Présidence
Je souhaiterais profiter de cette rentrée pour évoquer la difficulté que nous rencontrons dans nos relations avec le Gouvernement au regard des réponses à nos questions écrites.
Bien que le ministre des comptes publics reçoive assez peu de questions écrites, j'ai signalé à plusieurs reprises que celles-ci restent sans suite. À titre d'illustration, l'une de mes questions, parue au Journal officiel en janvier 2018, n'avait toujours pas trouvé de réponse en juillet 2018. Elle est donc parue comme signalée au Journal officiel en juillet. Deux mois plus tard, nous en attendons toujours la réponse. Or cette question, qui traduit l'interrogation de nos concitoyens, a une incidence fiscale. Ces derniers sont donc toujours en attente d'un éclaircissement de la part de l'administration fiscale.
Lors de la précédente législature, nous avons accepté de réduire nos droits à questions écrites, à hauteur d'une question par semaine. En contrepartie, le Gouvernement s'est engagé à répondre à toutes les questions dans un délai de deux mois. Depuis le début de la présente législature, 10 000 questions ont été posées. En août 2018, le taux de réponse était inférieur à 50 %. Je me permettrai d'adresser un courrier à ce sujet au prochain Président de l'Assemblée nationale. Cette situation traduit en effet un mépris du Parlement de la part du Gouvernement.
Nous pourrons appuyer ce courrier, si vous en êtes d'accord. La Conférence des présidents s'est émue de cette situation avant l'été. Le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a indiqué qu'il en ferait état à l'ensemble des membres du Gouvernement. De nombreux ministères sont en effet concernés par cette difficulté. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle une régulation du nombre de questions a été introduite.
La commission examine le rapport de la mission d'information sur l'optimisation et l'évasion fiscales
La multiplication, ces dernières années, des révélations sur des pratiques de fraude et d'évasion fiscales à grande échelle, impliquant des personnalités et des entreprises connues, a eu pour effet d'exacerber, parmi les citoyens, un sentiment d'incompréhension et de refus : incompréhension face à une situation où ceux qui disposent des moyens et des ressources les plus importants sont ceux-là mêmes qui cherchent, à travers des montages complexes, à échapper à leur obligation fiscale légitime ; refus de l'injustice fiscale qu'une telle situation engendre. Les attentes fortes de nos concitoyens appellent une réponse tout aussi forte des pouvoirs publics. Tandis que les scandales de fraude et d'évasion se multiplient, la riposte, elle, s'organise.
La dernière mission d'information de la commission des finances de l'Assemblée nationale consacrée à l'évasion fiscale internationale, conduite par Éric Woerth et dont Pierre-Alain Muet était le rapporteur, remonte à 2013. Cette mission s'est attachée à présenter les types de montages ainsi que les pratiques dommageables, et a formulé plusieurs propositions, dont certaines ont été traduites ultérieurement dans la loi.
Depuis, la situation a grandement évolué, et le monde a connu d'importantes avancées. L'ambitieux projet BEPS – pour base erosion and profit shifting, soit « érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices » – de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à travers ses quinze actions, propose plusieurs pistes pour lutter contre les pratiques d'évitement de l'impôt auxquelles se livrent les entreprises. L'Union européenne n'est pas en reste. Depuis 2015, elle a lancé de nombreuses initiatives renforçant les moyens de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. La dernière d'entre elles, datant de mars 2018, consiste en un paquet sur la fiscalité numérique. La France, quant à elle, joue un rôle moteur en la matière, en Europe comme à l'international. Par ses incessants efforts, elle a suscité d'importants progrès.
Il reste néanmoins beaucoup à faire, au niveau national mais aussi, surtout, au-delà. Ici réside l'une des principales difficultés relatives à la lutte contre l'évasion fiscale : la concurrence – pour ne pas dire la guerre – à laquelle se livrent les États. Le problème est international, la réponse doit donc l'être aussi.
Dans ces conditions, la commission des finances a jugé opportun de créer, le 8 février 2018, une mission d'information consacrée à l'optimisation et à l'évasion fiscales. J'ai eu l'honneur de la présider aux côtés de la rapporteure, Bénédicte Peyrol. En étaient également membres cinq de nos collègues : Jean-Paul Mattei pour le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, Lise Magnier pour le groupe UDI, Agir et Indépendants, Valérie Rabault pour le groupe Socialistes et apparentés, Éric Coquerel pour le groupe La France insoumise, Fabien Roussel pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Le pluralisme politique de cette mission, loin de constituer un handicap, s'est révélé être une force. Un sujet tel que la lutte contre l'évasion fiscale doit dépasser les clivages politiciens. Un consensus est possible, et même nécessaire, pour parvenir à une meilleure justice fiscale. Si les moyens peuvent faire l'objet de divergences, la fin, elle, réunit l'ensemble des sensibilités.
Dès sa réunion constitutive du 22 février 2018, et ainsi qu'elle l'a annoncé à la commission des finances lors d'une présentation le 13 mars suivant, la mission a fait le choix de concentrer ses travaux sur l'évasion et l'optimisation fiscales des entreprises au regard de l'impôt sur les sociétés. D'autres impôts font l'objet d'évitement, y compris de la part des particuliers. Toutefois, l'impôt sur les sociétés revêt une dimension symbolique forte, outre qu'il emporte des enjeux budgétaires évidents dans le contexte économique et social que nous connaissons. Ce sujet a de surcroît fait l'objet d'importants travaux européens et internationaux.
Il a en outre été décidé de ne pas aborder la fraude en tant que telle. Cette dernière, ne présentant pas le même enjeu de définition ni les mêmes défis que l'optimisation et l'évasion fiscales, doit faire l'objet de mesures particulières, comme celles qui ont été présentées dans le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude.
Enfin, la mission a inscrit ses travaux dans la continuité de ceux qui ont été réalisés en 2013, sans pour autant les répéter. Cette continuité était nécessaire pour analyser le chemin parcouru ces cinq dernières années et identifier les pistes d'amélioration envisageables.
La rapporteure, à laquelle je tiens ici à adresser mes plus vifs remerciements, a souhaité donner aux travaux de la mission un angle original, que j'ai immédiatement partagé en raison de sa pertinence : tenir systématiquement compte du contexte international des intérêts de la France, dépasser la seule approche fiscale traditionnelle pour faire porter la réflexion sur d'autres dimensions – la diplomatie en particulier. Un souci permanent de responsabilité a animé nos travaux. Nous devions dégager des pistes d'évolution concrètes et utiles, sans pour autant céder à la facilité qui aurait consisté, par des suggestions impossibles à mettre en oeuvre, à engranger des gains politiciens. Une telle facilité n'aurait pas fait honneur aux missions de contrôle et d'évaluation du Parlement, et se serait inévitablement traduite, en dernière analyse, par une déception des citoyens. Enfin, un travail pédagogique a été entrepris pour tenter de clarifier des notions et des chiffres souvent mal appréhendés et employés à mauvais escient, parfois à dessein, nourrissant une forme d'hystérie dans le débat public.
Plus de vingt auditions ont été conduites. Elles ont mobilisé plus de soixante participants, associant indifféremment des administrations de l'État – direction des vérifications nationales et internationales, direction de la législation fiscale, directions des affaires juridiques des ministères économiques et financiers –, des institutions internationales – l'OCDE –, des organisations non gouvernementales et syndicales, des entreprises, des économistes ou encore des avocats et des universitaires – la liste n'est pas exhaustive. À ce cycle complet d'auditions s'est ajouté un déplacement à Bruxelles auprès de la Commission européenne et des représentations permanentes de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie et des Pays-Bas. Je souhaite remercier l'ensemble des personnes qui, par leur expertise, ont contribué à éclairer les travaux de la mission.
Ces auditions et rencontres, toutes précieuses, ont utilement alimenté la réflexion de la rapporteure en vue de l'élaboration de propositions concrètes et ambitieuses. Une quarantaine de recommandations sont ainsi émises sur l'ensemble des sujets abordés. Sur cette base, quinze propositions ont été jugées le plus à même d'améliorer la lutte contre l'évasion fiscale. Je souscris entièrement à l'ensemble de ces propositions et recommandations. Celles-ci sont présentées de façon synthétique en début de rapport, et font l'objet de développements et d'analyses détaillés tout au long du document.
Le rapport présente un état des lieux complet et nécessaire des nombreuses évolutions qu'a connues la lutte contre l'évasion fiscale ces cinq dernières années. Il établit ensuite un diagnostic et propose des remèdes pertinents. Aboutissement d'un long travail, dont la qualité évidente doit beaucoup à l'expertise indéniable de la rapporteure, Bénédicte Peyrol, ce rapport, par son approche originale et par l'ambition qu'il affiche, devrait compter pour l'avenir. Je formule le souhait qu'il constitue non l'achèvement de la lutte contre l'évasion fiscale internationale, mais un jalon important susceptible d'accentuer cette lutte, et ainsi de renforcer la justice fiscale mondiale tant attendue par nos concitoyens.
Après plusieurs mois de travaux, le temps est venu de présenter les conclusions de cette mission qui nous a longuement occupés, et à l'occasion de laquelle nous avons pris beaucoup de plaisir à travailler ensemble.
Attaque contre la démocratie, atteinte au consentement de l'impôt, pratiques qui érodent les finances publiques et compromettent la réalisation d'ambitieuses politiques publiques : l'évasion fiscale est un fléau qui gangrène nos sociétés. Chacun d'entre nous, sur ces bancs, a eu l'occasion de le souligner. Cette année 2018 a d'ailleurs offert à plusieurs reprises à notre commission l'opportunité de traiter ce sujet. Nous avons ainsi évoqué le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. Nous avons en outre examiné une proposition de loi de Fabien Roussel sur les paradis fiscaux, dont les travaux ont pu utilement enrichir nos réflexions ainsi que le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, et un projet de loi portant sur la ratification de la Convention multilatérale de l'OCDE dont j'étais rapporteure pour avis. Nul doute que le prochain projet de loi de finances sera également l'occasion de débattre de ce sujet. Le rapport qui vous est soumis contient d'ailleurs des pistes destinées à l'alimenter.
Venons-en à la présentation du rapport, qui traduit la conclusion des travaux de cette mission d'information. Comme l'a souligné son président, Jean-François Parigi, ces travaux ont associé un grand nombre de personnes d'horizons variés, car il nous semblait indispensable d'entendre tous les interlocuteurs. Cette variété de profils s'explique aussi par le prisme original que nous avons retenu, dont nous vous avons fait part lors de la présentation du lancement de cette mission, le 13 mars dernier : ne pas se cantonner à la seule dimension fiscale ni aux seuls aspects techniques et juridiques, mais aborder la question sous un angle global touchant également à la diplomatie et à l'économie de la France. Par ailleurs, il nous a semblé non seulement utile, mais aussi nécessaire de consacrer une partie du rapport à une clarification des contours des questions liées à l'évasion fiscale.
J'apporterai tout d'abord quelques précisions sur la forme de ce rapport, avant d'aborder le fond.
Les dimensions novatrices pour un rapport parlementaire consacré à l'évasion fiscale, auxquelles je faisais référence, de même qu'un souci d'être aussi précis que possible pour aboutir à des pistes opérationnelles, expliquent le volume assez copieux du document. Telle n'était pas votre commande initiale, monsieur le président, vous qui aviez préconisé un dossier synthétique. C'est pourquoi ce rapport est doublé d'une synthèse de 40 pages qui permet, en une dizaine de minutes, d'obtenir une vision très complète du contenu du document. Nous avons de surcroît élaboré une feuille de route opérationnelle, détaillant les niveaux d'intervention et le calendrier que nous nous fixons – car le travail se poursuivra bien évidemment après la présentation de ce rapport. En annexe figure la liste des trente-huit recommandations, détaillées tout au long du rapport. Elles constituent des pistes d'évolution et ont servi de base à la quasi-totalité des quinze propositions que je qualifierais de « phares ». Certaines de ces dernières correspondent exactement à l'une de ces recommandations, tandis que d'autres en agrègent plusieurs.
J'en viens désormais au fond du rapport, c'est-à-dire à l'essentiel. Ainsi que le président de la mission d'information l'a rappelé, nous avons décidé de concentrer nos travaux sur l'évasion fiscale des entreprises à travers l'impôt sur les sociétés.
Les développements du rapport débutent par une partie préliminaire essentiellement pédagogique. Nous avions indiqué, lors du lancement de la mission en mars dernier, qu'un effort de clarification serait effectué sur le contenu des termes « évasion », « optimisation agressive » ou encore « optimisation », et qu'un accent serait porté sur l'évaluation chiffrée de ces pratiques. En effet, les estimations souvent avancées dans le débat public varient considérablement, et ne portent pas toutes sur les mêmes notions. Au quatuor classique réunissant la fraude, l'évasion, l'optimisation agressive et l'optimisation admise, nous préférons une distinction plus fine reposant non plus sur la légalité des comportements, mais sur les notions de substance économique et d'artificialité. Cette clarification n'a ni pour objet, ni pour effet de réduire le champ de ce qui n'est pas admissible et doit être sanctionné. Il s'agit de précisions méthodologiques faites dans un souci de lisibilité, visant une meilleure appréhension de ce qui est acceptable fiscalement et de ce qui ne l'est pas. Le rapport contient ainsi un organigramme qui, en fonction des opérations, permet d'identifier ce qui relève de la fraude, de l'évasion ou du cadre admis.
S'agissant des évaluations, le rapport ne propose pas d'estimations chiffrées, mais étudie celles qui existent et les méthodes sur lesquelles elles s'appuient. Il en ressort que certains chiffres doivent être appréhendés avec précaution, tandis que d'autres méritent que soit précisé le périmètre qu'ils recouvrent. À titre d'exemple, le montant de 60 à 80 milliards d'euros régulièrement avancé est issu d'une estimation du syndicat Solidaires Finances publiques, réalisée sur la base des données du contrôle fiscal – méthode reconnue, mais qui peut conduire à des surestimations. Surtout, contrairement à ce qui est souvent affirmé, cette estimation ne concerne pas le seul impôt sur les sociétés et les entreprises, mais embrasse bien tous les impôts – impôt sur le revenu, TVA, impôt sur les sociétés, taxes locales, fiscalité du patrimoine, etc. – et est surtout concentrée sur la fraude.
Face aux difficultés méthodologiques et à la variété des chiffres en jeu, il nous a semblé indispensable que l'administration française réalise enfin une évaluation de l'impact de la fraude et de l'évasion fiscales, en associant des experts de différents horizons et en s'accordant, avant tout, sur une méthode.
Toujours dans le volet pédagogique du rapport, il nous a semblé opportun de rappeler le chemin parcouru depuis la dernière mission consacrée à ce sujet, en 2013, sous la présidence d'Éric Woerth. Nous assistons, depuis, à une forte prise de conscience internationale. Elle est le fait, d'abord, de l'OCDE, via son ambitieux projet BEPS, dont nous avons eu à connaître avant l'été à travers la Convention multilatérale à laquelle je faisais référence plus tôt. Elle est le fait, ensuite, de l'Union européenne, avec la multiplication d'importantes initiatives : projet d'assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS), directives anti-évasion fiscale, information des administrations, liste commune des paradis fiscaux et, dernièrement, taxation du numérique.
Enfin, cette partie préliminaire du rapport s'attache à rappeler ce qui doit être une évidence pour nous, législateur, mais qui est parfois oublié : une action législative responsable s'exerce dans un cadre juridique contraint qui limite certaines marges de manoeuvre. Ces limites résident dans le droit constitutionnel, le droit de l'Union européenne et les conventions fiscales internationales. Il nous a semblé qu'une action de législateur responsable supposait d'émettre des propositions pouvant connaître une traduction effective dans notre droit, sans recourir à la facilité consistant à proposer des pistes révolutionnaires mais contraires aux normes que le droit est tenu de respecter – et, de ce fait, inapplicables. Rassurez-vous toutefois, cette responsabilité ne signifie nullement l'inaction. Vous pourrez le constater dans les propositions que nous vous soumettons.
Au terme de la présentation de ce volet pédagogique, il me reste à vous soumettre les orientations du rapport.
Ainsi que je vous l'ai indiqué, nous avons retenu une approche originale qui associe les dimensions diplomatique et économique. C'est dans un tel contexte que la première partie du rapport aborde les moyens permettant de développer l'assiette fiscale française, et ceci à travers quatre volets : l'établissement stable, la valorisation des transactions, les outils anti-abus et l'attractivité du territoire français, s'agissant notamment de la propriété intellectuelle et de la diplomatie fiscale. Le diptyque classique de la fiscalité internationale repose d'une part sur le droit d'imposer, et d'autre part sur la valorisation de l'assiette une fois ce droit reconnu. Sans droit d'imposer, il ne peut y avoir d'assiette. Sans valorisation, il y a théoriquement une assiette, mais elle peut être dérisoire. Les questions liées au droit d'imposer ont connu d'importants progrès, que nous présentons. Au-delà, la valorisation de l'assiette m'a semblé constituer un point absolument essentiel. Elle renvoie aux questions de manipulation des prix de transfert.
Je rappelle que les prix transfert n'ont rien de dommageable en tant que tels. C'est leur manipulation abusive qui présente des difficultés. Il est donc indispensable de mieux valoriser l'assiette en luttant plus efficacement contre les manipulations de prix de transfert.
À cet égard, nous avançons une proposition reposant sur deux piliers.
Il s'agit en premier lieu de clarifier les différentes méthodes de valorisation. Celles-ci sont au nombre de cinq, chacune ayant ses forces et ses faiblesses. Au cours des auditions, il est apparu que l'administration tendait à employer essentiellement l'une d'entre elles, dite méthode transactionnelle de la marge nette, ou transactional net margin method (TNMM), même lorsque cela ne se justifiait pas. Il paraît opportun d'encadrer l'action de l'administration et, surtout, de l'accompagner dans un usage plus fréquent, lorsqu'il est pertinent, de la méthode dite du partage des bénéfices, ou profit split. Cela améliorerait la relation de confiance entre l'administration et les entreprises, et éviterait de surcroît que l'action de l'administration se trouve fragilisée au contentieux du fait d'un recours inapproprié à telle ou telle méthode.
En second lieu, il paraît impératif d'enrichir le droit applicable en matière de prix de transfert. Cela implique notamment de mener une réflexion sur l'évolution du contenu de l'article 57 du code général des impôts, qui remonte aux années 1930 et dont la rédaction est lapidaire. Dans le même dessein s'avère nécessaire un développement des instructions fiscales, voire l'adoption d'une charte en matière de prix de transfert qui, comme celle qui est consacrée aux droits du contribuable vérifié, serait opposable.
S'agissant des outils anti-abus, le rapport dresse un panorama des principaux dispositifs existants et de leur rendement. Nos travaux se sont concentrés sur l'abus de droit et les clauses anti-abus. Nous en appelons à une clarification à cet égard, la multiplication des clauses anti-abus rendant leur articulation assez illisible. Nous proposons également d'assouplir l'abus de droit. Cette mesure, qui avait été suggérée par la mission de 2013, s'était heurtée à une censure du Conseil constitutionnel. Dans le souci de responsabilité qui nous anime, nous avons tenu compte de cette censure. Nous proposons en conséquence un abus de droit à deux étages. Le premier étage rendrait l'outil, d'une redoutable efficacité, applicable aux montages dont le but est principalement fiscal, mais sans majoration automatique. Le second étage, quant à lui, correspondrait à l'outil actuel et viserait les montages exclusivement fiscaux, avec majoration de 80 %. Une procédure de rescrit particulière est également proposée. Ajoutons que la proposition que j'avance anticipe la transposition de la directive relative aè la lutte contre l'évasion fiscale, dite ATAD – pour anti tax avoidance directive –, qui prévoit une clause anti-abus générale. Par conséquent, la proposition de dispositif anti-abus à double étage que je vous soumets permet de transposer la directive ATAD, en articulant l'article L. 64 du livre des procédures fiscales avec cette nouvelle clause.
Parmi les outils anti-abus, nous avons étudié tout particulièrement ceux qui portent sur la déductibilité des charges financières. Nous proposons le renforcement de certains d'entre eux, et appelons à la plus grande vigilance dans le cadre de la transposition de la directive ATAD sur ce sujet qui devrait intervenir dans le projet de loi de finances pour 2019.
L'attractivité, je le disais, a elle aussi été prise en compte. Son renforcement est indispensable dans un contexte de concurrence économique et fiscale. S'il faut, bien évidemment, lutter contre l'optimisation fiscale à travers des dispositifs anti-abus, il faut aussi s'attacher à préserver une base fiscale en France, sachant que nous évoluons dans un monde ouvert. Nos réflexions sur de nouveaux dispositifs doivent donc être systématiquement sous-tendues par l'enjeu de l'attractivité de la France, de son territoire et de son droit fiscal. Il ne s'agit évidemment pas de rendre la France attractive en la transformant en un paradis fiscal, bien au contraire. C'est en exploitant les atouts français que, dans un cadre fiscal vertueux, nous avancerons.
Un point essentiel de l'attractivité est souvent négligé, même s'il a ici d'ardents promoteurs : la sécurité juridique. Un droit fiscal plus stable et prévisible est essentiel. Il est en outre incontournable de développer les rescrits, notamment en matière de prix de transfert. Enfin, s'il faut se montrer inflexible avec ceux qui pratiquent l'évasion fiscale, il paraît pertinent de valoriser ceux qui sont vertueux.
Nous avons également analysé l'imposition des actifs incorporels, dans le contexte d'une réforme fiscale américaine particulièrement agressive sur ce point. L'évolution du régime fiscal des brevets, cette patent box française jugée dommageable par l'OCDE et par l'Union européenne, devrait intervenir dans le prochain projet de loi de finances. C'est une évolution favorable, qui n'amoindrit toutefois pas la nécessité de rester attentif au maintien de l'attractivité du pays.
Ces questions font également écho à celle de la diplomatie fiscale, que le rapport propose de placer au centre de l'action française. Notre pays bénéficie d'une stabilité que nombre de ses voisins lui envient. Il dispose du deuxième réseau diplomatique au monde. Ces atouts constituent des forces qui doivent être exploitées pour inciter des pays étrangers à évoluer favorablement sur les sujets fiscaux. Ces sujets doivent d'ailleurs être systématiquement pris en compte dans le cadre des rencontres officielles.
La France doit peser de tout son poids à cet égard, tout particulièrement dans l'Union européenne. Certains États membres, heureusement peu nombreux, ne jouent pas le jeu en matière fiscale. Je pense notamment à Malte ou à l'Irlande. Consacrer pleinement la lutte contre l'évasion fiscale dans l'Union, au titre du semestre européen, et valoriser le code de conduite européen en matière de fiscalité des entreprises, sont autant d'actions susceptibles de porter des fruits rapidement. Parallèlement, il est indispensable d'accompagner les États membres dont le modèle repose sur la fiscalité vers un modèle plus vertueux. L'Irlande, par exemple, a vu ses conditions de financement très allégées à la suite des records de croissance dus à son attractivité fiscale numérique. Toutefois, cette croissance est au moins en partie artificielle. Imposer à l'Irlande un changement radical aurait des conséquences très lourdes pour le pays et sa population. Il faut donc être ferme, mais proposer une véritable évolution et une véritable transition.
La diplomatie fiscale est d'autant plus indispensable que le monde se fait instable. Là aussi, la France doit peser de tout son poids face à ses partenaires pour assurer le respect des conventions fiscales, dont beaucoup sont méconnues par l'autre partie. J'évoquais plus tôt la réforme fiscale américaine. Elle appelle une réponse claire de la France, mais aussi, et surtout, de l'Union européenne.
Enfin, la diplomatie fiscale de notre pays nous concerne, nous parlementaires, au premier chef. Il est donc proposé de renforcer substantiellement l'association du Parlement dans les négociations des conventions fiscales, d'enrichir l'information du Parlement et d'accroître le rôle de ce dernier dans le cadre décisionnel européen. À cet égard, il semble souhaitable que le Parlement, avant les réunions du Conseil européen et du Conseil de l'Union européenne, puisse donner au Gouvernement un mandat politique de négociation. Cela accroîtrait la démocratisation du processus et renforcerait la position de la France, dont la légitimité se trouverait accrue à travers le cadre parlementaire.
Notre monde se transforme également sous l'effet de la numérisation et de la financiarisation de l'économie, qui posent de sérieux défis fiscaux. C'est à ces défis que la deuxième partie du rapport s'attache à répondre.
La numérisation de l'économie a bouleversé les règles fiscales traditionnelles, et ne concerne pas les seuls géants de l'Internet. Tous les secteurs sont touchés. C'est là une nouvelle révolution, après la révolution industrielle. Le rapport fait état de ces défis et tente d'apporter une réponse – à tout le moins, un éclairage – sur les conséquences que pourrait avoir une adaptation intégrale des règles fiscales à la numérisation, notamment à travers la question d'un glissement de la valeur vers les marchés de consommation. Là aussi, le prisme économique a été pris en compte. Pour autant, une évaluation complète par la France et par l'Union européenne, ainsi qu'une position commune de l'Union, nous ont semblé indispensables.
Une fois les défis posés, vient le temps des réponses. Le cadre d'action pertinent est international, mais il n'existe pas de consensus en la matière. L'Union européenne, autre cadre d'action efficace, a en revanche considérablement avancé sur ces questions. Le projet d'assiette commune consolidée, dit ACCIS, bien qu'il ne soit pas cantonné à l'économie numérique, apporte une réponse qui doit trouver, de notre part, un soutien appuyé. Ce projet, relancé par la Commission européenne en 2016, a semblé s'enliser mais a trouvé un nouveau souffle, notamment sous l'impulsion de la France. Son premier volet, l'assiette commune, pourrait aboutir dès 2019.
Parallèlement au soutien au projet ACCIS, il importera d'appuyer le paquet européen de mars dernier sur la fiscalité numérique. Celui-ci propose deux solutions. La première, de court terme, réside dans une taxe de 3 % appliquée aux revenus tirés de certains services numériques. La seconde, structurelle et de long terme, repose sur le principe de présence numérique significative. Elle permettra de lutter contre les schémas abusifs, notamment ceux des géants du numérique, grâce à la notion d'établissement stable virtuel.
La taxe sur les services numériques (TSN) est opportune, mais doit impérativement rester une solution de court terme, sans se pérenniser. Ce qui est essentiel est bien la solution structurelle d'établissement stable virtuel. Aussi le rapport préconise-t-il de limiter la durée d'application de la TSN à deux ans, pour inciter les pays à avancer vers la solution de long terme qu'est l'établissement stable virtuel.
Les propositions de notre rapport sur l'économie numérique se déclinent en plusieurs scénarios.
Le scénario idéal suppose des progrès sur le projet ACCIS et la TSN, conduisant à limiter la durée de celle-ci à deux ans, pour avancer le plus rapidement possible sur l'établissement stable virtuel. Il sera aussi l'occasion de réaliser une évaluation complète de l'impact du projet ACCIS.
Le scénario de repli, si les négociations européennes sur la TSN s'enlisent et que le projet ACCIS ne connaît pas d'avancée notable, prévoit une double action au niveau national. Il s'agit tout d'abord de consacrer en droit français l'établissement stable virtuel, le cas échéant avec quelques améliorations par rapport à la proposition européenne. Il s'agit d'autre part de créer en droit français une taxe spéciale anti-abus, qui pourrait s'inspirer de dispositifs étrangers mais qui devra éviter les écueils constitutionnels.
Parallèlement au défi de la numérisation, le rapport aborde les questions de la financiarisation de l'économie à travers deux prismes : la lutte contre les paradis fiscaux et la transparence. Il propose une série de mesures renforçant la lutte contre les paradis fiscaux, qu'il s'agisse d'États ou territoires non coopératifs – les fameux ETNC – ou de pays à régime fiscal privilégié. Ici aussi, outre les propositions accroissant l'efficacité des outils, nous suggérons une meilleure information du Parlement.
En matière de transparence financière et fiscale, le rapport préconise une ouverture accrue mais encadrée du registre des trusts. Rappelons que la publicité de ce dernier avait été censurée par le Conseil Constitutionnel pour atteinte à la vie privée. La transparence imposée aux banques et intermédiaires fiscaux et financiers est également abordée dans ce volet.
La troisième et dernière partie du rapport est consacrée à l'acteur sans lequel la lutte contre l'évasion fiscale serait un vain mot : l'administration.
Pour agir efficacement, l'administration doit disposer de données. Jamais celles-ci n'ont été aussi abondantes, qu'il s'agisse de la documentation en matière de prix transfert ou des échanges d'informations entre administrations. Se pose toutefois la question des outils permettant d'exploiter ces éléments. Le rapport encourage le développement de l'exploration de données – ou data mining – ainsi que des outils d'intelligence artificielle, de même qu'une approche des contrôles sur leur intégralité, depuis le lancement jusqu'à la conclusion contentieuse, afin d'enrichir les contrôles futurs.
L'administration dispose aussi d'un outil efficace : la déclaration pays par pays des entreprises. La question de sa publicité fait débat. Le rapport propose de soutenir une telle publicité au niveau de l'Union européenne – une proposition de directive est d'ailleurs en discussion en ce sens. Dans l'attente de son aboutissement, le rapport propose d'organiser en France une publicité ciblée à destination de journalistes et d'organisations non gouvernementales accrédités à cet effet.
Parallèlement à ces moyens techniques, nous avons étudié les moyens humains. Un enrichissement de l'expertise de l'administration pourrait – du moins, le rapport le propose-t-il – passer par un accroissement des perspectives de mobilité entrante et sortante. L'administration bénéficierait ainsi des compétences d'experts fiscaux et d'avocats extérieurs, tandis que les fonctionnaires enrichiraient leur parcours et leurs compétences d'expériences dans des entreprises ou des cabinets privés. Mutuellement bénéfiques, ces mobilités devraient prévoir des garanties pour éviter tout conflit d'intérêts. L'ouverture de l'administration reste, en tout état de cause, une chance qu'il faut saisir.
Cette partie du rapport traite en outre de l'intégration de la lutte contre l'évasion fiscale dans un contexte économique international. Nous proposons ainsi que soient systématiquement associés à l'administration fiscale les services compétents en matière diplomatique et économique.
Enfin, pour dépasser le cadre traditionnel de réflexion sur l'évasion fiscale, des pistes alternatives ont été abordées. L'une porte sur le droit de la concurrence, que la Commission européenne, mais aussi l'Allemagne, exploitent pour renforcer la justice fiscale. Deux autres pistes, évoquées dans la conclusion du rapport, sont certainement plus lointaines, mais aussi très ambitieuses.
La première consisterait à mettre en place, au niveau de l'Union européenne, une taxe à l'égard des entreprises étrangères qui ne respecteraient pas les standards européens minimaux en matière sociale, environnementale, fiscale et commerciale. Elle assurerait une plus grande justice fiscale, mais lutterait aussi contre le dumping fiscal de certains États ou les atteintes à l'environnement.
La seconde, qui constitue en quelque sorte une prise de distance vis-à-vis des règles fiscales actuelles, propose d'engager une réflexion sur un changement de paradigme pour identifier de nouvelles assiettes. À cet égard, une piste intéressante pourrait résider dans la prise en compte du prisme environnemental, notamment vis-à-vis des acteurs du numérique et des externalités négatives qu'ils peuvent engendrer.
Quelles que soient nos affinités politiques, nous nous accordons tous à considérer que la lutte contre l'évasion fiscale doit constituer une priorité qui dépasse les clivages partisans.
Je crois vous avoir présenté l'ensemble des conclusions de la mission et ses principales propositions. Celles-ci sont de divers ordres et s'inscrivent dans des temporalités variées. Toutes sont cependant importantes, qu'il s'agisse de renforcer certains outils, d'en créer de nouveaux, d'améliorer la prise en compte par les autorités de la question fiscale internationale, ou encore de développer les moyens de l'administration. Leur niveau d'action est variable, depuis l'OCDE jusqu'à l'Union européenne ou la France. En dépit de cette variété, l'objectif qu'elles poursuivent est identique : améliorer la lutte contre l'évasion fiscale et renforcer la justice fiscale.
Avant de répondre à vos questions et de vous demander d'accepter la publication de ce rapport, je souhaite remercier vivement le président de cette mission, Jean-François Parigi, qui m'a accompagnée tout au long des auditions. Mes remerciements vont également au président de la commission des finances, Éric Woerth, qui m'a fait confiance malgré mon jeune âge – l'argument m'a été opposé… – et m'a confié une telle tâche. Enfin, je tiens à remercier l'administrateur de la commisison des finances mis à la disposition de la mission d'information.
Dans les sujets de ce type, de nombreuses propositions ayant déjà été discutées par le passé sont reprises et affinées. Il importe par-dessus tout de rendre possible leur mise en oeuvre. L'applicabilité des mesures est en effet une question essentielle, qu'elle se place aux échelons français, européen, voire mondial. En la matière, les intérêts des uns et des autres divergent. Vous parliez, madame la rapporteure, de la déclaration pays par pays des entreprises. Ce sujet soulève des questions de concurrence et de transmission d'informations à des acteurs qui pourraient en faire un mauvais usage – notamment des concurrents américains ou asiatiques de toute nature, susceptibles de fragiliser les entreprises françaises ou européennes. Nous devons certes vivre dans un monde de transparence, mais nous garder d'être naïfs. C'est toute la complexité de ce sujet.
Sans aucunement remettre en cause l'expertise de l'administration fiscale, il faut souligner que le sujet des prix de transfert est extraordinairement compliqué, précis et consommateur de temps comme d'informations – avec notamment la nécessité de mettre en oeuvre des grilles de référence.
Je souhaite remercier le président et la rapporteure de la mission d'information pour cette présentation tout à la fois complète et synthétique, sur un sujet complexe qui ne connaît pas de réponse évidente ou facile. L'exercice auquel vous vous êtes livrés présente le mérite d'éviter toute tentation démagogique, au profit de l'efficacité. Vos travaux et vos conclusions en sont d'autant plus pertinents. Le volet pédagogique préliminaire de votre rapport me paraît particulièrement intéressant, de même que votre souci de mettre en perspective vos réflexions fiscales et juridiques avec la dimension diplomatique européenne ainsi qu'avec la dimension de la démocratie parlementaire – laquelle n'est pas vécue de la même façon dans les pays du Nord et du Sud.
Vos quinze propositions sont très variées et fournissent des moyens pour lutter efficacement contre l'évasion fiscale et répondre à ses défis, liés en particulier à la numérisation de l'économie. Sur ce sujet, une question me semble importante. À l'occasion de la réunion informelle des ministres des affaires économiques et financières des vingt-sept États membres qui s'est tenue à Vienne le 8 septembre dernier, le ministre français, M. Le Maire, a prôné l'application limitée dans le temps d'une taxe européenne sur les services numériques, dans l'attente d'un accord à l'échelle internationale. Il s'agirait ainsi d'une disposition temporaire, ou sunset clause.
Parmi vos quinze propositions, monsieur le président et madame la rapporteure, l'une touche aux réponses à apporter à la numérisation de l'économie. Elle envisage, dans un scénario de bon avancement des négociations européennes, la limitation à deux ans de la durée d'application de la taxe sur les services numériques. Quels atouts aurait une telle clause temporaire, au regard de la sunset clause évoquée par M. Le Maire ?
Je salue le travail de haut niveau, technique et extrêmement fouillé qu'a mené la rapporteure. Cette dernière vient de rappeler, à juste titre, que nous nous trouvions dans un cadre juridique assez contraint, tant communautaire que constitutionnel. J'ajouterai que parfois, nos traités commerciaux nous imposent certaines barrières.
À de nombreuses reprises dans les années 2000, nos dispositifs anti-abus ont été très sévèrement sanctionnés par la Cour de justice de l'Union européenne. Progressivement, nous avons vu les outils de l'administration fiscale rétrécir comme peau de chagrin face aux arrêts de la Cour. Celle-ci s'est souvent référée aux textes relatifs à la liberté de circulation des capitaux pour interdire des dispositions anti-évasion fiscale qui permettaient d'imposer en France une assiette avant qu'elle ne s'évade. Madame la rapporteure, n'y a-t-il pas là un enjeu de négociation communautaire ? Sans remettre en cause les principes inscrits dans les traités, peut-être serait-il possible d'introduire des modulations afin de pouvoir établir et localiser une assiette fiscale.
Concernant la numérisation de l'économie, je partage l'avis selon lequel la taxe sur les services numériques doit être transitoire. Il ne peut s'agir d'une solution pérenne. En effet, la numérisation de l'économie rend possible une évasion de la valeur partout dans le monde, et ce pour de multiples activités économiques, depuis la production de services jusqu'à la fabrication de biens industriels. À terme, il faudra déterminer la manière dont nous parviendrons à localiser la valeur créée en Europe. Pour les activités purement numériques, le principe d'un établissement stable virtuel est intéressant. La France en a porté une quinzaine de versions dans ses négociations avec l'OCDE. La version actuelle, qu'a présentée Alain Lamassoure, rattache l'établissement stable à la collecte des données. Est-ce, d'après vous, une option viable, madame la rapporteure ?
Enfin, je trouve très intéressante, madame la rapporteure, votre proposition de mieux articuler notre procédure d'abus de droit avec les clauses anti-abus. Il s'avère en effet que les perceptions de l'abus de droit et de l'anti-abus ne sont pas uniformes. De ce point de vue, il serait pertinent d'harmoniser notre réglementation avec la réglementation communautaire.
Rappelons que nous avions proposé une définition de l'établissement stable virtuel assez proche de celles qui circulent actuellement.
À mon tour, je salue le travail ambitieux réalisé par le président et la rapporteure de cette mission d'information.
Madame la rapporteure, vous avez précisé la distinction entre la fraude et l'optimisation fiscale, simple ou agressive, dont chacune donne lieu à de l'évasion fiscale. À cet égard, les questions d'équité et de justice fiscales nous préoccupent tous.
Vous évoquez également la particularité de la France et son attractivité, qu'il faut se garder de mettre en péril, et soulignez le caractère avantageux de certaines dispositions fiscales, notamment en matière de droit de la propriété intellectuelle. Nous avons là des opportunités fiscales, dont vous estimez qu'elles doivent être maintenues. Madame la rapporteure, donnez-vous dans ce rapport une définition de l'optimisation et de l'opportunité fiscales ? Quelles sont les limites de l'une et de l'autre ? En nous situant à la ligne de crête entre ces deux notions, ne sommes-nous pas en situation de contradiction ? Il me paraît important de bien définir ces sujets.
J'en viens, madame la rapporteure, à vos recommandations touchant à l'économie numérique et à la fiscalité qu'il paraît intéressant d'établir aux niveaux mondial et européen. Vous suivez trois pistes en la matière, en prévoyant avec chaque fois un repli. La recommandation 24 opère ainsi un repli par rapport à la précédente, en cas d'échec ou d'enlisement des négociations sur les projets européens liés à la fiscalité de l'économie numérique et à l'assiette commune. Pour sa part, la recommandation 25 prévoit un dispositif transitoire, valable sur une durée temporaire, que j'interprète comme une incitation pour les États à adopter un accord. Quant à la recommandation 26, elle opère un second repli puisqu'elle évoque, en cas d'échec ou d'enlisement des négociations, l'introduction en droit national d'une taxe anti-abus spécifique. Notre commission a déjà eu l'occasion d'échanger sur ce scénario de repli. En particulier, nous consacrons depuis plusieurs années des discussions à la taxe sur les transactions financières. Il en ressort, à chaque fois, une difficulté à mettre en place une taxe « franco-française », risquant de mettre en péril l'attractivité de la France. Nous nous dirigeons vers une réglementation française plus contraignante que celle des autres pays européens. Pourriez-vous développer cet aspect, madame la rapporteure ?
Je me joins aux compliments qu'ont adressés mes collègues au président et à la rapporteure de cette mission, pour le travail considérable qu'ils ont mené. Peut-être, d'ailleurs, ce travail est-il trop considérable. Nous sommes en présence d'un embarras de richesses, de problèmes et d'analyses restant à effectuer. Sans cesse vous ouvrez des pistes, préconisez des approfondissements et portez au jour les difficultés auxquelles nous faisons face.
Madame la rapporteure, si vous deviez endosser les habits de ministre des comptes publics, quelles mesures prendriez-vous dans les trois prochains mois pour concrétiser les observations de ce très intéressant document ?
Je m'associe aux louanges qui viennent d'être exprimées à l'égard de la rapporteure et du président de la mission d'information.
Je souhaiterais revenir sur la question des paradis fiscaux, notamment européens. Le rapport n'élude pas ce sujet, et je vous en remercie. Pour ne citer que quelques exemples, les Pays-Bas comptent plus de 230 sociétés fiduciaires ayant pour activité principale la recherche de prête-noms. À Malte, une entreprise affiche un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros alors qu'elle emploie un unique salarié. Ces paradis fiscaux européens servent fréquemment de sas à d'autres paradis fiscaux peut-être plus médiatisés, comme les Îles Vierges ou le Panama. Les premiers et les seconds sont souvent liés par des conventions fiscales. Ce sujet mérite d'être approfondi.
Madame la rapporteure, vous êtes-vous intéressée au « pantouflage » qui persiste entre Bercy, les avocats et les cabinets d'affaires fiscalistes ou d'audit ? Cette pratique me paraît problématique, en particulier, au regard du décryptage des montages fiscaux. Une taxe sur les banques européennes qui s'installeraient dans des paradis fiscaux pourrait-elle être mise en place ? La notation des intermédiaires – avocats fiscalistes, cabinets d'audit – est-elle envisageable ?
Dans neuf mois se tiendront des élections européennes. Or, le nationalisme connaît un essor dans de nombreux pays européens, y compris en Suède. La fraude, l'optimisation et l'évasion fiscales seront des sujets importants de cette future campagne électorale. À cet égard, nous gagnerions à avancer des pistes concrètes, pouvant être mises en oeuvre à court et moyen termes. Madame la rapporteure, quelles pourraient être ces pistes pour les mois à venir et à l'horizon de 2020 ?
Madame la rapporteure, monsieur le président de la mission d'information, je vous remercie pour ce rapport, qui trace quelques pistes. J'aimerais revenir plus spécifiquement sur la fiscalité du numérique. En la matière, vous soumettez des recommandations en cas d'échec des négociations. Cet échec est, selon moi, hautement prévisible. En effet, il est fort probable que les paradis fiscaux européens fassent blocage, refusant d'affaiblir une position acquise grâce au dumping fiscal qu'ils promeuvent – et auquel je tiens à dire que la France participe en diminuant l'imposition pour des motifs de concurrence. J'entends toutefois l'intérêt des propositions émises par ce rapport.
J'évoquerai à présent un amendement que nous déposerons au projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, et qui rejoint les orientations de ce rapport. Nous proposons ainsi de taxer unilatéralement le chiffre d'affaires des géants de l'Internet à un taux plus élevé de 10 % sur tout ou partie de leur activité. Ce pourrait être un premier pas dans le sens des propositions que vous émettez.
Je ne ferai pas exception aux félicitations qui ont été adressées au président et à la rapporteure de la mission d'information. Ce rapport témoigne en effet d'une réelle maîtrise du sujet.
Au début de son intervention, la rapporteure a évoqué les enjeux auxquels nous faisions face, notamment celui du financement des politiques publiques. J'ajoute qu'une partie de la dette peut sans doute être expliquée par ce même fait de l'évasion fiscale. La dette peut en effet résulter de dépenses excessives, mais aussi de recettes insuffisantes. Au-delà, et plus profondément, ce sont bien la démocratie et la République qui sont ici en jeu.
Ce rapport présente le grand mérite de rechercher l'efficacité. Il évite la tentation de la facilité, qui engendrerait inévitablement des déceptions. Nous verrons quelle allure prendra le débat politique – et je ne suis pas pleinement rassuré à cet égard. Quoi qu'il en soit, nous nous astreindrons à une éthique de la responsabilité et de l'efficacité.
Madame la rapporteure, vous revenez sur un certain nombre de sujets connus et les approfondissez, tels que le transfert de bénéfices et l'abus de droit. Vous pointez aussi les difficultés auxquelles seront confrontées les réponses, dont il me paraît essentiel d'être conscient. Ces difficultés sont d'ordre technique, politique, diplomatique, juridique et constitutionnel. Dans les différentes décisions rendues par le Conseil constitutionnel lors du précédent mandat, notamment sur la publicité des trusts et la communication des indices financiers des entreprises, le principe de liberté – voire de secret – des affaires a toujours été mis en avant. C'est parfaitement légitime, et personne ne saurait contester cette argumentation. En revanche, je regrette que le Conseil constitutionnel ne mette pas au même niveau la question de l'égalité. Ce caractère quelque peu déséquilibré des décisions du Conseil constitutionnel a toujours suscité en moi une grande surprise et une grande frustration.
Je souhaite à mon tour remercier les auteurs de ce rapport, qui ont mené un très important travail d'investigation, de rédaction et de synthèse. Sans avoir eu le temps de l'analyser en détail, je ferai deux remarques à son sujet.
Tout d'abord, le rapport indique que « si les prix de transfert ne relèvent pas de l'évasion fiscale en tant que telle, il n'en demeure pas moins que leur manipulation ou leur caractère anormal sont constitutifs d'une évasion fiscale que l'administration doit être en mesure de pouvoir identifier et redresser ». Or, soit les pratiques sont frauduleuses et doivent être sanctionnées, soit elles ne le sont pas, et l'administration n'a pas à les traquer. Il convient donc de clarifier les contours des pratiques et de préciser la frontière entre ce qui est frauduleux et ce qui relève de la liberté de gestion.
Ensuite, le rapport propose une réflexion européenne « afin de mettre un terme à l'existence de paradis fiscaux au sein de l'Union européenne ». Nous avons déjà eu de nombreux débats à ce sujet. Nous avons reçu des députés et commissaires européens, et avons notamment échangé sur le projet ACCIS. Je suppose qu'il en a été de même lors des mandats précédents. Cependant, nous le savons, aucune avancée favorable se surviendra au sein de l'Union européenne sans une harmonisation fiscale – ceci, sans préjudice de l'action nécessaire contre les paradis fiscaux en dehors de l'Union et au regard de l'harmonisation avec la fiscalité des États-Unis. Ces sujets sont bien connus, et pour autant fondamentaux. Il faudra avancer concrètement afin que ce type de débat ne se présente plus dans les décennies futures.
Le sujet qui nous occupe est tout à la fois sensible et complexe. Le travail de la mission d'information, de sa rapporteure et de son président n'en a que plus de mérite.
Madame la rapporteure, vous préconisez de renforcer les outils anti-abus. Pourriez-vous en donner des exemples concrets, notamment lorsque vous recommandez d'assouplir l'abus de droit dans la branche de la fraude à la loi et de clarifier l'articulation des différentes clauses anti-abus ? Comment peut-on tout à la fois assouplir l'abus de droit, définir une hiérarchie et sanctionner plus fermement ?
Par ailleurs, la recommandation 37 préconise de systématiser la consultation des services diplomatiques à chaque étape des négociations de conventions, et de faire motiver par l'administration fiscale toute décision technique qui s'écarterait des recommandations diplomatiques. En cela, madame la rapporteure, vous reconnaissez à la diplomatie une supériorité par rapport à l'administration fiscale. Bercy a-t-il validé cette proposition ? Je doute que ce ministère accepte de bon gré de laisser la main à la diplomatie en la matière.
Je vous adresse mes félicitations pour la qualité du travail que vous avez effectué, qui plus est sur un sujet particulièrement technique, inscrit dans un contexte national, européen et international, soulevant des enjeux diplomatiques mais aussi concurrentiels en matière de protection des données. Nous attendons une réponse forte, lisible et, surtout, applicable sur différents périmètres. Comme le souligne le rapport, l'acheminement vers une meilleure justice fiscale passe par des actions à de multiples niveaux, par la diplomatie comme par des initiatives nationales. À cet égard, je salue les propositions relatives aux manipulations des prix de transfert – enjeu essentiel. Il serait utile, madame la rapporteure, que vous les illustriez par quelques exemples. Je salue également votre souhait d'améliorer les outils juridiques, qu'il s'agisse de l'article 57 du code général des impôts ou des clauses anti-abus.
Je partage en outre votre analyse selon laquelle il conviendra d'instituer une taxe numérique transitoire et de s'acheminer vers une définition pérenne de l'établissement stable virtuel.
Sur le plan international, l'un des enjeux essentiels réside dans les régimes préférentiels. Le 17 mai dernier, l'OCDE a rendu ses conclusions sur onze régimes préférentiels de membres du « cadre inclusif sur le BEPS ». Nous pouvons estimer que les États continuent de progresser, afin de mettre leurs régimes fiscaux préférentiels en conformité avec les standards adoptés à l'issue du projet BEPS visant à améliorer le cadre fiscal international. Cette revue des pratiques fiscales dommageables constitue un enjeu essentiel en termes d'harmonisation fiscale. Quatre nouveaux régimes ont été conçus de façon à respecter les standards et les critères de transparence et d'échange des renseignements. Ils ne sont pas considérés comme dommageables par l'OCDE. Quatre autres régimes ont été supprimés et modifiés afin d'en supprimer les caractéristiques dommageables. Enfin, trois régimes ont été jugés extérieurs au champ d'application et dénués de risque d'érosion fiscale.
Madame la rapporteure, quel jugement portez-vous sur ces conclusions de l'OCDE ? Comment les travaux que vous avez réalisés peuvent-ils entrer en interaction avec ces conclusions ? Quel regard portez-vous sur ce que l'OCDE qualifie d'indicateurs essentiels de jugement ? Une action plus en amont serait-elle envisageable, avec par exemple un principe d'autorisation préalable et de prévention des risques ?
Je tiens avant tout à vous remercier, madame la rapporteure, monsieur le président de la mission d'information, pour le travail que vous avez réalisé.
La recommandation 21 du rapport appelle une question de ma part. Elle prévoit que le Parlement, avant les réunions du Conseil européen et du Conseil de l'Union européenne, donne au Gouvernement un mandat politique de négociation fixant le cadre général de la position française et les points durs. Madame la rapporteure, comment envisagez-vous concrètement la mise en oeuvre d'une telle mesure ? Elle nous placerait en effet dans une situation assez différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. Cela ne risque-t-il pas de soulever un problème de nature constitutionnelle ? Dans un contexte de séparation des pouvoirs, le Parlement peut-il, en pareille situation, donner un tel mandat ?
Je me joins aux félicitations de mes collègues pour ce travail d'une grande pédagogie et d'une haute ambition, ainsi que pour le caractère opérationnel des propositions émises par le rapport. À la suite de Jean-Louis Bourlanges, je vous poserai une question simple et pratique, madame la rapporteure. Vous avez établi une feuille de route précise des actions que nous, parlementaires, pouvons entreprendre. Quels sont, selon vous, les trois combats prioritaires à mener ?
En avant-propos, je me permettrai un commentaire sur une remarque qu'a livrée la rapporteure en guise de boutade – ou presque. À l'heure où d'aucuns revendiquent que notre assemblée élise une femme au perchoir, parfois au seul motif de son sexe, vecteur de renouveau, il ne manquerait plus que l'on mesure les compétences d'une rapporteure à l'aune de son âge !
Je m'associe au concert de louanges de mes collègues sur le travail qu'a mené Bénédicte Peyrol. Je rejoins par ailleurs les propos de Christine Pires Beaune sur l'importance que joueront les sujets de l'optimisation et de l'évasion fiscales dans les élections européennes de mai 2019. Je suis en outre favorable à ce que nous lancions des propositions fortes ces six prochains mois. Quelles devraient-elles être, madame la rapporteure ?
Chers collègues, plusieurs de vos questions portent sur l'identification d'actions prioritaires parmi les propositions du rapport. Il n'est pas tout à fait juste de voir dans la feuille de route que je vous soumets un « embarras » de propositions dénuées de perspective opérationnelle. En effet, le président de la mission d'information et moi-même avons pris soin de décliner des propositions éminemment pratiques et opérationnelles, dont certaines ont déjà fait l'objet d'amendements dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. Ce rapport est donc d'ores et déjà inscrit dans l'action.
Vous m'interrogez sur les initiatives que nous devons prendre de manière impérative. Ma plus grande surprise, dans le cadre de cette mission, fut de constater que la France et l'Union européenne n'avaient pas véritablement de position sur ce qu'était la création de valeur. Ceci rejoint de nombreuses questions qui nous occupent : qu'est-ce qu'un utilisateur ? son rôle est-il de produire de la valeur ; et si oui dans quel cadre ? est-il actif ou passif ? Il me semble urgent que l'Union européenne et la France impulsent une prise de position ferme en la matière. Lorsque nous négocierons à l'OCDE et devrons trouver un équilibre sur la définition de l'établissement stable virtuel dans un cadre international, il sera impératif que nous défendions une position commune qui préserve nos intérêts. Telle est, selon moi, la priorité absolue.
Une autre priorité, à l'échelle européenne, réside dans la taxe sur les services numériques. L'Union européenne doit montrer qu'elle agit et qu'elle est en capacité de prendre une position forte sur ce sujet. C'est ce à quoi s'emploie notre ministre de l'économie et des finances, M. Bruno Le Maire, et je soutiens son engagement en ce sens. Il me paraîtrait nécessaire que cette initiative aboutisse d'ici à la fin de 2018, dans la perspective des élections européennes de 2019. À cette échéance, nous devons prouver que l'Union européenne est capable d'avancer, d'agir et de dépasser ses divisions internes. C'est, là encore, une priorité absolue.
Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude nous occupera la semaine prochaine en séance publique. D'ores et déjà, des propositions sont faites pour renforcer l'appréciation des régimes fiscaux privilégiés. Nous parlons souvent des paradis fiscaux en faisant référence aux États et territoires non coopératifs. N'oublions pas que d'autres dispositifs, les régimes fiscaux privilégiés, permettent de faire remonter des bénéfices en France et de les imposer sur notre territoire.
Monsieur le rapporteur général, vous vous interrogez sur l'apport que représente ma proposition concernant la limitation à deux ans de la TSN par rapport à la sunset clause évoquée par le ministre à Vienne. J'estime que nous devons nous fixer une échéance. À attendre que les négociations internationales aboutissent, nous risquerions de les voir s'étirer dans le temps. Il serait opportun que le Parlement affirme que la taxe sur les services numériques ne doit pas valoir plus de deux ans. Une pression s'exercera ainsi à l'échelle de l'Union européenne et de l'OCDE, pour inciter à agir en la matière. Sinon, le Parlement français prendra ses responsabilités. Le président Éric Woerth avait déjà déposé un amendement à ce sujet sur le projet de loi de finances pour 2018. Je propose, pour ma part, de reprendre la proposition émise par l'Union européenne en y apportant quelques ajustements, tels que la prise en considération des dépenses de marketing ou encore des actifs présents dans un territoire pour qualifier l'établissement stable virtuel.
Madame Dalloz, vous m'interrogez sur l'articulation que je propose des clauses anti-abus. Aujourd'hui, l'abus de droit est défini par un schéma à but exclusivement fiscal. Cette approche est assez restrictive. Elle tolère cependant des nuances. Lors de nos auditions, des conseillers d'État nous ont ainsi expliqué qu'ils pouvaient qualifier d'abus de droit un schéma à but non exclusivement fiscal mais trouvant aussi une justification économique. Ceci induit une requalification du schéma et l'application de la majoration de 80 %. Il n'en reste pas moins que cet outil est extrêmement restrictif. Je propose de le maintenir car il reste efficace, tout en lui ajoutant un étage. Ce faisant, j'accorde un outil supplémentaire à l'administration fiscale et au juge pour apprécier les cas plus généraux et les schémas à but principalement fiscal – but que des éléments de jurisprudence permettent de qualifier.
Certes, les notions de but exclusivement ou principalement fiscal sont proches. Cependant, le but principalement fiscal permet d'effectuer une appréciation plus large. Même si un motif économique peut être identifié, il sera possible de juger de l'intention et, le cas échéant, de qualifier d'abus de droit le comportement correspondant.
Il se trouve que cette proposition a déjà été faite. Un amendement a été déposé, mais la loi est passée devant le Conseil constitutionnel et a été censurée. Le Conseil constitutionnel avait estimé que l'application automatique de lourdes majorations à un dispositif qui pouvait ne pas être précisément défini posait un problème juridique. C'est pourquoi je propose de ne pas appliquer la majoration de 80 % lorsque le motif fiscal est principal. Voilà un exemple très concret et opérationnel, que je proposerai certainement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019.
Madame Louwagie, vous m'avez interrogée sur la ligne de crête entre opportunité et optimisation fiscales. La partie préliminaire du rapport s'attache à définir l'optimisation agressive, l'évasion fiscale et la fraude. Dans le cadre des dispositifs actuels, il est extrêmement difficile d'en tracer rigoureusement les frontières. Je propose qu'en tant que parlementaires, nous nous imposions d'utiliser les seuls termes d'évasion fiscale et de fraude fiscale – notez que l'évasion fiscale recouvre l'optimisation fiscale agressive. Un schéma tel que celui de Google, dont la société mère est basée en Irlande et qui s'efforce de ne pas être qualifié d'établissement stable en France, ceci avec un jeu de conventions fiscales, me semble constituer de l'optimisation fiscale agressive. Nous devons pouvoir caractériser aisément ces comportements.
Vous m'interrogez également sur les dispositifs qui constituent des opportunités fiscales pour les entreprises, au premier rang desquels notre dispositif sur les brevets. L'article 39 terdecies du code général des impôts a été qualifié de pratique fiscale dommageable. Le code de conduite de l'Union européenne comporte des définitions très claires à cet égard. L'un de ses critères d'appréciation du régime fiscal dommageable réside dans la comparaison du taux d'imposition prévu par ledit régime avec le taux d'impôt sur les sociétés appliqué par ailleurs. Or en France, les redevances de brevets, les cessions ou les plus-values de cessions sont imposées à 15 %, à comparer avec un impôt sur les sociétés de 33,3 %, devant être porté à 25 % à l'horizon de 2022. Ce régime doit donc être réformé, notamment pour y intégrer le lien entre bénéfice du régime et réalisation des dépenses de recherche.
Il n'en reste pas moins qu'en la matière, nous sommes en présence d'un actif de propriété intellectuelle situé sur notre territoire. Il peut donc bénéficier d'un régime spécifique, au même titre que certains secteurs d'activité économique jouissent de réductions ou de déductions fiscales. Il s'agit là d'un accompagnement visant à renforcer une recherche adossée à une substance économique et à un actif bel et bien présent. La ligne de crête entre l'opportunité et l'optimisation fiscales chemine donc entre, d'une part, les comportements artificiels et dénués de substance économique, et d'autre part les dispositifs fiscaux – ou opportunités – visant à maintenir des activités économiques en France. Au-delà des questions de moralité, notre rôle de législateur nous impose de catégoriser des comportements. À cet égard, le régime des brevets me paraît se distinguer, à plusieurs égards, d'un comportement d'optimisation fiscale.
Vous me questionnez, madame Pires Beaune, sur les actions pouvant être menées vis-à-vis des paradis fiscaux. Comme je l'ai affirmé lors de l'examen en commission du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, il est certes important de pointer du doigt les États membres qui ne jouent pas le jeu en la matière, mais il est également indispensable de mener une réflexion européenne sur leur transition vers une situation plus saine. De façon opérationnelle, peut-être la Commission européenne pourrait-elle engager plus fréquemment des procédures en manquement vis-à-vis de ces États. Elle a déjà ouvert de telles procédures à l'encontre de certains d'entre eux, dont les comportements ne seraient pas conformes au droit de la concurrence. C'est là une base juridique sur laquelle nous pouvons nous appuyer.
Au regard du « pantouflage » que vous évoquez, le rapport propose que les entrées et sorties de l'administration soient plus fréquentes – quand aujourd'hui, elle connaît essentiellement des sorties vers des cabinets d'avocats. Je prône l'établissement d'un cadre juridique extrêmement ferme pour ces situations. Reconnaissons que le cadre actuel est insuffisant à l'égard de ceux qui ont quitté l'administration fiscale. Au-delà, j'avoue ne pas avoir étudié très précisément les pistes susceptibles d'éviter ce « pantouflage ».
En matière de fiscalité du numérique, madame Rubin, je ne prendrai pas position sur l'amendement soutenu par La France insoumise. Il reviendra à notre collègue rapporteure du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude de le faire à l'occasion de son examen.
Monsieur Alauzet, vous m'avez interrogée sur le positionnement du Conseil constitutionnel à l'égard des dispositifs fiscaux que nous étions susceptibles de proposer – les parlementaires se heurtant notamment au principe de la liberté d'entreprendre, ayant une valeur constitutionnelle. Rappelons que la lutte contre l'évasion fiscale est également un objectif à valeur constitutionnelle. De mon point de vue, ce n'est pas nécessairement le droit qu'il faut changer. Le Conseil constitutionnel a aussi pour fonction, en quelque sorte, de sentir le pouls de la société. Le rapport comporte un encadré à ce sujet, page 68, en écho à une discussion que nous avons eue notamment lors de la table ronde avec les ONG. Ces dernières nous ont dit leur inquiétude que la jurisprudence du Conseil constitutionnel entrave toute avancée conséquente en la matière. J'estime que la Constitution est un texte équilibré. Tout en étant consciente du principe de séparation des pouvoirs, il me semble qu'il revient au Conseil constitutionnel, dans l'évolution de sa jurisprudence, de trouver un meilleur équilibre entre les différents principes en jeu.
Jean-Louis Bricout m'interroge sur l'articulation du rapport avec le « cadre inclusif » de l'OCDE. Il se trouve que le régime des brevets français a été scruté par cette revue par les pairs, et a été qualifié de régime fiscal à caractère dommageable. La France réfléchit aujourd'hui à une modification de ce régime. L'enjeu du cadre inclusif est de faire évoluer les États dont les régimes sont jugés dommageables, en faisant peser sur eux une pression politique. Ils repassent ensuite devant leurs pairs, lesquels évaluent l'amélioration de leurs régimes. Ces revues sont suffisamment fréquentes pour que l'on puisse apprécier la capacité des États à avancer.
J'en viens à la question de Patrick Hetzel sur le mandat politique qui serait donné dans le cadre des négociations européennes. Il s'agirait pour le ministre de l'économie et des finances de dialoguer avec notre commission afin d'apprécier l'état d'esprit des parlementaires et de mesurer leur envie d'avancer. Ensuite, au regard de la séparation des pouvoirs, il s'agirait pour le Gouvernement de s'engager à porter et à retranscrire les orientations que nous aurons tracées dans le cadre des négociations au niveau de l'Union européenne. Ce serait donc un portage politique. Il ne me semble pas qu'il porte atteinte au principe de séparation des pouvoirs, dès lors qu'il s'inscrit dans une discussion entre le Parlement et le Gouvernement au sein de l'Assemblée nationale – le second prenant un engagement vis-à-vis du premier.
J'ajoute que, pour mieux refléter l'esprit du rapport, nous proposons d'en modifier le titre et de le nommer « Rapport d'information relatif à l'évasion fiscale internationale des entreprises ».
Madame la rapporteure, votre réponse à Patrick Hetzel me conduit à vous recommander de ne pas placer sur le même plan le Conseil européen et le Conseil de l'Union européenne dans votre recommandation 21. Le Conseil européen réunit les chefs d'État ou de gouvernement. Or nous n'avons pas à contrôler l'action du chef de l'État. En outre, le Conseil européen ne donne pas de mandat de négociation mais émet des conclusions servant d'orientations, dénuées de caractère juridiquement contraignant. Tous les mandats de négociation sont octroyés par le Conseil de l'Union européenne, qui représente les gouvernements. Il serait plus juste, sur le plan juridique, de formuler la recommandation 21 de la façon suivante : « prévoir que le Parlement, avant les réunions du Conseil de l'Union européenne, donne au Gouvernement un mandat politique de négociation fixant le cadre général de la position française et les points durs ».
En application de l'article 145 du Règlement, la commission autorise la publication du rapport de la mission d'information sur l'évasion fiscale internationale des entreprises.
Informations relatives à la commission
1. La commission a reçu en application de l'article 12 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) :
– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 69 640 000 euros en autorisations d'engagement (AE) et 69 830 000 euros en crédits de paiement (CP), du programme 129 Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l'action du Gouvernement à destination des programmes 144 Environnement et prospective de la politique de défense et 146 Équipement des forces de la mission Défense et du programme 176 Police nationale de la mission Sécurités.
Le transfert de crédits vers les programmes 144 et 176, pour un total de 62 370 000 euros d'AE et de CP, couvre des besoins liés aux capacités techniques interministérielles (CTIM) des services de renseignement du ministère des armées (DGSE) et du ministère de l'intérieur (DGSI).
Les besoins liés aux CTIM concernent principalement la cryptanalyse et le décryptement, les projets d'acquisition de moyens matériels et logiciels d'un programme de « big data » ainsi que les travaux de modernisation du dispositif de surveillance internationale.
Le transfert de crédits vers le programme 146, pour un total de 6 770 000 euros en AE et 6 960 000 euros en CP, participe de la contribution du SGDSN au financement des produits de sécurité sous maîtrise d'ouvrage déléguée à la direction générale de l'armement (DGA). Dans ce cadre, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui a la charge de l'animation et de la coordination des travaux interministériels en matière de sécurité des systèmes d'information, prescrit à la DGA la réalisation de produits de sécurité agréés.
Le transfert vers le programme 144 de 500 000 euros en AE et en CP est lié aux études « amont », directement rattachables aux produits de sécurité susmentionnés. De façon générale, ces études sont définies comme « des recherches (…) rattachées à la satisfaction d'un besoin militaire prévisible et contribuant à constituer, maîtriser, entretenir ou développer la base industrielle et technologique de défense, ainsi que l'expertise technique de l'État nécessaires à la réalisation des opérations d'armement ».
Le financement couvre les différentes étapes du projet, depuis sa conception, jusqu'à son maintien en condition opérationnelle et de sécurité. Les annulations se répartissent de la façon suivante :
– programme 129 : 69 640 000 euros en AE et 69 830 000 euros en CP ;
Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :
– programme 144 : 61 520 000 euros en AE et CP ;
– programme 146 : 6 770 000 euros en AE et 6 960 000 euros en CP ;
– programme 176 : 1 350 000 euros en AE et CP ;
– un projet de décret de virement de crédits d'un montant de 1 560 202 euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), dont 166 652 euros en titre 2, du programme 148 Fonction publique de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines à destination des programmes 156 Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local, 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières et 302 Facilitation et sécurisation des échanges de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines.
Le présent décret est destiné à assurer le financement de l'apprentissage dans la fonction publique de l'État. Il est destiné à couvrir 50 % des coûts de rémunération des apprentis pour les quatre premiers mois de l'année 2018, ainsi que 50 % des coûts de formation pour l'ensemble de l'année 2018, en tenant compte des apprentis déjà recrutés et des engagements de recrutement prévus en 2018.
Les annulations se répartissent de la façon suivante :
– programme 148 : 1 560 202 euros en AE et CP, dont : 166 652 euros en titre 2.
Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :
– programme 156 : 1 214 384 euros en AE et CP ;
– programme 218 : 103 083 euros en AE et CP, dont : 94 953 euros en titre 2 ;
– programme 302 : 77 083 euros en AE et CP, dont : 71 699 euros en titre 2 ;
– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 28 039 606 euros en autorisations d'engagement (AE) et 28 039 606 euros en crédits de paiement (CP), dont 6 325 834 euros en titre 2, du programme 148 Fonction publique de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines à destination de 48 programmes.
Le présent décret est destiné à assurer le financement de l'apprentissage dans la fonction publique de l'État. Il est destiné à couvrir 50 % des coûts de rémunération des apprentis pour les quatre premiers mois de l'année 2018, ainsi que 50 % des coûts de formation pour l'ensemble de l'année 2018, en tenant compte des apprentis déjà recrutés et des engagements de recrutement prévus en 2018.
Les annulations se répartissent de la façon suivante :
– programme 148 : 28 039 606 euros en AE et CP, dont : 6 325 834 euros en titre 2.
Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :
– programme 102 : 580 890 euros en AE et CP ;
– programme 105 : 161 731 euros en AE et CP, dont : 70 558 euros en titre 2 ;
– programme 107 : 479 731 euros en AE et CP, dont : 242 231 euros en titre 2 ;
– programme 112 : 8 352 euros en AE et CP, dont : 4 167 euros en titre 2 ;
– programme 113 : 14 583 euros en AE et CP ;
– programme 124 : 483 888 euros en AE et CP, dont : 148 707 euros en titre 2 ;
– programme 126 : 4 176 euros en AE et CP, dont : 2 093 euros en titre 2 ;
– programme 129 : 233 857 euros en AE et CP, dont : 117 190 euros en titre 2 ;
– programme 131 : 13 031 euros en AE et CP, dont : 13 031 euros en titre 2 ;
– programme 134 : 7 836 euros en AE et CP, dont : 3 669 euros en titre 2 ;
– programme 135 : 12 500 euros en AE et CP ;
– programme 140 : 1 147 917 euros en AE et CP ;
– programme 141 : 2 062 500 euros en AE et CP ;
– programme 142 : 29 167 euros en AE et CP ;
– programme 143 : 35 417 euros en AE et CP ;
– programme 149 : 1 008 293 euros en AE et CP ;
– programme 150 : 1 331 564 euros en AE et CP ;
– programme 152 : 1 062 316 euros en AE et CP, dont : 510 233 euros en titre 2 ;
– programme 155 : 390 026 euros en AE et CP, dont : 194 193 euros en titre 2 ;
– programme 159 : 209 254 euros en AE et CP ;
– programme 161 : 104 228 euros en AE et CP dont : 50 061 euros en titre 2 ;
– programme 164 : 16 704 euros en AE et CP, dont : 8 371 euros en titre 2 ;
– programme 165 : 20 880 euros en AE et CP, dont : 10 463 euros en titre 2 ;
– programme 166 : 269 322 euros en AE et CP, dont : 135 989 euros en titre 2 ;
– programme 172 : 1 040 478 euros en AE et CP ;
– programme 174 : 51 793 euros en AE et CP ;
– programme 175 : 399 611 euros en AE et CP ;
– programme 176 : 1 880 100 euros en AE et CP, dont : 903 017 euros en titre 2 ;
– programme 181 : 55 960 euros en AE et CP ;
– programme 182 : 218 824 euros en AE et CP, dont : 110 491 euros en titre 2 ;
– programme 190 : 125 166 euros en AE et CP ;
– programme 192 : 109 703 euros en AE et CP ;
– programme 203 : 103 137 euros en AE et CP ;
– programme 204 : 16 831 euros en AE et CP ;
– programme 206 : 59 625 euros en AE et CP ;
– programme 212 : 354 075 euros en AE et CP, dont : 2 576 811 euros en titre 2 ;
– programme 214 : 6 019 372 euros en AE et CP ;
– programme 215 : 50 000 euros en AE et CP ;
– programme 216 : 465 014 euros en AE et CP, dont : 223 347 euros en titre 2 ;
– programme 217 : 414 367 euros en AE et CP, dont : 281 324 euros en titre 2 ;
– programme 220 : 24 127 euros en AE et CP, dont : 11 627 euros en titre 2 ;
– programme 224 : 334 458 euros en AE et CP, dont : 126 575 euros en titre 2 ;
– programme 231 : 236 857 euros en AE et CP ;
– programme 307 : 1 070 334 euros en AE et CP, dont : 514 084 euros en titre 2 ;
– programme 308 : 16 704 euros en AE et CP, dont : 8 371 euros en titre 2 ;
– programme 310 : 143 077 euros en AE et CP, dont : 72 244 euros en titre 2 ;
– programme 333 : 127 083 euros en AE et CP ;
– programme 334 : 34 749 euros en AE et CP ;
– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 3 252 276 € en autorisations d'engagements (AE) et 9 714 980 € en crédits de paiement (CP), pour le compte du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), du programme 129 Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l'action du Gouvernement à destination du programme 212 Soutien de la politique de la défense de la mission Défense et du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l'État.
Le transfert de crédits vers le programme 212 à hauteur de 1 714 980 € en AE et en CP correspond au financement, par le SGDSN, et pour les besoins de l'Institut des hautes études de sécurité et de justice (INHESJ) et du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique (CSFRS), des locaux d'un bâtiment situé sur l'emprise de l'École militaire à Paris.
Le transfert de crédits vers le programme 216 à hauteur de 1 527 296 € en AE et de 8 000 000 en CP correspond à la quote-part du financement du SGDSN en 2018 d'un data center sécurisé au bénéfice de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI).
Les annulations se répartissent de la façon suivante :
- programme 129 : 3 252 276 € en AE et 9 714 980 € en CP.
Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :
- programme 212 : 1 714 980 € en AE et CP.
- programme 216 : 1 537 296 € en AE et 8 000 000 en CP ;
– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 4 706 879 € en autorisations d'engagements (AE) et en crédits de paiement (CP), du programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilité durables à destination du programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements de la mission Relations avec les collectivités territoriales.
Ce projet de transfert vise à permettre le paiement de la compensation due à la région Grand Est pour 2018 au titre de la modification du service ferroviaire régional engendrée par la mise en service de la deuxième tranche de la ligne à grande vitesse Est. Le montant de cette compensation a été fixé à 4 706 879 € en année pleine par arrêté du 11 juillet 2017.
Le paiement pour les années 2016 et 2017 a déjà été réalisé par le programme 203, et le transfert définitif des crédits annuels vers le programme 119 devrait intervenir dans le cadre du projet de loi de finances 2019 ;
– un projet de décret de transfert de crédits d'un montant de 18 484 847 € en autorisations d'engagements (AE) et de 17 892 172 € en crédits de paiement (CP), dont 5 936 393 € en titre 2 et de 66 équivalents temps plein travaillés (ETPT), du programme 129 Coordination du travail intergouvernemental de la mission Direction de l'action du Gouvernement à destination du programme 218 Conduite et pilotage des politiques économiques et financières de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines.
Il vise à permettre à la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) de disposer des moyens consécutifs à son rattachement au ministère de l'action et des comptes publics ;
– un projet de décret de virement de crédits d'un montant de 13 120 099 € en autorisations d'engagements (AE) et de 18 026 262 € en crédits de paiement (CP), du programme 178 Préparation et emploi des forces de la mission Défense à destination des programmes 144 Environnement et prospective de la politique de défense, 146 Équipement des forces et 212 Soutien de la politique de la défense de la mission Défense ;
Le décret synthétise six mouvements distincts en hors titre 2.
Le premier mouvement, de 6 317 129 € en AE et 2 123 292 € en CP s'effectue du programme 178 vers le programme 212 et comprend trois mesures distinctes :
– à hauteur de 242 812 € en AE et en CP, pour le remboursement de dépenses de frais de bouche et de prestations engagées par le service parisien de l'administration centrale (SPAC), sur la période 2016-2017 au profit d'organismes relevant de l'État-major des armées ;
– à hauteur de 4 301 371 € en AE et 107 534 € en CP, pour le remboursement de dépenses relatives à la modernisation du système informatique et logistique « SIGLe » ;
– à hauteur de 1 772 946 € en AE et en CP, au titre du remboursement de prestations fournies au commandement des armées sur le site de Balard.
Le deuxième mouvement, de 800 000 € en AE et 8 900 000 € en CP, du programme 178 vers le programme 146 correspond :
– pour 7 500 000 € en CP uniquement, au financement de dépenses afférentes à l'acquisition d'un simulateur pour l'avion de combat « Rafale » sur la base aérienne de Mont-de-Marsan (Landes) ;
– pour 800 000 € en AE et 1 400 000 € en CP, au remboursement par la direction générale de l'armement (DGA) de dépenses liées aux heures d'utilisation des aéronefs dans le cadre du contrat de partenariat avec la société Hélidax. Cette mesure comprend 600 000 € de CP au titre du remboursement pour l'année 2017 au cours de laquelle seuls 600 000 € d'AE avaient fait l'objet d'un décret de virement.
Le troisième mouvement s'effectue du programme 178 vers le programme 144. Il est destiné à hauteur de 10 000 000 € en AE et de 11 000 000 € en CP, au financement d'un besoin opérationnel prioritaire.
Le quatrième mouvement, du programme 144 vers le programme 178, correspond à hauteur de 3 800 000 € en AE et en CP, au financement de dépenses de déplacement des services relevant du programme 144 et imputées pour des raisons techniques sur le programme 178.
Le cinquième mouvement du programme 21 vers le programme 178, est destiné à hauteur de 197 030 € en AE et en CP au financement de travaux d'infrastructure de l'Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA).
Le sixième mouvement s'effectue, à hauteur de 8 800 000 € en CP uniquement, du programme 146 vers le programme 144. Il correspond au dernier remboursement de la couverture de l'auto-assurance des crédits de titre 2.
Les annulations se répartissent de la façon suivante :
- programme 178 : 13 120 099 € en AE et 18 026 262 € en CP.
Les ouvertures se répartissent de la façon suivante :
- programme 144 : 6 200 000 € en AE et 16 000 000 € en CP.
- programme 146 : 800 000 € en AE et 100 000 € en CP.
- programme 212 : 6 120 099 € en AE et 1 926 262 € en CP.
2. La commission a reçu en application de l'article 14 de la LOLF un projet de décret portant annulation de crédits d'un montant de 10 109 755 € en autorisations d'engagement (AE) et 7 260 999 € en crédits de paiement (CP).
Ce mouvement à caractère technique vise à rembourser des trop-perçus sur fonds de concours. Il concerne les programmes suivants :
- programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi pour un montant de 240 432 € en AE et en CP.
- programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire pour un montant de 2 848 756 € en AE seulement.
- programme 161 Sécurité civile pour un montant de 7 000 € en AE et en CP.
- programme 146 Équipement des forces pour un montant de 51 831 € en AE et en CP.
- programme 175 Patrimoines pour un montant de 215 458 € en AE et en CP.
- programme 203 Infrastructures et services de transports pour un montant de 6 746 278 € en AE et CP.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 12 septembre 2018 à 9 heures 30
Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Éric Coquerel, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Sarah El Haïry, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, M. Patrick Hetzel, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, Mme Valérie Lacroute, M. Marc Le Fur, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Cendra Motin, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-François Parigi, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Benoit Simian, M. Jean-Pierre Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Jean-René Cazeneuve, M. Nicolas Forissier, M. Jean-Paul Mattei, M. Olivier Serva
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