Je connais mal les sources qui pourraient nous aider à différencier les régions, mais je pense qu'elles existent, puisque, pour avoir présenté des exposés en région, je sais qu'elles disposent notamment de chiffres relatifs à la matière grasse, aux fruits et aux légumes.
Quand je vous disais que « nous mangeons comme nous vivons », c'était de façon neutre ! L'un des moteurs le plus puissants de cette association de l'alimentation à nos modes de vie, ce sont les rythmes temporels, les rythmes sociaux, le fait que la société accélère et que l'alimentation, qui était une activité qui prenait du temps, a perdu de son importance. La lecture à travers le rythme de vie, les horaires, les emplois du temps, le salariat, explique qu'aujourd'hui beaucoup de jeunes partent au lycée sans prendre leur petit-déjeuner et compensent avec un peu de snacking à onze heures.
Les repas sont fractionnés et décalés. Aucune importance si une réunion se prolonge : on mange après ! Toutes les activités des urbains sont plus importantes que le repas… Le repas du soir, en revanche, résiste bien, peut-être parce qu'il est nécessaire de garder un moment de convivialité, de sociabilité.
Nous vous avons précisé que notre mission est non pas de faire des prescriptions, mais d'expliquer ce qui se joue et ce qui évolue.
Je dis très souvent à mes collègues du ministère qu'ils doivent abandonner l‘idée qu'ils mangent des saucisses, des lentilles, du pain : on ne mange pas un plat, on consomme des services alimentaires… Voilà un mode de raisonnement qui me semble fort, et ceux qui en captent la valeur sont ceux qui vendent du service alimentaire.
Ils vendent des produits qui s'adaptent parfaitement à nos modes de vie. Notre rapport à l'alimentation a changé, nous avons une nouvelle façon de concevoir celle-ci. Aujourd'hui l'alimentation n'a ni les mêmes vertus, ni les mêmes fonctions, ni les mêmes manifestations qu'il y a cinquante ans ; c'est le résultat d'une agrégation de millions de choix quotidiens qui tirent l'alimentation et le système alimentaire dans une nouvelle direction, à force de vouloir tous la même chose individuellement.