Intervention de Stanislas Guerini

Réunion du vendredi 14 septembre 2018 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStanislas Guerini :

Si joute il y a, elle n'est pas seulement juridique, mais aussi politique.

Sur le plan juridique, quand certains disent qu'aucun pays ne s'est encore engagé sur cette voie, c'est faux, puisqu'en 2006, nos voisins britanniques, habituellement plutôt partisans d'une conception de type shareholder value – c'est-à-dire où l'on accorde une importance particulière à la valeur actionnariale – ont adopté une nouvelle loi, le Companies Act, qui ne s'est nullement traduite par une explosion du contentieux.

Au-delà, nos conceptions respectives correspondent également à des visions politiques très différentes l'une de l'autre. Je suis désolé de vous le dire, mais j'estime que vous défendez une vision datée du capitalisme, à deux points de vue. D'abord en ne prenant pas en compte l'évolution de l'actionnariat dans le monde, ensuite en affirmant que l'on crée le risque que des associations environnementalistes trouvent dans l'évolution législative proposée de nouvelles accroches pour attaquer les entreprises.

Il vous a apparemment échappé que, depuis le début de l'année, les fonds activistes mènent de par le monde des campagnes, notamment contre les grandes entreprises françaises et européennes, auxquelles elles réclament des montants record. Dans sa rédaction actuelle, le code civil permet en effet qu'une entreprise se voie reprocher de planter des arbres pour compenser ses émissions de CO2, au motif que cela ne fait pas partie de son objet social : pour ma part, je vous avoue craindre les attaques venant de ces fonds activistes bien davantage que celles pouvant être menées par les associations environnementales.

Enfin, il me semble que la vision du capitalisme que nous souhaitons défendre consiste à prendre en compte ce nouveau paradigme selon lequel, dans un contexte de mondialisation, les entreprises qui seront capables de considérer les enjeux sociaux et environnementaux seront également capables de prendre en compte le temps long, donc de faire de l'innovation – parce qu'elles seront en mesure d'attirer les meilleurs salariés, mais aussi d'opérer une véritable révolution pour changer de système –, une stratégie qui pourrait constituer notre meilleure chance.

Comme vous l'aurez compris, à nos yeux, l'article 61 est destiné non seulement à protéger les entreprises, mais aussi à les accompagner dans leurs mutation, dans le cadre d'une certaine conception du capitalisme, propre à la France et qu'il nous appartient de défendre.

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