Intervention de Coralie Dubost

Réunion du vendredi 14 septembre 2018 à 9h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCoralie Dubost, rapporteure :

Ce chapitre III a l'ambition de restituer aux entreprises leur place dans notre société. À ce titre, les entreprises se doivent d'être plus justes ; tout d'abord par la reconnaissance et la consécration de bonnes pratiques déjà existantes, notamment en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE), dont une bonne gouvernance n'est pas le moindre élément. En même temps, cette consécration légale doit constituer une incitation pour l'ensemble des structures à adopter et mettre en oeuvre ces bonnes pratiques.

Cette double ambition s'inscrit dans une tradition française de capitalisme responsable et maîtrisé où les risques et les excès de la financiarisation ont pu être compensés par un cadre de gouvernance audacieux. La France a ainsi été parmi les premiers pays à reconnaître dans la loi la responsabilité sociale des entreprises, elle a été éclaireuse sur les principes du reporting RSE, qui sont aujourd'hui la norme à l'échelle européenne.

C'est une nouvelle étape qu'il est proposé de franchir avec ce projet de loi : l'intégration de la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux au code civil, la reconnaissance d'une raison d'être des sociétés, voire, si les débats nous y conduisent, la reconnaissance d'une société à mission. Cela constituerait alors trois étages d'une seule et même fusée, trois degrés de responsabilité que les entreprises accepteraient de prendre au non d'un capitalisme plus durable et équitable.

Ce chapitre III comporte également des avancées portant sur une meilleure répartition de la valeur créée par les entreprises au bénéfice des salariés ; l'intéressement et la participation, qui permettent d'associer davantage les salariés aux performances de l'entreprise, sont largement encouragés, notamment dans les petites structures. Beaucoup d'amendements auront pour objet d'apporter davantage de souplesse pour que l'épargne salariale trouve à se développer plus avant. Il faudra trouver l'équilibre nécessaire à l'établissement d'une distinction claire entre la participation que l'on assimile, dans une vision gaullienne, à un véritable instrument de redistribution des bénéfices et l'intéressement, que je situe plutôt dans une logique de récompense de la performance. Nous aurons, à n'en pas douter, de beaux débats sur ce point.

Une autre partie du chapitre III encourage le recours à l'actionnariat salarié.

L'actionnariat salarié est généralement considéré comme vertueux pour toutes les parties ; les salariés bénéficient d'offres avantageuses qui s'inscrivent la plupart du temps dans leur stratégie d'épargne salariale, les entreprises, quant à elles, y voient un outil visant à associer les salariés à la performance de l'entreprise ainsi qu'une façon de protéger leur capital contre les éventuelles attaques extérieures.

C'est encore la France qui est pionnière de cette pratique, elle est le premier pays d'Europe à y recourir ; félicitons-nous donc que des dispositions l'encouragent et la renforcent, à la fois dans les entreprises privées, y compris les sociétés par actions simplifiée (SAS), et dans les entreprises publiques.

Une part non négligeable de mon travail de rapporteure a porté sur la modification du code civil. Mon âme de juriste et ma fonction de membre de la commission des lois m'ont conduite à mener de nombreuses auditions de personnalités reconnues dans le monde du droit, universitaires, magistrats de la Cour de cassation ou de la Chancellerie, ou encore experts du droit des sociétés et du droit des affaires. En effet, modifier le code civil n'est jamais anodin ; plus que jamais, nous devons légiférer avec une audace raisonnée, la main tremblante.

C'est ainsi que je défendrai un amendement de « ponctuation signifiante » remplaçant la conjonction « et » par une virgule, mais dont les implications sur le droit des sociétés sont considérables ; nous aurons l'occasion d'en discuter. Il s'agira de préciser que la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux de l'activité d'une société s'inscrit pleinement dans le principe de gestion de la société dans son intérêt social, et non en dehors, de façon déconnectée.

Je soutiendrai également une initiative particulièrement bienvenue, issue des travaux de Stanislas Guerini sur la reconnaissance des sociétés à mission. J'apporterai des compléments juridiques, préparés avec les services de la chancellerie et de Bercy, et je souscris complètement à l'ambition que le groupe La République en Marche va porter.

C'est ainsi sur de beaux débats relatifs à la gouvernance des entreprises que nous conclurons le chapitre III qui, je le répète, est très ambitieux pour le capitalisme de demain ; beaucoup d'amendements ont d'ailleurs été déposés pour le compléter.

Je dirai enfin, quelques mots sur le chapitre IV. Bien que vous le connaissiez sans doute déjà sur le bout des doigts (Sourires), le caractère parfois aride de l'accumulation d'ordonnances ratifiées ou d'habilitations à en prendre de nouvelles, souvent pour transposer le droit de l'Union – particulièrement technique –, ne doit pas nous empêcher de conduire les débats nécessaires sur cette partie.

Je pense notamment aux voyages à forfait, au proxy de vote ou encore à la domiciliation bancaire. Mon rapport comporte près de cent pages d'explications détaillées sur le contenu de ces articles, même si ce chapitre risque de ne pas capter notre pleine attention par rapport à d'autres sujets de la loi ; le contrôle parlementaire a bien été réalisé, et je défendrai également plusieurs amendements sur cette partie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.