Monsieur le professeur, j'ai été particulièrement intéressée par votre hauteur de vue, dont je vous remercie vivement.
Vous avez mentionné à plusieurs reprises les craintes des Français, alors qu'on a souvent tendance à les oublier. Je vous en remercie, ainsi que d'avoir fait remonter les attentes de nos compatriotes, au-delà des éclairages techniques dans lesquels on se perd. Les Français ont vraiment l'impression d'être à la traîne, de suivre bon gré mal gré le progrès et, finalement, de ne pas avoir le choix. Comment nous, les Français, pouvons-nous nous emparer sereinement ces sujets ?
Faut-il « forcer » les avancées pour constater, dans le meilleur des cas, qu'elles sont bénéfiques pour l'homme ? Vous avez vous-même parlé d'avancées imprévisibles, irréversibles, incontournables et impérieuses ? Ou faut-il, comme vous le laissez entendre, freiner ces avancées scientifiques qui nous embarquent on ne sait où, afin que tout un chacun puisse en intégrer progressivement les différentes implications ? De fait, on a l'impression que la science se déploie inexorablement sans rencontrer d'entraves, peut-être aux dépens de l'homme.
Cela m'amène à reprendre l'une des questions que vous avez très judicieusement posée : vers quelle société, vers quelle humanité souhaitons-nous aller ?
L'un des problèmes de la bioéthique est que l'on fait souvent appel à une somme de revendications personnelles, de désirs venant des uns et des autres, qui varient en fonction de l'histoire et du vécu de chacun. Cela rend très difficile tout positionnement, lequel est potentiellement mal perçu par ceux qui attendent les avancées permises par les sciences. De fait, si l'on s'interroge, si l'on montre quelque réticence à l'égard de ces avancées scientifiques, on est très souvent accusé d'être archaïque ou rétrograde.
Faut-il choisir entre la science qui supplanterait ce que vous avez appelé les grands principes intangibles, et ces grands principes qui empêcheraient la science d'avancer ? Comment concilier les avancées reconnues de la science avec les grands principes intangibles dont notre société, notre humanité ont également besoin ?