Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 18 juillet 2018 à 17h35
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Merci à chacun de vous pour la précision et la pertinence des questions posées.

Je ne peux évidemment que partager les remarques d'Adrien Taquet. Il est vrai que ce projet de loi traduit notre volonté de redéfinir la place de l'entreprise et de répondre à un certain nombre d'enjeux sociaux liés à la création de valeur. Nous estimons qu'il n'y a pas de création de valeur sans un sens donné par l'entreprise au travail qu'effectuent ses salariés.

Je salue, monsieur Fasquelle, l'effort louable que vous avez accompli pour nous faire croire que vous trouviez que ce texte n'allait pas assez loin. Je crains cependant qu'il ne soit pas très convaincant, car lorsque l'on considère l'intégralité des dispositions, elles vont au contraire extraordinairement loin.

La transformation de l'épargne-retraite est probablement l'une des plus importantes qui aient été proposées en termes de financement des entreprises. La réforme des seuils, nous avions voulu l'introduire dans la loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008, mais nous avions reculé. Cette fois, nous la faisons. S'y ajoutent la simplification de la création d'entreprise, celle du rebond, les cessions d'actifs qui permettront de redéfinir la place de l'État dans notre économie – il a évidemment un rôle à y jouer, mais ce rôle doit être clairement défini : services publics, activités relevant de la souveraineté nationale, ou aide aux entreprises en difficulté, pour défendre l'ordre économique national –, et notre volonté de donner un accès nouveau au financement par le plan d'épargne en actions destiné au financement des PME (PEA-PME), ou à d'autres outils de financement, afin de permettre aux entreprises de se financer en fonds propres. Je crois sincèrement que toutes ces dispositions vont très loin. Vous nous reprochez notre timidité, alors que d'autres nous reprochent notre audace. À mon avis, cela signifie que nous sommes sur la bonne voie.

Monsieur Mattei, sur la simplification de la création d'entreprise et le rebond, je laisserai Mme Gény-Stephann vous répondre.

Je voudrais cependant vous apporter des réponses précises, ainsi qu'à M. de Courson, sur les cessions d'actifs de l'État dans ADP, en commençant par revenir sur la réalité de la situation actuelle : des actionnaires privés détiennent aujourd'hui plus de 49 % de cet actif stratégique, et l'État un peu plus de 50 %.

Une solution de simplicité aurait été un article de loi prévoyant que les actionnaires privés puissent détenir plus de 50 % du capital. Je ne l'ai même pas proposée au Premier ministre, ni au Président de la République, parce que je pense que cette privatisation « sèche » aurait été irresponsable et n'aurait pas permis de défendre les intérêts stratégiques de l'État et des citoyens français. Mais c'était la solution de simplicité. J'ai voulu protéger cet actif et protéger les intérêts des Français, en optant pour une solution différente, qui protège fondamentalement les intérêts liés à cet actif stratégique qu'est ADP, avec l'aéroport du Bourget, l'aéroport Charles-de-Gaulle et l'aéroport d'Orly.

Le premier élément de protection est que toutes les fonctions de souveraineté nationale seront préservées, et resteront exactement les mêmes. Qu'il s'agisse du contrôle des personnes, du contrôle aux frontières, des douanes, ou du contrôle du trafic aérien par la direction générale de l'aviation civile (DGAC), rien n'est changé par cette opération de cession d'actifs. Et si nous voulons renforcer les contrôles des douanes, si nous voulons durcir les règles du contrôle des personnes, rien ne nous l'interdit. Cette fonction vitale de souveraineté à l'entrée sur le territoire français est intégralement préservée.

Je rappelle, en second lieu, qu'au bout de soixante-dix ans, soit la durée que nous avons prévue pour cette concession, l'État récupère l'intégralité de l'actif d'ADP, alors qu'il n'en dispose pas aujourd'hui. De ce point de vue, l'opération est plus protectrice des intérêts de l'État que la situation actuelle.

Enfin, et c'est le point le plus important, nous avons travaillé pendant des mois – ce qui explique le temps que nous avons consacré à cette opération – à la définition d'un cahier des charges qui sera renforcé pour sécuriser les prérogatives de puissance publique. Cette cession d'actifs de l'État se fait avec un cahier des charges qui, pour le futur concessionnaire d'ADP, est extraordinairement précis et contraignant. Parce que ce n'est pas un actif comme les autres.

Il y a d'abord un contrat de régulation économique (CRE), que connaissent MM. de Courson et Mattei. Il sera négocié entre l'État et le futur concessionnaire. Il se peut qu'il n'y ait pas d'accord. Dans ce cas, nous avons prévu que l'État reprendra la main.

L'État pourra donc fixer des orientations sur le développement des aérodromes. Il pourra imposer la réalisation d'investissements jugés nécessaires à la valorisation de l'actif. Si le concessionnaire refuse, par exemple, de réaliser tel terminal au motif qu'il lui coûterait trop cher, nous pourrons l'obliger à le faire, et à procéder aux investissements nécessaires pour valoriser l'actif que nous récupérerons au bout de soixante-dix ans. Nous fixerons les niveaux de performance à atteindre en termes de service public aéroportuaire, nous les contrôlerons, et nous fixerons les redevances.

Nous avons tiré toutes les leçons des erreurs qui ont pu être commises au moment de la concession des autoroutes, notamment sur la question des tarifs, et nous savons qu'il est de meilleure politique de maintenir une régulation forte. Cette régulation sera prévue dans le cahier des charges.

Outre ce pouvoir de décision, l'État conservera un pouvoir d'autorisation. C'est l'État qui autorisera les changements de contrôle. Cela n'existe pas aujourd'hui, mais existera demain dans le cahier des charges. C'est lui qui autorisera les opérations d'investissement dépassant un certain seuil de superficie ou de montant. C'est lui qui autorisera les travaux susceptibles d'affecter le service public, je pense par exemple à tous les locaux liés à la douane ou aux services de police. C'est lui qui autorisera les cessions et les constitutions de sûretés.

L'État disposera, enfin, d'un pouvoir de contrôle dans la future organisation, avec la présence d'un commissaire du gouvernement au conseil d'administration – ce n'est pas le cas aujourd'hui, ce le sera demain – et avec l'agrément des dirigeants opérationnels en charge des fonctions relatives à l'exploitation des plateformes de la sécurité et de la sûreté.

Le cahier des charges prévoira enfin un contrôle de la Cour des comptes.

Je tenais à vous apporter toutes ces précisions parce qu'elles prouvent que l'opération que nous proposons n'a rien à voir avec un désengagement de l'État. Je refuse ce terme. Nous réinventons la place de l'État. Nous voulons qu'il investisse dans l'avenir des Français et dans l'innovation, sans pour autant fragiliser les prérogatives de puissance publique liées à l'actif stratégique que représente Aéroports de Paris. C'est cet équilibre que nous avons voulu défendre.

Certes, comme Charles de Courson le note, il est complexe, mais il est protecteur. Et c'est le souci de la protection des intérêts de l'État et des Français qui nous a guidés dans la préparation du projet qui vous est présenté aujourd'hui.

Jean-Paul Mattei m'interrogeait enfin sur les grands groupes, les relations des fournisseurs avec les donneurs d'ordre, et les améliorations qui peuvent être apportées à leurs délais de paiement.

Une première remarque, pour commencer : le texte peut être amélioré, sinon il ne vaudrait pas la peine d'organiser un débat à l'Assemblée nationale. Et si certaines propositions, sur les délais de paiement, par exemple, vous paraissent pertinentes, nous sommes tout à fait disposés à les étudier et à les introduire dans le texte.

Je rappelle néanmoins que ce projet contient un certain nombre de décisions très novatrices, et très attendues par les PME, en matière de commandes et de délais de paiement.

S'agissant de l'accès à la commande publique, nous proposons une mesure majeure : l'État sera désormais obligé d'avancer 20 % du montant des contrats aux PME, contre 5 % aujourd'hui. L'État, qui est considéré comme un mauvais payeur, sera obligé demain d'être un bon payeur, et cela permettra de simplifier grandement les problèmes de trésorerie des PME qui ont accès à la commande publique.

Deuxième mesure importante pour toutes les PME du bâtiment, nous allons introduire par amendement la fin des ordres de service à zéro euro pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics. Cette pratique, très courante parmi les donneurs d'ordre publics, qui consiste à demander des services additionnels à une entreprise du bâtiment et des travaux publics sans les régler, est inacceptable. Les entreprises nous demandent d'y mettre fin depuis plusieurs années. Sur la question qui m'a été posée par Jean-Paul Mattei sur les relations entre donneurs d'ordres et entreprises sous-traitantes, ce sont là, je crois, deux mesures fortes, claires et convaincantes.

Charles de Courson m'a interrogé sur l'épargne-retraite. La simplification que nous opérons en la matière est majeure. Merci de l'avoir reconnu. Il existe aujourd'hui une foule de produits d'épargne retraite, qui ont pour caractéristiques, d'abord, d'obéir tous à des règles différentes, si bien que personne ne s'y retrouve et que, du coup, les salariés ne cotisent pas ; ensuite, de ne pas être portables : quand vous changez d'emploi, vous perdez le bénéfice de votre produit d'épargne retraite, ce qui n'incite pas à en souscrire ; enfin, ils ne prévoient pas de dispositif de réversion, ce qui, là aussi, est peu incitatif pour les salariés.

Nous réglons chacune de ces difficultés. Tous les produits seront portables, qu'ils relèvent de l'article 83 du code général des impôts (CGI), de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, dite « loi Madelin », ou d'un plan d'épargne collectif pour la retraite (PERCO). Si vous changez d'emploi, vous garderez votre produit d'épargne retraite.

En deuxième lieu, ils obéiront tous aux mêmes règles. Si un salarié effectue des versements volontaires sur son produit d'épargne-retraite, il aura droit à une incitation fiscale de 10 %. Quant à débloquer son épargne-retraite pour acheter son logement principal, aujourd'hui, seuls les titulaires d'un PERCO peuvent le faire. Demain, ce sera possible à tous les salariés disposant d'un produit d'épargne-retraite.

Les règles de sortie, enfin, seront les mêmes : après des versements volontaires, chacun sera libre de les convertir soit en capital, soit en rente. Cette liberté fera l'attractivité du produit d'épargne-retraite. Tout le monde me dit qu'il ne faut surtout pas faire confiance aux citoyens. Je crois justement qu'il faut leur faire confiance et parier sur la responsabilité de l'épargnant. Chacun sait parfaitement, en fonction de sa vie et de ses projets, s'il doit convertir son épargne en capital ou en rente, et je ne vois pas pourquoi ce seraient les assureurs ou les gestionnaires d'actifs qui dicteraient au citoyen, à l'épargnant, ses règles de vie. Ce n'est pas, en tout cas, ma conception de la société.

Ce dispositif très avantageux pourra-t-il être ouvert aux fonctionnaires dans le cadre du dispositif Préfon ou d'autres ? Je souhaite pour ma part que, dans le cadre de la réforme des retraites et de la mise en place d'un dispositif de retraite par points, nous puissions étudier cette possibilité, car je pense qu'elle est très intéressante pour les fonctionnaires et mérite d'être étudiée. Est-ce possible techniquement ? Quel en sera le coût ? Je ne peux pas le dire aujourd'hui. Mais, devant l'intérêt que suscite cette transformation stratégique de l'épargne-retraite pour les salariés du secteur privé, et, constatant la très grande attention et les nombreuses réactions qu'a suscitées la consultation par internet, je me demande pourquoi ne pas ouvrir cette réforme aux fonctionnaires et à tous les agents du secteur public. Je suis donc tout à fait disposé à en étudier la possibilité technique et financière. Nous pouvons très bien passer par un amendement pour élargir cette transformation aux agents du secteur public.

S'agissant de l'assurance-vie, j'ai fait le choix, que j'assume, de ne pas provoquer un big bang du système français, car cela aurait eu pour effet de ne plus garantir le capital des épargnants. Je n'ai pas voulu prendre ce risque, donc, c'est vrai, notre réforme est plus modeste.

Elle vise à faire progresser l'euro-croissance en en simplifiant les règles et en fixant des objectifs de montants plus élevés que ceux d'aujourd'hui. Les assureurs-vie se sont engagés, étant entendu qu'il n'y aurait pas de big bang sur l'assurance-vie, pas de remise en cause du capital, parce que je pense que les gens ont besoin de stabilité et de sécurité, et que l'on ne peut pas leur faire le courir le risque de perdre ne serait-ce qu'une partie de leur capital. Mais nous regarderons, d'ici deux ans, si les assureurs-vie ont bien tenu leurs objectifs de placement des produits euro-croissance qui permettent de financer nos PME. Et nous veillerons, bien entendu, à ce que les assureurs tiennent leurs engagements sur le développement de l'euro-croissance.

S'agissant de La Française des jeux et de l'autorité de régulation des jeux, nous leur appliquons la même logique qu'à ADP. L'État n'aura à supporter aucune perte financière puisque les dividendes de La Française des jeux s'élèvent à 83 millions d'euros environ, et que ce qui compte, ce sont les recettes fiscales, qui sont de plus de 3 milliards d'euros. Ces recettes fiscales resteront exactement les mêmes.

Je pense, en revanche, qu'il faut saisir cette occasion pour renforcer la régulation et, là encore, pour mieux protéger les Français. Le risque d'addiction au jeu est pour moi un risque très élevé. Aujourd'hui, il est peu ou mal contrôlé.

Nous allons mettre en place une autorité de régulation des jeux qui sera plus efficace pour lutter contre l'addiction au jeu. Quel en sera le champ ? La question est en cours d'examen par la mission instituée sur cette autorité de régulation. Inclura-t-il tous les jeux ? Tous les jeux de hasard ? Les casinos ? Je ne peux pas vous répondre avant la conclusion de la mission, mais je peux déjà vous dire que nous serons très stricts sur la mise en place de cette autorité de régulation, car je souhaite que nous luttions avec efficacité contre l'addiction au jeu.

Au bout de vingt-cinq ans, le droit d'exploitation que nous nous apprêtons à céder reviendra à l'État, qui pourra soit l'attribuer à un nouveau concessionnaire, soit reconduire le précédent, si l'exploitation s'est faite dans des conditions satisfaisantes.

S'agissant de la transmission, plusieurs points. Nous avons fait étudier par le conseil d'État l'idée, très séduisante, de suspendre pour dix ans les droits de succession pour les héritiers qui reprendraient une entreprise, notamment une entreprise agricole ; cela peut être très intéressant dans le domaine viticole, en particulier.

Le Conseil d'État y a décelé un problème de principe insurmontable : cela contreviendrait à l'exigence d'égalité devant les charges publiques. Il a donc répondu que l'intérêt que l'on pourrait retirer de cette idée était négligeable par rapport au caractère disproportionné de cette rupture d'égalité devant les charges publiques. C'est pour cela que nous ne l'avons pas introduite. Je tiens à votre disposition les conclusions du Conseil d'État.

Nous apportons en revanche deux éléments importants sur la transmission.

Le premier, c'est la simplification du dispositif Dutreil, avec notamment, sur le pacte d'actionnaires, des simplifications de déclaration qui sont très attendues.

Deuxième élément, nous avons supprimé la condition d'effectif pour le crédit d'impôt « reprise par les salariés ». Ce sera une incitation forte, avant une transmission de ce type, pour toutes les entreprises, et plus seulement pour un nombre limité d'entre elles

Je pourrais, monsieur Potier, signer des deux mains ce que vous avez dit : il n'y a pas d'efficacité économique sans justice sociale. J'en suis profondément convaincu. Et je suis profondément convaincu qu'une économie qui accroît les inégalités est une économie qui s'affaiblit, et que si le modèle économique français peut apporter quelque chose aux autres modèles économiques, notamment européen, c'est de prouver que l'on peut conjuguer compétitivité et réduction des inégalités. Les inégalités sont un obstacle à la croissance, et un obstacle majeur. Tout ce qui permettra de réduire les inégalités – et c'est aussi l'un des objectifs de ce projet, par la création d'emplois – ira dans le bon sens, et sera bénéfique pour notre société et notre économie.

Je voudrais, de ce point de vue, dire un mot du stage préalable à l'installation, qui fait couler beaucoup d'encre. Nous ne le supprimons pas. Il a été amélioré et simplifié. Nous le rendons simplement facultatif. Et je rappelle que nous avons maintenu – et j'y tiens – une obligation de diplôme pour tous les artisans. Si vous voulez devenir artisan coiffeur, vous devez disposer d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de coiffure. Je pense que c'est essentiel à la fois pour la valorisation du métier, et pour la protection de cette profession.

À partir du moment où l'on maintient l'obligation de diplôme – je vous vois sourire – je trouve difficile d'imposer en plus un stage préalable à l'installation qui, je le rappelle, coûte 250 euros à l'artisan. Il est maintenu, mais il est facultatif.

Quant à la place des salariés dans l'entreprise, enfin, ne négligez pas les dispositions contenues dans le texte. Nous avons prévu de passer de un à deux salariés présents au conseil d'administration dans toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés, dès lors que leur conseil d'administration compte au moins huit personnes, contre douze auparavant.

Nous avons prévu, en deuxième lieu, d'étendre cette obligation de présence des salariés au conseil administration à toutes les entreprises, y compris du secteur mutualiste, qui jusqu'à présent était exclu du champ. Ce n'est pas négligeable.

Enfin, je suis très ouvert, suite à des discussions que j'ai eues avec les représentants syndicaux, à renforcer le dialogue entre les instances représentatives du personnel, le comité social et économique (CSE) et le conseil d'administration. C'est une demande forte, notamment de Force Ouvrière, qui souhaite entre eux un meilleur échange d'informations et une meilleure fluidité. Je trouve que c'est une excellente idée.

Vous voyez que la participation des salariés au conseil d'administration n'est pas le seul moyen de fluidifier les relations entre la direction et les salariés au bénéfice de l'entreprise. Il y faut aussi une meilleure information – elle n'est pas aujourd'hui à la hauteur des enjeux – entre conseil d'administration et nouvelles instances représentatives à partir du seuil de 50 salariés.

Sur le pacte salarial, enfin, je connais les critiques selon lesquelles l'intéressement, la participation pourrait se substituer au salaire. Pour moi, je crois qu'elle complète le salaire. Et je pense que tous ceux qui craignent que l'un se substitue à l'autre devraient surtout comprendre que, grâce aux mesures que nous prenons dans le projet de loi PACTE sur la suppression des cotisations à l'assurance-maladie et à l'assurance-chômage sur l'intéressement et sur la participation, et celles que nous prendrons demain sur les charges sur les heures supplémentaires, au bout de l'année, le salarié touchera davantage.

Et je pense que c'est une meilleure politique que celle qui consiste à proposer l'augmentation du SMIC. Je crois au SMIC, je pense qu'il est indispensable d'avoir un salaire minimum, mais proposer l'augmentation de 20 % du SMIC, c'est condamner des centaines de milliers de jeunes au chômage. Parce que chacun sait, en économie, que si votre productivité est inférieure au salaire horaire, vous n'êtes pas embauché. Si vous augmentez le SMIC de 20 %, les premières victimes, ce sont les jeunes. Je préfère donc un discours plus responsable – je sais bien que, paradoxalement, ce n'est pas vous qui proposez l'augmentation du SMIC de 20 %. On a parfois des surprises en politique…

Je ne propose pas cela parce que je pense que l'on peut obtenir plus de justice, c'est-à-dire une meilleure rémunération des salariés, sans nuire à la compétitivité des entreprises. C'est ce que nous proposons avec l'intéressement et la participation. Le développement de l'épargne retraite et de l'épargne salariale doit également aller en ce sens.

Monsieur Quatennens, il est vrai que nous aurons une différence de vues sur la transformation du rôle des entreprises, mais je tiens à dire que ce n'est pas rien de modifier le code civil dans ses articles 1833 et 1835 pour y reconnaître aux sociétés la possibilité de se doter d'une raison d'être dans leurs statuts. Même si cela est facultatif, je pense que les entreprises se saisiront de ce nouvel objet, de cette raison d'être, et qu'elles comprendront que les consommateurs, qui sont aussi des citoyens, vont devenir de plus en plus attentifs au respect, par les entreprises, par les commerçants et par leurs produits, des engagements sociaux ou environnementaux auxquels ils sont attachés. Je pense que la faculté sera suffisamment puissante, et que l'obligation aurait plus d'inconvénients que d'avantages.

Je suis persuadé que, demain, des jeunes de vingt, vingt-cinq ou trente ans, qui ont placé leurs économies et sont très attachés, par exemple, à la finance verte, s'ils apprennent que telle banque a investi massivement leurs économies pour financer des centrales électriques au charbon, mettront leurs économies ailleurs. S'ils savent que la banque, en revanche, s'est appropriée la finance verte, a pris des engagements, notamment au titre de la RSE, pour financer des énergies renouvelables, des champs éoliens offshore, et de la recherche en matière de nouvelles technologies renouvelables, ils porteront leurs économies là. Là encore, la justice et l'engagement en faveur de la société rejoignent la compétitivité. Il n'y a pas d'opposition entre les deux. Mais je crois davantage, je ne le cache pas, à l'incitation et à la possibilité qu'à l'obligation.

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