Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous avons achevé la semaine dernière l'examen en première lecture du projet de loi de lutte contre la fraude. Le groupe Socialistes et apparentés votera ce texte, qui s'inscrit, sur ce point, dans la continuité du précédent quinquennat.
Pour rappel, sous la précédente législature, nous avons adopté de nombreuses avancées en matière de lutte contre la fraude dans le cadre de trois lois : la loi du 6 décembre 2013 relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière, qui a aggravé les peines en cas de fraude fiscale et renforcé les pouvoirs de l'administration fiscale et des douanes ; la loi organique du 6 décembre 2013 relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière, qui a créé le poste de procureur de la République financier à compétence nationale chargé de la lutte contre la corruption, la fraude fiscale et le blanchiment de fraude fiscale ; la loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin 2 », qui comporte un important volet de dispositions relatives à la lutte contre la fraude fiscale – elle a introduit, en particulier, une procédure de transaction pénale pour les personnes morales dans le cas de certaines infractions qui, je tiens à insister sur ce point, ne s'étendait pas au cas de fraude fiscale.
Dans le cadre de la loi de finances pour 2017, j'avais moi-même fait adopter un amendement destiné à lutter contre la fraude fiscale internationale en permettant à l'administration fiscale d'indemniser les aviseurs, à titre expérimental, pour deux ans. Cette expérimentation devait prendre fin le 31 décembre 2018. J'avais envisagé sa prolongation dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, mais Fabien Roussel et le ministre Darmanin ont pris les devants en pérennisant ce dispositif. Tant mieux : ce qui est fait n'est plus à faire !
Le projet de loi que nous voterons aujourd'hui permet d'instaurer une police fiscale rattachée à Bercy. Sur ce point, le groupe Socialistes et apparentés a demandé, en commission comme en séance, des garanties pour que sa mise en place repose sur la création nette de postes au sein de la Direction générale des finances publiques.
Ce projet facilite également l'échange d'informations entre administrations à des fins de lutte contre la fraude. Il clarifie les obligations des plateformes d'économie collaborative – ce qui est une bonne chose ; il permet la publication des décisions de condamnation pour fraude fiscale ; l'administration pourra sanctionner les tiers complices de fraude fiscale et sociale – c'est-à-dire les officines de conseil ; il aggrave les peines d'amende encourues en cas de fraude fiscale et les sanctions douanières en cas de refus de coopérer.
Le projet de loi propose également d'établir une liste plus complète des États et territoires non coopératifs – autrement dit, des paradis fiscaux – et d'assouplir le « verrou de Bercy ». Sur ces deux derniers points, les députés du groupe Socialistes et apparentés, auteurs de trente-deux amendements, auraient aimé aller plus loin.
Je tiens à souligner que, à l'initiative notamment du groupe Socialistes et apparentés, les États membres de l'Union européenne ne seront plus exclus d'office de la liste française des États et territoires non coopératifs, même si les critères finalement retenus permettront toujours à de nombreux paradis fiscaux d'échapper à leur inscription, ce qui donnera des arguments supplémentaires aux démolisseurs de l'Europe.
Je lis ici ou là que le « verrou de Bercy » serait supprimé. Il n'en est rien. Si l'article 13 oblige désormais l'administration fiscale à informer le parquet de tout manquement fiscal répondant à certains critères, le « verrou de Bercy » est toujours maintenu pour la grande majorité des dossiers. Ainsi, un redressement fiscal reposant sur un montant de droits éludés supérieur à 100 000 euros mais ayant donné lieu à des pénalités inférieures à 40 % sera toujours soumis au « verrou de Bercy ».
En séance, la position du groupe était claire : supprimer purement et simplement ce « verrou » ou, en guise de repli, assouplir davantage les critères permettant une transmission automatique des dossiers au parquet.
Enfin, les députés Socialistes et apparentés auraient souhaité la suppression de l'article 9 bis qui autorise la conclusion d'une convention judiciaire d'intérêt public en matière de fraude fiscale. Dans un texte visant à renforcer la lutte contre la fraude, il est pour le moins paradoxal de permettre à des fraudeurs fiscaux d'échapper à un procès et, surtout, à une éventuelle condamnation pénale.
Au final, le groupe Socialistes et apparentés regardera le verre à moitié plein et votera ce texte.