Intervention de Stéphane Bredin

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Stéphane Bredin, directeur de l'administration pénitentiaire :

Pour ce qui est des différences d'approche entre les services de l'administration centrale et les remontées du terrain au sujet de l'évasion de M. Rédoine Faïd, comme l'a dit Mme la ministre, il n'y a pas eu d'éléments de renseignement – ni du renseignement pénitentiaire, ni des services partenaires – pouvant évoquer des préparatifs d'évasion.

Les seuls éléments ayant été échangés entre l'administration centrale et la direction interrégionale sont des éléments d'appréciation strictement pénitentiaire – je pense notamment à l'observation du comportement.

On a beaucoup dit qu'en raison de son évasion de la maison d'arrêt de Lille-Sequedin à l'aide d'explosifs en 2013, M. Rédoine Faïd avait le profil d'un détenu présentant un risque élevé d'évasion. Le simple fait qu'il se comporte bien avec les agents pénitentiaires, qu'il se soit si bien adapté à la détention constituait pour eux un indice de son intention de s'évader. Ils avaient noté en outre qu'il était extrêmement observateur. Mais ces arguments sont difficiles à faire valoir…

Pour ce qui est des survols du centre pénitentiaire de Réau par des drones à trois reprises – fin décembre 2017, puis deux fois début février 2018 –, rien ne permettait de considérer qu'ils étaient destinés à préparer l'évasion de M. Rédoine Faïd, car on compte plusieurs « gros profils » à Réau – je pense notamment à M. Antonio Ferrara, qui s'était lui aussi déjà évadé précédemment et se trouvait dans une cellule du quartier maison centrale.

S'il existait bien des éléments d'observation pénitentiaire, il était difficile de les relier de manière directe et certaine à des préparatifs d'évasion de M. Rédoine Faïd, et l'on se trouvait face à deux interprétations possibles.

Selon le terrain, ces éléments devaient suffire à considérer qu'il existait un risque non nul, justifiant le transfert du détenu ; selon les services de la centrale, les renseignements recueillis ne pouvaient suffire à établir un lien direct et personnel entre les observations pénitentiaires et le détenu Rédoine Faïd, donc à justifier devant un juge une décision de transfert.

Là où la centrale a péché, c'est en n'accordant pas suffisamment d'importance aux éléments rapportés par les professionnels de terrain, des éléments que seule l'expérience peut sans doute permettre de déceler. Elle a eu une approche trop juridique du dossier, qui l'a conduite à prendre la décision de ne procéder au transfert de M. Rédoine Faïd à Poitiers qu'à la fin de l'été, à l'issue des travaux effectués dans ce qui devait être son nouveau lieu de détention.

Lors de la réorganisation de la centrale et de la recréation de ce service dédié à la sécurité pénitentiaire, il convient de veiller à deux choses. Premièrement, les services chargés de répondre aux demandes du terrain doivent disposer des moyens, notamment humains, de le faire, et compter dans leurs rangs des agents ayant une solide expérience du terrain, afin d'être sensibles aux éléments d'une nature plus « intuitive » que juridique. Deuxièmement, il convient de réduire la scission que l'on observe actuellement entre les cadres qui conçoivent les doctrines et ceux qui sont chargés de les mettre en oeuvre, notamment en prenant les décisions de transfert ou en gérant le registre des DPS.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.