Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du mardi 25 septembre 2018 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je veux tout d'abord saluer la bonne tenue des travaux en commission spéciale, et en remercier la présidente.

La loi PACTE qui nous est aujourd'hui soumise tend à répondre, comme l'expliquait à cette tribune le rapporteur Roland Lescure, à trois défis : développer l'économie, donner de nouvelles libertés aux entreprises et protéger l'environnement. C'est à partir de ces trois défis que vous appelez de vos voeux une redéfinition de l'entreprise pour répondre aux défis du XXIe siècle. La loi PACTE doit libérer et, en même temps, protéger pour mieux prospérer. Voilà votre message.

S'il est vrai que cette loi contient certains progrès que je salue – en renforçant notamment le nombre d'administrateurs salariés dans les conseils d'administration, en stimulant l'actionnariat salarié ou en proposant une plus grande parité entre les hommes et les femmes dans la gouvernance des entreprises – il ne faut pas attendre d'elle qu'elle modernise pleinement l'économie en répondant effectivement aux enjeux de notre siècle.

Bien entendu, un projet de loi n'épuisera jamais tous les problèmes économiques, là n'est pas la question. Mais puisque celui-ci prétend résoudre en même temps les trois défis que vous avez précédemment annoncés – améliorer l'économie, protéger l'environnement et libérer les entreprises – j'apporterai quelques nuances, car il semble plus qu'ambigu à cet égard.

Il faut, dites-vous, redéfinir l'entreprise pour le XXIe siècle. Or la redéfinition de l'intérêt social de l'entreprise que vous défendez consacre plutôt la responsabilité sociale de l'entreprise telle qu'elle existe déjà dans les faits, plutôt que de poser les jalons d'un vrai virage en la matière. Le groupe socialiste, à travers la proposition de loi « Entreprise nouvelle et nouvelles gouvernances » de Dominique Potier, avait prôné, bien avant l'examen du projet PACTE, une redéfinition plus ambitieuse de l'intérêt social de l'entreprise, afin de mieux protéger la société des externalités négatives et de conférer ainsi à l'entreprise sa pleine légitimité.

Répondre aux défis du XXIe siècle, c'est aussi poser les jalons d'un État providence plus conscient des enjeux de long terme. Or, à ce titre, l'intégralité du volet concernant les privatisations de la loi PACTE nous pose un problème majeur.

Pour financer à court terme une politique d'innovation, vous souhaitez céder des participations de l'État dans les entreprises particulièrement rentables et stratégiques pour notre pays que sont Aéroports de Paris, La Française des jeux et Engie. La participation de l'État au capital de ces trois entreprises contribue à son financement dans des proportions considérables. Il me semble donc nécessaire de vous rappeler quelques éléments indispensables pour bien en apprécier l'enjeu.

La Française des Jeux est détenue à 72 % par l'État, au budget duquel elle a apporté plus de 90 millions d'euros de dividendes en 2016. Aéroports de Paris, quant à elle, est détenue à 50,6 % par l'État. Elle est l'une des entreprises publiques dont la situation financière est la meilleure. Je vous rappelle qu'elle a versé 258 millions d'euros de dividendes à l'État en 2016. Enfin, Engie est détenue à 24 % par l'État et, toujours en 2016, a rapporté à celui-ci près de 800 millions d'euros de dividendes.

Après la privatisation des autoroutes, qui, comme l'a rappelé Boris Vallaud, coûte à l'État près de 1,5 milliard d'euros par an en dividendes, veut-on vraiment poursuivre la politique de privatisation de nos fleurons économiques ?

Le Gouvernement a décidé d'économiser sur le montant de l'aide personnalisée au logement et des retraites ; et, en même temps, il se priverait d'une telle ressource ? On l'aura compris, un tel arbitrage ne pourra se faire qu'au détriment des Français. Ces ressources budgétaires supplémentaires auraient pu contribuer à sécuriser leur avenir et à les libérer des contraintes économiques et écologiques, en concourant à la baisse des inégalités ou en relançant la conversion écologique, qui est en péril, comme l'a dit Nicolas Hulot à son départ du Gouvernement. Mais il n'en sera rien : avec la loi PACTE, c'est aux plus riches que seront destinés les dividendes des anciennes entreprises publiques.

Ainsi, alors que le projet de loi devait relever les défis économiques du XXIe siècle, il contribuera malheureusement à amoindrir encore davantage la confiance que les Français accordaient à l'action gouvernementale au tout début du quinquennat. Or, en économie, la confiance est reine.

En privatisant ces trois entreprises stratégiques, vous ne favorisez pas une conversion de l'économie française qui soit à la hauteur des enjeux du XXIe siècle. Vous menez une politique court-termiste. Vous préférez le profit immédiat à la rente. Vous contribuez ainsi à alimenter les doutes qui pèsent sur votre politique et vous privez les prochains gouvernements des recettes dont vous aurez bénéficié.

Mes chers collègues, je vous invite à trouver une position plus mesurée en prenant en considération nos amendements et, par là, l'intérêt des Français. Je suis certaine que vous y serez sensibles. Je vous en remercie par avance.

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