Madame la ministre, monsieur le ministre, c'est une belle feuille de route que vous nous proposez avec ce projet de loi, mais c'est une feuille de route très balisée. J'espère que les débats de cette commission et nos discussions dans l'hémicycle nous permettront d'apporter notre pierre à cette construction, et de densifier ce texte. Il appelle de ma part quelques remarques.
Sur la simplification de la création des entreprises, d'abord. Je fais partie des personnes qui disent depuis longtemps qu'elle ne constitue pas un problème. On arrive à créer des sociétés assez facilement dans notre pays. Mais acceptons la simplification, qui pour moi va dans le bon sens.
Je ne voudrais pas, toutefois, que l'on banalise la création d'entreprise. C'est un acte important, qui engage souvent une vie entière. Je regrette que l'on se soit concentré sur l'aspect purement technique, en organisant l'unification des fichiers, même si cette mesure va dans le bon sens. Mais une question importante demeure : l'obtention de la personnalité morale, c'est-à-dire de la capacité juridique de la société à exister. Elle n'est pas du tout abordée. Sur ce point, des progrès sont possibles. Par ailleurs, beaucoup de professions de conseil aux entreprises sont mises de côté, alors que l'on aurait pu leur donner un rôle en tant que tiers de confiance.
Sur la partie consacrée au rebond, le texte ne va pas assez loin. Elle se concentre beaucoup sur l'entreprise individuelle, mais gagnerait à être enrichie.
Sur la partie consacrée à la recherche et à son financement, je n'emploierai pas le terme de privatisation, puisque je crois que vous ne l'aimez pas, monsieur le ministre. Je me contenterai de parler de désengagement de l'État. Nous serons très vigilants sur ce désengagement. Votre texte prend certes des précautions, surtout pour Aéroports de Paris, mais de vraies questions se posent, à mon avis, sur Engie : de vrais problèmes de maillage du territoire et de maîtrise des réseaux.
Deux mots sur les modifications du code civil et de sa définition de ce qu'est une société, ou une entreprise. Je regrette que l'on modifie le code civil, parce qu'il s'applique à toutes les personnes morales, y compris les sociétés civiles, qui ne sont pas vraiment des entreprises. Le texte aurait gagné en richesse en se concentrant sur l'entreprise elle-même, ses relations avec ses salariés, ses clients, ses fournisseurs, et avec l'environnement. En réformant le code civil, on va un peu trop loin.
Nous sommes évidemment dans l'attente de la partie fiscale, qui viendra avec le projet de loi de finances. Au-delà de la simplification du « pacte Dutreil », qui me semble nécessaire, il faut entreprendre une vraie réflexion sur la transmission à titre gratuit de l'entreprise au profit des salariés. Le simple étalement des plus-values ne va pas assez loin. La donation d'entreprise aux salariés reste un sujet à traiter. Il n'est pas uniquement fiscal, mais présente des liens avec le code civil, notamment avec la réserve héréditaire.
Il y a enfin des oublis dans ce texte : tout ce qui concerne la sous-traitance et la co-traitance, et les relations des grands donneurs d'ordre avec leurs fournisseurs. Il y a là un vrai enjeu de développement. Le texte aurait gagné à aborder ces relations entre les grandes entreprises et les petits fournisseurs qu'elles maltraitent souvent, et dont elles brident le développement.