Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du vendredi 14 septembre 2018 à 21h30
Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Il est très difficile de conclure. Chacun d'entre nous le fait avec son style et sa personnalité. Pour ma part, et à cette heure, j'ai deux pensées. La première est pour mon père qui, à cette heure là, avait déjà enfilé son bleu de travail pour entrer dans son atelier. Il y a travaillé quarante ans, de cinq heures à treize heures. Et j'ai surtout une pensée pour les paysans de notre pays, qui pour la plupart sont déjà levés à cinq heures du matin, pour entamer une journée extrêmement difficile, avec toujours une obsession à l'esprit : que leur travail leur permette de vivre, ce qui est de moins en moins le cas aujourd'hui.

Souvent, l'épouse ou l'époux a une autre activité professionnelle, travaille a l'extérieur. D'ailleurs, les paysans d'aujourd'hui – j'emploie le terme volontairement – , du fait même que leurs conjoints et leurs enfants sont dans la société, se trouvent eux-mêmes confrontés, quoi qu'on puisse en penser, à toutes les interrogations, à tous les grands problèmes de société, et notamment ceux qui sont liés au glyphosate. Il ne faut pas croire que la paysannerie française fait preuve d'inconscience quant aux produits qu'elle utilise. Mais, il y a aussi un système agricole, une recherche de rentabilité qui entretiennent cette contradiction continuelle.

Les états généraux de l'alimentation ont suscité un vent d'espoir. Peut-être sceptique de nature, j'étais, franchement, plutôt dubitatif. Dans le discours prononcé par le Président de la République à Rungis, j'ai vu beaucoup d'espoir, mais, en bon Auvergnat, j'étais tout de même un peu interrogatif quant à certaines grandes envolées. Lorsque les journalistes m'ont demandé ce que je pensais des propos tenus par le Président, je n'ai répondu qu'un mot : chiche !

En définitive, nous l'avons vu, les groupes de travail des états généraux ont produit des propositions intéressantes, en tout cas pour la plupart. Mais à un certain moment, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous vous êtes en quelque sorte fracassé le nez contre une vitre. Là, il y avait le poids de l'industrie agroalimentaire – si, si, c'est bien la réalité – et de la grande distribution. Ce rapport de forces a fait que vous n'avez pas pu, ou pas voulu mettre en oeuvre ce qui avait été annoncé lors des états généraux et dans le discours du Président de la République à Rungis.

Cela a été une suite de renoncements. Vous vous êtes petitement recroquevillés sur des mesures techniques, qui ne permettront pas de répondre aux grandes interrogations. Vous avez échoué en ce qui concerne la garantie, qui avait été donnée au début, d'une meilleure rémunération et d'un partage de la valeur ajoutée. Vous verrez que le résultat de ce projet de loi ne sera pas à la hauteur de ce que vous attendez, ou peut-être faites semblant d'attendre. Ce sera un échec, vous le constaterez, car il y a eu une succession de renoncements.

Je veux m'attacher uniquement à cette question : les paysans de notre pays percevront-ils, demain, un meilleur revenu ? Profiteront-ils, demain, de l'immense travail qu'ils fournissent ? Obtiendront-ils, demain, une rémunération à la hauteur pour leurs produits ? Pourront-ils s'extirper de cette domination de l'industrie agroalimentaire et de la grande distribution ? Avez-vous mis en place de véritables outils pour ce faire ?

Je suis persuadé que non. Vous avez manqué de courage. Cela tient, en fait, à votre conception libérale : vous pensez, vous dites que le marché va trouver un équilibre par lui-même, comme dans une société de Bisounours. Vous oubliez que les rapports de forces existent. C'est pour cela que la loi sera un échec.

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