Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, monsieur le président et madame la rapporteure de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, c'est un moment important que celui qui nous réunit aujourd'hui, en raison d'abord de la nature du sujet – la répression de la fraude fiscale, une des plaies les plus profondes de la société et de l'administration françaises. L'administration doit pouvoir réprimer les fraudes, la justice doit pouvoir trancher. Le chantier est immense.
Le moment est important aussi parce qu'il conclut des semaines de travail qui ont permis aux différents groupes de se confronter, certes, sur bien des points, mais aussi de trouver des voies communes.
Le groupe MODEM votera avec beaucoup d'enthousiasme en faveur de ce projet de loi tel qu'il a été amendé par cette assemblée, car il nous semble répondre à des besoins très importants.
Il a pour première vertu de renforcer les moyens dont dispose l'État pour repérer, poursuivre et sanctionner les fraudes, notamment en créant une police fiscale. Nous craignions, après le Sénat, une redondance et une concurrence malsaine entre les services existants de la répression de la délinquance du ministère de l'intérieur et cette police fiscale dont Bercy entend se doter, mais les garanties apportées par le Gouvernement nous ont profondément rassurés sur ce point. Nous avons compris qu'il s'agissait de poursuivre deux types de fraudes assez différents. La fraude générale avec incidence fiscale sera traquée par le ministère de l'intérieur, tandis que la fraude fiscale avec une incidence délinquante plus générale sera traquée par le ministère de l'économie.
On nous a surtout promis que les moyens des services ne seraient pas réduits et que la justice serait le grand régulateur et le grand répartiteur des tâches entre ces deux services qui seront donc complémentaires et non pas redondants.
Deuxièmement, ce projet aggrave des peines parfois fantaisistes par leur archaïsme et leur caractère purement symbolique. Le groupe MODEM a soutenu cette aggravation, avec le souci toutefois qu'on n'aille pas trop loin et qu'on respecte l'échelle des peines. Le législateur a toujours la tentation de prévoir les peines plus graves chaque fois qu'il s'agit de sanctionner, alors qu'il faut savoir hiérarchiser, relativiser et replacer le délit ou le crime en cause dans un ensemble cohérent.
Nous avons également eu le souci de préciser, dans ce système, la répression des comportements abusifs ou frauduleux des tiers, notamment des conseils. Cela a été le moment le plus délicat. Notre main a été retenue par une très grande prudence d'abord, parce qu'on ne savait pas très bien quel était le fait générateur de la fraude – conseiller ou commettre la fraude – , ensuite parce que nous avons hésité quant à la nature administrative ou pénale de l'affaire.
Nous avons également enrichi la panoplie répressive, mais l'essentiel est ailleurs. L'essentiel est que nous avons mis fin à ce vestige de justice retenue qu'est le verrou de Bercy. C'est une très grande conquête, que nous devons notamment aux rapporteurs.
Deuxièmement, nous nous sommes attaqués aux nouvelles formes de délinquance, notamment celles liées aux plateformes d'économie coopérative, qu'il faut encadrer, et surtout aux paradis fiscaux.
Je conclurai en évoquant ces paradis fiscaux. Nous serons réduits à constater, les uns et les autres, notre impuissance collective tant que nous ne passerons pas à la vitesse supérieure au niveau européen. Hier le Président de la République a rappelé l'essentiel des principes du multilatéralisme. Nous ne réglerons en profondeur le problème des paradis fiscaux que si nous arrivons à édifier un front européen, voire mondial, contre ce phénomène. C'est le dernier défi qui nous attend désormais.