Madame la présidente, monsieur le président de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis de revenir devant l'Assemblée nationale à l'occasion de la discussion de cette proposition de loi, à la suite de l'accord trouvé en commission mixte paritaire. Je voudrais d'abord remercier tous les parlementaires, et tout particulièrement Mme la rapporteure et le rapporteur du Sénat, M. Piednoir : ensemble, ils ont réalisé un travail équilibré, constructif, utile, qui nous permettra d'avancer sur un sujet qui n'est pas mineur.
C'est un accord équilibré, car il est d'abord le fruit d'un compromis entre les propositions de l'Assemblée nationale et celles du Sénat. Ce texte a prouvé toutes les vertus du bicamérisme : les discussions ont permis de l'enrichir. Il est équilibré aussi car il pose l'interdiction comme principe, mais renvoie les modalités pratiques de son application aux acteurs locaux, lesquels pourront s'appuyer sur les précisions apportées par le vade-mecum que mon administration est en train d'élaborer. Enfin, il est équilibré car il permet à la fois de montrer que le téléphone peut être un risque, voire un danger dans la vie des jeunes enfants et adolescents dont nous avons la responsabilité, et que la civilisation du numérique doit être appréhendée dans toutes les opportunités qu'elle ouvre pour nos enfants.
L'interdiction de l'utilisation du téléphone portable sera effective dès la rentrée scolaire 2018 dans toutes les écoles et dans tous les collèges. Cette interdiction répond à la fois à des enjeux éducatifs et à des enjeux de vie scolaire. Durant les activités d'enseignement, l'interdiction de l'usage des téléphones portables permettra de garantir aux élèves un environnement favorisant l'attention, la concentration et la réflexion indispensables à l'activité, à la compréhension et à la mémorisation. Pendant les temps de récréation, l'usage du téléphone portable peut s'avérer néfaste, car il réduit l'activité physique et limite les interactions sociales entre les élèves. Son usage peut empêcher la construction d'une sociabilisation harmonieuse, essentielle au développement des enfants. Les chefs d'établissement nous le disent tous : une cour sans portable, c'est une cour où les enfants jouent, discutent et vivent leur vie d'enfant.
Par ailleurs, l'usage des téléphones portables est à l'origine d'une part importante des incivilités et des perturbations au sein des établissements – casse, racket et vol. Ils servent aussi souvent de support au phénomène de cyberharcèlement, lequel exporte la violence également en dehors des établissements. Les établissements qui ont interdit le téléphone portable constatent une baisse considérable du cyberharcèlement, même si, bien entendu, cette mesure ne peut y mettre fin totalement. Enfin, les téléphones portables peuvent faciliter l'accès aux images violentes, notamment pornographiques, et l'interdiction de l'usage du téléphone portable constitue l'un des outils – ce n'est évidemment pas le seul – pour limiter l'exposition des plus jeunes à des images choquantes.
Si l'interdiction d'utilisation du téléphone portable devient le principe, le texte garantit également une souplesse.
Tout d'abord, nous faisons bien entendu confiance aux acteurs – directeurs d'école, professeurs, conseillers d'éducation, principaux de collège – pour préciser ensemble les modalités de cette interdiction. Chaque établissement, en fonction de son organisation propre, pourra définir les modalités d'application de la loi. Comme je vous le disais, le ministère publiera à la fin du mois d'août un vade-mecum, élaboré par mes services, afin d'accompagner les établissements dans la mise en oeuvre concrète de cette interdiction. Ce document présentera également une liste de bonnes pratiques.
Ce texte, qui est important, devait être de nature législative : nos débats me semblent l'avoir montré, s'agissant non seulement de sa nature juridique, mais aussi de son contenu, tel qu'il a pu évoluer.
Comme l'a bien dit Mme la rapporteure, il envoie également un message à la société française, à notre société. De fait, l'usage du téléphone portable devient un problème de société, non seulement pour la vie des enfants et des adolescents, mais aussi pour celle des adultes. Il envoie aussi un message à l'échelle internationale puisque, depuis que la France s'est engagée sur ce chemin, d'autres pays se sont montrés intéressés.
Il s'agit donc d'un texte d'une grande modernité, d'un texte permettant d'entrer dans le XXIe siècle. Il y a une manière facile de penser l'entrée dans la société des technologies : elle consiste à croire que celles-ci doivent toutes être adoptées de façon aveugle. Cela serait absurde et même, nous le savons, dangereux. La façon réellement moderne d'appréhender l'arrivée de ces technologies consiste à faire preuve de discernement. Cela passe par une approche à la fois défensive – car les dangers sont bel et bien réels – , mais aussi offensive car, si nous restons passifs vis-à-vis des technologies, elles ne servent à rien. Il faut cependant une éducation au numérique ; c'est pourquoi nous serons très attentifs aux travaux de la mission d'information sur l'école dans la société du numérique.
Nous progresserons donc sur cette question au cours des prochains mois. L'objectif est que l'école entre réellement dans l'ère du numérique, que nos enfants soient protégés en ce domaine, mais aussi mieux préparés aux usages positifs que l'on en peut faire dans le siècle qui vient.