Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 17h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PME
  • innovation
  • participation
  • seuil
  • simplification
  • transformation
  • épargne

La réunion

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Merci à tous, mes chers collègues, de vous être mobilisés pour cette importante réunion de la commission spéciale en charge de l'examen du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, dit « PACTE ». Nous avons le plaisir d'accueillir M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, et Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès de lui.

Je tiens à vous remercier, madame, monsieur les ministres, de votre présence. Elle va nous permettre d'échanger à bâtons rompus sur les différents chapitres et les multiples dispositions du projet de loi.

Nos travaux avancent à grands pas. Nous avons tenu une table ronde de présentation générale avec trois responsables d'administrations de votre ministère, que je remercie, puis quatre tables rondes spécialisées sur les grands axes du projet de loi. Nos rapporteurs thématiques conduisent par ailleurs, depuis la semaine dernière, des séries d'auditions ouvertes à nos collègues.

Merci donc d'être avec nous, pour un premier temps de discussion générale sur les aspects politiques de ce projet, tout à la fois opérationnel et très ambitieux. Je sais que les questions seront nombreuses. Je vous remercie de votre disponibilité pour y répondre et garantir ainsi la meilleure information possible du Parlement sur ces sujets qui nous passionnent, bien au-delà du cercle de cette commission spéciale.

Je vous propose de nous en présenter d'abord les points les plus saillants. Le rapporteur général et moi-même vous poserons ensuite quelques questions. Vous disposerez d'une quinzaine de minutes pour y répondre, avant que nous ne procédions à un tour de table des représentants des groupes, à raison de quatre minutes chacun. Après vos réponses, nous donnerons la parole aux autres membres de la commission qui souhaitent vous interroger.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je suis particulièrement heureux de pouvoir vous présenter aujourd'hui, dans le cadre de cette commission spéciale, le projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises.

Je vous propose de commencer par une intervention très courte, afin de laisser le maximum de temps à vos questions. Vous connaissez déjà bien le texte. Je voudrais simplement en rappeler la méthode, le point de départ et la philosophie.

Notre méthode – beaucoup d'entre vous le savent parce qu'ils m'ont aidé dans nos travaux – est une méthode de dialogue : nous avons consacré près d'un an à consulter les entrepreneurs, qui sont les premiers concernés par ce texte, l'ensemble des organisations syndicales, sans exception, dont j'ai vu les représentants à plusieurs reprises, et les organisations patronales. Nous nous sommes ensuite tournés vers les citoyens, en ouvrant sur ce projet de loi une consultation sur internet qui a recueilli des dizaines de milliers de réactions et de propositions, dont nous avons tenu compte dans la version du texte qui vous est présentée aujourd'hui.

Cette méthode est aussi celle d'une transformation en profondeur de notre économie, qui m'a été demandée par le président de la République, et que nous voulons conduire sur l'intégralité du quinquennat.

Ses deux premières étapes ont été la transformation du marché du travail, soutenue par Muriel Pénicaud, et le projet de loi de finances que vous avez bien voulu voter l'année dernière, et qui comportait la transformation fiscale la plus importante de ces trois dernières décennies, avec une idée simple : dans une économie de l'innovation, il faut alléger la fiscalité sur le capital.

Je revendique ce choix d'un allégement de la fiscalité du capital, qui doit permettre de dégager des moyens pour nos entreprises, afin qu'elles investissent davantage, qu'elles innovent davantage et qu'elles restent dans la course de la technologie. J'aurai l'occasion d'y revenir. Une entreprise qui n'innove pas est une entreprise qui meurt. Et si elle n'innove pas, c'est parce que les pouvoirs publics ne lui donnent pas les moyens d'innover et d'investir dans les meilleures conditions.

Le constat dont nous sommes partis est celui d'une fragilité de l'appareil productif français. Les réformes ne suffisent pas. S'il y a des pépites parmi nos PME et nos TPE, si nous avons tous en tête des succès éclatants remportés dans nos départements, et si nous connaissons de très grandes entreprises qui réussissent parfaitement au niveau international, la réalité globale du tissu entrepreneurial français, c'est qu'il est trop faible, qu'il n'innove pas assez, et qu'il n'exporte pas suffisamment.

Les chiffres – j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises – sont sans appel : il y a en France 4 600 entreprises de taille intermédiaire qui peuvent exporter, parce qu'elles ont les reins suffisamment solides. Il y en a plus de 12 000 en Allemagne. Nous avons 184 robots pour 10 000 salariés de l'industrie manufacturière en France. Il y en a 340 en Allemagne. Dans la digitalisation, nous avons également pris bien plus de retard que beaucoup de nos concurrents européens.

Cette fragilité de l'appareil productif français et cette perte de compétitivité se lisent dans un chiffre : celui du déficit commercial extérieur français. Alors que nous étions, au début des années 2000, dans la même situation que l'Allemagne, nous avons aujourd'hui 60 milliards d'euros de déficit, quand l'Allemagne a plus de 240 milliards d'euros d'excédent commercial.

Je ne veux pas noircir le tableau, mais simplement que nous soyons lucides sur la réalité de la situation économique française et sur ses conséquences sur notre capacité à offrir des emplois aux jeunes et des perspectives à tous les ménages français, en termes d'activité et, tout simplement, en termes de destin personnel.

L'objectif du projet de loi est donc simple : faire grandir nos PME. C'est l'objectif stratégique. À tous ceux qui nous reprochent de présenter un projet fourre-tout, je réponds qu'il y a bien une cohérence dans ce texte, une vraie épine dorsale : il vise à faire grandir nos PME, afin qu'elles puissent innover, investir, exporter et créer des emplois.

Évidemment, s'il existait une baguette magique, il n'y aurait qu'un seul article dans cette loi, et nos discussions seraient beaucoup moins longues. Mais, comme il n'y a pas de baguette magique et que nous devons traiter chacun des sujets, nous avons voulu, avec la majorité, aborder tous les sujets qui permettront de porter cette transformation en profondeur de notre appareil productif, afin qu'il grandisse, qu'il se consolide, qu'il résiste aux retournements de cycle économique, qu'il exporte et crée valeur et emplois.

Cet objectif se traduit dans trois grandes orientations du texte.

La première orientation, c'est réguler moins pour produire plus. Nous avons besoin de simplifier la vie de nos entrepreneurs, nous avons besoin d'alléger les régulations et un certain nombre d'obligations sociales, financières et fiscales qui pèsent sur nos entreprises. Réguler moins pour produire plus, parce que nous avons besoin que la France produise plus de richesse et d'emplois.

Toutes les dispositions qui portent sur les seuils – nous y reviendrons, bien entendu – visent justement à permettre à nos PME de grandir, qu'elles aient dix salariés, qu'elles en aient cinquante, ou plus.

Nous avons supprimé le seuil de vingt salariés, simplifié les modes de calcul et donné cinq ans aux entreprises pour qu'elles puissent s'adapter au franchissement d'un seuil induit par le cycle économique. Nous avons réduit un certain nombre d'obligations excessives, comme celles relatives aux commissaires aux comptes. Rien ne justifie que la France ait sur-transposé la directive sur les commissaires aux comptes, alors que certains de ses concurrents, notamment allemands, l'ont sous-transposée pour rendre leurs PME plus profitables et plus agiles.

Nous avons simplifié des règles de financement, je pense en particulier à celles de l'épargne-retraite, qui est un maquis incompréhensible de dispositifs et de produits d'épargne, dans lequel les salariés ne se retrouvent pas. Ces produits ne sont pas « portables », et obéissent à des règles de sortie différentes : certains ont le droit de « casser » leur produit d'épargne-retraite pour financer leur logement principal, d'autres non. Nous avons, là aussi, voulu simplifier ces règles, pour que nos entreprises se financent davantage en fonds propres et moins par l'endettement.

Le deuxième grand axe est celui qui vise à valoriser le travail et les entreprises qui créent ce travail. Valoriser le travail, c'est d'abord reconnaître le travail des salariés. Une entreprise ne peut pas réussir sans que ses salariés réussissent également. Et le premier succès d'une entreprise, c'est celui des salariés. La première force d'une entreprise, ce sont ses salariés. Derrière cet engagement, il y a une question de justice, à laquelle je pense que nous sommes tous attachés : quand une entreprise tourne bien et dégage des profits, il est légitime que les salariés en soient les premiers bénéficiaires.

Nous avons donc simplifié massivement les dispositifs d'intéressement. Nous mettrons sur internet un accord d'intéressement, disponible pour toutes les PME, toutes les TPE, tous les artisans, tous les commerçants, qui trouvent aujourd'hui trop compliqué de signer un accord d'intéressement.

Nous supprimerons le « forfait social » de 20 % – joli nom pour désigner une taxe de 20 % sur l'intéressement – qui aujourd'hui rebute les entrepreneurs et les empêche de distribuer de l'intéressement lorsque leur entreprise dégage des bénéfices.

Valoriser le travail, c'est faciliter la reprise des entreprises par les salariés. Valoriser le travail, c'est développer l'actionnariat salarié, pour que les salariés puissent devenir propriétaires de leur entreprise. Valoriser le travail, c'est également considérer que l'entreprise ne vise pas simplement à la réalisation d'un profit, mais qu'elle a une ambition sociale beaucoup plus vaste, qui sera reconnue par la modification des articles 1833 et 1835 du code civil.

Nous voyons tous, dans nos circonscriptions, qu'un entrepreneur ou un salarié ne travaille pas six, sept ou huit heures par jour uniquement pour réaliser des profits, mais parce que son entreprise réalise des produits qui ont du sens, qui participent à la transformation de la société, qui favorisent le développement durable, qui permettent d'inclure des personnes fragiles, des personnes en situation de handicap. C'est tout cela que nous voulons reconnaître. Les produits d'une entreprise participent à la transformation de la société, et c'est pour cela que nous voulons le reconnaître au plus haut niveau normatif, par la modification des articles 1833 et 1835 du code civil.

Le troisième grand axe qui doit permettre de faire grandir nos PME, c'est l'innovation. L'innovation est une clef absolue du succès économique. Une économie qui innove est une économie qui réussit. Une économie qui n'innove pas est une économie condamnée à périr.

Innover, c'est d'abord être offensif sur l'innovation. C'est tout le sens du fonds pour l'innovation de rupture, organisé autour d'un conseil de l'innovation que j'ai présidé pour la première fois il y a quelques instants, avec Frédérique Vidal. Ce fonds sera doté de 10 milliards d'euros, provenant de cessions d'actifs de l'État dans un certain nombre d'entreprises que nous proposons de gérer différemment. Car nous estimons que l'État gestionnaire doit devenir demain un État investisseur, qui prépare l'avenir de nos enfants et finance cette innovation de rupture dont dépend notre souveraineté technologique.

Posez-vous cette question : demain, voulez-vous que l'électricité produite par les champs offshore soit stockée dans des systèmes financés et réalisés en Chine ou aux États-Unis, ou voulez-vous que nous ayons notre propre technologie de stockage des énergies renouvelables ? Voulez-vous que les voitures autonomes qui circuleront demain, ou les voitures électriques, fonctionnent avec des batteries chinoises ion-lithium liquide, ou avec des batteries européennes ion-lithium, financées par des programmes de recherche et d'innovation de rupture ? Voulez-vous que les logiciels, l'intelligence artificielle et les algorithmes qui seront dans vos outils technologiques, dans vos iPad, vos iPhone, vos tablettes, fonctionnent avec des algorithmes uniquement contrôlés par des logiciels américains ou chinois, ou que nous ayons des instruments de calcul et de maîtrise des algorithmes nationaux et européens ?

Pour nous, notre choix est fait. Et nous assumons de dire aux Français que ce choix coûte cher. Il demande des milliards d'euros d'investissement.

Nous dégageons donc ces moyens pour financer l'innovation de rupture. J'ai annoncé deux premiers projets tout à l'heure, l'un portant sur les données de santé, l'autre sur la sécurisation de l'intelligence artificielle, pour garantir que les algorithmes conduisent à des choix pertinents du point de vue de nos valeurs et de nos choix éthiques.

Innover, c'est aussi protéger nos innovations. Il faut être offensif, et savoir mieux se protéger contre le pillage de nos technologies et de nos savoir-faire. Nous renforçons donc le décret sur les investissements étrangers en France, de façon à mieux protéger les technologies qui n'y sont pas incluses aujourd'hui. Je pense au spatial, à la robotique, au stockage massif de données, à l'intelligence artificielle, qui bénéficient désormais de la protection de ce décret, parfaitement cohérent avec la directive européenne qui sera bientôt adoptée sur le contrôle des investissements étrangers en Europe.

Innover, enfin, c'est – comme nous le faisons avec Frédérique Vidal – poursuivre une politique beaucoup plus offensive de recherche, de développement des brevets, et de participation des chercheurs à la vie économique. Je ne vois pas pourquoi nous maintenons des murs entre le monde de la recherche et le monde de l'entreprise. Je ne vois pas pourquoi on valorise autant la recherche fondamentale, et que l'on ne s'intéresse pas au problème clef de la France et de l'Europe, qui est le développement de la recherche appliquée. Nous voulons faire tomber ces murs et les remplacer par des ponts entre la recherche et l'entreprise, entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.

Je trouve formidable que nous ayons pris tellement d'avance sur les biotechnologies ; je trouve encore mieux de voir, dans le laboratoire que j'ai visité aujourd'hui, le développement de cellules artificielles à partir de la décomposition de l'ADN, qui seront capables de détruire par immunothérapie des cellules cancéreuses, qui sont encore détruites aujourd'hui par des traitements beaucoup plus nocifs pour l'être humain.

Recherche fondamentale et recherche appliquée, recherche et entreprise doivent avancer de pair. C'est aussi l'un des défis fondamentaux auxquels répond le texte qui vous est présenté aujourd'hui.

Voilà donc les grandes lignes du projet de loi PACTE. C'est un texte ambitieux, un texte qui vise large, un texte qui vise à poursuivre et accélérer cette transformation de l'économie française, pour lui permettre de répondre à notre objectif premier : créer des emplois et de la richesse pour tous les Français.

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Merci, monsieur le ministre. Je vais me permettre de vous poser trois questions, avant de céder la parole à notre rapporteur général, Roland Lescure.

Je souhaite d'abord relayer auprès de vous les interrogations de plusieurs parlementaires sur deux sujets forts, que vous avez d'ailleurs évoqués.

Concernant les mesures proposées sur les seuils, qui me semblent très bien accueillies par les entreprises, je souhaitais vous entendre sur les raisons qui vous ont poussé à conserver les seuils de 10 et de 50 salariés et à supprimer celui de 20 salariés. Quel impact sur les entreprises et sur la croissance potentielle attendez-vous de la réforme, telle qu'elle est présentée aujourd'hui ?

J'aurais également souhaité vous entendre sur la question des commissaires aux comptes, du relèvement des seuils légaux de certification, et de la manière de remédier à la sur-transposition de la directive européenne. Quel impact attendez-vous de cette mesure, tant pour les entreprises que pour la profession ? Surtout, si vous pouvez nous répondre sur ce point, quelles pistes retenez-vous à ce stade du rapport Cambourg pour accompagner la réforme ?

Ma troisième question est volontairement un peu floue. On parle beaucoup, dans ce texte, de responsabilité sociale et environnementale (RSE). Comment concevez-vous les modalités d'évaluation de la RSE, souvent pratiquée aujourd'hui par des organismes de certification, ou par les entreprises elles-mêmes ?

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Vous instituez un guichet unique et un registre général qui vont dans le sens d'une simplification de la création et de l'inscription des entreprises. N'aurait-on pu aller plus loin en fusionnant les registres eux-mêmes ? On privilégie une simplification du front office ; n'aurait-on pas pu aller plus loin en simplifiant aussi ce que j'appellerais, de manière un peu caricaturale, le back office ?

Deuxième question, plus philosophique, d'une certaine manière, et en ligne avec tout ce que ce gouvernement et cette majorité ont fait depuis un an : on passe, dans ce projet de loi, d'une philosophie du devoir à une philosophie du pouvoir. Autrement dit, plutôt que d'obliger les gens à faire des choses, on les responsabilise et on leur en donne les moyens. Je pense que ce sera le cas des entreprises, une fois cette loi votée – comme je l'espère –, mais aussi des salariés et des investisseurs, et donc, d'une certaine manière, de l'État : on revoit le rôle de tous les agents économiques en les responsabilisant. Cela étant, on crée naturellement, au passage, un certain nombre de défis pour des professions que vous connaissez et qui ont déjà été mentionnées.

Je vous donne donc l'occasion de nous dire comment vous pensez que l'on peut responsabiliser davantage les chambres de commerce, les chambres d'apprentissage et les commissaires aux comptes, pour nous aider à mettre en oeuvre cette loi.

Troisième question, l'un des grands défis auxquels fait face l'économie française est son déficit commercial abyssal : plus de 60 milliards d'euros en 2017. En quoi, et dans quelle mesure cette loi permettra-t-elle de régler ce problème quasi-structurel ?

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Vous me permettrez d'entrer un peu dans les détails, puisque c'est aussi l'intérêt de ces échanges avec votre commission spéciale. C'est la première fois que nous en avons l'occasion, avant la discussion du texte en commission puis en séance.

Je pense que n'importe quel parlementaire a conscience que les seuils sont un obstacle pour tous les chefs d'entreprise, pour tous les patrons de PME qui voudraient embaucher deux, trois ou quatre salariés de plus, et qui en sont dissuadés par la liste des obligations fiscales, sociales ou syndicales liée à ces seuils. Nous avons donc voulu, par ce projet de loi, répondre à cette question que se posent tous les entrepreneurs, tous les patrons de PME, partout en France, avec un objectif : qu'ils embauchent.

Je précise que nous avons écarté les seuils de représentativité. On nous en fait parfois le reproche, mais je l'assume totalement, parce que nous avons pris un engagement vis-à-vis des organisations syndicales au moment de l'examen des textes portés par Muriel Pénicaud : celui de ne pas revenir sur cette représentation syndicale, dès lors que nous avions substitué un seul organisme de représentation, à partir de cinquante salariés, aux trois prescrits précédemment.

Sur les seuils sociaux et fiscaux, en revanche, nous opérons une triple simplification.

Nous ne retenons plus, en premier lieu, qu'un seul mode de calcul des seuils. Il y en a aujourd'hui trois, ce qui fait que le patron d'une boulangerie, d'une menuiserie, d'une entreprise de bâtiment, de peinture ou de travaux publics qui a neuf, dix ou onze salariés, ne sait jamais exactement à quel niveau exact de salariés il se trouve, ni s'il est véritablement en conformité avec la loi, parce que les modes de calcul sont trop différents. Nous ne retenons plus qu'un seul mode de calcul, de façon à simplifier la vie des chefs d'entreprise.

Deuxième changement majeur, nous réduisons le nombre de seuils – 11, 50, 250 salariés –, ce qui nous permet d'avoir la très petite entreprise, qui a moins de 11 salariés, la petite entreprise, qui en a moins de 50, et la moyenne entreprise, qui en a jusqu'à 250. C'est aussi une simplification considérable du paysage économique français.

Dans cette simplification, nous supprimons les obligations fiscales et sociales liées au seuil de 20 salariés, notamment la contribution à l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) et la contribution au fonds national d'aide au logement. Cela représente, pour les entreprises, un allégement considérable, de l'ordre de 480 millions d'euros. Cela les rendra plus compétitives, plus profitables, et leur permettra donc d'investir pour innover.

Troisième élément, enfin : nous avons décidé de donner cinq ans aux entreprises pour se mettre en conformité, une fois un seuil franchi. Qu'est-ce que cela signifie ?

Supposons une entreprise de travaux publics qui emploie 47 salariés. Ayant reçu une commande pour réaliser une école, une crèche, une clinique, un bâtiment public, elle a besoin de cinq ou six salariés supplémentaires. C'est l'effet d'une commande ponctuelle, pas forcément d'un nouveau cycle économique. Mais elle ne les embauchera pas, pour éviter de franchir le seuil de 50 salariés.

Nous lui disons désormais : « Faites-le, et si cette embauche n'est pas pour cinq années consécutives, si elle n'est liée qu'à une commande ponctuelle, non à un nouveau cycle économique et à une vraie croissance de votre entreprise, vous n'êtes pas obligé de remplir les obligations fiscales et sociales. » C'est évidemment, pour chaque chef d'entreprise, une incitation à répondre aux commandes, à créer de la richesse et à embaucher, alors qu'aujourd'hui il ne le fait pas. C'était une attente très forte, notamment de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), à laquelle nous avons voulu répondre.

Nous estimons que ce relèvement des seuils, cette simplification et ce délai de cinq ans pourront – selon l'estimation de la direction générale du Trésor (DGT) – représenter à long terme 0,1 point de PIB. Je ne donne pas de prévision en termes de créations d'emplois, mais j'estime que l'ensemble de ces mesures sera particulièrement prometteur sous ce rapport.

Quant aux commissaires aux comptes, j'imagine les démarches entreprises auprès de chacun d'entre vous. N'oubliez jamais qu'elles sont en général le fait, non de ceux qui bénéficient des mesures que nous adoptons, mais de ceux qui estiment avoir à en souffrir. N'oubliez jamais les gens silencieux. Ce sont parfois ceux qui comptent le plus.

La situation française actuelle est indéfendable. Le droit français impose aujourd'hui une certification des comptes qui varie selon la forme sociale des entreprises. Elle est obligatoire pour toutes les sociétés anonymes sans condition de seuil. Pour les sociétés à responsabilité limitée, les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite simple, elle est obligatoire lorsque deux des trois seuils suivants sont atteints : un bilan supérieur à 1,55 million d'euros, un chiffre d'affaires hors taxes supérieur à 3,1 millions d'euros, et un effectif de 50 personnes. Mais il y a encore un troisième cas de figure pour les sociétés par actions simplifiées (SAS), la simplification n'étant visiblement pas le maître mot qui a présidé à ces choix : pour les SAS, l'obligation de certification des comptes s'applique lorsque deux des trois seuils suivants sont atteints : un bilan supérieur à un million d'euros, un chiffre d'affaires hors taxes supérieur à 2 millions d'euros, et un effectif de 20 personnes.

On dit toujours que l'Europe, c'est le règne de la technocratie, que Bruxelles, c'est le règne de la complexité. En matière de certification des comptes, en réalité, c'est en France que règnent la complexité et la technocratie. Car le dispositif européen, lui, est très simple. Selon le droit européen, l'obligation de recourir à un commissaire aux comptes s'impose aux entreprises dont le bilan est supérieur à 4 millions d'euros, le chiffre d'affaires supérieur à un million d'euros, et dont l'effectif est de 50 personnes au moins, quelle que soit la forme de la société.

Je vous propose de retenir la simplicité du modèle européen, plutôt que d'en rester à la complexité indéfendable du système français. Car ce système est, de surcroît, coûteux pour nos entreprises : le coût de l'audit, pour toutes ces entreprises qui sont au-dessous du seuil européen, mais soumises à l'obligation d'avoir un commissaire aux comptes, s'élève en moyenne à 5 511 euros. Lorsque nous nous ajusterons au droit européen, ces entreprises n'auront plus d'obligation d'avoir un commissaire aux comptes.

J'ajoute, pour terminer, que cette obligation est pénalisante par rapport à nos partenaires européens, parce que non seulement les seuils européens sont plus simples et plus élevés, mais qu'en plus, beaucoup de nos partenaires européens ont choisi, non pas, comme nous, d'abaisser le seuil mais de le relever. Et il se trouve, comme par hasard, que parmi ces États qui ont décidé de relever le seuil européen pour rendre leurs entreprises plus compétitives, on trouve notre principal partenaire, mais aussi notre principal concurrent, l'Allemagne, à côté de l'Autriche, des Pays-Bas et du Royaume-Uni.

Ma détermination à simplifier la vie des PME au regard de ces obligations relatives aux commissaires aux comptes est donc totale. La profitabilité de nos entreprises en dépend, ainsi que la simplicité de notre vie économique, et, là encore, notre capacité à créer des emplois.

Nous n'abandonnons pas pour autant les commissaires aux comptes. Conformément à notre méthode – qui explique peut-être que nous ayons eu besoin d'autant de temps – nous avons demandé un premier rapport à l'Inspection générale des finances (IGF).

Je reconnais que ce rapport était bien dans le style de l'IGF : clair, précis, sans trop de fioritures ni de rondeurs. Il a suscité auprès des commissaires aux comptes un émoi compréhensible. Je les ai donc reçus, avec la ministre de la justice, et leur ai dit : « Puisque ce rapport vous paraît un peu trop brutal, nous allons en demander un deuxième, qui sera rédigé cette fois par les commissaires aux comptes. »

Patrick de Cambourg m'a remis ce rapport, réalisé par lui-même et par d'autres commissaires aux comptes. Il présente un certain nombre de propositions que nous allons retenir, pour que les commissaires aux comptes aient la possibilité de développer leur activité, mais sous des formes nouvelles qui ne pénaliseront pas les plus petites entreprises.

Je suis d'accord pour transformer l'audit des petites entreprises en mission d'audit simplifiée et facultative, en prévoyant un audit des petits groupes facultatif et simplifié, qui constituera néanmoins un champ de travail pour les commissaires aux comptes.

Je suis prêt à ouvrir de nouveaux champs d'intervention aux commissaires aux comptes et aux experts-comptables, au service de la modernisation de l'économie, en prévoyant notamment la délivrance d'attestations utiles au développement des entreprises.

Nicole Belloubet et moi sommes disposés à simplifier les conditions d'exercice pour les professionnels du chiffre en facilitant la mutualisation des expertises. Nous sommes prêts à créer la profession le chiffre du futur, en modernisant la formation initiale et continue, et en favorisant l'apprentissage par la profession de nouvelles technologies de l'information, avec un rôle de tiers de confiance numérique qui sera reconnu aux experts comptables.

Voilà quelques exemples de propositions qui seront reprises, tout cela s'inscrivant dans une période de transition de trois ans qui rendra ces transformations salutaires pour les petites entreprises et moins pénalisantes pour les commissaires aux comptes eux-mêmes.

Je suis d'ailleurs tout à fait ouvert à la création d'un comité de suivi de la modernisation de la profession du chiffre, afin de garantir la bonne mise en oeuvre de ces transformations.

Sur le guichet unique et le registre général, monsieur le rapporteur général, un seul obstacle s'oppose à la simplification totale : le coût budgétaire excessif.

Si nous avions voulu procéder à une fusion pure et simple des registres – nous en avons examiné la possibilité, puisque nous tentons toujours d'aller vers la simplification la plus radicale –, cela nous aurait obligés soit à faire tenir l'intégralité des registres par les greffiers, ce qui aurait dépossédé les chambres de métiers et de l'artisanat de leur fonction, réforme assez difficilement défendable, soit à déposséder les greffiers de leurs charges au profit du nouvel organisme qui aurait tenu le registre unique. Il aurait fallu pour cela indemniser l'intégralité des greffiers. Le coût budgétaire de cette indemnisation se chiffrant en milliards d'euros, nous avons préféré – je parle ici en tant que ministre des finances, plutôt que de l'économie – renoncer à cette belle proposition.

S'agissant de la philosophie, je vous rejoins parfaitement : oui, la philosophie du texte est d'offrir des incitations et des possibilités, pas de nouvelles contraintes ou de nouvelles obligations.

Il est vrai que nous demandons aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) un effort de transformation important. Je suis allé devant leurs présidents expliquer le sens de cette transformation. Il est très simple. Il consiste à dire aux CCI : « Ce qui était autrefois financé par une taxe affectée, vous devrez le financer par des prestations que vous offrirez aux entreprises, et ce sont les entreprises qui financeront ces prestations. » Cela doit nous permettre de parvenir à 400 millions d'euros d'économies sur les chambres de commerce et de l'industrie d'ici la fin du quinquennat. Cette transformation doit se faire avec les présidents de chambres et avec les syndicats, que j'ai reçus avant-hier pour la leur présenter.

Elle se fera en préservant les écoles, notamment les petites écoles de commerce installées dans les territoires, qui auront encore besoin du financement par la taxe affectée. Leurs missions font partie de celles qui continueront à être financées par cette taxe. La transformation se fera avec une réorganisation des CCI, parce qu'il faut rompre avec la logique de baronnies et instituer une structure hiérarchique autour de CCI France, dans le fonctionnement des CCI, qu'il s'agisse des chambres régionales ou de la CCI de tête, celle de France.

Nous veillerons enfin, en troisième lieu, à ce que les personnels ne soient pas la variable d'ajustement de cette transformation. J'ai demandé un suivi régulier de cette transformation des CCI, pour nous assurer d'abord que son rythme soit soutenable, et que les salariés n'en soient pas la variable d'ajustement.

Dernier point, enfin, sur l'exportation : nous allons simplifier les dispositifs de soutien à l'exportation, et engager une meilleure coordination entre Business France, les CCI et les régions, avec la création de Team France Export. Nous allons développer de nouveaux produits d'assurance-crédit à l'export, proposition inspirée notamment par celles du sénateur Yung et par Éric Kayser.

Mais je vais être très franc avec vous. La balance commerciale de la France ne se rétablira que par une meilleure compétitivité de nos entreprises. On peut simplifier tous les dispositifs – et nous allons le faire –, mais il faut que les entreprises soient plus compétitives à la fois du point de vue de leurs coûts de production, mais également – et c'est tout le sens de l'innovation que j'ai proposée – dans la qualité et l'originalité des produits qu'elles développent.

Je laisse maintenant Mme Gény-Stephann répondre aux autres questions, sur la RSE notamment.

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Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Vous avez évoqué, madame la présidente, la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. C'est en effet une thématique fondamentale, multidimensionnelle et évolutive en fonction du contexte de l'entreprise. Elle peut couvrir les sujets de la diversité au sein de l'entreprise, du respect de la personne, ou encore de l'harmonie du fonctionnement de l'entreprise dans son environnement, au contact des communautés qui cohabitent sur un même territoire. Elle couvre également l'empreinte environnementale des entreprises et leur contribution à la solidarité et l'inclusion, au-delà même de leurs implantations d'activités, comme nous l'avons vu hier lors de l'événement organisé par le président de la République à l'Élysée.

C'est donc une notion extrêmement vaste et multiple, sur laquelle nous avons besoin de souplesse, besoin de travailler en confiance avec les entreprises, et de passer souvent par la soft law, par des référentiels privés, fixés en dehors de la loi.

Il n'en demeure pas moins qu'un socle commun doit être assuré en la matière. C'est pourquoi le cadre applicable au reporting RSE a été modernisé l'année dernière, avec la création d'un rapport de performance extra-financière, désormais obligatoire pour toutes les grandes entreprises, qui inclut une obligation, que nous avons renforcée, d'audit par des organismes tiers indépendants.

La deuxième dimension repose sur des cadres spécifiques de responsabilité sociale, notamment en matière de lutte contre la corruption, fixés par la loi « Sapin 2 », ou de devoir de vigilance, fixés par la loi sur le devoir de vigilance. Ces lois comportent également des obligations de reporting et d'audits qui ne sont pas remises en cause. Nous les évaluerons dans leur fonctionnement, le moment venu, sachant qu'il s'agit d'outils encore récents.

Dans le cadre de l'accompagnement de la réforme des seuils relatifs à l'emploi de commissaires aux comptes qu'évoquait Bruno Le Maire, nous proposerons de donner aux commissaires aux comptes la possibilité de délivrer des attestations ciblées utiles aux entreprises, attestations qui pourront concerner la RSE. Il existe d'ailleurs déjà une norme d'exercice professionnel des commissaires aux comptes dans ce domaine.

Le projet de loi consacre enfin notre volonté de généraliser la prise en compte de la responsabilité sociale et environnementale pour toutes les entreprises, avec la modification proposée de l'article 1833 du code civil : il énoncerait désormais que les entreprises exercent leurs activités en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux. C'est donc, vous le voyez, une thématique extrêmement présente dans la loi.

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Merci beaucoup, monsieur le ministre, madame la ministre. Je donne maintenant la parole aux représentants des groupes.

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Madame la ministre, monsieur le ministre, merci pour ces premières précisions. J'en reviens, pour ma part, à la philosophie qui préside à cette loi. Vous étiez hier, de même qu'un certain nombre d'entre nous, à l'Élysée, où le Président de la République recevait les représentants des cent plus grandes entreprises françaises, mais aussi des associations, des administrations et des élus, autour de la mobilisation en faveur des quartiers prioritaires de la ville, mais aussi des zones rurales, et plus largement des personnes les plus éloignées de l'emploi.

Deux choses ont été dites qui sont, selon moi, importantes au regard du texte qui nous occupe.

La première est qu'il faut cesser d'opposer, dans notre pays, l'économique et le social. Comme le Président de la République l'avait dit dans son discours devant le Congrès, l'efficacité économique ne vaut, et n'est durable, que si elle s'accompagne de justice sociale, et la justice sociale n'est pas possible sans efficacité économique.

Le projet PACTE incarne parfaitement, selon moi, cette dynamique nouvelle que nous souhaitons mettre en oeuvre. Pour paraphraser le Président de la République, une politique pour les entreprises, ce n'est pas une politique pour quelques-uns, c'est une politique pour toute la nation, une politique pour l'emploi, une politique pour les services publics, une politique pour ceux qui restent en marge, faute de travail et faute de revenus.

Vous l'avez très bien rappelé dans votre propos introductif : en faisant tomber un certain nombre de contraintes, ce texte a pour ambition de libérer la croissance, celle des PME en particulier – on sait que leur taille est l'une des faiblesses du tissu économique de notre pays, dont elles représentent pourtant les plus gros gisements d'emplois – et, en même temps, que cette croissance profite à tous.

Mais nous avons entendu hier un second message, plus central encore, me semble-t-il, et auquel le projet de loi fait écho. Ce message, partagé par l'ensemble des participants, est que la réussite de notre pays repose sur une responsabilité partagée par tous. Je crois que cette notion de responsabilité partagée, que l'on pourrait encore appeler « engagement partagé » est elle aussi une valeur forte qui irrigue ce projet de loi.

Avec ce texte, en effet, l'État prend ses responsabilités en créant, d'abord, les conditions favorables à la croissance de nos PME, pour les rendre plus fortes, plus innovantes, davantage pourvoyeuses d'emplois. C'est l'objet notamment du premier chapitre de la loi, qui vise à simplifier la vie de nos entreprises, vous l'avez rappelé, et celle de nos entrepreneurs, depuis la création jusqu'à la transmission, en passant par le financement de l'entreprise.

L'État prend ses responsabilités, ensuite, en décidant d'investir dans l'avenir, plutôt que de gérer les dividendes ; en se recentrant sur des fonctions stratégiques, et en abondant massivement un fonds d'innovation de rupture afin d'accompagner la recherche fondamentale et l'innovation, qui dessineront notre économie de demain.

Responsabilité, enfin, parce que ce texte protège, vous l'avez dit, les intérêts stratégiques de notre pays, en renforçant la protection de certains de nos actifs contre les investissements étrangers, ou encore en favorisant l'accès des PME aux brevets. C'est donc un texte qui libère, mais c'est aussi un texte qui protège.

Un État responsable, mais également des entreprises responsables. Des entreprises qui s'engagent. Grâce à un meilleur partage de la valeur créée, tout d'abord, au bénéfice de tous ceux qui font l'entreprise, c'est-à-dire non seulement les actionnaires, mais aussi les salariés, en facilitant les accords d'intéressement ou en développant l'actionnariat salarié. Grâce, ensuite, à une association plus importante de ces mêmes salariés à la gouvernance de l'entreprise, avec le renforcement de la présence des administrateurs salariés notamment.

Ce texte consacre enfin un fait que vous venez d'évoquer, madame la ministre : l'intérêt d'une entreprise ne saurait se limiter aux seuls intérêts de ses associés, mais elle doit également prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux.

En guise de conclusion, je ne vous poserai pas de question spécifique, puisqu'un grand nombre de mes collègues ont beaucoup de sujets à aborder avec vous, mais je vous dirai simplement que nous sommes ravis, et désormais impatients, de commencer à examiner ce texte, dont il faut rappeler, comme vous l'avez fait, qu'il est le fruit de dix mois de concertation avec l'ensemble des parties prenantes.

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Monsieur le ministre, je vais vous faire de la peine. C'est une loi fourre-tout, que vous le vouliez ou non : ses objets vont des périodes de soldes aux procédures collectives, en passant par l'épargne retraite et la gouvernance de la caisse des dépôts et consignations… J'en passe, et des meilleures.

Il est vrai que vous avez fait beaucoup d'efforts pour trouver un fil directeur, mais ce n'est pas chose facile. S'il y en a un, finalement, c'est qu'il s'agit d'une loi de simplification. Mais ce n'est ni la première, ni la dernière, et elle ne mérite pas toutes les louanges que mon collègue Taquet – que j'apprécie par ailleurs – vient de lui adresser.

Proposer une loi de simplification est plutôt positif. Sur certains points, nous serons tout à fait d'accord avec vous. Mais elle ne va pas assez loin. J'en donne trois exemples.

Vous supprimez le seuil de 20 salariés, mais vous ne touchez pas au code du travail, ce qui est dommage ; vous maintenez un seuil à 10 salariés et un autre à 50 salariés, ce que beaucoup d'entreprises regrettent. On aurait pu aller beaucoup plus loin dans cette direction.

Quant à la suppression du forfait social, elle va coûter, vous l'avez dit, 480 millions d'euros. Mais, répartis sur le nombre d'entreprises en France, très franchement, est-ce que cela fera vraiment bouger les lignes de l'intéressement et de la participation des salariés dans les PME ? D'autant qu'avant le forfait social, il existait déjà une participation, très faible. Donc, même si l'on revient à la situation antérieure, ce n'est pas ce qui bouleversera les choses. Là encore, vous n'allez pas assez loin.

S'agissant enfin des statuts juridiques proposés aux créateurs d'entreprise, il y en a aujourd'hui une multitude, et la situation est extrêmement compliquée. On ne trouve rien à ce sujet dans votre projet de loi, alors que vous auriez pu en prendre occasion pour agir sur ce point.

Je me contente de ces trois exemples, mais on pourrait en prendre beaucoup d'autres. Vous avez été trop timides. Cela me surprend de votre part, mais on est un peu déçu, au regard des annonces qui ont été faites, quand on voit le texte qui nous est proposé.

C'est aussi une loi qui pourrait en réalité compliquer la vie des entreprises, alors qu'elle prétend la simplifier. C'est assez paradoxal.

Vous prévoyez la fin du stage de préparation à l'installation. Il faut certainement le revoir, et remettre à plat les textes qui l'organisent. Des propositions ont été faites en ce sens. Mais le supprimer purement et simplement, c'est mettre en danger un certain nombre de créateurs d'entreprises, qui ont besoin d'être conseillés et accompagnés.

La redéfinition de l'objet des sociétés est, à mon avis, extrêmement dangereuse. Vous proposez d'ajouter, dans le code civil, qu'une société est gérée « en considération des enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Que se passera-t-il si l'entreprise n'agit pas en considération de ces enjeux ? Comment les définir ? Comment les manquements seront-ils sanctionnés ? Vous créez une obligation nouvelle, sans dire comment elle sera sanctionnée.

Mais on devine comment elle le sera : il y aura forcément des contentieux, les tribunaux vont s'en emparer, produire une jurisprudence, et vous allez créer beaucoup d'insécurité juridique autour des entreprises françaises par un texte qui prétendait leur simplifier la vie. Avouez que c'est paradoxal.

Vous allez en outre, pour financer vos mesures sur les seuils et sur le forfait social, supprimer un certain nombre d'aides aux entreprises. Je voudrais donc savoir – merci de nous répondre clairement sur ce point – lesquelles vous supprimerez.

Car ce sera là aussi une conséquence indirecte de votre loi, mais qui pourrait fragiliser certaines entreprises et certains secteurs d'activité. On pense notamment à la remise en cause de la TVA à taux réduit dans certains secteurs, alors que cette réduction y porte l'activité et soutient le pouvoir d'achat. Remettrez-vous en cause, oui ou non, ces taux réduits de TVA ? Si non, comment financerez-vous vos mesures ? En supprimant certaines aides aux entreprises. Lesquelles ?

Je trouve, enfin, que votre texte comprend aussi des lacunes. L'économie numérique, notamment, est la grande absente. On nous parle de start-up nation, le Président de la République n'a que ces mots à la bouche, matin, midi et soir. Or il n'y a rien dans votre texte à ce sujet. Avouez que cela est très surprenant.

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Madame la ministre, monsieur le ministre, c'est une belle feuille de route que vous nous proposez avec ce projet de loi, mais c'est une feuille de route très balisée. J'espère que les débats de cette commission et nos discussions dans l'hémicycle nous permettront d'apporter notre pierre à cette construction, et de densifier ce texte. Il appelle de ma part quelques remarques.

Sur la simplification de la création des entreprises, d'abord. Je fais partie des personnes qui disent depuis longtemps qu'elle ne constitue pas un problème. On arrive à créer des sociétés assez facilement dans notre pays. Mais acceptons la simplification, qui pour moi va dans le bon sens.

Je ne voudrais pas, toutefois, que l'on banalise la création d'entreprise. C'est un acte important, qui engage souvent une vie entière. Je regrette que l'on se soit concentré sur l'aspect purement technique, en organisant l'unification des fichiers, même si cette mesure va dans le bon sens. Mais une question importante demeure : l'obtention de la personnalité morale, c'est-à-dire de la capacité juridique de la société à exister. Elle n'est pas du tout abordée. Sur ce point, des progrès sont possibles. Par ailleurs, beaucoup de professions de conseil aux entreprises sont mises de côté, alors que l'on aurait pu leur donner un rôle en tant que tiers de confiance.

Sur la partie consacrée au rebond, le texte ne va pas assez loin. Elle se concentre beaucoup sur l'entreprise individuelle, mais gagnerait à être enrichie.

Sur la partie consacrée à la recherche et à son financement, je n'emploierai pas le terme de privatisation, puisque je crois que vous ne l'aimez pas, monsieur le ministre. Je me contenterai de parler de désengagement de l'État. Nous serons très vigilants sur ce désengagement. Votre texte prend certes des précautions, surtout pour Aéroports de Paris, mais de vraies questions se posent, à mon avis, sur Engie : de vrais problèmes de maillage du territoire et de maîtrise des réseaux.

Deux mots sur les modifications du code civil et de sa définition de ce qu'est une société, ou une entreprise. Je regrette que l'on modifie le code civil, parce qu'il s'applique à toutes les personnes morales, y compris les sociétés civiles, qui ne sont pas vraiment des entreprises. Le texte aurait gagné en richesse en se concentrant sur l'entreprise elle-même, ses relations avec ses salariés, ses clients, ses fournisseurs, et avec l'environnement. En réformant le code civil, on va un peu trop loin.

Nous sommes évidemment dans l'attente de la partie fiscale, qui viendra avec le projet de loi de finances. Au-delà de la simplification du « pacte Dutreil », qui me semble nécessaire, il faut entreprendre une vraie réflexion sur la transmission à titre gratuit de l'entreprise au profit des salariés. Le simple étalement des plus-values ne va pas assez loin. La donation d'entreprise aux salariés reste un sujet à traiter. Il n'est pas uniquement fiscal, mais présente des liens avec le code civil, notamment avec la réserve héréditaire.

Il y a enfin des oublis dans ce texte : tout ce qui concerne la sous-traitance et la co-traitance, et les relations des grands donneurs d'ordre avec leurs fournisseurs. Il y a là un vrai enjeu de développement. Le texte aurait gagné à aborder ces relations entre les grandes entreprises et les petits fournisseurs qu'elles maltraitent souvent, et dont elles brident le développement.

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Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, le texte que vous nous proposez va globalement dans la bonne direction. Quelques questions se posent cependant.

Sur l'épargne salariale, d'abord. Tout le monde reconnaît que la création, puis l'amplification du forfait social par l'ancienne opposition a été une catastrophe. Vous prévoyez de le supprimer pour les petites entreprises. Ne pourrait-on pas aller plus loin ?

Sur l'épargne retraite, pourriez-vous nous indiquer si vous seriez favorable à l'extension des dispositions de l'article 20 aux systèmes de retraite complémentaire dont bénéficient les fonctionnaires, comme les régimes Préfon et Corem ? Certains disent d'ailleurs que votre texte les intégrerait, mais à sa lecture, il me semble que non. Il faudrait un amendement pour l'étendre.

Troisième question, sur l'assurance-vie en euro. Vous ne vous y attaquez pas. Or c'est un énorme problème. 1 300 milliards d'euros sont placés sur des contrats de ce type, qui bénéficient d'un régime extrêmement avantageux, et peu cohérent, puisque l'assurance-vie, c'est de l'épargne liquide, que l'on peut retirer à tout moment. La commission des finances a tenté à plusieurs reprises de leur imposer, en contrepartie, une part d'investissement dans les PME. Vous savez que les assureurs s'étaient engagés à la porter à 2 %, mais n'ont atteint que 1,7 %. L'idée pourrait être de passer, en cinq ans, de 1,7 % à 2,7 %. Ce n'est pas cela qui déstabiliserait l'assurance-vie en euros. Qu'en pensez-vous ?

Quatrième question, sur la privatisation de La Française des jeux. Pourriez-vous nous dire – le texte est rédigé de manière un peu ambiguë – si vous êtes favorable à la création d'une autorité de régulation de l'ensemble des jeux – Pari mutuel urbain (PMU), Française des jeux, casinos et jeux en ligne ? C'était l'une des propositions des deux derniers rapports sur ce sujet.

Pourriez-vous nous préciser quelle sera, après la privatisation de La Française des jeux, la nature de ses liens juridiques avec l'État ? Il semble que ce ne doive pas être une délégation de service public. Et que se passera-t-il à la fin de la période maximale de vingt-cinq ans au terme de laquelle l'entité Française des jeux perdra son monopole ?

Sur Aéroports de Paris (ADP), là encore, vous nous proposez un texte extrêmement complexe. Êtes-vous sûr, d'ailleurs, qu'il soit constitutionnellement admissible ? Surtout, pouvez-vous nous préciser la nature des liens entre le groupe ADP privatisé et l'État ? Car l'un des articles concernant ADP précise qu'il ne s'agira pas d'une délégation de service public. Nous aurions donc une société privée chargée d'une mission publique. Mais dans quel cadre juridique ? Quelle juridiction, administrative ou judiciaire, sera compétente pour les contentieux ? Les problèmes, vous le voyez, sont nombreux et appellent des éclaircissements.

Et puis, pour reprendre les propos de mon prédécesseur sur la transmission, je pense qu'il y a là une vraie défaillance de votre texte, à moins que vous ne renvoyiez cela à la loi de finances. Que pensez-vous de la vieille idée de suspendre les droits de succession pour ceux des héritiers qui reprennent l'entreprise familiale, pour une durée minimale de dix ou quinze ans ? Car notre système actuel de droits de succession détruit le tissu des PME familiales. Qu'il s'agisse d'entreprises agricoles, viticoles, commerciales ou industrielles, les grands groupes les rachètent et parfois les stérilisent.

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Je voudrais vous remercier, madame la ministre, monsieur le ministre, pour la qualité de cette audition. Elle représente un sommet, et compense un peu le calendrier extrêmement contraignant qui nous est imposé, notamment pour le dialogue que nous aurions aimé avoir, dans les territoires, avec les forces vives de nos circonscriptions.

Nous avons eu la chance, de surcroît, grâce à M. Taquet, que la parole du Président de la République nous soit transmise en direct. J'en ai retenu une phrase : pour que la justice sociale soit possible, il faut de l'efficacité. Je ne pense pas le contraire, mais je pense aussi que, sans justice sociale, il n'y a pas d'efficacité.

Ce sera une sorte de fil conducteur pour le groupe Nouvelle Gauche, qui a le petit avantage d'avoir réfléchi à ces questions en des termes nouveaux, en préparant une proposition de loi. Vous nous avez fait l'honneur, monsieur le ministre, de venir au banc pour en discuter avec nous, et vous avez dit en partager la philosophie. Nous sommes donc passés aux travaux pratiques, et nous allons confronter des projets, qui peuvent s'additionner ou s'affronter. Nous le ferons dans le meilleur esprit du monde, soyez-en sûr.

Les mesures que vous proposez ne me surprennent pas tout à fait. Je ne condamne pas a priori leur caractère hétéroclite. La loi dite « Macron 1 » et le projet de loi « Macron 2 » nous y ont habitués. Ce type de loi n'est pas nouveau. Il n'est pas toujours possible de proposer des lois d'orientation cohérentes, et il faut parfois additionner des mesures disparates. Simplement, beaucoup de celles-ci ne sont pas nouvelles, puisqu'elles avaient déjà été expérimentées par le ministre, devenu président, notamment dans la loi « Sapin 2 ». Nous les avions tantôt adoptées, tantôt repoussées, avec discernement.

Nous mettrons le même discernement – car nous n'avons pas changé, nous ne donnons pas dans l'idéologie, mais restons pragmatiques – à essayer de mesurer, pour chacune de vos propositions, son avantage réel, en prêtant particulièrement attention à leurs conséquences en termes d'externalités et à leurs conséquences dans le temps.

Je me contenterai de deux exemples. Si l'on convient à leur propos que, compte tenu des avantages et des inconvénients, la suppression est préférable, nous ne nous montrerons pas conservateurs.

Le stage de préparation à l'installation ayant été modernisé, simplifié, et ses délais réduits, il semblait que, sous le rapport de la pérennité des entreprises, les résultats étaient meilleurs quand il existait. Est-il opportun de le supprimer ? Il va falloir nous en assurer. Ce sera l'objet de notre dialogue, sans idéologie de notre part, mais avec pragmatisme.

Même chose pour les commissaires aux comptes : les pays qui ont abaissé les seuils à partir desquels ils doivent être employés ont connu une érosion de leur base fiscale. Ce n'est pas bon pour la nation, ni pour la loyauté fiscale entre les entreprises. Il faudra donc examiner la pertinence de cette mesure. Si elle est réelle, nous accepterons la suppression et nous vous soutiendrons. Et ainsi de suite : nous envisagerons vos propositions avec discernement, sans idéologie, en essayant d'en mesurer les avantages et les inconvénients.

Pour reprendre notre fil directeur, celui de la justice sociale et de l'entreprise comme communauté humaine au XXIe siècle, face à des défis multiples – ceux de la mondialisation, de l'enracinement, de l'épanouissement et de la survie de l'humanité –, nous vous soutiendrons dans la réforme du code civil, parce que nous l'avions nous-mêmes proposée. Peut-être aurons-nous un débat, qui ne sera pas théologique, sur les formulations, mais nous soutiendrons cette initiative.

Nous nous distinguerons en cela des Républicains, car nous pensons que les mots ont un sens, qu'ils sont porteurs d'un souffle, d'un esprit, qui est important pour impulser la suite ; qu'il n'y aura pas de conséquences juridiques, mais des conséquences politiques, et nous vous soutiendrons, avec des nuances et des propositions, dans cette initiative.

Nous sommes en revanche plus circonspects, à ce stade, sur d'autres sujets majeurs.

On trouve bien peu, dans ce texte, sur la co-détermination. La vraie audace aurait certainement été de nous rapprocher des modèles des huit pays européens qui adoptent avec bonheur une authentique co-détermination, qui devient systémique, car elle atteint des seuils significatifs – 30 %, 40 %, 50 % de participation – et qui en tirent un grand bénéfice pour leur industrie et pour leur économie.

Deuxième proposition, sur la RSE. Nous sommes sous ce rapport dans un ancien monde, il faut bâtir un nouvel âge. Je pense qu'il incombe à la puissance publique de définir des critères de discernement pour éclairer le citoyen, en ses qualités d'épargnant, de collaborateur et de consommateur. Nous ferons des propositions en ce sens.

Le pacte salarial, enfin, n'est pas directement remis en cause par vos propositions, mais pourrait l'être par incidence. Nous avons aujourd'hui un bloc autour du salaire. Vous proposez de développer la partie de la participation – assez peu, toutefois, je le note –, celle de l'intéressement, davantage, ainsi que celle de l'épargne par laquelle le salarié pourrait devenir copropriétaire de l'entreprise. Quelle proportion cette dernière partie doit-elle prendre, dans votre esprit ? 10 % de la masse de la rémunération des salariés ? 15 % ? À partir de quel moment la prise de risque devient-elle trop importante pour que le pacte soit durable ?

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Puisqu'il s'agit, madame la ministre, monsieur le ministre, de penser l'entreprise du XXIe siècle, je déplore que vous ne puissiez le faire sans procéder à un certain nombre de reculs sociaux. Car ce projet de loi augmente le temps dont disposent les entreprises pour respecter les règles une fois un seuil franchi, en le portant à cinq années consécutives. Il suffira donc qu'une entreprise réduise ses effectifs, ne serait-ce que pendant un mois, pour que les compteurs repassent à zéro, ce qui est très déséquilibré.

Le texte réduit le nombre de seuils, ce qui a pour conséquence de réduire les droits des salariés. Alors que la création d'un local de restauration, par exemple, était imposée aux entreprises employant vingt salariés, elle ne le sera plus, désormais, qu'à celles qui en emploient cinquante. Alors qu'un local syndical est obligatoire à partir de 200 salariés, il ne le sera plus, désormais, qu'à partir de 250. Autre conséquence : la réduction des recettes de la sécurité sociale.

Il s'agit aussi d'augmenter l'effectif minimum obligeant à s'acquitter de certaines taxes, comme celle finançant le fonds national d'aide au logement. Des dizaines de milliers de salariés verront de ce fait leurs droits considérablement réduits, ainsi que leur confort de vie, si l'on songe au lieu de restauration, ou leur capacité d'action, si l'on considère le local syndical.

Il faut sans doute simplifier le système existant. Nous vous proposons donc de résoudre ce problème en créant un seuil unique, à dix salariés par exemple. C'est en abaissant les seuils que l'Allemagne a résolu ce problème. Cela permettra de réduire les différences de droits entre les salariés des petites entreprises et ceux des grandes.

Quant à l'épargne salariale, c'est un mode de rémunération alternatif au salaire. Ces rémunérations ne sont pas soumises aux cotisations et provoquent un important manque à gagner pour la sécurité sociale : 440 millions de recettes en moins dans l'immédiat, davantage à l'avenir, puisque les entreprises seront incitées à y recourir davantage, le forfait social instauré en 2009 pour taxer ce dispositif et compenser le manque à gagner étant supprimé dans les entreprises de moins de 250 salariés.

Le gouvernement présente l'épargne salariale comme un mode de participation et de valorisation des salariés, mais il s'agit aussi d'une niche fiscale et d'un moyen d'éviter les augmentations de salaires. Nous alertons sur l'arnaque que constitue le développement de l'actionnariat salarié via les plans d'épargne d'entreprise, et surtout sur le risque pour les salariés, qui devient considérable. Car si l'entreprise va mal, ils risquent non seulement de perdre leur emploi, mais aussi leur épargne. Le bénéfice pour les entreprises, au contraire, est double : l'épargne salariale vient se substituer aux salaires, et l'argent ne sort pas de l'entreprise. Or il n'est pas nécessaire que les salariés soient actionnaires pour avoir un pouvoir de gestion dans l'entreprise

Le progrès social vanté par votre projet de loi est d'ailleurs illusoire. Le Gouvernement met principalement en avant trois mesures : le changement de l'objet social de l'entreprise, la possibilité pour les entreprises d'indiquer, dans leurs statuts, une raison d'être autre que le profit, et le passage à deux administrateurs salariés dans un conseil d'administration d'au moins huit personnes, et non plus de douze, comme c'était le cas pour l'entreprise de plus de 1 000 salariés.

Mais ces trois mesures sont de la poudre aux yeux, car elles ne changent ni la vocation des entreprises – pour l'essentiel, faire du profit –, ni le partage du pouvoir. La modification de l'objet social de l'entreprise n'implique pas de nouvelles obligations pour elle, et prend simplement en compte la jurisprudence actuelle. La précision d'une raison d'être étant facultative, elle n'est rien de plus, ici, qu'un outil de marketing.

Alors que ce projet de loi était censé faire entrer l'entreprise française dans le XXIe siècle, de nombreux enjeux qui nous semblent essentiels y manquent. Rien sur l'écologie, ce texte vise la croissance pour la croissance. Rien sur le bien-être au travail, malgré le nombre considérable de pathologies qui en découlent. Pas de partage de pouvoir avec les salariés. Rien sur la précarisation du travail, alors que 85 % des nouveaux contrats sont des contrats à durée déterminée (CDD). Rien non plus sur les stock-options, l'encadrement des salaires, les licenciements boursiers, les retards de paiement des grands groupes.… Bref, ce texte est largement insuffisant. Ses dispositions sont en outre à géométrie variable, comme leur examen nous permettra de le montrer. Ce sera pour nous l'occasion de formuler d'autres propositions.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Merci à chacun de vous pour la précision et la pertinence des questions posées.

Je ne peux évidemment que partager les remarques d'Adrien Taquet. Il est vrai que ce projet de loi traduit notre volonté de redéfinir la place de l'entreprise et de répondre à un certain nombre d'enjeux sociaux liés à la création de valeur. Nous estimons qu'il n'y a pas de création de valeur sans un sens donné par l'entreprise au travail qu'effectuent ses salariés.

Je salue, monsieur Fasquelle, l'effort louable que vous avez accompli pour nous faire croire que vous trouviez que ce texte n'allait pas assez loin. Je crains cependant qu'il ne soit pas très convaincant, car lorsque l'on considère l'intégralité des dispositions, elles vont au contraire extraordinairement loin.

La transformation de l'épargne-retraite est probablement l'une des plus importantes qui aient été proposées en termes de financement des entreprises. La réforme des seuils, nous avions voulu l'introduire dans la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008, mais nous avions reculé. Cette fois, nous la faisons. S'y ajoutent la simplification de la création d'entreprise, celle du rebond, les cessions d'actifs qui permettront de redéfinir la place de l'État dans notre économie – il a évidemment un rôle à y jouer, mais ce rôle doit être clairement défini : services publics, activités relevant de la souveraineté nationale, ou aide aux entreprises en difficulté, pour défendre l'ordre économique national –, et notre volonté de donner un accès nouveau au financement par le plan d'épargne en actions destiné au financement des PME (PEA-PME), ou à d'autres outils de financement, afin de permettre aux entreprises de se financer en fonds propres. Je crois sincèrement que toutes ces dispositions vont très loin. Vous nous reprochez notre timidité, alors que d'autres nous reprochent notre audace. À mon avis, cela signifie que nous sommes sur la bonne voie.

Monsieur Mattei, sur la simplification de la création d'entreprise et le rebond, je laisserai Mme Gény-Stephann vous répondre.

Je voudrais cependant vous apporter des réponses précises, ainsi qu'à M. de Courson, sur les cessions d'actifs de l'État dans ADP, en commençant par revenir sur la réalité de la situation actuelle : des actionnaires privés détiennent aujourd'hui plus de 49 % de cet actif stratégique, et l'État un peu plus de 50 %.

Une solution de simplicité aurait été un article de loi prévoyant que les actionnaires privés puissent détenir plus de 50 % du capital. Je ne l'ai même pas proposée au Premier ministre, ni au Président de la République, parce que je pense que cette privatisation « sèche » aurait été irresponsable et n'aurait pas permis de défendre les intérêts stratégiques de l'État et des citoyens français. Mais c'était la solution de simplicité. J'ai voulu protéger cet actif et protéger les intérêts des Français, en optant pour une solution différente, qui protège fondamentalement les intérêts liés à cet actif stratégique qu'est ADP, avec l'aéroport du Bourget, l'aéroport Charles-de-Gaulle et l'aéroport d'Orly.

Le premier élément de protection est que toutes les fonctions de souveraineté nationale seront préservées, et resteront exactement les mêmes. Qu'il s'agisse du contrôle des personnes, du contrôle aux frontières, des douanes, ou du contrôle du trafic aérien par la direction générale de l'aviation civile (DGAC), rien n'est changé par cette opération de cession d'actifs. Et si nous voulons renforcer les contrôles des douanes, si nous voulons durcir les règles du contrôle des personnes, rien ne nous l'interdit. Cette fonction vitale de souveraineté à l'entrée sur le territoire français est intégralement préservée.

Je rappelle, en second lieu, qu'au bout de soixante-dix ans, soit la durée que nous avons prévue pour cette concession, l'État récupère l'intégralité de l'actif d'ADP, alors qu'il n'en dispose pas aujourd'hui. De ce point de vue, l'opération est plus protectrice des intérêts de l'État que la situation actuelle.

Enfin, et c'est le point le plus important, nous avons travaillé pendant des mois – ce qui explique le temps que nous avons consacré à cette opération – à la définition d'un cahier des charges qui sera renforcé pour sécuriser les prérogatives de puissance publique. Cette cession d'actifs de l'État se fait avec un cahier des charges qui, pour le futur concessionnaire d'ADP, est extraordinairement précis et contraignant. Parce que ce n'est pas un actif comme les autres.

Il y a d'abord un contrat de régulation économique (CRE), que connaissent MM. de Courson et Mattei. Il sera négocié entre l'État et le futur concessionnaire. Il se peut qu'il n'y ait pas d'accord. Dans ce cas, nous avons prévu que l'État reprendra la main.

L'État pourra donc fixer des orientations sur le développement des aérodromes. Il pourra imposer la réalisation d'investissements jugés nécessaires à la valorisation de l'actif. Si le concessionnaire refuse, par exemple, de réaliser tel terminal au motif qu'il lui coûterait trop cher, nous pourrons l'obliger à le faire, et à procéder aux investissements nécessaires pour valoriser l'actif que nous récupérerons au bout de soixante-dix ans. Nous fixerons les niveaux de performance à atteindre en termes de service public aéroportuaire, nous les contrôlerons, et nous fixerons les redevances.

Nous avons tiré toutes les leçons des erreurs qui ont pu être commises au moment de la concession des autoroutes, notamment sur la question des tarifs, et nous savons qu'il est de meilleure politique de maintenir une régulation forte. Cette régulation sera prévue dans le cahier des charges.

Outre ce pouvoir de décision, l'État conservera un pouvoir d'autorisation. C'est l'État qui autorisera les changements de contrôle. Cela n'existe pas aujourd'hui, mais existera demain dans le cahier des charges. C'est lui qui autorisera les opérations d'investissement dépassant un certain seuil de superficie ou de montant. C'est lui qui autorisera les travaux susceptibles d'affecter le service public, je pense par exemple à tous les locaux liés à la douane ou aux services de police. C'est lui qui autorisera les cessions et les constitutions de sûretés.

L'État disposera, enfin, d'un pouvoir de contrôle dans la future organisation, avec la présence d'un commissaire du gouvernement au conseil d'administration – ce n'est pas le cas aujourd'hui, ce le sera demain – et avec l'agrément des dirigeants opérationnels en charge des fonctions relatives à l'exploitation des plateformes de la sécurité et de la sûreté.

Le cahier des charges prévoira enfin un contrôle de la Cour des comptes.

Je tenais à vous apporter toutes ces précisions parce qu'elles prouvent que l'opération que nous proposons n'a rien à voir avec un désengagement de l'État. Je refuse ce terme. Nous réinventons la place de l'État. Nous voulons qu'il investisse dans l'avenir des Français et dans l'innovation, sans pour autant fragiliser les prérogatives de puissance publique liées à l'actif stratégique que représente Aéroports de Paris. C'est cet équilibre que nous avons voulu défendre.

Certes, comme Charles de Courson le note, il est complexe, mais il est protecteur. Et c'est le souci de la protection des intérêts de l'État et des Français qui nous a guidés dans la préparation du projet qui vous est présenté aujourd'hui.

Jean-Paul Mattei m'interrogeait enfin sur les grands groupes, les relations des fournisseurs avec les donneurs d'ordre, et les améliorations qui peuvent être apportées à leurs délais de paiement.

Une première remarque, pour commencer : le texte peut être amélioré, sinon il ne vaudrait pas la peine d'organiser un débat à l'Assemblée nationale. Et si certaines propositions, sur les délais de paiement, par exemple, vous paraissent pertinentes, nous sommes tout à fait disposés à les étudier et à les introduire dans le texte.

Je rappelle néanmoins que ce projet contient un certain nombre de décisions très novatrices, et très attendues par les PME, en matière de commandes et de délais de paiement.

S'agissant de l'accès à la commande publique, nous proposons une mesure majeure : l'État sera désormais obligé d'avancer 20 % du montant des contrats aux PME, contre 5 % aujourd'hui. L'État, qui est considéré comme un mauvais payeur, sera obligé demain d'être un bon payeur, et cela permettra de simplifier grandement les problèmes de trésorerie des PME qui ont accès à la commande publique.

Deuxième mesure importante pour toutes les PME du bâtiment, nous allons introduire par amendement la fin des ordres de service à zéro euro pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics. Cette pratique, très courante parmi les donneurs d'ordre publics, qui consiste à demander des services additionnels à une entreprise du bâtiment et des travaux publics sans les régler, est inacceptable. Les entreprises nous demandent d'y mettre fin depuis plusieurs années. Sur la question qui m'a été posée par Jean-Paul Mattei sur les relations entre donneurs d'ordres et entreprises sous-traitantes, ce sont là, je crois, deux mesures fortes, claires et convaincantes.

Charles de Courson m'a interrogé sur l'épargne-retraite. La simplification que nous opérons en la matière est majeure. Merci de l'avoir reconnu. Il existe aujourd'hui une foule de produits d'épargne retraite, qui ont pour caractéristiques, d'abord, d'obéir tous à des règles différentes, si bien que personne ne s'y retrouve et que, du coup, les salariés ne cotisent pas ; ensuite, de ne pas être portables : quand vous changez d'emploi, vous perdez le bénéfice de votre produit d'épargne retraite, ce qui n'incite pas à en souscrire ; enfin, ils ne prévoient pas de dispositif de réversion, ce qui, là aussi, est peu incitatif pour les salariés.

Nous réglons chacune de ces difficultés. Tous les produits seront portables, qu'ils relèvent de l'article 83 du code général des impôts (CGI), de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, dite « loi Madelin », ou d'un plan d'épargne collectif pour la retraite (PERCO). Si vous changez d'emploi, vous garderez votre produit d'épargne retraite.

En deuxième lieu, ils obéiront tous aux mêmes règles. Si un salarié effectue des versements volontaires sur son produit d'épargne-retraite, il aura droit à une incitation fiscale de 10 %. Quant à débloquer son épargne-retraite pour acheter son logement principal, aujourd'hui, seuls les titulaires d'un PERCO peuvent le faire. Demain, ce sera possible à tous les salariés disposant d'un produit d'épargne-retraite.

Les règles de sortie, enfin, seront les mêmes : après des versements volontaires, chacun sera libre de les convertir soit en capital, soit en rente. Cette liberté fera l'attractivité du produit d'épargne-retraite. Tout le monde me dit qu'il ne faut surtout pas faire confiance aux citoyens. Je crois justement qu'il faut leur faire confiance et parier sur la responsabilité de l'épargnant. Chacun sait parfaitement, en fonction de sa vie et de ses projets, s'il doit convertir son épargne en capital ou en rente, et je ne vois pas pourquoi ce seraient les assureurs ou les gestionnaires d'actifs qui dicteraient au citoyen, à l'épargnant, ses règles de vie. Ce n'est pas, en tout cas, ma conception de la société.

Ce dispositif très avantageux pourra-t-il être ouvert aux fonctionnaires dans le cadre du dispositif Préfon ou d'autres ? Je souhaite pour ma part que, dans le cadre de la réforme des retraites et de la mise en place d'un dispositif de retraite par points, nous puissions étudier cette possibilité, car je pense qu'elle est très intéressante pour les fonctionnaires et mérite d'être étudiée. Est-ce possible techniquement ? Quel en sera le coût ? Je ne peux pas le dire aujourd'hui. Mais, devant l'intérêt que suscite cette transformation stratégique de l'épargne-retraite pour les salariés du secteur privé, et, constatant la très grande attention et les nombreuses réactions qu'a suscitées la consultation par internet, je me demande pourquoi ne pas ouvrir cette réforme aux fonctionnaires et à tous les agents du secteur public. Je suis donc tout à fait disposé à en étudier la possibilité technique et financière. Nous pouvons très bien passer par un amendement pour élargir cette transformation aux agents du secteur public.

S'agissant de l'assurance-vie, j'ai fait le choix, que j'assume, de ne pas provoquer un big bang du système français, car cela aurait eu pour effet de ne plus garantir le capital des épargnants. Je n'ai pas voulu prendre ce risque, donc, c'est vrai, notre réforme est plus modeste.

Elle vise à faire progresser l'euro-croissance en en simplifiant les règles et en fixant des objectifs de montants plus élevés que ceux d'aujourd'hui. Les assureurs-vie se sont engagés, étant entendu qu'il n'y aurait pas de big bang sur l'assurance-vie, pas de remise en cause du capital, parce que je pense que les gens ont besoin de stabilité et de sécurité, et que l'on ne peut pas leur faire le courir le risque de perdre ne serait-ce qu'une partie de leur capital. Mais nous regarderons, d'ici deux ans, si les assureurs-vie ont bien tenu leurs objectifs de placement des produits euro-croissance qui permettent de financer nos PME. Et nous veillerons, bien entendu, à ce que les assureurs tiennent leurs engagements sur le développement de l'euro-croissance.

S'agissant de La Française des jeux et de l'autorité de régulation des jeux, nous leur appliquons la même logique qu'à ADP. L'État n'aura à supporter aucune perte financière puisque les dividendes de La Française des jeux s'élèvent à 83 millions d'euros environ, et que ce qui compte, ce sont les recettes fiscales, qui sont de plus de 3 milliards d'euros. Ces recettes fiscales resteront exactement les mêmes.

Je pense, en revanche, qu'il faut saisir cette occasion pour renforcer la régulation et, là encore, pour mieux protéger les Français. Le risque d'addiction au jeu est pour moi un risque très élevé. Aujourd'hui, il est peu ou mal contrôlé.

Nous allons mettre en place une autorité de régulation des jeux qui sera plus efficace pour lutter contre l'addiction au jeu. Quel en sera le champ ? La question est en cours d'examen par la mission instituée sur cette autorité de régulation. Inclura-t-il tous les jeux ? Tous les jeux de hasard ? Les casinos ? Je ne peux pas vous répondre avant la conclusion de la mission, mais je peux déjà vous dire que nous serons très stricts sur la mise en place de cette autorité de régulation, car je souhaite que nous luttions avec efficacité contre l'addiction au jeu.

Au bout de vingt-cinq ans, le droit d'exploitation que nous nous apprêtons à céder reviendra à l'État, qui pourra soit l'attribuer à un nouveau concessionnaire, soit reconduire le précédent, si l'exploitation s'est faite dans des conditions satisfaisantes.

S'agissant de la transmission, plusieurs points. Nous avons fait étudier par le conseil d'État l'idée, très séduisante, de suspendre pour dix ans les droits de succession pour les héritiers qui reprendraient une entreprise, notamment une entreprise agricole ; cela peut être très intéressant dans le domaine viticole, en particulier.

Le Conseil d'État y a décelé un problème de principe insurmontable : cela contreviendrait à l'exigence d'égalité devant les charges publiques. Il a donc répondu que l'intérêt que l'on pourrait retirer de cette idée était négligeable par rapport au caractère disproportionné de cette rupture d'égalité devant les charges publiques. C'est pour cela que nous ne l'avons pas introduite. Je tiens à votre disposition les conclusions du Conseil d'État.

Nous apportons en revanche deux éléments importants sur la transmission.

Le premier, c'est la simplification du dispositif Dutreil, avec notamment, sur le pacte d'actionnaires, des simplifications de déclaration qui sont très attendues.

Deuxième élément, nous avons supprimé la condition d'effectif pour le crédit d'impôt « reprise par les salariés ». Ce sera une incitation forte, avant une transmission de ce type, pour toutes les entreprises, et plus seulement pour un nombre limité d'entre elles

Je pourrais, monsieur Potier, signer des deux mains ce que vous avez dit : il n'y a pas d'efficacité économique sans justice sociale. J'en suis profondément convaincu. Et je suis profondément convaincu qu'une économie qui accroît les inégalités est une économie qui s'affaiblit, et que si le modèle économique français peut apporter quelque chose aux autres modèles économiques, notamment européen, c'est de prouver que l'on peut conjuguer compétitivité et réduction des inégalités. Les inégalités sont un obstacle à la croissance, et un obstacle majeur. Tout ce qui permettra de réduire les inégalités – et c'est aussi l'un des objectifs de ce projet, par la création d'emplois – ira dans le bon sens, et sera bénéfique pour notre société et notre économie.

Je voudrais, de ce point de vue, dire un mot du stage préalable à l'installation, qui fait couler beaucoup d'encre. Nous ne le supprimons pas. Il a été amélioré et simplifié. Nous le rendons simplement facultatif. Et je rappelle que nous avons maintenu – et j'y tiens – une obligation de diplôme pour tous les artisans. Si vous voulez devenir artisan coiffeur, vous devez disposer d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de coiffure. Je pense que c'est essentiel à la fois pour la valorisation du métier, et pour la protection de cette profession.

À partir du moment où l'on maintient l'obligation de diplôme – je vous vois sourire – je trouve difficile d'imposer en plus un stage préalable à l'installation qui, je le rappelle, coûte 250 euros à l'artisan. Il est maintenu, mais il est facultatif.

Quant à la place des salariés dans l'entreprise, enfin, ne négligez pas les dispositions contenues dans le texte. Nous avons prévu de passer de un à deux salariés présents au conseil d'administration dans toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés, dès lors que leur conseil d'administration compte au moins huit personnes, contre douze auparavant.

Nous avons prévu, en deuxième lieu, d'étendre cette obligation de présence des salariés au conseil administration à toutes les entreprises, y compris du secteur mutualiste, qui jusqu'à présent était exclu du champ. Ce n'est pas négligeable.

Enfin, je suis très ouvert, suite à des discussions que j'ai eues avec les représentants syndicaux, à renforcer le dialogue entre les instances représentatives du personnel, le comité social et économique (CSE) et le conseil d'administration. C'est une demande forte, notamment de Force Ouvrière, qui souhaite entre eux un meilleur échange d'informations et une meilleure fluidité. Je trouve que c'est une excellente idée.

Vous voyez que la participation des salariés au conseil d'administration n'est pas le seul moyen de fluidifier les relations entre la direction et les salariés au bénéfice de l'entreprise. Il y faut aussi une meilleure information – elle n'est pas aujourd'hui à la hauteur des enjeux – entre conseil d'administration et nouvelles instances représentatives à partir du seuil de 50 salariés.

Sur le pacte salarial, enfin, je connais les critiques selon lesquelles l'intéressement, la participation pourrait se substituer au salaire. Pour moi, je crois qu'elle complète le salaire. Et je pense que tous ceux qui craignent que l'un se substitue à l'autre devraient surtout comprendre que, grâce aux mesures que nous prenons dans le projet de loi PACTE sur la suppression des cotisations à l'assurance-maladie et à l'assurance-chômage sur l'intéressement et sur la participation, et celles que nous prendrons demain sur les charges sur les heures supplémentaires, au bout de l'année, le salarié touchera davantage.

Et je pense que c'est une meilleure politique que celle qui consiste à proposer l'augmentation du SMIC. Je crois au SMIC, je pense qu'il est indispensable d'avoir un salaire minimum, mais proposer l'augmentation de 20 % du SMIC, c'est condamner des centaines de milliers de jeunes au chômage. Parce que chacun sait, en économie, que si votre productivité est inférieure au salaire horaire, vous n'êtes pas embauché. Si vous augmentez le SMIC de 20 %, les premières victimes, ce sont les jeunes. Je préfère donc un discours plus responsable – je sais bien que, paradoxalement, ce n'est pas vous qui proposez l'augmentation du SMIC de 20 %. On a parfois des surprises en politique…

Je ne propose pas cela parce que je pense que l'on peut obtenir plus de justice, c'est-à-dire une meilleure rémunération des salariés, sans nuire à la compétitivité des entreprises. C'est ce que nous proposons avec l'intéressement et la participation. Le développement de l'épargne retraite et de l'épargne salariale doit également aller en ce sens.

Monsieur Quatennens, il est vrai que nous aurons une différence de vues sur la transformation du rôle des entreprises, mais je tiens à dire que ce n'est pas rien de modifier le code civil dans ses articles 1833 et 1835 pour y reconnaître aux sociétés la possibilité de se doter d'une raison d'être dans leurs statuts. Même si cela est facultatif, je pense que les entreprises se saisiront de ce nouvel objet, de cette raison d'être, et qu'elles comprendront que les consommateurs, qui sont aussi des citoyens, vont devenir de plus en plus attentifs au respect, par les entreprises, par les commerçants et par leurs produits, des engagements sociaux ou environnementaux auxquels ils sont attachés. Je pense que la faculté sera suffisamment puissante, et que l'obligation aurait plus d'inconvénients que d'avantages.

Je suis persuadé que, demain, des jeunes de vingt, vingt-cinq ou trente ans, qui ont placé leurs économies et sont très attachés, par exemple, à la finance verte, s'ils apprennent que telle banque a investi massivement leurs économies pour financer des centrales électriques au charbon, mettront leurs économies ailleurs. S'ils savent que la banque, en revanche, s'est appropriée la finance verte, a pris des engagements, notamment au titre de la RSE, pour financer des énergies renouvelables, des champs éoliens offshore, et de la recherche en matière de nouvelles technologies renouvelables, ils porteront leurs économies là. Là encore, la justice et l'engagement en faveur de la société rejoignent la compétitivité. Il n'y a pas d'opposition entre les deux. Mais je crois davantage, je ne le cache pas, à l'incitation et à la possibilité qu'à l'obligation.

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Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Je voudrais apporter quelques réponses complémentaires à la question de Jean-Paul Mattei sur la création d'entreprise et le rebond.

Si les mesures proposées ont un caractère technique, je tiens à rappeler que notre méthode a consisté à être à l'écoute du terrain, et à faire remonter les points de blocage, de difficultés, les obstacles et les freins. Ces éléments ont donc été identifiés par les entreprises elles-mêmes, en particulier par les PME, les TPE et les jeunes entreprises, comme des difficultés réelles. Ce sont ces difficultés que nous essayons de résoudre, dans une approche concrète et pragmatique, par des simplifications, des réductions de coûts et de délais qui seront très directement perçues par les entreprises.

Passer de sept réseaux de centres de formalités des entreprises à un guichet unique, ce n'est pas rien. Cela nécessite du travail. Mais nous souhaitons le faire, à cause de l'impact que cela aura sur les entreprises.

Supprimer l'obligation du stage préalable à l'installation permettra également à certaines entreprises, dont le projet est déjà mûr, de se créer plus rapidement, en évitant le délai parfois nécessaire pour s'inscrire aux stages et en économisant évidemment le coût correspondant. Là encore, nous voulons donner de la souplesse et mettre les choix entre les mains des entrepreneurs, sans chercher à toute force à créer un jardin à la française.

C'est pourquoi la rationalisation de l'ensemble des statuts possibles pour les entreprises, que nous aurions pu envisager, ne nous a pas paru être une priorité, puisque les entreprises elles-mêmes nous ont dit être attachées à certains statuts spécifiques, tout en souhaitant la réduction des délais et des coûts de création d'entreprise.

S'agissant du rebond, nous allons mettre en avant et rendre beaucoup plus faciles à utiliser des dispositifs très utiles pour les très petites entreprises. La liquidation simplifiée, d'abord, dont les délais seront sensiblement réduits puisqu'elle interviendra, en fonction de la taille des entreprises, dans un délai maximum de quinze mois, alors que certaines liquidations peuvent aujourd'hui paralyser l'énergie des entrepreneurs pendant deux ou trois ans. Le rétablissement professionnel, ensuite, pour les très petites entreprises sans salarié, pourra s'opérer en six mois. Ce mécanisme très agile est aujourd'hui peu connu et peu utilisé.

Sur le volet du rebond, je tiens à souligner deux chantiers d'ampleur qui vont changer la physionomie de notre droit. Le projet de loi engage, d'une part, une réforme en profondeur du droit des sûretés, qui accroîtra l'attractivité et l'efficacité de notre droit des procédures collectives ; d'autre part une réforme du droit des faillites. Dans les deux cas, il s'agit d'une première étape, puisque les détails devront être précisés par des ordonnances. Mais il s'agit là de deux chantiers de grande ampleur sur le rebond.

Un mot sur le tout-numérique. Le projet de loi contient en effet un certain nombre de dispositions qui aideront nos entreprises à se développer dans le domaine du numérique.

Il y a bien sûr la création du fonds pour l'innovation et l'industrie, qui soutiendra les actions des start-up et des chercheurs en matière d'intelligence artificielle. Cette intelligence artificielle irriguera de plus en plus tous les secteurs de l'économie et digitalisera un certain nombre de domaines industriels.

Le projet de loi comporte également une avancée qui sera suivie avec intérêt au plan international, puisqu'il s'agit d'une innovation française : un premier encadrement des émissions de jetons. Ce type d'innovation suscite un grand intérêt, en particulier dans le monde des fintech, y compris à l'étranger, à l'égard de la France.

Nous assouplissons aussi l'accès au financement participatif au travers du PEA-PME. Ce sont, là encore, des supports très spécifiquement orientés vers les jeunes entreprises innovantes et le domaine du numérique.

Bien évidemment, l'action du Gouvernement ne s'arrête pas là, puisque nous avons annoncé d'autres mesures : le code des marchés publics va être assoupli pour les jeunes PME proposant des services et des produits innovants ; nous allons lancer, avec le secrétariat d'État au numérique, une plateforme dédiée à l'accompagnement des TPE sur le numérique ; nous mettons en place la couverture très haut débit des territoires, afin que l'ensemble des entreprises, y compris celles qui sont implantées dans des zones peu denses, puissent avoir accès au réseau. Tous ces éléments contribuent au soutien à l'innovation numérique et au développement du numérique dans nos entreprises, y compris les PME de nos territoires.

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À chaque gouvernement, monsieur le ministre, sa strate de simplifications et d'améliorations, ou de tentatives d'amélioration. Elles sont parfois utiles, mais elles sont aussi, parfois, sources de nouvelles complexités, qui exigent à leur tour de nouvelles lois de simplification. Nous verrons au moment de la mise en place.

Je voulais vous interroger sur ADP, et revenir à ce qui a été dit à ce sujet par mes collègues. Ma question est plus précise : vous allez procéder, j'imagine, par offre publique d'achat (OPA) – ou peut-être autrement. Je pense que, juridiquement, vous devez le faire.

Mais ADP a déjà un actionnaire, Vinci, qui détient une participation importante et qui, j'imagine, sera candidat. Nous verrons. S'il l'est, n'y aura-t-il pas un risque de rupture d'égalité, ou d'équité, dans l'information donnée aux candidats ? Or, il faut des candidats pour que l'État puisse décider, si je puis dire, à qui vendre cette nouvelle concession, et il ne doit donc pas y avoir de suspicion de rupture d'équité ou d'égalité. Cela jouerait non seulement sur les prix, mais aussi sur les candidats disposés à concourir, et sur la crédibilité internationale de la France. Ma question est donc très précise : pourquoi ne créez-vous pas une commission de suivi indépendante, afin de garantir la parfaite équité de cette opération ?

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Ma question, monsieur le ministre, madame la ministre, porte sur deux points : l'accès des start-up, des PME innovantes, à la commande publique, et la relation de ces mêmes entreprises avec les grands donneurs d'ordres privés.

La commande publique est un levier efficace pour que nos TPE et PME passent à l'échelle dans le déploiement de leurs solutions technologiques et pour qu'elles obtiennent des références pour l'export. Améliorer les relations entre grands groupes et PME permettrait certainement d'accroître la diffusion des technologies au sein de notre économie, et d'accélérer la transformation numérique des entreprises.

Les jeunes entreprises rencontrent pourtant des difficultés bien connues en ces matières : d'une part, répondre à un appel d'offres est un processus largement chronophage pour un chef d'entreprise, et les directeurs des achats n'ont pas forcément une culture numérique suffisamment élaborée pour juger de la pertinence de la solution qui leur est proposée ; d'autre part, le modèle d'affaires très particulier de ces entreprises ne facilite pas leur référencement par les grands groupes. Ces start-up et PME sont parfois trop jeunes pour produire tous les documents financiers demandés. Leurs solutions, très différenciantes, ne sont pas toujours évaluées à leur juste mesure, et il existe parfois une réelle difficulté à valoriser financièrement une innovation.

Que pouvons-nous donc faire pour remédier à ces difficultés ? Devons-nous viser un Small Business Act – un Small Business Pact – à la française ? Quels leviers législatifs pouvons-nous actionner dans le cadre du projet de loi PACTE ?

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J'associe à mon intervention Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, qui n'a pu se joindre à nous.

Ma première question porte sur l'épargne des ménages, qui constitue la principale source de financement de l'économie. Il faut donc veiller à ce que s'installe la confiance des investisseurs, mais aussi celle des épargnants. Comment allons-nous pouvoir, à travers ce projet de loi, amener ceux qui participent au financement de l'économie à investir à long terme ? Comment leur donner cette confiance et cette connaissance des marchés financiers qui sont un levier fort pour participer efficacement, à long terme, au financement des entreprises ?

En second lieu, mon collègue Adrien Taquet, Mme la présidente Olivia Grégoire et un certain nombre de parlementaires, ainsi que vous et d'autres membres du Gouvernement, ont assisté à la rencontre organisée par le Président de la République avec les entreprises. Cette manifestation a appelé les entreprises à s'engager davantage dans la vie économique des territoires défavorisés, où les inégalités n'ont cessé de se creuser ces dernières décennies.

Je voudrais, pour ma part, vous poser une question qui mérite une réponse précise, et je ne doute pas une seule seconde qu'elle le sera : en quoi le texte que vous nous proposez va-t-il participer de cette dynamique et de cette ambition qui anime notre Président de la République pour agir en faveur de ces territoires ?

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J'ai une double interrogation. La première concerne la modification du code civil. En intégrant la RSE, ne craignez-vous pas que cela crée des contraintes nouvelles, et importantes, pour de très petites entreprises, comme des artisans, des commerçants ou de petites entreprises qui sont sous le statut de société ?

D'autre part, ma circonscription comprend la technopole de Sophia Antipolis, qui est à la pointe en termes d'intelligence artificielle. Nous y avons des chercheurs et des start-up. Celles-ci sont relativement bien accompagnées, notamment par les collectivités locales. Un véritable problème se pose, en revanche, lorsque les start-up doivent devenir des entreprises pérennes. On s'aperçoit malheureusement que soit elles périclitent, soit elles sont rachetées par de grands groupes internationaux. Votre texte apporte-t-il une réponse en termes de financement et d'accompagnement juridique et administratif, pour ce chaînon manquant ? Le fonds pour l'innovation, notamment, ne pourrait-il pas apporter une solution ?

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Monsieur le ministre, madame la ministre, vous l'avez dit tout à l'heure, PACTE va permettre de recentrer le rôle de l'État actionnaire et d'orienter les fonds vers l'innovation de rupture, car si nous ne préparons pas les ruptures technologiques et économiques de demain, nos fleurons français auront du mal à réussir dans la compétition mondiale et seront dépendants de technologies étrangères.

Ma question porte sur l'usage opérationnel des produits des cessions de participations, sur deux aspects. Sur le canal d'investissement, d'abord : est-il envisageable qu'une partie du produit des cessions soit utilisée directement pour financer de l'innovation de rupture, sans transiter forcément par un véhicule indirect, à savoir des bons du Trésor, l'idée étant d'orienter directement un maximum de capital vers l'innovation de rupture ?

Le second aspect, c'est le montant des investissements : quelle sera la politique de financement de l'innovation de rupture en termes de ticket minimum d'investissement, l'idée étant d'éviter un saupoudrage qui financerait de très nombreuses entreprises, et de concentrer les fonds sur quelques licornes qui feront réellement le poids dans la compétition mondiale ?

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Je voudrais, monsieur le ministre, vous poser deux questions sur deux sujets complètement différents.

Le premier concerne la fiscalité de production, dont je sais qu'elle a donné lieu à un certain nombre de débats. Il semble que le sujet soit reporté à 2020, ou après 2020. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? C'est un sujet important pour la compétitivité de nos entreprises et pour leurs marges, au regard notamment de la concurrence internationale.

Ma seconde question porte sur l'épargne salariale. Il est vrai, et vous l'avez dit, que le forfait social est aujourd'hui un véritable frein. Vous proposez de le supprimer sur l'intéressement dans les entreprises de moins de 250 salariés, et sur l'intéressement, la participation et l'abondement par l'employeur d'un plan d'épargne salariale dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Je voudrais revenir sur la participation. La suppression du forfait social sur la participation pour les entreprises de moins de 50 salariés ne concernera quasiment aucune entreprise. Il y a une vraie difficulté sur la formule même de la participation. Avez-vous conduit une réflexion à ce sujet ? Ne serait-il pas pertinent d'exonérer de forfait social toutes les politiques volontaristes d'intéressement et de participation, au-delà de la participation légale et de l'actionnariat salarié ?

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Le projet de loi, en son article 7, prévoit l'évolution de la gouvernance de l'agence Business France et, plus précisément, la suppression des sièges réservés aux parlementaires. Business France est un dispositif central, et son action sera encore renforcée par des décisions récentes, le Premier ministre ayant lancé en février une large réforme du système de notre commerce extérieur.

À l'heure où le Gouvernement et la majorité souhaitent donner aux parlementaires tous les moyens d'exercer leur mission de contrôle de l'action des pouvoirs publics, pourriez-vous nous éclairer sur les raisons de cette suppression, et nous dire si le Gouvernement prévoit d'autres moyens de contrôle des outils de l'export ?

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Ma première interrogation, madame la ministre, monsieur le ministre, concerne les participations. Allez-vous envisager la suppression du forfait social sur la participation dans les entreprises de plus de 50 salariés ? Si oui, pouvez-vous nous indiquer quel impact cette mesure pourrait avoir sur l'emploi ?

Peut-on envisager un calcul de la participation plus équitable entre les entreprises industrielles et les entreprises de services, qui pourrait correspondre, par exemple, à un pourcentage du résultat net ?

Ma seconde question porte sur les retraites. Les Français sont relativement mal informés sur ce sujet, et de nombreux foyers se dirigent plutôt vers des produits non dédiés pour constituer leur capital, comme le PEL et l'assurance-vie, que vous avez évoquée tout à l'heure. Les robo-advisors sont des instruments qui pourraient répondre au défaut d'information et d'accompagnement des Français. Or ils ne disposent pas d'un cadre juridique spécifique et ne sont soumis qu'à leurs obligations de statut. La mise en place d'un cadre juridique spécifique aux robo-advisors permettrait-il de généraliser une meilleure information et un meilleur accompagnement des Français, afin de stimuler l'épargne-retraite ?

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Étant un fervent défenseur de la RSE dans toutes les entreprises, je suis très satisfait de l'article modifiant le code civil. Cependant, seules les grandes entreprises de plus de 500 salariés sont aujourd'hui concernées par l'obligation, prévue à l'article 225 du code de commerce, de produire un rapport sur les aspects extra-financiers de leurs activités. Or la modification qu'apporte votre texte va toucher toutes les entreprises. Quelles mesures d'accompagnement allez-vous mettre en place pour les petites entreprises ?

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Monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, n'y voyez aucune provocation, mais je trouve ce projet, en certaines de ses parties, d'inspiration presque gaullienne. Pas uniquement parce qu'il met à l'agenda la question centrale de la répartition des résultats économiques entre salariés et actionnaires, mais aussi parce qu'il repositionne et surtout réarme l'État en matière de souveraineté économique. C'est pourquoi je me félicite de la mise en place de dispositifs défensifs, tels qu'un meilleur suivi et un meilleur encadrement des investissements étrangers en France, mais également de la mise en place d'actions spécifiques de l'État dans certaines entreprises considérées comme stratégiques.

Parallèlement, un travail de fond s'est engagé à Bercy, mais aussi autour du Président de la République : une refonte complète des services chargés de l'écriture et de la mise en oeuvre de notre stratégie en matière d'intelligence économique a commencé. Un comité de défense économique devrait être installé auprès du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dresser la cartographie et la feuille de route des services investis de ces nouvelles missions, qui joueront un rôle important dans la réussite du texte ? Car c'est en protégeant nos intérêts que nous préserverons la croissance de demain.

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Madame la ministre, monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur un point qui peut sembler annexe, puisqu'il ne s'agit pas d'un point législatif, mais il me permet d'insister sur le fait que PACTE n'est pas seulement un projet de loi, mais un plan d'action qui doit impliquer tous les acteurs.

Je voulais vous parler de ce que l'on appelle la soft law, le code de gouvernance des entreprises françaises. Je pense que le sujet de la gouvernance est étroitement lié au coeur du texte, puisqu'il s'agit aussi de la responsabilité des entreprises. L'Association française des entreprises privées (AFEP) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), deux organisations patronales, viennent de présenter un code révisé. Je considère, pour ma part, qu'il y a dans ce code beaucoup d'occasions manquées en matière de responsabilité des entreprises, de prévention des conflits d'intérêts et de nomination des membres du Haut Comité de gouvernement d'entreprise (HCGE). Je voudrais donc connaître votre avis sur ces évolutions du droit souple. Il est parfois difficile de faire évoluer les positions patronales sur ces sujets.

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Monsieur le ministre, madame la ministre, le projet PACTE propose une transformation du modèle d'accompagnement à l'export de nos PME, par la création d'un guichet unique de l'export dans chaque région. Ce dispositif est destiné à être plus lisible et plus efficace. J'ai été régulièrement sollicité par des chefs d'entreprise, en grande partie de PME, de mon département, qui désirent exporter à l'international et qui malheureusement semblent perdus face aux nombreux dispositifs à leur disposition. Au-delà, donc, de la refonte de l'accompagnement à l'export destinée à améliorer sa lisibilité, la question de la culture de l'export est fondamentale. Elle reste à inculquer.

Dès lors, pouvez-vous expliciter, madame la ministre, monsieur le ministre, les contours envisagés pour le programme destiné aux dirigeants d'entreprises ? De quelle manière les organismes associés seront-ils coordonnés pour être plus efficaces ?

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Ma question, monsieur le ministre, porte sur la modification des seuils sociaux en fonction des effectifs des entreprises, question largement abordée ce soir. Je souhaite néanmoins vous dire, monsieur le ministre, que les dispositions relevant du code du travail sont exclues, ce qui est très mal perçu par les entrepreneurs ruraux.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Pour répondre à Éric Woerth, Vinci est effectivement actionnaire d'ADP, à hauteur de 8 %, mais ce n'est pas le seul actionnaire : Schiphol a également 8 %, le Crédit agricole 5,1 % à travers Predica, les actionnaires individuels 4,3 %, les institutionnels non-résidents 15,8 %.

ADP a donc un certain nombre d'actionnaires, qui auront la liberté, comme n'importe quelle autre entreprise ou n'importe quel autre investisseur qui le souhaiterait, de participer au processus transparent et concurrentiel que nous mettrons en place dans le cadre de cette cession d'actifs.

Il existe par ailleurs, et vous le savez mieux que personne, une commission des participations et transferts, qui sera saisie. C'est une commission totalement indépendante, qui vérifiera la régularité des opérations que nous conduirons sur Aéroports de Paris.

Monsieur Bothorel, je crois avoir déjà répondu à votre question sur les délais de paiement et la protection des sous-traitants, notamment avec le passage de 5 % à 20 % de l'obligation de paiement immédiat par l'État dans le cadre d'une commande publique.

Madame Hai, sur les PEA-PME et l'éducation financière, je rappelle qu'un important travail est conduit, avec les associations, avec le ministère de l'Éducation nationale et avec la Banque de France, sur le développement de l'éducation financière. Nous avons rendu, la semaine dernière, avec Jean-Michel Blanquer et François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, un certain nombre de propositions sur l'éducation financière. Elle doit effectivement donner à tous les Français un accès plus large à des produits d'épargne financière plus intéressants que ce qu'ils peuvent choisir couramment.

S'agissant de la dynamique sur le territoire, je crois que la vocation de PACTE est de créer du dynamisme économique dans l'ensemble de notre pays, sans différenciation d'un territoire à l'autre.

Monsieur Pauget, nous savons tous, hélas, que les start-up françaises, lorsqu'elles sont parvenues à un certain niveau de croissance, sont très souvent rachetées par des investisseurs étrangers, par des fonds qui disposent de moyens plus importants, ou par les très grandes entreprises du digital. Pourquoi ? Parce qu'elles ont un problème de financement en fonds propres. Donc toutes les mesures que nous prenons sur le financement en fonds propres, que ce soit la possibilité de s'introduire plus facilement en bourse, le développement du PEA-PME, ou le développement de l'épargne retraite, doivent remédier à cette difficulté. Vous avez raison de la souligner : il y a un problème de financement en fonds propres, donc un problème de croissance des start-up. Nous y remédions par le développement de ces produits financiers.

M. Kasbarian m'a interrogé sur les produits de cession. L'objectif, je le répète, est d'avoir des revenus réguliers pour le financement de l'innovation de rupture, que nous n'arrivons pas à financer aujourd'hui. Il ne s'agit donc pas de vendre les bijoux de famille pour acheter telle ou telle participation, et aucun produit de cession ne sera directement affecté à une technologie nouvelle, ou à un défi nouveau en termes d'innovation de rupture.

Quant à la taille des investissements, nous estimons que le ticket doit être de l'ordre de 30 millions d'euros par défi, pour éviter le saupoudrage. Sur ce fonds pour l'innovation de rupture, 70 millions d'euros seront donc consacrés au financement des start-up de deep tech, et le reste, environ 200 millions d'euros, à quelques tickets, de l'ordre de 30 millions d'euros, pour quelques défis clairement définis par les personnalités qualifiées qui composent le conseil pour l'innovation, puis retenus par Frédérique Vidal et moi-même.

Madame Louwagie, vous connaissez mon évaluation de la fiscalité de production en France. J'estime qu'elle est trop lourde et qu'elle pèse sur la compétitivité de nos entreprises. Mais nous commençons à la réduire. Car le forfait social en fait partie. Supprimer le forfait social à 20 % sur l'intéressement, c'est donc commencer à baisser la fiscalité de production qui pèse sur la compétitivité de nos entreprises. Pourrons-nous aller plus loin ? Je le souhaite, même si je ne peux pas vous dire quand nous le ferons.

S'agissant de la participation, le Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (COPIESAS) a remis un rapport qui, loin de faire consensus, fait l'objet de débats et de contestations, parfois, de la part des entreprises qui sont concernées. Je crois donc qu'il ne serait pas de bonne politique de retenir de telles propositions sur la participation, même si je reconnais bien volontiers que la formule de la participation est beaucoup trop complexe et qu'il faut la simplifier.

Mais il faut faire attention, là aussi, à ce que cette simplification ne se solde pas par une pénalisation de nos entreprises qui serait totalement irresponsable. Nous avons donc demandé, avec Muriel Pénicaud, que l'IGF et l'Inspection générale de l'administration (IGA) se saisissent à nouveau de la question et nous remettent des propositions sur la participation. Et s'il est possible, lors de l'examen de la loi, d'introduire par amendements des dispositifs de participation qui soient convaincants et responsables, nous le ferons bien volontiers.

Sur Business France, monsieur Tan, nous avons effectivement voulu, pour le coup, en simplifier la gouvernance. Nous avons donc supprimé les sièges réservés aux parlementaires, mais aussi ceux réservés aux représentants des CCI. Tout le monde est donc concerné par cette simplification, qui doit permettre de rendre plus efficace la gouvernance de Business France.

Pourquoi ne supprimons-nous pas, madame Brunet, le forfait social sur la participation ? Pour une raison simple : la participation est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés. Par conséquent, supprimer le forfait social provoquerait un effet d'aubaine considérable pour les entreprises. L'objectif est de développer l'intéressement pour les salariés, leur permettre d'avoir une meilleure rémunération quand l'entreprise fonctionne bien, non de faire des cadeaux inutiles aux uns ou aux autres.

Monsieur Laqhila, sur la RSE, je pense que nous avons déjà largement répondu, mais je suis prêt à vous apporter des compléments par écrit.

Je n'ai aucune objection, monsieur Jolivet, à ce que l'on dise que ce texte est d'inspiration gaulliste. Cela ne vous surprendra pas. Je crois à la souveraineté économique de l'État. Le tout est de trouver un équilibre entre le développement offensif de l'innovation – de l'innovation incrémentale grâce à la transformation fiscale, et de l'innovation de rupture grâce au fonds pour l'innovation – et une meilleure protection contre les investissements qui pourraient s'attaquer à des technologies sensibles ou à des savoir-faire particuliers.

Le décret sur les investissements étrangers en France (IEF) sera donc renforcé. Les secteurs soumis à autorisation seront étendus à l'intégrité, la continuité et la sécurité des opérations spatiales ; à l'intégrité, la continuité, la sécurité de la circulation des aéronefs et des drones ; aux activités de recherche et de développement portant sur les technologies critiques comme la cybersécurité, l'intelligence artificielle, la robotique, la fabrication additive ou les semi-conducteurs ; et à l'hébergement de données dont la compromission ou la divulgation est de nature à porter atteinte aux autres activités soumises à autorisation.

Par ailleurs, nous avons prévu des dispositifs de sanction plus progressifs, qui seront donc plus dissuasifs, puisque les sanctions seront réellement appliquées.

Enfin, nous avons prévu la possibilité d'un rescrit pour les entreprises, pour répondre aux inquiétudes de ceux qui, comme le maire du Touquet et certains acteurs de la French tech, craignent que ce renforcement du décret IEF ne fasse fuir les investisseurs, qui ne jugeraient plus possible d'investir dans les technologies sensibles en France. Nous le prévoirons, avec une autorisation préalable qui permettra à ces entreprises d'investir, et un rescrit qui leur garantira la sécurité fiscale.

M. Guerini m'a interrogé sur la soft law et le code AFEP-MEDEF. Ce code a été révisé le 20 juin 2018, à la suite – notamment – de l'affaire Plassat, du nom de l'ancien dirigeant de Carrefour, dont j'avais dit très clairement que j'estimais choquantes les conditions de départ. Personne ne peut comprendre qu'une personne de 67 ans puisse disposer d'une clause de non-concurrence rémunérée plusieurs millions d'euros. C'est choquant, c'est incompréhensible et cela demande modification.

La révision du code a donc renforcé les missions du conseil d'administration, instauré l'encadrement des conditions de conclusion d'un accord de non-concurrence et d'attribution des régimes de retraite supplémentaires, et augmenté le nombre des membres du HCGE. J'estime que cela va dans la bonne direction. Est-ce que l'on peut aller plus loin ? Je crois que oui, notamment sur l'indépendance de ce code, sur les émetteurs de ce code de gouvernance, et sur la manière dont sont appliquées les dispositions du code et dont est surveillée leur bonne application.

J'ai reçu, il y a peu de temps, le président de l'AFEP, et je lui ai dit que la base était bonne, mais qu'elle pouvait encore être améliorée, que le haut comité de gouvernement d'entreprise devait faire preuve de plus de transparence dans ses travaux, et que sa composition devait être ouverte à un échantillon de personnalités plus vaste que celui qui a été retenu. J'attends donc les réponses de l'AFEP sur ce sujet. Quand on est dans la bonne direction, il faut persister et transformer l'essai.

Pour répondre, enfin, à la question sur le code du travail, je répète que nous nous sommes engagés, vis-à-vis des organisations syndicales, à ne pas remettre en cause la représentativité syndicale dans le cadre de ce texte de loi sur la croissance et la transformation des entreprises. Nous ne faisons que tenir notre engagement

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Merci beaucoup, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, pour votre disponibilité et votre précision. Nous devrions nous retrouver dès le 3 septembre après-midi pour la suite de cette discussion générale, après quoi nous aborderons l'examen des articles. Je laisse pour l'instant notre rapporteur général dire un mot de conclusion.

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Je voulais surtout vous donner l'occasion, si vous le souhaitez, monsieur le ministre, de conclure en quelques minutes. J'avais lu, dans un journal du soir, que vos services sont parfois taxés d'amateurisme ou de manque de transparence. Pour ma part, je vous ai trouvé, dans votre présentation de PACTE, particulièrement professionnel et très transparent. Merci, donc, pour cela. Nous allons travailler tout cet été et préparer ensemble les auditions du mois de septembre. Nous nous reverrons donc en septembre.

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Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances

Je voudrais vous remercier à mon tour de la qualité des débats. Ce texte est complexe, mais il a, je le répète, une ligne directrice claire. Je pense que nos débats permettent de l'améliorer.

Quant aux reproches d'amateurisme adressés au Gouvernement et au ministère de l'économie et des finances, dont j'ai la responsabilité, je veux saluer au contraire le professionnalisme de ce ministère et de cette majorité sur les questions de finances publiques.

Ce professionnalisme s'est traduit par le passage sous les 3 % du déficit public en 2017. Il s'est traduit par la sortie de la procédure pour déficit public excessif qui nous visait depuis dix ans. C'est du professionnalisme.

Nous avons soumis au Conseil constitutionnel l'une des transformations fiscales votées par la majorité, les plus importantes de ces vingt dernières années, avec l'introduction du prélèvement forfaitaire unique, la suppression de l'ISF, la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 %. Ce texte fiscal difficile a été déféré au Conseil constitutionnel, qui l'a intégralement validé. C'est du professionnalisme.

S'agissant enfin de la sincérité de notre travail, s'il y a bien une rupture qui a été notée, à la fois par le haut comité des finances publiques, par la commission européenne et par le Fonds monétaire international (FMI), c'est la sincérité du travail de ce gouvernement et de cette majorité.

Contre ceux qui veulent taxer d'amateurisme votre travail, le travail de la majorité, celui du Gouvernement ou celui du ministère de l'économie et des finances, je veux saluer, au contraire, le grand professionnalisme dont vous avez apporté la preuve, et dont nous avons apporté collectivement la preuve.

Place ensuite au pouvoir de contrôle du Parlement. Je l'ai dit à plusieurs reprises, je suis favorable à ce pouvoir de contrôle, et j'ai proposé qu'il y ait un contrôle, une évaluation, de l'ensemble des politiques que nous avions décidées, notamment des politiques fiscales, et vous trouverez en moi un ministre toujours ouvert au dialogue, à la discussion et évidemment à l'évaluation des politiques publiques.

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Merci à vous, monsieur le ministre, pour ces précisions.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 17 h 35

Présents. - M. Patrice Anato, M. Jean-Noël Barrot, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Bruno Bonnell, M. Éric Bothorel, Mme Anne-France Brunet, M. Anthony Cellier, M. Charles de Courson, M. Vincent Descoeur, Mme Coralie Dubost, M. Daniel Fasquelle, Mme Valéria Faure-Muntian, M. Éric Girardin, Mme Olga Givernet, Mme Valérie Gomez-Bassac, Mme Olivia Gregoire, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. François Jolivet, M. Guillaume Kasbarian, Mme Fadila Khattabi, M. Mohamed Laqhila, Mme Marie Lebec, M. Jean-Claude Leclabart, M. Roland Lescure, M. Emmanuel Maquet, M. Jean-Paul Mattei, Mme Graziella Melchior, Mme Cendra Motin, Mme Valérie Oppelt, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Adrien Quatennens, M. Jacques Savatier, M. Denis Sommer, M. Adrien Taquet, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Arnaud Viala, M. Éric Woerth, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - M. Ian Boucard, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Sylvain Waserman

Assistaient également à la réunion. - M. Damien Adam, M. Bertrand Bouyx, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Fabien Gouttefarde, Mme Christine Hennion, Mme Stéphanie Kerbarh, Mme Frédérique Lardet, M. Gilles Le Gendre, Mme Véronique Louwagie, M. Éric Pauget, M. Benoit Potterie, M. Buon Tan, M. Nicolas Turquois