Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du mercredi 26 septembre 2018 à 15h00
Lutte contre la fraude — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer vise à renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, douanière et sociale. Dans l'ensemble, il va dans le bon sens, en particulier sur le fameux verrou de Bercy, la détection des fraudes ou sur le sujet de la police fiscale. Nous saluons d'ailleurs la qualité du travail de la rapporteure Émilie Cariou et des membres de la mission d'information commune sur le verrou de Bercy.

Quels sont nos points de convergence ? Nous sommes tout d'abord très satisfaits des aménagements du dispositif dit du « verrou de Bercy », qui nous semble plus équilibré. Tous les groupes politiques de l'Assemblée ont convergé pour toiletter un système de poursuite pénale de la fraude fiscale qui datait des années 1920, en votant en séance sa modification de façon unanime à cinq abstentions près.

Désormais, les prérogatives de la justice en matière de déclenchement des poursuites des infractions à la loi fiscale sont renforcées. Avec le concours de notre collègue Laurence Viechnievsky, nous avons contribué à l'amélioration du dispositif en inscrivant dans la loi un seuil de 100 000 euros de pénalités pour le déclenchement de la transmission automatique des dossiers au parquet.

Je tiens par ailleurs à saluer le ministre des comptes publics pour l'écoute dont il a fait preuve, fait assez rare pour être signalé – depuis vingt-cinq ans que j'essaie, avec d'autres, d'obtenir la suppression du verrou de Bercy, c'est le premier ministre qui nous a écouté – ainsi que pour avoir respecté les attentes et le travail du Parlement. Je vous charge, monsieur le secrétaire d'État, de lui transmettre mes remerciements.

Ce projet de loi contribue également à améliorer la détection des fraudes grâce aux échanges automatiques d'informations, mais également grâce à l'obligation pour les opérateurs de plateformes numériques de transmettre au fisc les informations d'un utilisateur si celui-ci procède à un certain nombre de transactions et use d'une somme dépassant un seuil fixé par arrêté – en l'occurrence, vingt transactions et 3 000 euros cumulés.

Le texte prévoit de renforcer les prérogatives ainsi que les moyens des services douaniers, notamment en matière de lutte contre le tabac de contrebande. L'arsenal est complété avec la pérennisation du mécanisme de rémunération des aviseurs.

Concernant la création d'une police fiscale rattachée à Bercy, c'est la mise en commun des différentes compétences entre services fiscaux et services judiciaires qui permettra de faire progresser la lutte contre la fraude fiscale. Je ne crois pas à une « guerre des services ». Cependant, il faudra envisager à terme la construction d'un service unique regroupant le Bureau national de la répression de la délinquance fiscale et la police fiscale.

Nous pouvons également tous nous réjouir de l'adoption de la procédure du « name and shame » – élargie aux personnes physiques en commission des finances grâce à un amendement de notre collègue Éric Coquerel.

Demeurent néanmoins quelques points de divergence : l'extension des conventions judiciaires d'intérêt public et la procédure dite de « plaider-coupable » en matière de fraude fiscale.

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité – CRPC – , dite « plaider-coupable », risque de conduire à un affaiblissement de la répression pénale et donc de la dissuasion en matière de fraude fiscale, car, contrairement au droit commun, les poursuites pénales pour fraude fiscale ne concernent que les faits les plus graves, pour lesquels la procédure du CRPC n'est pas sérieusement concevable.

Le même problème se pose en ce qui concerne la possibilité de recourir à des conventions judiciaires d'intérêt public en matière de fraude fiscale. Le risque est grand de se retrouver avec une justice à deux vitesses – les plus gros plaideront coupable, car leur problème n'est pas de payer de fortes amendes, mais bien d'éviter la dégradation de leur image par un procès public, long et détaillé.

Enfin, il faut mentionner la création d'une sanction administrative envers les intermédiaires fiscaux, juridiques et comptables consistant en une amende fiscale d'au moins 10 000 euros, visant toute prestation ayant facilité une fraude fiscale ou sociale. Comme je l'ai fait remarquer en séance avec d'autres collègues, je reste dubitatif quant au nombre de personnes concernées par ce dispositif et sur d'éventuels risques d'anti-constitutionnalité de cet article.

Pour conclure, nous considérons que la lutte contre ce fléau qu'est la fraude fiscale passe par une coordination au moins européenne ou, à tout le moins, dans le cadre de l'OCDE. S'il est un domaine, mes chers collègues, où l'internationalisme devrait être de rigueur, c'est bien celui de la fiscalité – à la différence de l'internationalisme prolétarien, comme disaient certains de nos collègues !

Le groupe UDI, Agir et Indépendants est donc favorable à ce texte, car il est le fruit d'une vision partagée sur l'ensemble des bancs de notre hémicycle afin de renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude. C'est pourquoi, face à la menace contre le pacte républicain et le contrat social que constitue la fraude, nous voterons en faveur de son adoption.

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