La semaine a été longue, la journée a été longue et la nuit s'annonce sans doute assez longue. J'ai conscience de vous avoir pris si ce n'est par surprise au moins un peu au dépourvu : cet amendement n'a été déposé que ce matin.
Avec cet amendement, je cherche surtout à engager une conversation autour d'un nouvel objet sur lequel certains d'entre nous travaillent avec quelques acteurs de la place et qui pourrait compléter le dispositif économique français.
Lorsque vous étiez enfant, vous avez tous joué avec ces petites briques en provenance du Danemark. Je ne sais si je peux citer cette marque connue dans le monde entier : Lego est une entreprise qui a assuré sa pérennité – comme d'autres en Scandinavie, en Amérique du Nord et ailleurs – grâce à la mise en place de ce qu'on appelle une fondation actionnaire. Ce genre de fondation permet de développer l'entreprise tout en gérant les enjeux de transmission liés au décès de son fondateur ou de l'un de ses héritiers qui en aurait pris la force.
Cet amendement vise à adapter ce dispositif aux spécificités juridiques, économiques et sociales françaises, en tenant compte d'outils qui existent déjà. En France, nous avons les fonds de dotation, les fondations d'entreprise, les fondations reconnues d'utilité publique (FRUP). Les fonds de dotation et les fondations d'entreprise ont seulement un objectif d'intérêt général ; elles n'ont pas d'objectif économique. Seules les FRUP permettent d'associer l'intérêt général et l'objectif économique, mais elles sont les fruits d'une logique assez compliquée sur les plans juridique et organisationnel. En outre, leur objet économique doit être exclusivement lié à l'objet d'intérêt général qui en découle.
Or il existe des familles qui, à l'occasion d'une transmission, souhaitent pouvoir pérenniser leur entreprise et s'assurer qu'elle va continuer à se développer au-delà de ses fondateurs, dans une logique économique éventuellement complétée par un objet d'intérêt général.
Cet amendement s'inspire des fonds qui existent en Europe du Nord pour les adapter au droit français. Il établit de manière très claire les modalités de leur gouvernance. Je n'entrerai pas dans les détails, nous aurons le temps d'en parler d'ici à la séance et dans l'hémicycle.
La fondation serait administrée par un conseil d'administration et serait assistée d'un comité de gestion chargé de sa bonne marche au quotidien. L'entreprise serait gérée en toute indépendance, mais en relation étroite avec les statuts de la fondation, de manière à la pérenniser et à en assurer le développement. La fondation pourrait être majoritaire dans l'entreprise, ce qui est presque impossible en France aujourd'hui, et aurait la faculté de se développer, notamment grâce à des acquisitions, à condition évidemment qu'elle puisse utiliser les ressources qui proviennent de l'entreprise – les dividendes essentiellement.
J'en arrive à un point très important : M. de Courson parlait d'un aller simple au sujet des sociétés à mission, M. Stanislas Guerini vous a convaincus qu'il s'agissait en réalité d'un aller et retour, l'assemblée générale pouvant procéder à des modifications. Avec la fondation qui nous occupe, nous serions essentiellement dans le cadre d'un aller simple, à quelques exceptions près : si l'entreprise qui y est liée est en mauvaise santé et que la logique de liquidation économique s'impose, ou bien si le juge de paix décide qu'elle n'est pas en phase avec son objet initial. Sinon, la fondation a vocation à vivre plus longtemps que nous tous, y compris les plus jeunes d'entre nous.
L'amendement étant complexe, je n'irai pas plus loin. Il soulève des questions que nous pourrons approfondir d'ici à la séance et je serais très heureux de les aborder avec vous, chers collègues. Ce type de fondation a été évoqué dans le rapport Notat-Sénard qui, depuis quelques mois, nous sert en quelque sorte de boussole dans notre quête de solutions pour pérenniser l'entreprise française au XXIe siècle et au-delà.