Intervention de Marie-France Monéger-Guyomarc'h

Réunion du mardi 24 juillet 2018 à 18h55
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Marie-France Monéger-Guyomarc'h, directrice de l'Inspection générale de la police nationale :

Comme je le disais tout à l'heure, au moment où nous visionnions cette scène, nous n'avions aucune raison de suspecter que les deux personnes que nous voyons intervenir n'étaient pas des policiers. Je vais vous lire, si vous me le permettez, le compte rendu que le commissaire divisionnaire qui a visionné cette vidéo m'en a fait ; je pense que ce sera assez éclairant.

« La vidéo présentait une scène d'usage collectif de la force mêlant des effectifs CRS et quelques personnels en civil en prise place de la Contrescarpe, à Paris. Des heurts éclataient, qui conduisaient les CRS à opérer une charge pour disperser les belligérants. Un homme en civil porteur d'un casque se détachait alors à l'image, poussant énergiquement une jeune femme et l'éloignant de la scène principale. Il la tenait par la nuque et par le bras, ainsi qu'y procèdent traditionnellement les policiers interpellateurs. L'homme ne portait pas de coups sur la femme.

« Dans un deuxième temps, les images filmées montraient un jeune homme tiré par les CRS, qui l'empoignaient par les pieds et les bras. Il était écarté à son tour de la scène principale et maintenu au sol. L'homme présumé policier précédemment observé accourait, rentrait dans le champ de la caméra et était vu en train d'empoigner vivement l'individu. Il le redressait et cherchait à le tirer sur le côté, en adoptant un court geste d'étranglement arrière. L'homme vacillait sur ses jambes et résistait. Le présumé policier l'agrippait alors par le blouson, par l'épaule, et portait finalement la paume ouverte de sa main sur sa tête afin de le maîtriser. Au final, il ne parvenait pas à ses fins, car l'homme se maintenait au sol sans plus opposer de résistance.

« Il n'apparaissait pas alors aux opérateurs de la plateforme de signalement, ce que je confirmais lors de l'exploitation initiale, qu'il y ait eu manifestation a priori de violences illégitimes. Il n'était pas fait usage de moyens dont disposent les forces de police à l'occasion des opérations de maintien de l'ordre mais usage de gestes techniques d'intervention, que l'on pouvait estimer ou apprécier comme imparfaitement maîtrisés dans le cadre d'une interpellation classique destinée à conduire une femme et un homme à l'écart de la foule en les conservant sous main de police. »

Dès lors, il a été considéré que l'usage de violences – le terme est d'ailleurs impropre : de la force – en la circonstance n'était pas illégitime. On était dans le cadre d'un maintien de l'ordre et le responsable de l'opération avait décidé d'utiliser la force pour disperser les manifestants. Cet usage n'était donc pas illégitime et il ne paraissait pas disproportionné. Par ailleurs, tout le monde considérait qu'il s'agissait de policiers, dont on a remarqué qu'ils ne maîtrisaient pas parfaitement les gestes techniques d'intervention, et pour cause, mais cela n'allait pas plus loin. On n'a pas de plainte ni d'identification de ces personnes. On a juste une vidéo envoyée par quelqu'un et qui n'est confirmée par rien. À partir de ce moment-là, on ne classe pas : on met de côté cette vidéo qui a été vue par trois personnes à la plateforme de signalement et on attend. On met en place une veille de manière à trouver d'autres témoins, un plaignant ou d'autres vidéos filmées par d'autres personnes qui nous permettent de faire des croisements et, surtout, de voir la scène dans son ensemble.

L'affaire n'a donc pas été classée ; elle a été mise de côté. Mais, encore une fois, nous n'avions aucune raison de penser que ces deux intervenants n'étaient pas des policiers. Nous avions des raisons de penser qu'ils n'étaient pas très efficaces, ce qui est un autre sujet. Dans cette affaire-là, pour l'inspection générale, la question qui se pose n'est pas celle de l'utilisation de la force, de la violence, mais celle de savoir si ce recours à la force est légitime. Nous considérons qu'il l'est, pour peu évidemment qu'elle soit mise en oeuvre par des policiers.

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