Intervention de Bruno le Maire

Réunion du lundi 24 septembre 2018 à 14h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Le projet de loi de finances (PLF), que nous avons, Gérald Darmanin et moi-même, l'honneur de vous présenter, a un cap : une nouvelle prospérité française. Au lieu de reposer sur plus de dépense publique, plus de dette et toujours plus d'impôts, cette nouvelle prospérité doit être fondée sur la maîtrise des finances publiques, la création de valeur par les entreprises et la création d'emplois.

Ce PLF obéit à une règle, celle de la constance. L'an dernier, nous avons engagé une vraie révolution fiscale en allégeant la fiscalité sur le capital : suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ; création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ; trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés (IS), qui sera ramené de 33,3 % à 25 % sur la durée du quinquennat. Nous n'allons pas faire la révolution tous les jours. Les finances publiques ont besoin de constance, de stabilité et de visibilité. Ce PLF obéit aussi à cette règle.

En vous présentant ce PLF, je voudrais vous rappeler d'où nous venons et quelle était auparavant la situation des finances publiques.

Entre 2007 et 2017, notamment en raison de la crise financière de 2008, le niveau de dette a explosé, passant de plus de 64 % à plus de 98 % du produit intérieur brut (PIB). Au cours de ces dix mêmes années, le niveau de la dépense publique a aussi explosé puisqu'il est passé de 52 % à 55 % du PIB. Le niveau des prélèvements obligatoires est devenu insupportable pour nos concitoyens, passant de 42 % à 45 % du PIB au cours de la même période.

Avec Gérald Darmanin, nous souhaitons inverser la tendance et tenir le cap qui a été fixé par le Président de la République pour la durée du quinquennat : cinq points de dette en moins, trois points de dépense publique en moins et un point de prélèvements obligatoires en moins.

Cette constance donne déjà des résultats. Les prévisions de croissance restent à un niveau élevé : 1,7 % pour 2018 et 1,7 % pour 2019. Cette croissance française est à un niveau élevé et elle est solide. Ce chiffre est à comparer avec la moyenne de 0,8 % constatée au cours des dix dernières années. La confiance des investisseurs est là. Les chiffres de l'attractivité française sont les meilleurs depuis dix ans. Les investissements sont dynamiques, notamment dans l'industrie. Rappelons que, pour la première fois depuis dix ans, notre industrie nationale a créé à nouveau des emplois, ce qui valide notre choix d'alléger la fiscalité du capital dès 2017. Le chômage a commencé à baisser et plus de 200 000 emplois ont été créés en un an.

Avec la même sincérité, je veux dire que ces résultats sont insatisfaisants par rapport à ceux de nos voisins européens. Nous pouvons, nous voulons et nous allons faire mieux. Qu'il s'agisse du chômage, de la croissance, du déficit public ou de la dette, nous voulons renforcer notre action et accélérer les résultats.

C'est vrai notamment dans un domaine qui me tient très à coeur et qui a fait l'objet de longs échanges à l'occasion de l'examen en commission spéciale du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) : l'innovation. Nous innovons trop peu, trop tard et dans un nombre de secteurs beaucoup trop limité. Il est urgent de favoriser l'investissement pour soutenir cette innovation. L'annonce qu'a faite le Premier ministre, la semaine dernière, d'un suramortissement en matière de digitalisation et de robotisation des petites et moyennes entreprises (PME) est une réponse à ce besoin. Il est urgent de combler notre retard en matière d'innovation si nous voulons rester dans la course et garantir notre souveraineté technologique dont dépendent notre puissance économique et aussi notre souveraineté politique.

Cette accélération est d'autant plus importante que nous évoluons dans un contexte international particulièrement fragile qui fait peser des risques sur toutes les économies. Citons quelques éléments-clés : le risque de guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, qui n'a jamais été aussi élevé ; la déstabilisation de certains pays émergents comme la Turquie ou l'Argentine, qui sont confrontés à une crise majeure ; les nombreuses incertitudes qui pèsent sur la zone euro et qui sont liées à la fois aux conséquences du Brexit et aux décisions possibles de certains de nos principaux partenaires de la zone euro.

Profitant de cette audition, je vais répéter ce que j'ai eu l'occasion de dire en Conseil des ministres : je trouve irresponsable de ne pas accélérer les décisions visant à transformer la zone euro et à la faire passer de zone monétaire à zone économique intégrée. Il est temps désormais que chacun prenne ses responsabilités. Il est temps que nous prenions toutes les décisions qui ont été longuement débattues, qui sont sur la table depuis des mois et sur lesquelles il existe un accord franco-allemand, celui de Meseberg : la mise en place du backstop pour renforcer notre capacité à résister à une crise financière ; la transformation du Mécanisme européen de stabilité ; la mise en place d'un budget de la zone euro pour faire face à toute éventuelle crise économique. Il est temps désormais de décider. J'appelle nos partenaires européens, notamment ceux de la zone euro, à prendre leurs responsabilités sur ces sujets afin de transformer la zone monétaire en un véritable continent économique intégré et de lui donner la capacité – qui lui fait actuellement défaut – de résister à une crise financière ou à une crise économique de grande ampleur.

Toutes ces réalités vont nous amener à poursuivre avec constance le rétablissement des finances publiques sur lequel nous sommes engagés, Gérald Darmanin et moi-même. Dans ce budget, vous trouverez des choix structurels et politiques forts qui nous permettront d'atteindre cet objectif.

Premier choix structurel, qui est la ligne de force de tout le quinquennat d'Emmanuel Macron : le travail. Nous voulons que le travail paie, que les salariés en aient pour leur engagement, leur professionnalisme et leur dévouement dans l'entreprise. C'est pourquoi nous avons décidé la suppression des cotisations d'assurance chômage et d'assurance maladie, qui sera pleinement effective au 1er octobre de cette année, la suppression des cotisations salariales sur les heures supplémentaires et la suppression du forfait social sur l'intéressement et la participation dans le cadre de la loi PACTE. Ces mesures ne visent qu'un seul et même objectif : tous les Français doivent désormais savoir que le travail paie. Les salariés verront à la fin du mois, en bas de leur feuille de paie, un salaire net plus élevé.

Deuxième choix-clef : l'investissement. Il est indispensable que dans tous les secteurs de notre économie, notamment le secteur industriel, les entreprises disposent de plus de capital pour investir et innover plus, sans quoi nous raterons le train des nouvelles technologies et la transformation technologique en cours. C'est pour cela que nous avons décidé de sanctuariser le crédit d'impôt recherche (CIR), de mettre en place un suramortissement ou d'engager la baisse de l'impôt sur les sociétés qui doit permettre à nos entreprises d'être plus profitables pour investir et innover davantage.

Troisième choix : une croissance durable. La nouvelle prospérité française, que nous voulons construire, doit reposer sur une croissance durable, respectueuse de l'environnement et soucieuse de lutter contre le réchauffement climatique. J'assume totalement nos choix, notamment en matière de fiscalité énergétique. Il n'y a aucune raison de garder un avantage fiscal à la consommation du diesel par rapport à l'essence. Il n'y a aucune raison de continuer à garder une niche fiscale sur le gazole non routier, à moins de vouloir défendre un modèle de croissance non durable et non soutenable sur le long terme. On ne peut pas prétendre être contre le changement climatique et pour la transition énergétique si l'on refuse les adaptations fiscales nécessaires à la pénalisation des énergies fossiles. Rappelons que, dans le même temps, ce projet de budget comporte des mesures fortes pour inciter les Français à transformer leurs modes de consommation et de transport.

Tenir les finances publiques, cela suppose aussi des efforts de la part de chacun. Dans le budget 2018, des efforts ont été demandés aux Français, notamment en raison du report, de janvier à octobre, d'une partie de la baisse des cotisations salariales promises par le Président de la République.

Cette année, dans le budget 2019, nous demandons un effort aux entreprises. C'est un effort raisonnable et soutenable. Nous reporterons au 1er octobre l'allégement de quatre points des cotisations patronales sur les salaires au niveau du SMIC et nous augmenterons le taux du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros. C'est un effort mais je tiens à rappeler que personne n'y perdra. Aucune entreprise n'y perdra. Nous ne faisons que retarder le bénéfice de certaines mesures. Il ne me semble pas illégitime de demander un effort aux entreprises l'année où la bascule du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) leur apporte un supplément de 20 milliards d'euros de trésorerie.

Ces efforts donnent des résultats, je tiens à le dire aux membres de cette commission et, par leur intermédiaire, aux Français. Le déficit public de la France sera de 2,8 % du PIB en 2019. Si nous retirons le coût représenté par la bascule du CICE en allégements de charges pérennes, le déficit public de la France en 2019 est de 1,9 %. C'est le meilleur résultat depuis 2001.

L'ajustement structurel sera de 0,3 point de PIB en 2019. C'est le chiffre que j'ai constamment défendu auprès de la Commission européenne, en présentant les perspectives financières de la France. Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) indique que ce chiffre dépend de la pérennité du cinquième acompte d'IS. Je l'ai bien noté. Je vais engager très rapidement les discussions avec les entreprises pour assurer la pérennité de cette décision afin de garantir l'ajustement structurel de la France.

La dette publique sera de 98,6 % du PIB à la fin de 2019. Ce chiffre reste élevé. Il résulte de mesures de reclassification et de sincérité – à laquelle nous sommes profondément attachés, Gérald Darmanin et moi-même – et de l'explosion de la dette publique au cours des dix dernières années. Mais ce chiffre n'est pas satisfaisant. Le niveau de la dette publique continue de peser comme un poison lent sur notre économie et sur les générations futures. Nous devons donc poursuivre l'effort de réduction de cette dette. Les cessions d'actifs prévues par la loi PACTE participeront au désendettement de l'État. À mes yeux, les cinq points de réduction de la dette publique, d'ici à la fin du quinquennat, représentent un minimum.

Les prélèvements obligatoires passeront de 45 % à un peu plus de 44,2 % du PIB en 2019. Dans ce domaine-là aussi, l'engagement du Président de la République sera tenu : un point de prélèvements obligatoires en moins au cours du quinquennat.

Tenir nos engagements nationaux et tenir nos engagements européens, cela ne fait qu'un. C'est pour cela que nous respecterons nos engagements européens en 2019 comme nous l'avons fait en 2017 et en 2018. Nous prenons les décisions nécessaires pour accélérer la convergence fiscale européenne qui a été validée par l'accord de Meseberg. Nous allons modifier le régime d'intégration fiscale de l'impôt sur les sociétés, transposer la directive ATAD – anti tax avoidance directive – et nous mettre en conformité avec les règles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la fiscalité des brevets.

Pour conclure, je voudrais vous rappeler une conviction que j'ai exprimée à plusieurs reprises devant cette commission des finances : il n'y a pas de croissance durable sans finances publiques bien tenues. Ils font une erreur tous ceux qui rêvent d'une croissance bâtie sur toujours plus de dépenses publiques, une dette qui explose, une charge de la dette qui s'alourdit et des impôts qui augmentent. Si nous voulons une croissance durable, reposant sur plus d'innovation, plus d'investissements, la valorisation des nouvelles technologies et la réussite de la transition énergétique, cela dépend aussi du rétablissement de nos finances publiques. C'est ce à quoi nous nous sommes engagés, Gérald Darmanin et moi-même.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.