier et Louis-Georges Soler prêtent serment
Je vous remercie, Monsieur le président.
Je suis ravi de revenir devant votre commission après l'audition d'une délégation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), le 14 juin dernier, conduite par le docteur Gérard Lasfargues, et au cours de laquelle nous avons eu l'occasion de présenter les missions de l'Agence en matière de sécurité sanitaire des aliments, mais aussi d'aborder très rapidement l'Observatoire des aliments (OQALI).
L'Observatoire est piloté conjointement par l'ANSES et l'INRA, c'est donc tout naturellement que nous avons préparé, avec notre collègue de l'INRA, nos interventions liminaires afin de les rendre complémentaires.
Je commencerai, tout d'abord, par les missions et l'organisation de l'OQALI. Puis je vous donnerai quelques données d'évolution de la qualité de l'offre observée. Enfin, Louis-Georges Soler interviendra sur le sujet de la modification de la composition nutritionnelle des aliments, de la reformulation et de ses déterminants.
L'OQALI, créé en 2008, est la section nutritionnelle chargée des questions relatives à l'offre caractéristique des aliments de l'Observatoire de l'alimentation. Il a pour mission d'exercer un suivi global de l'offre alimentaire, via l'information figurant sur les emballages des aliments transformés, présents sur le marché français. Il mesure l'évolution de la qualité nutritionnelle des aliments, à partir de deux principales composantes : la composition nutritionnelle – lipides, glucides, protéines, parfois sel, sucre ou fibres – et les autres informations d'intérêt nutritionnel présentes sur les étiquetages, telles que les allégations nutritionnelles santé, les valeurs nutritionnelles, les ingrédients, dont les additifs, et les labels.
Les indicateurs de suivi de la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire élaborés par l'OQAli sont fondés sur les données présentes sur les emballages des produits transformés. Ils intègrent les volumes de vente des produits. L'OQALI acquiert, chaque année, les données des parts de marché des produits auprès du panel privé Kantar Worldpanel, afin de couvrir une large part de l'offre alimentaire. Soixante milles produits sont actuellement couverts par l'OQALI. Par ailleurs, nous assurons la représentativité des indicateurs, du fait de notre connaissance de ces parts de marché.
L'OQALI répond à différentes questions. Quel est le potentiel d'amélioration de la qualité nutritionnelle des aliments ? Pour ce faire, nous analysons les différences de composition entre les meilleurs produits et les moins bons du point de vue nutritionnel. Y a-t-il de plus en plus de sucre, de sel ou de matières grasses dans les aliments transformés vendus en France ? Quels sont les groupes d'aliments transformés dont la teneur en graisses saturées diminue ? Quel est l'impact des chartes signées par les professionnels avec les pouvoirs publics, dans le cadre du PNNS ou du Programme national pour l'alimentation (PNA) ?
L'OQALI a également pour mission de suivre le dispositif d'étiquetage nutritionnel simplifié volontaire, le Nutri-Score, depuis mars 2018.
Le fonctionnement de l'OQALI se fait par des études sectorielles – environ six études sont publiées chaque année –, pour analyser à un niveau fin, secteur par secteur, des évolutions de la qualité de l'offre. Les dernières études, qui ont été publiées en juin, après notre audition, portaient sur les plats cuisinés surgelés, les plats cuisinés frais et sur les sauces et condiments.
Par ailleurs, nous réalisons des études transversales, qui sont réparties selon les compétences des équipes. L'équipe de l'INRA, qui dispose de compétences en sciences humaines et sociales, réalise des études sur le comportement des acteurs – les industriels et les consommateurs –, en prenant en compte les parts de marché et les prix des produits.
L'équipe de l'ANSES, qui a plutôt des compétences en surveillance épidémiologie et d'évaluation des risques, analyse les listes d'ingrédients – matières grasses, additifs, allergènes –, et évalue les impacts des évolutions de composition de l'offre sur les apports nutritionnels, donc sur l'équilibre nutritionnel de la population.
La gouvernance de l'OQALI est composée, d'un comité de pilotage interministériel, avec les ministères de la santé, de la consommation et de l'agriculture, qui se réunit deux fois par an et qui valide le programme de travail ; d'un comité d'orientation dans lequel sont représentées les parties prenantes – associations de consommateurs, Association nationale des industries alimentaires (ANIA) et Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Ce comité est informé des travaux et peut proposer de nouvelles orientations. Enfin, de groupes de travail sectoriels qui réunissent les principaux acteurs interprofessions, qui valident les nomenclatures et facilitent la collecte des données.
Toutes les études de l'OQALI, ainsi que les données ayant servi à leurs réalisations, sont publiées sur son site internet. Les données ont été auparavant rendues anonymes. Ces études sont également présentées aux groupes de travail sectoriels et font l'objet de présentations régulières aux parties prenantes et à la communauté scientifique lors de colloques, au Conseil national de l'alimentation (CNA), au niveau européen, et devant le High Level Group on Nutrition and Physical Activity de la Commission européenne. Les rapports d'activité portent, quant à eux, davantage sur son fonctionnement, et sont adressés aux ministères. Par ailleurs, nous avons publié une dizaine d'articles scientifiques.
S'agissant de l'évolution de la qualité de l'offre alimentaire réellement observée en France, un premier bilan a pu être réalisé en 2007 pour douze secteurs, regroupant près de 14 000 produits – les biscuits, les gâteaux industriels, les chips, les charcuteries… Les secteurs ont été étudiés, une première fois avant 2010, et une seconde fois de 2010 à 2013.
Dans un contexte marqué par un renouvellement très important des produits, ce bilan fait le constat que le nombre d'informations nutritionnelles disponibles pour les consommateurs est en augmentation, grâce notamment à l'étiquetage nutritionnel, qui est devenu obligatoire, mais surtout grâce aux informations facultatives, telles que les repères nutritionnels. Les portions indiquées sont également en augmentation – soit plus d'informations sur la qualité nutritionnelle des produits sur les emballages. On observe, par ailleurs, une diminution des allégations de santé et une stabilité des allégations nutritionnelles.
Concernant le Nutri-Score, un premier point d'étape sera réalisé pour octobre prochain. L'existence d'un premier état des lieux sur la qualité nutritionnelle des aliments, établi grâce aux études réalisées dans le cadre de l'OQALI, avant la mise en place du Nutri-Score, permettra d'évaluer son impact sur la formulation et la qualité nutritionnelle des aliments.
Quelques évolutions ont été mises en évidence. En matière de composition nutritionnelle, l'étude montre des évolutions qui sont, tantôt à la baisse, tantôt à la hausse, pour les différentes familles d'aliments étudiés. Il n'y a pas de tendance globale à l'amélioration ou à la détérioration de la composition nutritionnelle des aliments transformés.
Il est à noter une évolution significative de la composition nutritionnelle pour moins de 30 % des familles considérées. L'impact de ces évolutions, pondérées par les parts de marché, sur les apports nutritionnels, apparaît plutôt à la baisse pour les sucres, les protéines, le sel et les acides gras saturés, mais reste d'ampleur modeste, de l'ordre de 1 % d'apport en moins – sur deux ou trois ans de suivi, une période relativement courte. Elles apparaissent en revanche à la hausse, s'agissant des lipides, avec une évolution comprise entre 1% et 3 % d'augmentation selon les populations concernées. Quelques évolutions à la hausse pour les fibres sont également à noter.
Les principales évolutions positives constatées proviennent de démarches collectives, dans le cadre de chartes d'engagement volontaire de progrès nutritionnel, d'accords collectifs ou d'initiatives collectives. Par exemple, la baisse des acides gras saturés que l'on a constatée dans les chips et les frites est liée au remplacement de l'huile de palme, qui était utilisée pour la cuisson, par de l'huile de tournesol – insaturée. Ces premières données d'évolution seront complétées en 2019-2020 pour la quasi-totalité des secteurs.
Par ailleurs, les listes d'ingrédients sont analysées par l'OQALI. Ces analyses permettent de fournir des données très importantes sur les fréquentes utilisations des ingrédients, sur les allergènes et les matières grasses. Nous avons réalisé une étude sur le dioxyde de titane, qui a été intégrée à une étude sur l'évaluation des risques de l'Agence. Par ailleurs, une étude sur la fréquence d'utilisation des additifs et de matières sucrantes, et leurs évolutions, est en cours et sera publiée début 2019.
Il importe aussi de comparer la qualité nutritionnelle de l'offre en France à celle des autres pays européens. L'OQALI est leader en Europe sur ce sujet. Le High Level Group on Nutrition and Physical Activity de la Commission européenne considère, dans un avis officiel, l'OQALI comme le standard à privilégier pour la mise en place d'une surveillance de la qualité nutritionnelle des aliments au niveau international.
L'ANSES a coordonné, avec l'INRA, l'Action conjointe européenne sur la nutrition et l'activité physique – Joint Action on Nutrition and Physical Activity (JANPA) – qui comportait un volet sur la qualité nutritionnelle des aliments. Les principaux enseignements qui ont été tirés de ce projet sont les suivants : la nature de l'offre alimentaire est spécifique à chaque pays – très peu de références de produits sont communes aux pays ; il existe des différences de composition nutritionnelle entre les pays, au sein de familles de produits homogènes et comparables. Nous avons, par exemple, mené une étude pilote de tests en Autriche, en France et en Roumanie pour les boissons sucrées et les céréales de petit-déjeuner – l'objectif était de suivre les sucres. L'OQALI a ainsi pu observer qu'en Roumanie les sodas sont plus sucrés que ceux vendus en France et en Autriche. En revanche, les céréales chocolatées ou fourrées sont plus sucrées en France qu'en Autriche.
Les différences étant marquantes, il est important de mettre en place ce suivi au niveau européen, avec une méthodologie commune.
Un suivi de l'action conjointe JANPA est en cours de lancement. La direction générale de la santé (DGS) a lancé un appel d'offres. Un tel suivi permettra de comparer une vingtaine de catégories d'aliments – leurs compositions nutritionnelles – provenant de quinze pays.
Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation.
Le rôle de l'OQALI est, avant tout, un rôle d'appui aux politiques publiques. Dans cette perspective, il a pour mission de mettre à plat et d'objectiver les caractéristiques des produits disponibles sur le marché et leurs évolutions.
À travers nos études, nous tentons de relier ces caractéristiques aux prix. Par ailleurs, nous essayons de déterminer dans quelle mesure l'évolution de l'offre alimentaire et de ses caractéristiques nutritionnelles peut contribuer à faire une part du chemin : celui qui sépare les consommations alimentaires des recommandations nutritionnelles.
Depuis le début de nos investigations, dans de nombeuses familles de produits, on observe une très forte variabilité des teneurs en sucre, en sel, etc., pouvant aller du simple au double – ce qui veut dire que des marges de manoeuvre existent. Des ajustements sont possibles, notamment par l'amélioration des produits de référence les moins bien placés du point de vue nutritionnel.
Nos travaux ont pour mission de déterminer les marges de manoeuvre possibles, pour, par exemple, les 25 % de produits de référence les moins bien placés en teneurs en sel, en sucre ou en matières grasses. Même si un réajustement des teneurs ne suffira pas aux consommateurs pour atteindre les recommandations en matière nutritionnelle, la reformulation – la réduction de sel, de sucre, de gras – permettra de faire un bout du chemin. Dans cette perspective, l'action de l'offre alimentaire peut donc avoir un effet positif.
Les évolutions de ces dix dernières années restant relativement modestes, forcément quelque chose bloque. Mais quoi ? Il y a plusieurs éléments de réponse, mais j'évoquerai directement le plus important : il n'y a pas d'incitation économique du marché à la reformulaition des produits, les consommateurs n'étant pas demandeurs. Ce qui reste majeur, dans le choix des consommateurs, outre le prix, est la dimension sensorielle, la dimension nutritionnelle ne venant qu'en deuxième, voire troisième position.
L'OQALI travaille sur deux axes. Le premier sont les chartes de progrès nutritionnel. Les pouvoirs publics ont incité les entreprises à prendre des engagements à travers ces chartes, de réduction de la teneur en sel, en sucre et en matières grasses. Une quarantaine d'accords ont été signés via le PNNS ou le PNA au cours des dernières années, par des entreprises individuelles et des secteurs industriels.
Les impacts de ces chartes dépendent de deux paramètres : le degré d'engagement et les parts de marché couvertes par l'engagement – 5 % ou 80 % ?
Après l'analyse de ces deux paramètres, nous pouvons dire, d'abord, que l'engagement des entreprises qui se sont engagées est significatif. Ensuite, que les parts de marché couvertes restent trop faibles pour que les impacts sur les consommateurs soient significatifs. Par exemple, les réductions de sel, de sucre ou de gras ne représentent en fin de compte qu'un gain de 10 calories par jour pour le consommateur, soit un impact insuffisant en termes de santé publique.
Non, ce ne sont pas forcément des produits de niche. Ces réductions sont réalisées par des entreprises qui étaient prêtes à s'engager. Soit parce qu'elles étaient très mal placées par rapport à la moyenne du marché, et qu'elles appliquent une politique de rattrapage, soit parce qu'elles avaient prévu cette réduction dans une démarche responsable. Il s'agit de produits de leur portefeuille qui ne sont pas forcément présents sur l'ensemble du marché.
L'OQALi joue un rôle de tierce partie dans le suivi des chartes collectives, pour en mesurer la conformité aux engagements initiaux, et évaluer l'impact de l'ensemble des chartes sur l'offre alimentaire et, in fine, et sur les consommateurs.
La même problématique va se dessiner autour du Nutri-Score. Le travail de l'OQALI consistera à décrire son niveau d'adoption par les entreprises, sa propagation, ou pas, sur l'ensemble de l'offre alimentaire. Par ailleurs, dans quelle mesure le Nutri-Score affectera, ou pas, la qualité des produits et les prix ?
Prenons un produit mal classé d'une entreprise – couleur rouge, par exemple. Nous aurons à mesurer si l'entreprise a une bonne raison de modifier les caractéristiques du produit, de manière à changer sa note. Elle devra arbitrer entre le coût qu'elle aura à supporter pour passer à la note supérieure et le gain susceptible d'être réalisé, notamment par rapport à la disposition des consommateurs à payer la qualité. Si le saut est trop important, le risque sera une baisse du prix – à défaut de reformuler le produit – pour garder les consommateurs. Si elle considère que le saut est faisable, elle reformulera le produit pour en améliorer la qualité.
Il s'agit de mécanismes assez complexes, que nous devrons quantifier. Ce sont les données collectées par l'OQALI qui nous permettront de les mesurer.
Vous êtes les seuls à réaliser ce travail d'observation et de collecte des données.
Vous nous dites réaliser six études sectorielles par an, les dernières venant d'être publiées. Sachez que nous ne les avons pas trouvées sur le site de l'OQALI, la dernière remontant à 2016. Je me permets de vous le signaler, car il nous semble important qu'elles soient accessibles à tous. Ce sont des outils importants, et tout le monde aura à coeur de scruter vos études sur le Nutri-Score – nous les premiers. Nous aurons besoin de vos résultats dès qu'ils seront disponibles. Les entreprises sont aujourd'hui dans une démarche volontaire et vont pouvoir mesurer leurs bénéfices commerciaux. De la même façon, nous n'avons pas trouvé votre dernier rapport d'activité. Or nous avons vraiment besoin d'accéder à toutes ces données, il serait donc souhaitable que votre site soit actualisé.
Je souhaiterais maintenant revenir sur les impacts très minimes que vous avez relevés malgré la reformulation de certains produits – vous avez indiqué une baisse de 1 %. Pouvez-vous revenir sur les mécanismes qui ont conduit à cet échec ?
Nous avons reçu, hier, la Fédération française des diabétiques (FFD) qui nous a dit que, parfois, la baisse de sucre s'accompagnait par un ajout de gras dans les produits. Je ne sais pas si vous avez observé cette substitution, qui en traîne une augmentation des lipides, mais elle est très inquiétante.
Avez-vous une analyse sur ce manque d'engagement à travers les chartes ? L'engagement volontaire ne nous semble pas être la bonne solution.
L'ergonomie du site internet de l'OQALI doit sans doute être améliorée, puisque les trois dernières études publiées en juillet ont bien été mises en ligne. Peut-être se trouvent-elles à la fin de la liste des études sectorielles. Mais si vous ne les avez pas trouvées, c'est qu'il y a un petit problème d'ergonomie. Mais toutes les études s'y trouvent, je l'ai encore vérifié ce matin.
Pourquoi ces évolutions globales sont-elles assez faibles ? C'est souvent parce qu'elles ne sont présentes que sur une minorité de produits. Lors de notre étude sur l'évolution globale de la composition nutritionnelle, on s'est aperçu que, s'il y avait des évolutions quant à la baisse de sucre dans les sodas et les boissons sucrées, elles variaient entre moins 3 et moins 15 %, selon les familles de boissons.
Nous avons également noté des évolutions à la hausse, s'agissant du taux de sucre, notamment dans des biscuits ou dans la famille du chocolat, qui viennent compenser ces baisses.
Concernant les lipides, les évolutions sont en nombre limité. Certaines sont à la hausse – biscuits et gâteaux industriels ou chips – et d'autres à la baisse, notamment au sein d'une famille de céréales pour petit-déjeuner. Il n'y a aucune tendance transversale à tous les secteurs pour les nutriments, ou globale pour les lipides.
Dans les trois études sectorielles que nous venons de publier sur les plats transformés, nous avons effectivement constaté des augmentations de lipides.
Concernant les acides gras saturés, les évolutions sont en nombre limité. Si certaines allaient dans le sens des recommandations nutritionnelles, d'autres, à l'inverse, allaient à l'encontre des recommandations nutritionnelles. La famille des chips, des biscottes et des brioches se démarque des autres secteurs, avec des évolutions significatives qui vont toutes dans le sens d'une amélioration de l'offre, avec l'utilisation de matières grasses insaturées, comme l'huile de tournesol.
Dans la famille des chips, les diminutions étaient parfois importantes. Par exemple, pour les chips à l'ancienne, moins 7,5 grammes pour 100 grammes de baisse d'acides gras saturés, soit moins 70 %. Pour les chips classiques, la baisse est de 60 %.
Des évolutions ponctuelles peuvent donc être très importantes. Le problème est qu'elles sont noyées dans un ensemble qui, lui, est assez inerte ; nous avons également constaté des effets compensatoires.
Pour le sel, les évolutions des teneurs moyennes sont en nombre limité. Elles étaient principalement à la baisse pour les céréales de petit-déjeuner, pour certaines familles de charcuterie et pour les chips.
L'une des difficultés à l'heure actuelle, est qu'il n'existe pas de mécanisme incitatif pour que les mieux-disants, ceux qui font évoluer leur offre, soient suivis par les autres industriels. Seuls quelques acteurs modifient et améliorent la qualité nutritionnelle de leurs produits.
Des études récentes démontrent même une augmentation des teneurs en lipides, sans doute liée à des formulations qui visent à rendre plus goûteux certains aliments – pour la dimension plaisir.
S'agissant du sel, les études les plus récentes démontrent plutôt une baisse des teneurs en sel ; il est plus facile de réduire le sel que les matières grasses.
Collecter et vérifier les donner demande du temps. C'est la raison pour laquelle, il y a toujours un décalage entre le moment où l'on collecte les données et celui où les études sont publiées sur le site.
Alors quels sont les mécanismes qui bloquent les évolutions ? Dans le secteur des boissons sucrées, une étude de l'OQALI, portant sur la période 2009-2012, a consisté à définir quelle avait été la contribution respective des changements en termes de qualité des produits et de changements des comportements des consommateurs. Comment la qualité du panier du consommateur, en boissons sucrées, a-t-elle évolué entre ces deux dates ? Quelle a été la part de l'offre, d'un côté, et celle du consommateur, de l'autre ?
Nous avons observé des baisses de teneurs en sucre de ces boissons, de l'ordre de 2 % à 3 %, mais les consommateurs se sont déplacés d'une catégorie de produits à une autre. Et ces déplacements ont compensé les effets de la reformulation.
Les industriels hésitent à reformuler leurs produits, dès lors qu'ils risquent de perdre des consommateurs.
Effectivement, le goût du consommateur est tellement formaté, qu'il se détourne du produit pour aller vers un autre produit plus sucré, plus salé ou plus gras. Il s'agit de la limite des engagements volontaires ; d'où la nécessité d'un engagement commun.
L'OQALI a-t-il un pouvoir de recommandation ?
Non, l'OQALI a pour mission de décrire les phénomènes observés et d'apporter des informations les plus robustes et les plus fiables possibles à l'ensemble des opérateurs, et en particulier aux pouvoirs publics.
Nous pouvons aller au-delà, par exemple en dégageant des prévisions en cas de reformulation de tel ou tel produit.
Oui, nous l'avons déjà fait. Nous nous sommes demandés, dans le cas où toutes les entreprises d'un secteur adoptaient un standard de qualité, et en supposant que les consommateurs ne changent pas leur consommation, quel effet cela aurait sur les consommations de sel, de sucre et autres. Et, in fine, quels seraient les effets bénéfiques, en termes de santé publique.
Si nous procédions à un tel scénario, nous risquerions d'induire, soit des modifications de prix – par la modification des coûts de production –, soit des modifications de comportement des consommateurs.
Il nous faudrait intégrer l'ensemble de ces éléments pour effectuer une projection, la plus fine possible. La recherche commence à développer des outils pour mesurer ce type de scénario, mais une telle étude serait en dehors des missions directes de l'OQALI.
L'OQALI étant un observatoire, il ne fait pas de recommandations. En revanche, ses données sont mises à disposition des autres organismes qui, eux, peuvent en réaliser – notamment l'INRA ou l'ANSES, dans le cadre d'expertises collectives.
En 2013, par exemple, l'ANSES a travaillé sur la question des apports en sel dans les aliments, via son comité d'experts en nutrition. S'appuyant sur les données de l'OQALI, elle a formulé une recommandation en faveur d'une mesure réglementaire, sur certaines catégories d'aliments, en matière de teneur maximale en sel. Cette recommandation tenait compte des difficultés liées à l'hétérogénéité de la composition en sel dans les aliments et des expériences menées à l'international.
Les Pays-Bas, par exemple, ont défini une norme de teneur maximale en sel pour le pain, ce qui a permis de réduire fortement les apports en sel provenant du pain. En France, il est très difficile aujourd'hui pour un boulanger de prendre une telle décision s'il est le seul à le faire.
Je vous remercie pour toutes vos explications extrêmement intéressantes.
Effectivement, les industriels qui font l'effort de reformuler leurs produits se sentent pénalisés, nous devons donc les accompagner, notamment en faisant en sorte que tout le monde joue le jeu.
Nous étions à Bruxelles lundi dernier, et le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) nous a indiqué que le règlement européen du 20 décembre 2006 visant à définir des profils alimentaires n'avait toujours pas été mis en oeuvre. Ce règlement prévoit que, si le profil alimentaire est bon, l'industriel peut ajouter des allégations – moins sucré, mon salé ou moins gras –, sinon il n'est pas autorisé à le faire.
L'OQALI peut-il définir un profil nutritionnel sur les aliments qu'ils vérifient ? Par ailleurs, pouvez-vous nous aiguiller sur la définition d'un produit ultra-transformé ?
Les données que vous collectez vous permettent-elles de quantifier les teneurs en additifs et ainsi de vérifier les « effets cocktail » qu'ils pourraient engendrer ? Comment savoir si les industriels utilisent la dose réglementaire ou s'ils sont largement au-dessus ?
Le règlement européen sur la législation alimentaire générale (LAG) a été renforcé ; aujourd'hui, il y a une certaine transparence des études scientifiques qui servent de fondement aux évaluations des risques. Dorénavant, toutes les études doivent être citées, ce qui vous permettra peut-être d'alimenter votre base. Ce règlement LAG est-il un bon outil pour alimenter votre base de données ?
L'Autorité européenne de sécurité des aliments – European Food Safety Authority (EFSA) – a mis au point le modèle d'absorption des additifs alimentaires FAIM – acronyme de Food Additives Intake Model – qui permet de mesurer l'exposition aux additifs alimentaires ; qu'en pensez-vous ? Faut-il durcir la législation ? Sachant qu'il conviendra de le faire très progressivement, les consommateurs étant habitués aux aliments trop sucrés, trop salés et trop gras.
Nous avons rencontré hier un diabétologue qui nous expliquait répondre, aux industriels qui souhaitaient avoir des conseils sur les aliments interdits aux diabétiques, afin de leur en produire des spécifiques, qu'il préférait que les ingrédients utilisés soient étiquetés sur les produits, une personne diabétique sachant s'en débrouiller. Qu'en pensez-vous ?
En 2006, l'ANSES a réalisé une étude sur les profils nutritionnels et formulé des propositions. Cela n'a rien donné, car aucun accord n'a été trouvé au niveau européen.
La définition de profil nutritionnel des aliments ne relève pas de l'OQALI. D'ailleurs, le Nutri-Score n'a pas été construit en réponse à la réglementation relative aux allégations nutritionnelles et de santé, ; il vise à informer le consommateur et, éventuellement, à inciter les industriels à reformuler les aliments.
Le score de Rayner, un système à peu près équivalent au Nutri-Score, qui était disponible à une certaine époque, faisait partie des systèmes discutés au niveau européen pour, justement, régler la question des allégations nutritionnelles et de santé.
En revanche, l'OQALI peut tester – et nous l'avons fait dans le cadre du Nutri-Score – différents systèmes. En effet, notre base de données contenant l'ensemble des aliments transformés vendus sur le marché français, nous pouvons déterminer les impacts et les cotations des différents aliments pour définir si elles sont cohérentes avec les recommandations des nutritionnistes.
L'ANSES a mené une étude comparative des différents systèmes existants. L'OQALI pourrait, lui, tester les différents systèmes de profilage nutritionnel des aliments.
L'OQALI dispose de la liste de tous les ingrédients, et donc des additifs. Nous nous intéressons aussi aux matériaux en contact des denrées alimentaires, dans le cadre de la sécurité sanitaire, s'agissant de la transformation des aliments.
Concernant les produits ultra-transformés, nous en sommes toujours au stade de la recherche. Suite à la publication de l'étude NutriNet, l'an dernier, nous avons pris contact avec les équipes du professeur Serge Hercberg et de la docteure Mathilde Touvier pour leur proposer d'accéder aux données de l'OQALI, et ainsi aller plus loin dans leurs recherches épidémiologiques.
Il serait en effet intéressant, quand une association est faite avec les cancers, de savoir si elle est liée aux additifs. Nous sommes en pourparlers avec eux. Nous trouvons important que des bases comme celle de l'OQALI puissent être utilisées par les chercheurs et par toutes les cohortes épidémiologiques, et non uniquement par NutriNet.
J'en parlais la semaine dernière avec Marie-Christine Boutron-Ruault, qui gère l'étude épidémiologique E3NE4N auprès des femmes affiliées à la Mutuelle générale de l'Education nationale (MGEN), depuis une vingtaine d'années ; ce qui constitue une énorme base de données. Nous souhaitons que tous ces chercheurs puissent utiliser la base de l'OQALI qui pourrait les aider à identifier des associations éventuelles avec des additifs – ou d'autres ingrédients. Il peut également s'agir des modes de cuisson des denrées, des néoformés ou des substances créées au moment de la cuisson. Ou encore une question de migration de matériaux d'emballage…
Nous avions souhaité, avant la publication de l'article de l'équipe de Mathilde Touvier, l'an dernier dans NutriNet, effectuer un travail sur l'évolution de l'utilisation des additifs. Cette étude est en cours et sera publiée début 2019. Elle vise à définir si l'utilisation des additifs est croissante, si certains d'entre eux augmentent, si d'autres baissent, quelles associations d'additifs se trouvent dans les aliments, etc. Nous allons finaliser cette étude.
S'agissant de l'EFSA, le modèle FAIM est assez standard. Nous sommes disposés à fournir nos données à l'EFSA pour qu'elle puisse les intégrer dans ses évaluations d'exposition et de risque.
En revanche, nous ne disposons pas de données de concentration, nos informations concernent seulement la présence d'ingrédients. Mais nous pouvons utiliser des données protectrices ; réaliser des simulations pour déterminer le niveau maximal, par exemple.
Les données que l'OQALI collecte sont les informations publiées sur les emballages. Nous en collectons davantage depuis que l'étiquetage nutritionnel est obligatoire, suite au règlement INCO. Nous ne pouvons pas faire beaucoup mieux. La concentration d'additifs relève de la surveillance et du contrôle de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la direction générale de l'alimentation (DGAL), en charge de l'accès à ces données dans le cadre de leurs contrôles.
L'ANSES mène les « Etudes de l'alimentation totale » (EAT). Nous procédons nous-mêmes à des analyses d'aliments pour identifier toutes les substances chimiques présentes dans les aliments – plusieurs centaines, avec les résidus de pesticides, les substances migrantes, etc. Nous sommes en train de préparer la troisième étude de ce type, qui prendra en compte les produits d'agriculture biologique.
Ce sont des études lourdes, qui coûtent très cher, puisqu'il s'agit de faire des analyses ; chaque analyse pouvant coûter plusieurs centaines d'euros, voire, pour certaines d'entre elles, plusieurs milliers d'euros.
Elle a été publiée en 2016.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que vous venez de nous présenter, et je rends hommage à ceux qui ont pris l'initiative de cette démarche. Si je comprends bien, il vous faut faire preuve de patience, la collecte et le traitement des données prenant beaucoup de temps.
Outre la problématique du temps, il y a également une problématique de la complexité de la démarche, puisque vous avez dû vous mettre dans la peau des industriels pour comprendre leurs stratégies commerciales et les leviers économiques que vous pourriez faire jouer pour les faire changer de stratégie, s'agissant de la composition des produits.
Comment arriver à obtenir une modification de stratégie commerciale chez les producteurs de produits alimentaires ?
Vous avez aussi souligné les problèmes d'ordre « psycho-sociologique », c'est-à-dire comportemental. Vous nous avez clairement expliqué que le consommateur était versatile ou avait des comportements de déplacement, et combien il était difficile de les accompagner dans une démarche de frustration.
Avez-vous pu analyser quel était le processus de formation du goût ? Puisque, en définitive, les entreprises qui voudraient se lancer dans des démarches vertueuses sont prisonnières de ce qu'elles ont elles-mêmes créé, c'est-à-dire une accoutumance, une addiction au sucre, au sel et aux matières grasses. Et maintenant qu'elles souhaitent évoluer, pour des objectifs purement économiques, ou d'image de marque, elles ont des difficultés à conserver leurs clients.
Puisque les fabricants de produits ont réussi à créer ces dépendances, comment ces mêmes entreprises pourraient-elles participer à un processus de désaccoutumance ?
Vous avez indiqué que l'opinion publique ne s'était pas assez mobilisée pour faire pression sur les fabricants. Je ferai une comparaison avec les pesticides, pour lesquels l'opinion publique s'est émue de la présence, notamment, de glyphosate – ou d'autres phytopharmaceutiques – dans les aliments.
Comment se fait-il que nous n'arrivons pas à déclencher la même inquiétude sur les dégâts sanitaires provoqués par l'excès de sucre, de sel et de gras ? N'y a-t-il pas un problème de portage éducatif ou de portage informatif ? Comment pourrions-nous provoquer la même prise de conscience et d'inquiétude que pour le glyphosate ?
Pour changer les habitudes des fumeurs, par exemple, il a été mis sur les paquets de tabac des photos très violentes, des campagnes sur le tabac expliquent que fumer est nuisible pour la santé, etc. Ne pourrait-on pas trouver un moyen de faire de même pour l'alimentation – par des stimulis positifs et négatifs, comme l'inquiétude et la peur – à défaut de pouvoir responsabiliser les consommateurs ?
Vous nous dites qu'il serait peut-être possible de reformuler les produits à condition que toute une filière s'engage et se mette d'accord sur un standard de qualité. Je reviens sur l'exemple du glyphosate et des phytopharmaceutiques : l'opinion publique a été tellement pressante sur les pratiques agricoles que le monde de l'agriculture est en train de se mobiliser pour travailler par filière de production. Et même si ce ne sera pas simple, je pense que nous allons arriver à des accords par filière.
Avec l'aide des associations de consommateurs, de pathologies et autres, ne pourrait-on pas faire évoluer, par filière, les critères qualitatifs et faire en sorte, comme pour les agriculteurs, que les filières s'y retrouvent économiquement ?
Avec ces questions, je rebondis sur vos propres observations pour essayer de voir, avec vous, comment nous pourrions construire une stratégie, votre objectif n'étant pas uniquement de collecter des données et de les analyser ; il est aussi de participer à la construction d'une politique publique en relation avec les différents ministères concernés.
L'OQALI peut effectivement apporter quelques élements de réponse à certaines de vos interrogations, mais pour d'autres, il conviendrait de mobiliser d'autres travaux réalisés par des organismes tels que l'ANSES et l'INRA.
Il est très difficile de faire bouger l'offre, d'un côté, et la demande des consommateurs, de l'autre. Il conviendrait de créer un cercle vertueux de dynamique simultanée de l'offre et de la demande. Si vous faites un pas trop important en réduction de sel, de sucre et de gras, vous perdez les consommateurs ; et il y a peu de chance qu'ils changent du jour au lendemain de comportement alimentaire. La dynamique doit être progressive, incrémentale, continue et de long terme.
Vous parliez de l'aspect sensoriel. De nombreuses études ont été réalisées sur les perceptions sensorielles et les préférences des consommateurs. Elles montrent que réduire de 5% , 10 % ou 15 % peut être accepté sensoriellement par les consommateurs, à condition de ne pas leur dire. Sinon, ils assimilent la réduction à une dégradation du goût. C'est la raison pour laquelle, quand des changements s'opèrent, ils se font de manière implicite.
Une expérimentation a montré que lorsque vous utilisez des logos, l'afférence du consommateur reliant la modification du produit à une dégradation qualitative de celui-ci est moins forte. Avec des logos de couleur, le lien au goût est moins direct. Nous pouvons donc espérer que le Nutri-Score permettra d'engendrer des effets plutôt positifs sur les consommateurs.
Le Nutri-Score pourrait donc être interprété comme une amélioration du goût et non une information pour indiquer qu'il y a moins de sel, par exemple.
Ou il faudrait écrire sur le produit, « meilleur pour la santé ». Du moins donner une information positive, car « moins » est vécu comme une frustration.
Le Nutri-Score, et c'est une hypothèse qu'il conviendra de vérifier, va générer moins d'afférences négatives du point de vue de l'impact sensoriel et contribuera du coup à une dynamique positive.
Les leviers d'actions ne peuvent fonctionner que s'ils créent des incitations économiques ou si nous arrivons à créer des dynamiques collectives de filière.
Au Royaume-Uni, les pouvoirs publics ont incité, dans le milieu des années 2000, les indutriels à s'engager dans des démarches de reformulation. Un accord a été passé entre les producteurs, les filières et les pouvoirs publics sur le sel. Des objectifs ont été négociés. Les résultats sont bons ; les impacts ont été mesurés, et ils se sont traduits par une baisse de la consommation de sel de 8 % à 10 % par la population.
Pas sur les produits, mais l'initiative a été expliquée.
Vous nous avez expliqué comment des améliorations avaient été rendues invisibles par la dégradation d'autres produits, comme les chips. Avez-vous identifié une famille de produits, ou une filière, dont tous les produits ont été améliorés ?
Je mentionnerai les accords collectifs du secteur de la charcuterie, dont nous ne disposons pas des évaluations finales, mais dont l'objectif était de fédérer le maximum d'industries. Ils visaient à réduire les teneurs en sel et en lipides.
Concernant le secteur de la charcuterie, nous devrions peut-être suivre l'affaire des nitrites.
Pourriez-vous nous en dire plus sur l'action européenne JANPA ? Comment s'articule-t-elle et l'OQALI y trouve-t-il sa place ?
Le ministère français de la santé a proposé de lancer une action conjointe au niveau européen en matière de nutrition et d'activité physique – les actions conjointes proviennent toujours de l'initiative des États membres.
De très nombreux participants se sont joints à cette action conjointe qui s'est terminée fin novembre 2017 – elle a duré deux ans. Un groupe de travail – workpackage – était dédié à l'identification des meilleures pratiques, en termes d'amélioration de l'environnement pour la nutrition – aménagement pour l'activité physique, offres dans les cantines scolaires en termes de nutrition, etc. Un autre groupe, piloté par l'ANSES avec l'aide de l'INRA, était dédié à la qualité nutritionnelle des aliments.
L'objectif de cette action conjointe était de faire l'inventaire de l'existant en Europe, en termes de suivi de la qualité nutritionnelle, et de définir comment il était utilisé par les acteurs publics pour inciter à améliorer l'offre en matière de qualité nutritionnelle des aliments.
Il existe relativement peu d'initiatives, et celles qui ont été mises en oeuvre étaient ciblées – comme au Royaume Uni, sur le sel. La France est le seul pays d'Europe à avoir mis en place un tel observatoire de manière aussi transverse, et avec autant d'informations recueillies. Dans cette action, nous avons essayé de le transposer, de le tester dans deux pays, l'Autriche et la Roumanie. Nous avons sélectionné, avec l'aide du High Level Group on Nutrition and Physical Activity, les céréales de petit-déjeuner et les sodas, ces aliments contribuant beaucoup aux apports en sucre et étant en particulier consommés par les enfants. Une initiative européenne visant à réduire de 10 % les apports en sucre, notamment chez les enfants, ce choix était donc légitime.
La Commission a été favorablement surprise de constater que, en six mois, nous étions arrivés à le mettre en place, en Autriche et en Roumanie. Nous avons également analysé les données de façon standardisée pour comparer les teneurs. Je l'ai évoqué dans ma présentation liminaire, en Roumanie, par exemple, les sodas contiennent plus de sucres que ceux vendus en France et en Autriche – et parfois pour le même produit.
Suite à ce travail, la Commission a lancé un appel à projets en janvier dernier, qui s'est révélé infructueux, sans doute parce que le budget ne correspondait pas vraiment à la demande. Il était en effet demandé de suivre la totalité de l'offre alimentaire dans tous les pays européens. Elle vient de lancer un nouvel appel à projets, limité à une vingtaine de catégories d'aliments à suivre dans une quinzaine de pays. Elle aura sans doute des propsitions et nous comptons beaucoup sur cette expérimentation pour être capables de nous comparer à d'autres pays.
Enfin, une initiative importante a été lancée au Québec. Les initiateurs nous ont contactés pour que nous leur présentions les enseignements que nous avons tirés de la mise en oeuvre d'OQALI en France. Ce qui prouve qu'un observatoire de ce type répond à un besoin universel.
Non. Il est composé de représentants des États membres. Pour la France, c'est le ministère de la santé qui y participe. L'OQALI y a cependant fait des présentations, avant même l'action conjointe JANPA, qui ont été appréciées par les autres États membres.
Ce qui veut dire que vos conclusions sur le Nutri-Score seront scrutées au niveau de l'Europe.
Je vous remercie.
La séance est levée à onze heures cinquante.
Membres présents ou excusés
Réunion du jeudi 19 juillet 2018 à 10 h 35
Présents. - Mme Michèle Crouzet, M. Loïc Prud'homme, Mme Nathalie Sarles, Mme Élisabeth Toutut-Picard
Excusés. - M. Julien Aubert, M. Christophe Bouillon, Mme Fannette Charvier, Mme Sandrine Josso, Mme Bérengère Poletti