Intervention de Bruno le Maire

Réunion du jeudi 13 septembre 2018 à 21h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

« Le jeu brûle tout. Il est la passion. Il est le rêve. L'enfer et la démesure… Il est l'argent ! », écrivait Dostoïevski. Je partage l'ambition de M. Juanico : il faut réglementer le jeu. Nous avons tous ici suffisamment de connaissance de l'histoire, mais aussi des passions humaines – sinon, nous ferions autre chose que de la politique – pour savoir que le jeu est effectivement dangereux, addictif, et qu'il faut en prémunir nos enfants.

C'est bien aussi l'objet des choix que nous faisons, puisque nous allons renforcer considérablement le contrôle sur les jeux de hasard. Nous allons mettre en place une régulation du secteur, qui sera la plus sévère, la plus stricte, et je l'espère la plus efficace sur l'addiction au jeu. Et l'autorité de contrôle que nous instituerons pourra remédier à des défaillances qui remontent à bien des années, puisqu'il n'y avait pas jusqu'à présent d'autorité de régulation compétente sur les jeux comme celle qui existera désormais : une autorité capable de contrôler réellement le risque d'addiction au jeu. Si j'ai commencé par ces propos, c'est parce que pense que c'est le plus important.

Pour le reste, je vais vous dire mon sentiment personnel, je n'ai aucun doute sur le fait que l'État n'a strictement rien à faire dans les jeux. Très franchement, pour moi, l'État, c'est le nucléaire, les services publics, le rétablissement de l'ordre public économique. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, mais je vais le répéter dix fois, cent fois, mille fois s'il le faut pour vous dire ma vision de l'État. Oui, je crois au rôle de l'État dans l'économie, dans le cadre que j'ai indiqué. Mais que l'État doive s'occuper des jeux de hasard, du grattage, du tirage, tout ce qu'on voudra, non ! J'estime même que cela contribue à une dévalorisation de l'État, et qu'un des grands enjeux, pour les générations à venir, sera de rétablir la dignité de l'État dans son activité, et le sens des activités de l'État. Et pour ce faire, il faut avoir le courage de renforcer l'État dans certains domaines – on le fait avec cette institution financière publique de 1 000 milliards d'euros de bilan – mais aussi, ce qui est toujours plus difficile, de dire aux Français que l'État n'interviendra plus dans certains domaines, parce que cela n'a pas de sens, que ce n'est pas opportun. C'est ce que nous faisons pour La Française des jeux.

Immédiatement, d'aucuns, qui veulent entretenir la confusion auprès des Français, dont la professeure citée par le maire du Touquet, dont je plains les élèves : on nous accuse de vendre les bijoux de famille, et de faire perdre de l'argent à l'État. Pardon, mais c'est grotesque ! Ce qui rapporte de l'argent, c'est la fiscalité. Or la fiscalité et donc les recettes resteront strictement les mêmes : l'État continuera à toucher 3 à 3,5 milliards d'euros par an sur les recettes de la FDJ. Il perdra certes les dividendes – 90 millions d'euros. Mais ce n'est pas ce qui compte, car ce qui compte, ce sont ces milliards d'euros de recettes fiscales. Là-dessus, je ne pense donc pas qu'il y ait de difficultés.

M. Fasquelle soulève la question, parfaitement légitime, sur l'accord de l'Union européenne. Il n'y aura pas non plus de difficultés avec la jurisprudence ou la législation de l'Union européenne dès lors que nous maintenons un contrôle étroit sur les jeux, conformément à la jurisprudence « Sporting Exchange ». Nous pourrons opérer cette privatisation. Des décisions ont déjà été rendues en la matière.

Une autre inquiétude — et nous sommes là pour répondre à toutes les inquiétudes légitimes – s'est exprimée à propos des actionnaires historiques. Je pense en particulier aux associations d'anciens combattants, qui financent des actions humanitaires majeures dont Charles de Courson m'a parlé hier, ainsi qu'à la fédération des débitants de tabac qui m'ont fait part de leurs inquiétudes. Nous leur avons répondu qu'ils pourraient conserver leur participation au capital de la FDJ. Les salariés pourront également rester actionnaires ; je répète que le Gouvernement souhaite que les salariés puissent renforcer leur participation au capital s'ils le souhaitent. Nous saisirons aussi l'opportunité de cette participation pour encourager, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, l'actionnariat populaire.

Voilà les quelques éléments que je voulais porter à votre connaissance. Je terminerai par un sujet important, celui des casinos, que l'on m'a souvent signalé.

Nombre d'entre vous, comme Daniel Fasquelle, qui vient d'une ville hautement touristique, réputée et appréciée du Président de la République, regrettent l'exclusion des casinos du périmètre de l'activité de l'autorité unique. Les casinos eux-mêmes préféreraient y être soumis ; le problème est qu'ils n'obéissent pas aux mêmes règles. Comme Charles de Courson l'a rappelé : il faut présenter sa carte d'identité à l'entrée, ne pas être inscrit au fichier des interdits de jeu pour pouvoir y entrer. Le ministre de l'intérieur a d'ailleurs exprimé des préoccupations en la matière.

Les enjeux ne sont pas les mêmes : les casinos souhaiteraient une régulation plus souple, alors que nous voulons imposer une régulation très stricte à travers cette autorité de contrôle. Je dis très simplement, tout cela sera traité ultérieurement. Le ministère de l'intérieur est prêt à traiter spécifiquement la question de la régulation des casinos, et je vous invite à y travailler avec lui.

4 commentaires :

Le 12/03/2019 à 09:38, Laïc1 a dit :

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"le rétablissement de l'ordre public économique"

Avec les jeux, vous développez le désordre public économique.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 12/03/2019 à 09:46, Laïc1 a dit :

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" Mais que l'État doive s'occuper des jeux de hasard, du grattage, du tirage, tout ce qu'on voudra, non ! J'estime même que cela contribue à une dévalorisation de l'État, et qu'un des grands enjeux, pour les générations à venir, sera de rétablir la dignité de l'État dans son activité, et le sens des activités de l'État. "

La dignité de l'Etat, c'est de laisser les citoyens s'enfoncer dans les jeux d'argent, privatisés pour plus de sauvagerie incitative ? Et après on va s'étonner qu'il y ait des gilets jaunes aux ronds-points.

Perdez votre fric aux jeux, mais surtout ne vous intéressez pas à la vie politique, à la participation citoyenne, ce n'est pas pour vous.

Et si vous vous ennuyez trop, faites de la philosophie, c'est insensé, ça ne mène à rien, tout comme les jeux d'argent, c'est exactement ce que l'on veut : que vous perdiez votre temps dans des activités sans issue, et laissez nous le contrôle de la réalité bien rémunérée, c'est ça l'essentiel.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 12/03/2019 à 17:30, Laïc1 a dit :

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"Il perdra certes les dividendes – 90 millions d'euros. Mais ce n'est pas ce qui compte, car ce qui compte, ce sont ces milliards d'euros de recettes fiscales. "

Et vous les restituerez en allocations financières spéciales pour familles en difficulté dues à l'addiction au jeu des parents ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 12/03/2019 à 18:20, Laïc1 a dit :

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Le seul contrôle réellement efficace, c'est l'interdiction pure et simple. Les jeux d'argent ne doivent être ni privatisés, ni nationalisés, ils doivent être interdits.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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