Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Monsieur Pont, vous évoquez un sujet sur lequel je suis fréquemment interrogée. Nous saisissons effectivement chaque année des milliers de téléphones portables dans les établissements pénitentiaires. Ces téléphones présentant un risque d'insécurité à bien des égards et nous avons souhaité, entre autres, déployer un dispositif efficace de brouillage. Je dis « entre autres » car plusieurs autres mesures seront déployées, telles que le filin anti-projections. Certains établissements sont en effet dans des situations telles qu'un haut mur ne suffit plus. À Villepinte, on jette des objets depuis l'autoroute, la prison étant en contrebas de cet axe routier. En fonction de chaque situation particulière, la direction de l'administration pénitentiaire travaille pour mettre en place des systèmes anti-projections. J'étais très récemment à Lavaur, dans le Tarn, où des cours de promenade ne sont plus utilisés en raison de ces risques de projections. De tels dysfonctionnements sont inacceptables tant pour les détenus que du point de vue des risques encourus.

Nous allons également déployer des téléphones en cellule. Cette décision a suscité de nombreuses récriminations mais il faut voir le téléphone en cellule comme un vecteur de sécurité et d'allégement de la tâche des personnels pénitentiaires qui n'auront plus à accompagner les détenus jusqu'aux cabines téléphoniques. Souvent, ces cabines étaient un lieu de racket de la part de détenus plus puissants. L'installation de téléphones en cellule assurera en outre une continuité dans les relations sociales des détenus qui pourront ainsi téléphoner à leur famille le soir, moment auquel les déplacements à la cabine téléphonique ne sont pas possibles. Il ne s'agit pas de donner accès à des communications entrantes. Ce seront uniquement des appels sortants vers quelques numéros déclarés et vérifiés, ces communications étant de plus susceptibles de faire l'objet d'une écoute par le renseignement pénitentiaire. Ce dispositif n'a que des avantages et l'expérimentation qui a été menée à Montmédy s'est révélée très positive. Tous les détenus ne cherchant pas à avoir des téléphones portables de manière frauduleuse, nous pensons que cette mesure limitera le nombre de ces téléphones.

Quant aux systèmes de brouillage, ils sont très complexes. Ils brouillent les fréquences commerciales de type 3G, 4G, 5G, wifi et téléphone satellite mais pas les moyens de communication utilisés par les personnels. Notre défi est de faire en sorte que le système fonctionne bien : il est en cours d'installation à la prison de la Santé qui est un lieu particulièrement complexe. Il faut que le système soit exclusivement localisé sur le site de l'établissement pour éviter d'empêcher les voisins de passer leurs appels. Une fois cet établissement équipé, nous allons déployer le système partout ailleurs dans des situations souvent bien plus simples.

Madame Avia, vous m'avez interrogée sur la formation – initiale, notamment – des agents de l'administration pénitentiaire. Un travail de fond vient d'être réalisé à ce sujet. J'étais à l'École nationale d'administration pénitentiaire il y a deux ou trois jours : c'est une gigantesque entreprise de formation – une véritable ruche – qui absorbe un flux phénoménal de personnes à former. Les dernières promotions comptent de 700 à 900 personnes et il y a plusieurs promotions en même temps, non seulement de surveillants pénitentiaires mais aussi de directeurs d'établissement et de conseillers d'insertion et de probation. Nous avons fait un effort particulier pour repenser cette formation, que nous avons rétablie sur six mois pour qu'elle soit plus dense et plus opérationnelle. Nous souhaitons également développer des périodes de formation continue. Sur cette base, dès 2019, nous allons faire des propositions concrètes dans le volet ressources humaines du plan pénitentiaire que j'ai présenté en Conseil des ministres.

Nous avons pris à l'égard de l'établissement de Réau des mesures très concrètes telles que l'installation d'un filin dans la cour d'honneur ou la réfection des serrures et des portes. C'est à la demande de l'administration pénitentiaire que ces filins n'avaient pas été installés en 2009. Il avait été considéré à l'époque que cette cour d'honneur était un lieu où les détenus ne circulaient pas. Un détenu n'est dans la cour d'honneur qu'aux moments où il entre dans la prison et où il en sort – ou pour les extractions. La responsabilité revient donc à l'administration pénitentiaire, et non à nos partenaires. Les partenariats publics-privés ne posent pas de problème de sécurité mais plutôt de lourdeur contractuelle et de coût. C'est pourquoi, sur une recommandation de la Cour des comptes, nous avons décidé de mettre fin à ces partenariats. Cela ne résout évidemment pas la question de la masse financière nécessaire pour procéder à des constructions – même si elles ne sont pas toutes de même niveau de sécurité.

Sur les rotations de sécurité, nous sommes en la matière soumis à des contraintes, notamment liées à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et devons toujours rechercher un équilibre entre les impératifs de sécurité et le respect des droits fondamentaux. Les rotations de sécurité ne sont pas permises dans n'importe quelle condition. Je laisse le directeur de l'administration pénitentiaire vous donner des précisions sur ce point.

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