Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mes chers collègues, « briser la loi du silence », « faire changer la honte de camp », « ne rien laisser passer », « libérer la parole », « mieux protéger les victimes » : ces expressions n'ont cessé de résonner avec gravité tout au long des débats sur tous les bancs de cette assemblée, et même au-delà.
Elles traduisent un sentiment de révolte à l'égard d'une injustice qui nous est communément insupportable : les violences sexistes et sexuelles. Toutefois, même face à l'injustice, il n'est pas toujours aisé de se mettre d'accord. Le projet de loi que nous examinons a suscité ici de vifs débats aux cours desquels se sont manifestés des désaccords et, je le regrette, certains clivages.
Toutefois, ce qui importe, c'est qu'au cours de la commission mixte paritaire qui s'est réunie la semaine dernière, nous soyons parvenus avec nos collègues sénateurs à dépasser ces divergences pour atteindre un véritable consensus et ce, dans un esprit de responsabilité, avec un seul cap : mieux protéger les victimes.
Ce texte a su rassembler, parce qu'il opère une juste conciliation entre deux exigences auxquelles nous devons tous être attachés, auxquelles nous ne devons jamais déroger : la juste et efficace répression des infractions sexuelles et sexistes d'une part, et la nécessité absolue de préserver les droits et libertés fondamentaux d'autre part. « Si l'homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout » : ces quelques mots d'Albert Camus résument je crois assez bien le sens de mon propos.
Nous avions avec le Sénat quatre sujets principaux de désaccord. Le Sénat a accepté de se rallier à notre position sur trois d'entre eux : les modalités d'interruption du délai de prescription de l'action publique des viols commis sur mineurs, la répression des comportements d'outrage sexiste et l'opportunité d'ajouter au projet de loi un volet d'orientation et de programmation.
Le dernier sujet de désaccord n'est pas le moindre, puisqu'il concerne le fameux article 2 : la caractérisation de la contrainte et de la surprise dans le cas d'agressions sexuelles commises sur des mineurs. Nous sommes pourtant parvenus à une solution équilibrée. Nous avions longuement débattu, en première lecture, de l'instauration d'une présomption de contrainte, de la création d'infractions sexuelles spécifiques aux victimes mineures, mesures qui impliquaient, vous le savez, un risque d'inconstitutionnalité. Nous avons de même discuté de l'aggravation des peines en cas d'atteinte sexuelle avec acte de pénétration.
Le Sénat avait supprimé cette aggravation. À l'écoute des associations et en raison des éventuelles incompréhensions que cette mesure suscitait, le Gouvernement et la majorité ont choisi de ne pas la rétablir. Sur ce point, pour répondre aux procès d'intention qui nous ont été faits, il n'a jamais été question dans notre projet de correctionnaliser le viol ou d'exposer la moindre victime à la déqualification d'un crime qu'elle aurait subi.