Je salue le travail de haut niveau, technique et extrêmement fouillé qu'a mené la rapporteure. Cette dernière vient de rappeler, à juste titre, que nous nous trouvions dans un cadre juridique assez contraint, tant communautaire que constitutionnel. J'ajouterai que parfois, nos traités commerciaux nous imposent certaines barrières.
À de nombreuses reprises dans les années 2000, nos dispositifs anti-abus ont été très sévèrement sanctionnés par la Cour de justice de l'Union européenne. Progressivement, nous avons vu les outils de l'administration fiscale rétrécir comme peau de chagrin face aux arrêts de la Cour. Celle-ci s'est souvent référée aux textes relatifs à la liberté de circulation des capitaux pour interdire des dispositions anti-évasion fiscale qui permettaient d'imposer en France une assiette avant qu'elle ne s'évade. Madame la rapporteure, n'y a-t-il pas là un enjeu de négociation communautaire ? Sans remettre en cause les principes inscrits dans les traités, peut-être serait-il possible d'introduire des modulations afin de pouvoir établir et localiser une assiette fiscale.
Concernant la numérisation de l'économie, je partage l'avis selon lequel la taxe sur les services numériques doit être transitoire. Il ne peut s'agir d'une solution pérenne. En effet, la numérisation de l'économie rend possible une évasion de la valeur partout dans le monde, et ce pour de multiples activités économiques, depuis la production de services jusqu'à la fabrication de biens industriels. À terme, il faudra déterminer la manière dont nous parviendrons à localiser la valeur créée en Europe. Pour les activités purement numériques, le principe d'un établissement stable virtuel est intéressant. La France en a porté une quinzaine de versions dans ses négociations avec l'OCDE. La version actuelle, qu'a présentée Alain Lamassoure, rattache l'établissement stable à la collecte des données. Est-ce, d'après vous, une option viable, madame la rapporteure ?
Enfin, je trouve très intéressante, madame la rapporteure, votre proposition de mieux articuler notre procédure d'abus de droit avec les clauses anti-abus. Il s'avère en effet que les perceptions de l'abus de droit et de l'anti-abus ne sont pas uniformes. De ce point de vue, il serait pertinent d'harmoniser notre réglementation avec la réglementation communautaire.