Intervention de Jean-Baptiste Lemoyne

Réunion du mardi 5 juin 2018 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

M. Barbier a raison en ce qui concerne la situation de PSA et de Renault. L'Iran a été le pays de la 405, et l'on a pu considérer que d'autres modèles de voitures étaient susceptibles de se vendre dans ce pays. Une joint-venture (JV) a d'ailleurs été créée. Vous avez vu qu'une décision a été annoncée par PSA. L'objectif des autorités françaises n'est naturellement pas de se substituer aux entreprises, car ce n'est pas à nous de leur dicter ce qu'elles doivent faire, mais de créer des conditions leur permettant de choisir où et quand elles souhaitent commercer. Si elles souhaitent le faire en Iran, nous devons faire en sorte que ce soit possible. C'est l'enjeu du canal de financement étanche que j'ai évoqué tout à l'heure. Plusieurs hypothèses sont sur la table. On a envisagé, à un moment, de faire appel à la Banque européenne d'investissement (BEI), mais il s'avère que ce n'est pas forcément le meilleur canal. C'est pourquoi on explore aussi une hypothèse reposant sur les banques centrales.

La question des grands groupes est souvent évoquée, mais il y a aussi beaucoup de petites et moyennes entreprises (PME) et d'entreprises de taille intermédiaire (ETI) : j'ai été saisi par un certain nombre d'entre vous de cas d'entreprises qui sont parfois très spécialisées dans des activités liées au secteur parapétrolier et qui peuvent réaliser jusqu'à 50 % de leur chiffre d'affaires dans un seul pays. Je tiens à signaler que le Quai d'Orsay et la direction générale du Trésor (DGT) ont créé une cellule spécifique – je réponds ainsi à la question portant sur l'accompagnement des entreprises. Puisque cette audition est publique, permettez-moi de citer l'adresse mail de cette cellule : iran.entreprises@dgtresor.gouv.fr. Nous sommes là pour accompagner les entreprises en leur donnant les meilleurs conseils.

J'en viens à l'origine de l'accord de Vienne. Claude Goasguen a raison : elle n'est pas économique, mais géopolitique. Cet accord concerne la prolifération en Iran. Le président Macron en a parlé avec le président Trump lors de sa visite d'État. Il faut engager l'Iran sur trois sujets importants : ce qui se passe après 2025 – l'accord s'arrête à cette date – ; les activités balistiques, qui constituent un sujet de préoccupation au plan régional et au regard d'un certain nombre de résolutions des Nations unies ; enfin, la question de l'influence régionale. Le Président de la République a toujours dit qu'il fallait un cadre global permettant d'apporter des réponses structurelles et pérennes et d'assurer la coexistence dans cette zone qui est si compliquée et si complexe. Je me suis concentré sur l'aspect économique tout à l'heure, mais le Président de la République et la diplomatie française sont également mobilisés sur ce second volet, qui est en réalité le premier, vous l'avez bien compris.

De mémoire, les exportations d'acier et d'aluminium vers les États-Unis représentent environ 670 millions d'euros pour la France et 6 milliards d'euros pour l'ensemble de l'Union européenne. Les nouveaux droits de douane représentent un surcroît de 140 millions d'euros pour notre pays.

La réforme de l'OMC doit notamment permettre que les règles actuelles soient mieux respectées. L'obligation existe, par exemple, de notifier les subventions versées, mais en réalité ce ne serait fait que dans 50 % des cas. On a donc besoin de renforcer l'OMC sur le plan du contrôle. Parmi les autres problèmes à résoudre, il y a aussi le blocage de la fonction législative : un certain nombre de pays qui se proclament en développement, alors que l'on pourrait s'interroger sur ce point, bloquent le nouvel agenda, qui porte notamment sur le commerce électronique et les PME. Dans ce contexte, on est obligé d'avancer différemment, dans le cadre de ce que l'on appelle les plurilatérales : on commence à travailler au sein d'un groupe restreint afin d'essayer de créer peu à peu du consensus. Il faudrait par ailleurs traiter les problèmes de surcapacités. La bonne nouvelle est que le Japon, les États-Unis et l'Europe se sont engagés dans ce travail. J'ai aussi passé le message, d'une manière très franche, au vice-ministre chinois du commerce lorsque je l'ai rencontré. On doit traiter le problème là où il se trouve, en étant conscient qu'il y aura potentiellement des impacts sociaux si la Chine s'engage sur cette voie – c'est une réalité que l'on peut comprendre.

En ce qui le nombre de « divisions » dont l'Europe dispose, on constate que l'unité est de plus en plus forte. La vigueur américaine a conforté celle de l'Union européenne. Les Etats qui pouvaient avoir la main tremblante ne l'ont plus. À quelque chose malheur est bon : ce qui s'est passé a permis de resserrer les rangs.

Pour ce qui est des aspects monétaires, il faut naturellement développer le rôle de l'euro dans les échanges internationaux. C'est l'intérêt d'avoir un marché intérieur doté d'une devise unique. On doit faire en sorte que des habitudes se prennent dans un certain nombre d'établissements financiers pour les transactions pétrolières et aéronautiques – cela doit relever du réflexe. Vous savez que mon homologue au ministère de l'économie conduit un certain nombre d'actions visant au renforcement de l'euro. Il y a notamment toute une pédagogie à faire auprès d'un certain nombre d'opérateurs européens : il faut commencer par ça.

La diplomatie française doit essayer d'être créatrice de solutions entre des acteurs qui ont parfois des positions très tranchées et très différentes. Le cadre global que propose le Président de la République pour l'Iran permet de répondre à des préoccupations exprimées par des pays voisins. Pardon pour l'anglicisme, mais il s'agit d'avoir un agenda more for more : s'il y a des engagements supplémentaires de la part de l'Iran, ce pays pourrait peut-être obtenir davantage sur le plan économique. C'est un cadre tout à fait intéressant.

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