J'ai été très intéressé par l'analyse de M. Mélenchon, comme d'ailleurs par celle de M. Ruffin et de Mme Pompili. Entre elles, j'ai trouvé des convergences, bien qu'ils les aient présentées de manière différente. C'est sans doute ce qui explique l'agacement de Mme Pompili.
La ferme des mille vaches ennuie, intrigue, inquiète. Il y a une heure, notre groupe a défendu, par la voix de Mme Auconie, un amendement qui a pu passer inaperçu. Cet amendement no 114 tendait à insérer dans la loi la mention suivante : « en privilégiant les systèmes agricoles à taille humaine et familiaux, économes en intrants, valorisant les ressources naturelles telle que l'herbe et en refusant les importations de produits alimentaires ne respectant pas strictement les mêmes normes de production que les systèmes français ».
Voilà qui exprime une vision politique et stratégique de l'agriculture. Pour ma part, contrairement aux auteurs de l'amendement no 670 , je ne mettrai pas en avant la notion de « petite ferme ». En 1959, mes parents se sont installés dans une exploitation de cinq hectares, où ils ont élevé leur quatre enfants. Nous étions quatre garçons. Ce n'est pas vieux. J'ai cinquante-deux ans. Leur installation remonte à cinquante-neuf ans.
Il y avait un double actif. C'était une petite ferme, mais la petite ferme de 2018 ne ressemble plus à celle-là. Notre amendement no 670 , qui tendait à privilégier une exploitation où le système agricole est à taille humaine, me semblait préférable au vôtre. Mais je trouve un point commun entre nos positions : nous sommes inquiets et nous refusons le gigantisme.
Pour ma part, je refuse le gigantisme financier, et j'adresse un clin d'oeil à Emmanuel Macron.
Je refuse le gigantisme institutionnel, et j'adresse un clin d'oeil à François Hollande, dont les grandes régions n'ont aucun sens. Celui-ci a bouleversé la carte des régions françaises. D'ailleurs, il a tout saccagé avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Je refuse le gigantisme industriel. Je suis préoccupé par le fait qu'il existe dans le monde des groupes industriels de plus en plus grands. De ce fait, les entreprises familiales ne peuvent plus lutter lorsqu'elles répondent à des marchés. Elles se font manger parce que les grands groupes se parlent entre eux. Quant aux entreprises industrielles de taille familiale – celles dont on connaît le patron et dont les capitaux sont souvent familiaux – , elles ont du mal à s'en sortir.
Enfin, je suis préoccupé – ce qui ne manquera pas de vous interpeller, monsieur Ruffin – par le gigantisme médiatique ou culturel. Pourquoi ? Parce que je suis un petit être humain et que le modèle de société, comme le modèle d'agriculture que je privilégie et que je défends, n'est pas celui du gigantisme.
Je rejoins par conséquent la conclusion de Mme Pompili. Veut-on lutter contre le gigantisme des fermes-usines comme celle des mille vaches ? Au passage, je signale que l'exposé sommaire de l'amendement contient une coquille, puisqu'il mentionne « la ferme des dix mille vaches ». Veut-on lutter contre les fermes-usines, auxquelles je ne suis pas très favorable, même si je soutiens tous les modèles d'agriculture : le bio, le circuit court, le conventionnel, l'agro-industrie, car je soutiens l'agriculture dans sa diversité mais à taille humaine ?
Dans ce cas, il faut une loi qui permette aux agriculteurs de retirer de leur activité un revenu décent.