Je voudrais vous remercier, madame la ministre, monsieur le ministre, pour la qualité de cette audition. Elle représente un sommet, et compense un peu le calendrier extrêmement contraignant qui nous est imposé, notamment pour le dialogue que nous aurions aimé avoir, dans les territoires, avec les forces vives de nos circonscriptions.
Nous avons eu la chance, de surcroît, grâce à M. Taquet, que la parole du Président de la République nous soit transmise en direct. J'en ai retenu une phrase : pour que la justice sociale soit possible, il faut de l'efficacité. Je ne pense pas le contraire, mais je pense aussi que, sans justice sociale, il n'y a pas d'efficacité.
Ce sera une sorte de fil conducteur pour le groupe Nouvelle Gauche, qui a le petit avantage d'avoir réfléchi à ces questions en des termes nouveaux, en préparant une proposition de loi. Vous nous avez fait l'honneur, monsieur le ministre, de venir au banc pour en discuter avec nous, et vous avez dit en partager la philosophie. Nous sommes donc passés aux travaux pratiques, et nous allons confronter des projets, qui peuvent s'additionner ou s'affronter. Nous le ferons dans le meilleur esprit du monde, soyez-en sûr.
Les mesures que vous proposez ne me surprennent pas tout à fait. Je ne condamne pas a priori leur caractère hétéroclite. La loi dite « Macron 1 » et le projet de loi « Macron 2 » nous y ont habitués. Ce type de loi n'est pas nouveau. Il n'est pas toujours possible de proposer des lois d'orientation cohérentes, et il faut parfois additionner des mesures disparates. Simplement, beaucoup de celles-ci ne sont pas nouvelles, puisqu'elles avaient déjà été expérimentées par le ministre, devenu président, notamment dans la loi « Sapin 2 ». Nous les avions tantôt adoptées, tantôt repoussées, avec discernement.
Nous mettrons le même discernement – car nous n'avons pas changé, nous ne donnons pas dans l'idéologie, mais restons pragmatiques – à essayer de mesurer, pour chacune de vos propositions, son avantage réel, en prêtant particulièrement attention à leurs conséquences en termes d'externalités et à leurs conséquences dans le temps.
Je me contenterai de deux exemples. Si l'on convient à leur propos que, compte tenu des avantages et des inconvénients, la suppression est préférable, nous ne nous montrerons pas conservateurs.
Le stage de préparation à l'installation ayant été modernisé, simplifié, et ses délais réduits, il semblait que, sous le rapport de la pérennité des entreprises, les résultats étaient meilleurs quand il existait. Est-il opportun de le supprimer ? Il va falloir nous en assurer. Ce sera l'objet de notre dialogue, sans idéologie de notre part, mais avec pragmatisme.
Même chose pour les commissaires aux comptes : les pays qui ont abaissé les seuils à partir desquels ils doivent être employés ont connu une érosion de leur base fiscale. Ce n'est pas bon pour la nation, ni pour la loyauté fiscale entre les entreprises. Il faudra donc examiner la pertinence de cette mesure. Si elle est réelle, nous accepterons la suppression et nous vous soutiendrons. Et ainsi de suite : nous envisagerons vos propositions avec discernement, sans idéologie, en essayant d'en mesurer les avantages et les inconvénients.
Pour reprendre notre fil directeur, celui de la justice sociale et de l'entreprise comme communauté humaine au XXIe siècle, face à des défis multiples – ceux de la mondialisation, de l'enracinement, de l'épanouissement et de la survie de l'humanité –, nous vous soutiendrons dans la réforme du code civil, parce que nous l'avions nous-mêmes proposée. Peut-être aurons-nous un débat, qui ne sera pas théologique, sur les formulations, mais nous soutiendrons cette initiative.
Nous nous distinguerons en cela des Républicains, car nous pensons que les mots ont un sens, qu'ils sont porteurs d'un souffle, d'un esprit, qui est important pour impulser la suite ; qu'il n'y aura pas de conséquences juridiques, mais des conséquences politiques, et nous vous soutiendrons, avec des nuances et des propositions, dans cette initiative.
Nous sommes en revanche plus circonspects, à ce stade, sur d'autres sujets majeurs.
On trouve bien peu, dans ce texte, sur la co-détermination. La vraie audace aurait certainement été de nous rapprocher des modèles des huit pays européens qui adoptent avec bonheur une authentique co-détermination, qui devient systémique, car elle atteint des seuils significatifs – 30 %, 40 %, 50 % de participation – et qui en tirent un grand bénéfice pour leur industrie et pour leur économie.
Deuxième proposition, sur la RSE. Nous sommes sous ce rapport dans un ancien monde, il faut bâtir un nouvel âge. Je pense qu'il incombe à la puissance publique de définir des critères de discernement pour éclairer le citoyen, en ses qualités d'épargnant, de collaborateur et de consommateur. Nous ferons des propositions en ce sens.
Le pacte salarial, enfin, n'est pas directement remis en cause par vos propositions, mais pourrait l'être par incidence. Nous avons aujourd'hui un bloc autour du salaire. Vous proposez de développer la partie de la participation – assez peu, toutefois, je le note –, celle de l'intéressement, davantage, ainsi que celle de l'épargne par laquelle le salarié pourrait devenir copropriétaire de l'entreprise. Quelle proportion cette dernière partie doit-elle prendre, dans votre esprit ? 10 % de la masse de la rémunération des salariés ? 15 % ? À partir de quel moment la prise de risque devient-elle trop importante pour que le pacte soit durable ?