Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du mardi 31 juillet 2018 à 17h00
Mission d'information sur la révision de la loi relative à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Vous dites qu'il est temps de réinventer la bioéthique. Il est peut-être temps aussi de réinventer la façon dont le Parlement s'approprie cette réflexion. Avec le président Xavier Breton, nous nous sommes dit qu'en plus de la périodicité quinquennale des révisions de la loi de bioéthique, il serait indispensable qu'il y ait une structure parlementaire permanente qui pourrait constamment nourrir sa réflexion et apporter sa compétence à tous les députés qui s'intéressent à la bioéthique. Cela permettrait d'éviter l'alternance entre périodes extrêmement intenses et périodes de latence prolongée. Qu'en pensez-vous ? Par ailleurs, faut-il organiser des États généraux tous les cinq ans ou vous interrogez-vous quant à leur pertinence et à leurs modalités de fonctionnement ?

Vous avez évoqué le sentiment d'impuissance, voire d'inquiétude ou d'angoisse, qui peut engendrer chez certains de la frilosité et de l'immobilisme. On a un peu l'impression d'être passé, en un demi-siècle, des excès du scientisme au refus du progrès dans certains segments de la population. Un fossé s'est creusé entre ceux qui ont confiance en la possibilité de s'approprier positivement l'évolution et ceux qui la redoutent. Pour éviter que ce fossé se creuse encore davantage, ne serait-il pas bénéfique d'assurer une plus grande participation de tous à cette réflexion plutôt que de laisser certains de côté et de susciter des positions antagonistes ? Cette participation concernerait bien sûr tous les professionnels de la santé et de la recherche mais aussi toute la population. Pour l'instant, seule une très faible proportion de nos concitoyens s'implique dans les consultations qui sont organisées. Il est peut-être dangereux que toutes les décisions soient déléguées aux seuls experts. Il faut que la prise de décision reste un processus démocratique et que ce processus, loin de se limiter à l'élaboration des lois, suscite la réflexion personnelle.

Enfin, comment maintenir le doute ? Comment l'entretenir ? Même dans les sciences dures, on constate parfois des erreurs, voire des falsifications. La presse montre régulièrement qu'aucun continent n'échappe à ce risque – omniprésent, a fortiori, dans les sciences humaines. Le doute est donc indispensable mais le député doit malgré tout arbitrer quand il légifère. Faut-il qu'il prenne ses responsabilités tout en ayant à l'esprit l'éventualité que ses décisions soient remises en cause lors de la révision ultérieure des textes ? Quant au médecin, même en cas de doute, il doit décider et être capable de le faire sans hésiter mais il ne doit pas omettre le droit du malade à faire ses propres choix. La loi de 2002 a reconnu des droits que les associations de malades sidéens avaient revendiqués puis conquis. N'est-on pas au milieu du gué ? N'a-t-on pas souvent l'impression que le malade n'est que partiellement entendu par les professionnels de santé ? Comment les droits du malade doivent-ils progresser ? Comment maintenir le doute dans la réflexion des professionnels de santé ?

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