Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Séance en hémicycle du mercredi 12 septembre 2018 à 15h00
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau, rapporteur de la commission des affaires économiques :

.. qui représente le coeur du projet de loi.

À Rungis, le Président de la République a tenu à responsabiliser les opérateurs économiques, du producteur au distributeur, en particulier lorsqu'ils sont représentés au sein des interprofessions. Il a souhaité faire confiance à l'intelligence collective de ces organisations dont le modèle est reconnu mais presque unique en Europe. Je le dis et je le répète : il est hors de question que l'État, l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou une quelconque autorité publique se substitue aux opérateurs. C'est impossible au regard de l'organisation commune des marchés, mais surtout ce serait complètement contre-productif. En revanche, les débats parlementaires ont révélé que la confiance accordée aux interprofessions n'était pas partagée par tous ; je le regrette, mais je vais aujourd'hui en tenir compte en donnant un avis favorable à un amendement qui contraindra les interprofessions à élaborer et à diffuser ces indicateurs. C'est un débat que nous aurons à l'article 1er.

D'autres mesures fortes ont été adoptées : les pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles ont été renforcés pour lutter contre les pratiques déloyales de la grande distribution, et plusieurs mesures sur l'étiquetage des produits agricoles et alimentaires ont été votées pour en finir avec les pratiques commerciales trompeuses pour les consommateurs. Ensuite, nous avons adopté des dispositions fondamentales pour la transition écologique, l'accès à une alimentation plus saine et le respect du bien-être animal : l'objectif d'allouer 15 % de la surface agricole utile à l'agriculture biologique d'ici à 2022 ; la séparation de la vente et du conseil de produits phytopharmaceutiques pour en réduire l'utilisation ; l'interdiction de nouvelles installations d'élevage de poules pondeuses en cage et de l'ensemble des néonicotinoïdes.

Je suis fier du travail collectif que nous avons accompli avec vous, parlementaires de la majorité et de l'opposition, mais aussi avec les membres du Gouvernement que je tenais à saluer, à commencer par Stéphane Travert, notre ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui m'a fait l'honneur de venir dans ma circonscription pour annoncer le plan d'action rénové du ministère en faveur du bien-être animal. Je remercie également Bruno Le Maire, Delphine Gény-Stephann et leurs équipes avec qui nous avons eu de riches échanges, ainsi que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – , qui nous a apporté une expertise de haut niveau sur des mesures très techniques. Bien évidemment, toutes ces avancées n'auraient pas été possibles sans Nicolas Hulot, notre ancien ministre de la transition écologique et solidaire, pour qui je nourris un profond respect. Nous poursuivrons notre engagement pour la transition agricole avec François de Rugy, en qui j'ai toute confiance.

Cette nouvelle lecture à l'Assemblée nationale est le moment de valider toutes les avancées votées en première lecture et d'aller plus loin. J'ai par exemple déposé deux amendements pour renforcer le rôle de Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, afin de lui permettre d'analyser a posteriori la prise en compte des indicateurs de coûts de production et de prix utilisés lors des négociations commerciales agricoles.

Je soutiendrai aussi un amendement visant à poursuivre en France l'expérimentation sur l'étiquetage du pays d'origine du lait, de la viande et de ces produits lorsqu'ils sont utilisés en tant qu'ingrédients dans les produits transformés.

Aujourd'hui, les Français veulent manger des produits locaux et de qualité. Pour cela, nous avons besoins de relocaliser l'approvisionnement alimentaire et de valoriser le travail et les produits de nos paysans. À la veille du lancement du plan pauvreté, il sera aussi important de valider des mesures qui forment la base d'un nouveau modèle alimentaire permettant à tous de mieux manger, telles que l'obligation pour les cantines de proposer, d'ici à 2022, au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique parmi 50 % de produits sous signes officiels de qualité et locaux. Je pense aussi au transfert des dispositions législatives relatives à l'aide alimentaire du code rural et de la pêche maritime vers le code de l'action sociale et des familles, afin d'intensifier la lutte contre la précarité alimentaire, ou encore à la définition d'objectifs clairs dans le programme national relatif à la nutrition et à la santé pour résoudre ce problème.

La question de l'alimentation ne devrait être pour personne une variable d'ajustement. Bien manger ne coûte pas rien, mais ne coûte pas forcément plus cher. Si nous mangeons des produits de meilleure qualité, il y aura moins de gaspillage, et donc le coût global de notre alimentation n'augmentera pas. C'est à nous aussi, les consommateurs, d'agir en prenant notre alimentation en main pour changer nos habitudes. Notre travail est donc loin d'être fini. Si le législateur a la responsabilité de traduire dans la loi les idées issues des EGA, c'est en changeant nos pratiques que l'on va réussir à changer les choses en profondeur, ce qui implique une responsabilisation de toutes les parties prenantes. Après le vote du texte, ce sera donc à tous les acteurs de la chaîne alimentaire de prendre leurs responsabilités : aux agriculteurs de se regrouper en organisations de producteurs pour peser face à la grande distribution ; aux consommateurs de devenir des « consom'acteurs » pour traduire leurs attentes dans leur acte d'achat ; aux enseignes de la grande distribution de s'engager à mieux rémunérer nos paysans. Ce dernier point est fondamental : je compte poursuivre notre travail dans le cadre de mon rapport pour avis sur le volet agriculture du prochain projet de loi de finances, avec une réflexion sur la création d'un fonds de modernisation des exploitations agricoles et d'accompagnement de la transition écologique, qui serait notamment abondé par la grande distribution et l'industrie agroalimentaire, et géré par ces mêmes interprofessions. C'est ensemble que nous arriverons à atteindre nos objectifs ; c'est tous ensemble que nous devons travailler. Poursuivons donc cette belle dynamique des EGA dès aujourd'hui.

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