Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du jeudi 26 juillet 2018 à 10h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Madame la ministre, je vous remercie pour cet exposé très complet et très intéressant.

À la différence des propos enthousiastes que je viens d'entendre, je ne peux m'empêcher d'exprimer un certain scepticisme, une certaine appréhension, sur le principe même du civico-consultationisme. En effet, je ne crois pas que l'instrument employé pour mener ces consultations donnera quelque chose qui réponde à nos attentes. Il est tout à fait bon de s'adresser aux citoyens, de les écouter, mais certaines choses ne vont pas.

Vous dites qu'il faut trouver des idées ambitieuses et inédites pour l'Europe. Mais le problème de communication en Europe n'est pas du tout inédit ! Comme l'a dit le président de la Commission européenne, nous sommes extrêmement clairs, et les Français en particulier, depuis trente, quarante ou cinquante ans, sur les objectifs poursuivis.

Les personnes que vous rencontrez ne peuvent qu'être favorables à une Europe qui prenne des responsabilités en matière de sécurité, de défense, à une Europe sociale… Et ce, sans toujours connaître le principe de subsidiarité.

Dans les faits, ils confrontent leurs espoirs à la réalité de l'Europe. Or cette réalité est extrêmement prosaïque, extrêmement décevante, pour plusieurs raisons : 27 États membres, des procédures mal définies, insuffisantes, des compétences véritablement tartignolles… Tout un ensemble de choses que nous voyons comme des défauts – et qui en sont – et qui empêchent la mise en application des politiques. En d'autres termes, comme le disait Jean-Claude Juncker : « Nous savons ce que nous voulons, mais nous ne savons pas très bien comment faire. » Là est le problème.

Or les consultations citoyennes n'abordent pas ce débat. Nous retrouvons exactement la même difficulté qu'en 2005. En 2003, j'ai participé, en tant que parlementaire européen, à 250 réunions publiques en un an, indépendamment de mes prises de parole au sein du Parlement. Mais j'étais une charrue qui labourait la mer ! Le débat n'était pas structuré et ne pouvait pas l'être. De sorte qu'en 2005, les Français se sont prononcés contre l'Europe.

Les électeurs, et c'est très légitime de leur part, confrontaient l'Europe de leurs rêves à l'Europe des réalités, et ont rejeté celle-ci par référendum. Juridiquement, nous n'avions pas les moyens de faire un traité différent. Nous n'avions même pas les moyens de remettre en cause le Traité de Rome.

Nous n'avions qu'une solution pour éviter le « non » : débattre des problèmes conceptuels – ce que nous ne faisons jamais. Par exemple, personne ne sait quel pays a vocation à entrer dans l'Union européenne. D'aucuns l'appellent « la question des frontières », mais c'est une vraie question : qui peut être membre et qui ne peut pas l'être ? Par ailleurs, personne ne connaît les compétences nationales et les compétences européennes, ni ce qu'est un modèle démocratique avec 27 États.

Si nous avions mené des débats d'experts sur chacune de ces questions, nous aurions progressé. Et si nous voulions faire l'Europe des projets, nous aurions dû également aborder, avec des spécialistes, des questions telles que la défense européenne. Mais avec la méthode que vous avez définie pour mener ces consultations, les « sachants » doivent « la boucler » et écouter les aspirations des citoyens. Mais leurs aspirations sont largement connues ! En revanche, les moyens d'agir, eux, ne le sont pas. Je reprendrai la phrase de Gaston Bachelard : « L'universel n'est que l'infini de notre inattention ; il n'est de connaissance que du particulier. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.