Présidence
La commission entend M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, et M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances pour 2019 (n° 1255).
Le projet de loi de finances (PLF), que nous avons, Gérald Darmanin et moi-même, l'honneur de vous présenter, a un cap : une nouvelle prospérité française. Au lieu de reposer sur plus de dépense publique, plus de dette et toujours plus d'impôts, cette nouvelle prospérité doit être fondée sur la maîtrise des finances publiques, la création de valeur par les entreprises et la création d'emplois.
Ce PLF obéit à une règle, celle de la constance. L'an dernier, nous avons engagé une vraie révolution fiscale en allégeant la fiscalité sur le capital : suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ; création du prélèvement forfaitaire unique (PFU) ; trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés (IS), qui sera ramené de 33,3 % à 25 % sur la durée du quinquennat. Nous n'allons pas faire la révolution tous les jours. Les finances publiques ont besoin de constance, de stabilité et de visibilité. Ce PLF obéit aussi à cette règle.
En vous présentant ce PLF, je voudrais vous rappeler d'où nous venons et quelle était auparavant la situation des finances publiques.
Entre 2007 et 2017, notamment en raison de la crise financière de 2008, le niveau de dette a explosé, passant de plus de 64 % à plus de 98 % du produit intérieur brut (PIB). Au cours de ces dix mêmes années, le niveau de la dépense publique a aussi explosé puisqu'il est passé de 52 % à 55 % du PIB. Le niveau des prélèvements obligatoires est devenu insupportable pour nos concitoyens, passant de 42 % à 45 % du PIB au cours de la même période.
Avec Gérald Darmanin, nous souhaitons inverser la tendance et tenir le cap qui a été fixé par le Président de la République pour la durée du quinquennat : cinq points de dette en moins, trois points de dépense publique en moins et un point de prélèvements obligatoires en moins.
Cette constance donne déjà des résultats. Les prévisions de croissance restent à un niveau élevé : 1,7 % pour 2018 et 1,7 % pour 2019. Cette croissance française est à un niveau élevé et elle est solide. Ce chiffre est à comparer avec la moyenne de 0,8 % constatée au cours des dix dernières années. La confiance des investisseurs est là. Les chiffres de l'attractivité française sont les meilleurs depuis dix ans. Les investissements sont dynamiques, notamment dans l'industrie. Rappelons que, pour la première fois depuis dix ans, notre industrie nationale a créé à nouveau des emplois, ce qui valide notre choix d'alléger la fiscalité du capital dès 2017. Le chômage a commencé à baisser et plus de 200 000 emplois ont été créés en un an.
Avec la même sincérité, je veux dire que ces résultats sont insatisfaisants par rapport à ceux de nos voisins européens. Nous pouvons, nous voulons et nous allons faire mieux. Qu'il s'agisse du chômage, de la croissance, du déficit public ou de la dette, nous voulons renforcer notre action et accélérer les résultats.
C'est vrai notamment dans un domaine qui me tient très à coeur et qui a fait l'objet de longs échanges à l'occasion de l'examen en commission spéciale du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) : l'innovation. Nous innovons trop peu, trop tard et dans un nombre de secteurs beaucoup trop limité. Il est urgent de favoriser l'investissement pour soutenir cette innovation. L'annonce qu'a faite le Premier ministre, la semaine dernière, d'un suramortissement en matière de digitalisation et de robotisation des petites et moyennes entreprises (PME) est une réponse à ce besoin. Il est urgent de combler notre retard en matière d'innovation si nous voulons rester dans la course et garantir notre souveraineté technologique dont dépendent notre puissance économique et aussi notre souveraineté politique.
Cette accélération est d'autant plus importante que nous évoluons dans un contexte international particulièrement fragile qui fait peser des risques sur toutes les économies. Citons quelques éléments-clés : le risque de guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, qui n'a jamais été aussi élevé ; la déstabilisation de certains pays émergents comme la Turquie ou l'Argentine, qui sont confrontés à une crise majeure ; les nombreuses incertitudes qui pèsent sur la zone euro et qui sont liées à la fois aux conséquences du Brexit et aux décisions possibles de certains de nos principaux partenaires de la zone euro.
Profitant de cette audition, je vais répéter ce que j'ai eu l'occasion de dire en Conseil des ministres : je trouve irresponsable de ne pas accélérer les décisions visant à transformer la zone euro et à la faire passer de zone monétaire à zone économique intégrée. Il est temps désormais que chacun prenne ses responsabilités. Il est temps que nous prenions toutes les décisions qui ont été longuement débattues, qui sont sur la table depuis des mois et sur lesquelles il existe un accord franco-allemand, celui de Meseberg : la mise en place du backstop pour renforcer notre capacité à résister à une crise financière ; la transformation du Mécanisme européen de stabilité ; la mise en place d'un budget de la zone euro pour faire face à toute éventuelle crise économique. Il est temps désormais de décider. J'appelle nos partenaires européens, notamment ceux de la zone euro, à prendre leurs responsabilités sur ces sujets afin de transformer la zone monétaire en un véritable continent économique intégré et de lui donner la capacité – qui lui fait actuellement défaut – de résister à une crise financière ou à une crise économique de grande ampleur.
Toutes ces réalités vont nous amener à poursuivre avec constance le rétablissement des finances publiques sur lequel nous sommes engagés, Gérald Darmanin et moi-même. Dans ce budget, vous trouverez des choix structurels et politiques forts qui nous permettront d'atteindre cet objectif.
Premier choix structurel, qui est la ligne de force de tout le quinquennat d'Emmanuel Macron : le travail. Nous voulons que le travail paie, que les salariés en aient pour leur engagement, leur professionnalisme et leur dévouement dans l'entreprise. C'est pourquoi nous avons décidé la suppression des cotisations d'assurance chômage et d'assurance maladie, qui sera pleinement effective au 1er octobre de cette année, la suppression des cotisations salariales sur les heures supplémentaires et la suppression du forfait social sur l'intéressement et la participation dans le cadre de la loi PACTE. Ces mesures ne visent qu'un seul et même objectif : tous les Français doivent désormais savoir que le travail paie. Les salariés verront à la fin du mois, en bas de leur feuille de paie, un salaire net plus élevé.
Deuxième choix-clef : l'investissement. Il est indispensable que dans tous les secteurs de notre économie, notamment le secteur industriel, les entreprises disposent de plus de capital pour investir et innover plus, sans quoi nous raterons le train des nouvelles technologies et la transformation technologique en cours. C'est pour cela que nous avons décidé de sanctuariser le crédit d'impôt recherche (CIR), de mettre en place un suramortissement ou d'engager la baisse de l'impôt sur les sociétés qui doit permettre à nos entreprises d'être plus profitables pour investir et innover davantage.
Troisième choix : une croissance durable. La nouvelle prospérité française, que nous voulons construire, doit reposer sur une croissance durable, respectueuse de l'environnement et soucieuse de lutter contre le réchauffement climatique. J'assume totalement nos choix, notamment en matière de fiscalité énergétique. Il n'y a aucune raison de garder un avantage fiscal à la consommation du diesel par rapport à l'essence. Il n'y a aucune raison de continuer à garder une niche fiscale sur le gazole non routier, à moins de vouloir défendre un modèle de croissance non durable et non soutenable sur le long terme. On ne peut pas prétendre être contre le changement climatique et pour la transition énergétique si l'on refuse les adaptations fiscales nécessaires à la pénalisation des énergies fossiles. Rappelons que, dans le même temps, ce projet de budget comporte des mesures fortes pour inciter les Français à transformer leurs modes de consommation et de transport.
Tenir les finances publiques, cela suppose aussi des efforts de la part de chacun. Dans le budget 2018, des efforts ont été demandés aux Français, notamment en raison du report, de janvier à octobre, d'une partie de la baisse des cotisations salariales promises par le Président de la République.
Cette année, dans le budget 2019, nous demandons un effort aux entreprises. C'est un effort raisonnable et soutenable. Nous reporterons au 1er octobre l'allégement de quatre points des cotisations patronales sur les salaires au niveau du SMIC et nous augmenterons le taux du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros. C'est un effort mais je tiens à rappeler que personne n'y perdra. Aucune entreprise n'y perdra. Nous ne faisons que retarder le bénéfice de certaines mesures. Il ne me semble pas illégitime de demander un effort aux entreprises l'année où la bascule du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) leur apporte un supplément de 20 milliards d'euros de trésorerie.
Ces efforts donnent des résultats, je tiens à le dire aux membres de cette commission et, par leur intermédiaire, aux Français. Le déficit public de la France sera de 2,8 % du PIB en 2019. Si nous retirons le coût représenté par la bascule du CICE en allégements de charges pérennes, le déficit public de la France en 2019 est de 1,9 %. C'est le meilleur résultat depuis 2001.
L'ajustement structurel sera de 0,3 point de PIB en 2019. C'est le chiffre que j'ai constamment défendu auprès de la Commission européenne, en présentant les perspectives financières de la France. Dans son avis, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) indique que ce chiffre dépend de la pérennité du cinquième acompte d'IS. Je l'ai bien noté. Je vais engager très rapidement les discussions avec les entreprises pour assurer la pérennité de cette décision afin de garantir l'ajustement structurel de la France.
La dette publique sera de 98,6 % du PIB à la fin de 2019. Ce chiffre reste élevé. Il résulte de mesures de reclassification et de sincérité – à laquelle nous sommes profondément attachés, Gérald Darmanin et moi-même – et de l'explosion de la dette publique au cours des dix dernières années. Mais ce chiffre n'est pas satisfaisant. Le niveau de la dette publique continue de peser comme un poison lent sur notre économie et sur les générations futures. Nous devons donc poursuivre l'effort de réduction de cette dette. Les cessions d'actifs prévues par la loi PACTE participeront au désendettement de l'État. À mes yeux, les cinq points de réduction de la dette publique, d'ici à la fin du quinquennat, représentent un minimum.
Les prélèvements obligatoires passeront de 45 % à un peu plus de 44,2 % du PIB en 2019. Dans ce domaine-là aussi, l'engagement du Président de la République sera tenu : un point de prélèvements obligatoires en moins au cours du quinquennat.
Tenir nos engagements nationaux et tenir nos engagements européens, cela ne fait qu'un. C'est pour cela que nous respecterons nos engagements européens en 2019 comme nous l'avons fait en 2017 et en 2018. Nous prenons les décisions nécessaires pour accélérer la convergence fiscale européenne qui a été validée par l'accord de Meseberg. Nous allons modifier le régime d'intégration fiscale de l'impôt sur les sociétés, transposer la directive ATAD – anti tax avoidance directive – et nous mettre en conformité avec les règles de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la fiscalité des brevets.
Pour conclure, je voudrais vous rappeler une conviction que j'ai exprimée à plusieurs reprises devant cette commission des finances : il n'y a pas de croissance durable sans finances publiques bien tenues. Ils font une erreur tous ceux qui rêvent d'une croissance bâtie sur toujours plus de dépenses publiques, une dette qui explose, une charge de la dette qui s'alourdit et des impôts qui augmentent. Si nous voulons une croissance durable, reposant sur plus d'innovation, plus d'investissements, la valorisation des nouvelles technologies et la réussite de la transition énergétique, cela dépend aussi du rétablissement de nos finances publiques. C'est ce à quoi nous nous sommes engagés, Gérald Darmanin et moi-même.
L'an dernier, à l'occasion de la présentation du budget, je vous avais apporté du fromage de ma circonscription. On m'avait dit que c'était un peu trop odorant. Cette année, j'ai opté pour des chocolats, des pavés de Tourcoing.
Je suis heureux que les artisans de Tourcoing soient ainsi reconnus.
Inversant la maxime du baron Louis, on pourrait dire que le Président de la République nous a demandé de faire de bonnes finances pour faire de la bonne politique, afin de restaurer la crédibilité de l'État en matière de réformes et vis-à-vis de ses partenaires européens.
Le budget 2019 est l'acte II de la transformation du pays. Il s'inscrit dans la continuité et dans l'accélération. Il est conforme aux engagements présidentiels, au débat d'orientation des finances publiques et à la loi de programmation des finances publiques que nous avons présentée, Bruno Le Maire et moi-même.
Revenons un peu en arrière, si vous me le permettez. En 2017, nous avions eu à connaître de certaines insincérités budgétaires et, l'an dernier, j'étais venu devant votre commission avec un décret d'avance. Je m'étais engagé à ne pas représenter de décret d'avance pour l'exercice budgétaire suivant. C'est chose faite monsieur le président, je ne suis pas venu devant votre commission avec un décret d'avance, et cela ne se produira pas cette année, contrairement à ce qui s'était passé au cours des quatre quinquennats précédents. Vous aurez constaté que le HCFP – dont vous allez auditionner le président en fin d'après-midi – a démontré l'aspect sincère et crédible des inscriptions budgétaires. L'efficacité de notre gestion est assez évidente : la dépense publique devrait augmenter de 0,6 % en valeur et de 0 % en volume cette année, un cas extrêmement rare.
S'agissant des chiffres macroéconomiques, quelques graphiques valent mieux qu'un long discours. Le taux de croissance reste largement supérieur à la moyenne de ceux qui ont été enregistrés depuis le début des années 2010. Au cours du quinquennat précédent, le taux moyen se situait autour de 0,8 %, alors que le taux actuel est de 1,7 %. C'est la première fois depuis 2001 que la croissance est supérieure à 1,5 % pendant trois années consécutives, ce qui est à marquer d'une pierre blanche et qui souligne le dynamisme de l'économie française.
Prenons le déficit. L'année dernière, nous étions sous la barre des 3 % pour la première fois depuis onze ans, c'est-à-dire depuis 2007. L'an prochain, la France sera en dessous de ce niveau de 3 % depuis trois ans, pour la première fois depuis vingt ans. Le déficit devrait en effet se situer à 1,9 % l'an prochain, hors les mesures exceptionnelles concernant le CICE.
Comparez la moyenne de la dépense publique en volume à celle constatée durant les quinquennats précédents. Vous constatez que c'est le gouvernement d'Emmanuel Macron qui dépense le moins, si j'ose dire. Mention particulière : la croissance en volume de la dépense publique est nulle en 2018. Le graphique montre clairement que le Gouvernement réduit la dépense publique.
L'an prochain, la dépense publique de l'État progressera de 0,8 % en volume, alors que celle des collectivités locales se situera autour de 1,2 %. L'État fera 2,5 fois plus d'efforts que les collectivités locales. C'est l'exact inverse de ce qui s'est passé au cours du quinquennat précédent.
C'est toujours hors crédits d'impôt, madame la députée, y compris pour les gestions précédentes. On peut se réjouir du fait que la dépense publique baisse de façon assez forte, et sa croissance nulle observée en 2018 est, me semble-t-il, une réponse à vos critiques de l'année dernière.
La nette décélération des dépenses de l'État se lit clairement dans le graphique qui fait apparaître les données des trois dernières lois de finances initiales. En 2017, nous avons constaté une hausse de 1,4 % de la dépense publique en volume, hors crédits d'impôt, malgré les mesures dites de refroidissement de la dépense, c'est-à-dire les 5 milliards d'euros du décret d'avance que j'avais présenté. L'augmentation de crédits pour l'État sera donc seulement de 2,2 milliards d'euros, malgré d'importantes hausses ciblées sur lesquelles je vais revenir.
La marque du Gouvernement s'imprime sur l'investissement public. Nous avons multiplié par deux le pourcentage d'augmentation de l'investissement public. Il va augmenter de 6 % à 7 % cette année et probablement d'environ 5 % en 2019, alors qu'il n'avait progressé que de 3 % l'année dernière. Le grand plan d'investissement, une promesse du Président de la République, est en voie de concrétisation. Il suffit de regarder les données du quinquennat précédent pour constater la différence.
J'en viens aux prélèvements obligatoires, qui sont en décélération depuis notre arrivée aux responsabilités. La baisse des impôts atteindra environ 6 milliards d'euros pour les ménages et une vingtaine de milliards d'euros – entre 18 et 19 milliards d'euros – pour les entreprises. Pour les ménages, certaines mesures vont se faire sentir : la deuxième tranche de suppression de la taxe d'habitation, le plein effet des baisses de cotisations sociales, la mesure de correction de la contribution sociale généralisée (CSG), le coup de pouce aux heures supplémentaires.
C'est aussi un PLF de clarification de la fiscalité, comportant quelques révolutions et simplifications fiscales.
Soulignons tout d'abord la suppression de vingt-deux taxes. Dans ce PLF, nous supprimons dix-sept petites taxes. En y ajoutant celle que nous allons supprimer par décret et une autre qui le sera par article budgétaire, nous en sommes à dix-neuf. Trois autres taxes sont fusionnées. Au total, vous avez bien la suppression promise de vingt-deux taxes. Je voudrais saluer ici le travail du député Laurent Saint-Martin qui, dans une proposition de résolution, nous avait appelés à faire ce travail. Une deuxième tranche de suppression aura lieu l'année prochaine.
Nous engageons aussi une refonte de la fiscalité agricole, dont vous parleront Bruno Le Maire et Stéphane Travert. La question des locaux industriels et de la requalification, que le président Ferrand nous avait invités à revoir, s'inscrit dans le PLF. Suite aux assises des outre-mer, ce PLF contient des mesures sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir.
Enfin, j'en viens à la contractualisation avec les collectivités locales, un sujet de satisfaction qui me permet de saluer Jean-René Cazeneuve, le rapporteur général et tous les parlementaires qui ont beaucoup travaillé l'année dernière sur le sujet. Certains nous disaient que cette contractualisation contrevenait à la Constitution. D'autres, comme Charles de Courson, estimaient que nous n'atteindrions pas les objectifs fixés. Les uns et les autres se trompaient. Avec le recul, nous voyons que 70 % des 322 grandes collectivités ont signé un contrat avec l'État. Le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé à redire à la formule que nous avions proposée au Parlement. Nous avons même eu un satisfecit, suite au rapport de MM. Richard et Lambert. Et, finalement, nous tiendrons les objectifs puisque le taux de croissance des dépenses de fonctionnement des collectivités locales devrait tourner autour de 1 %, un niveau inférieur à la cible.
C'est une belle réussite, même en termes d'investissements. Permettez-moi de vous dire, monsieur le député de Courson, que le taux cible se situe à 1,2 % en valeur et que les dépenses en volume progresseront d'environ 1 %. Nous devrions tous être satisfaits de voir aboutir la logique partenariale.
Sachant que le Comité des finances locales se réunit demain, je souligne que c'est le contraire d'une baisse de dotations. Pour la deuxième année consécutive, aucune baisse de dotations n'est prévue. Les dotations augmenteront même d'environ 72 millions d'euros sur l'enveloppe normée, sans compter l'affectation de la TVA, et nous conservons les mêmes variables pour la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) que l'année dernière.
En matière de crédits budgétaires, le mot d'ordre « libérer, protéger, investir » retrouve tout son sens dans le PLF que nous présentons.
Pour libérer le travail, nous proposons des mesures qui permettent de mieux rémunérer le travail ou d'investir dans la formation. La suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires va représenter 11 % de pouvoir d'achat en plus pour les salariés concernés, soit 200 euros d'augmentation par an s'ils font le même nombre d'heures supplémentaires qu'actuellement. On peut imaginer que l'effet sera supérieur car cela sera plus intéressant de faire des heures supplémentaires.
La prime d'activité va augmenter de 20 euros en octobre 2018, puis de 20 euros par la suite.
En ce qui concerne la taxe d'habitation, le deuxième dégrèvement va entrer en vigueur, en fonction du niveau de revenu fiscal. Le dégrèvement sera de 400 euros pour une taxe d'habitation moyenne de 600 euros par an. Cette taxe varie évidemment en fonction du lieu d'habitation, ce qui la rend assez injuste.
Le forfait social et la participation, c'est-à-dire le dispositif prévu dans la loi PACTE, sont inscrits directement dans la loi de finances.
Certaines mesures du plan d'investissement dans les compétences, présenté par Muriel Pénicaud, trouvent ici leur concrétisation puisque 2,5 milliards d'euros seront investis en 2019 dans la formation des demandeurs d'emploi.
Pour libérer les entreprises, le taux d'IS va être ramené de 33 % à 31 %, et le CICE va se transformer en allégement de charges pérenne. C'est d'autant plus important que cet allégement va bénéficier à tous les employeurs alors que le CICE ne s'adressait pas à certains d'entre eux, notamment à ceux du monde associatif.
Nous voulons aussi protéger, en particulier les plus pauvres : augmentation du minimum vieillesse de 35 euros par mois à partir de janvier 2019, après la hausse de 30 euros décidée en avril 2018 ; hausse de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui atteindra son plus haut niveau, 900 euros par mois en 2019 ; mesures du plan pauvreté qui ont été largement détaillées par la ministre de la santé et des solidarités ; « contemporanéisation » des prestations comme l'aide personnalisée au logement (APL) et des impôts avec la retenue à la source de l'impôt sur le revenu ; mesures de correction de la CSG. Alors que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sera présenté la semaine prochaine en Conseil des ministres, je rappelle que les retraites ont été revalorisées en moyenne de 0,4 % au cours des sept dernières années.
Pour renforcer la protection des Français, nous procédons, dans les domaines régaliens, à des augmentations de crédits sans comparaison avec celles des années précédentes : 1,7 milliard d'euros pour le ministère de la défense, 450 millions d'euros pour le ministère de l'intérieur, 310 millions d'euros pour le ministère de la justice. Pour la justice et la défense, les crédits sont conformes aux lois de programmation adoptées par les parlementaires. L'augmentation des crédits du ministère de l'intérieur vise à permettre les embauches de policiers et de gendarmes, évoquées par le Président de la République au début de son mandat.
Nous allons investir 1,2 milliard d'euros pour l'éducation, la recherche et les universités – environ 800 millions d'euros pour l'éducation et quelque 500 millions d'euros pour les universités et les 40 000 étudiants supplémentaires à accueillir chaque année. Les crédits consacrés à l'écologie et aux transports vont progresser d'un milliard d'euros, ce qui est la plus importante augmentation depuis la création du ministère par le président Giscard d'Estaing. Je n'insiste pas sur les grands programmes d'investissements d'avenir déjà évoqués.
D'autres réformes, comprises dans ce PLF, seront annoncées par les ministères : l'audiovisuel public ; les réseaux de l'État des Français à l'étranger ; le recouvrement unique de la fiscalité ; le plan hôpital ; le plan pauvreté ; le service public de l'emploi et la réforme de l'assurance chômage ; la transformation, notamment sur le plan des horaires, de l'éducation nationale ; le verdissement de la fiscalité – notamment la concrétisation de l'économie circulaire et la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les déchets – qui nous prendra peut-être un peu de temps dans l'hémicycle ; la transformation des outre-mer, la transformation de la fiscalité agricole et bien d'autres.
Comme vous le voyez, ce budget marque non seulement l'acte II de la transformation mais aussi son accélération.
Dans ce moment singulier qu'est la présentation du projet de loi de finances, permettez-moi de prendre quelques minutes pour faire entendre une voix différente.
Il y a un an, je vous mettais en garde contre le relâchement de vos ambitions en matière de maîtrise de la dépense. Le temps passe, le temps politique plus vite encore ; on perçoit bien un essoufflement, même si vous prévoyez un taux de croissance de 1,7 % sur plusieurs années. Ce budget traduit votre politique et l'on ressent déjà un relâchement sur la dépense publique.
Sa lecture est complexe : comme le Haut Conseil des finances publiques l'a remarqué, il est difficile de s'y retrouver entre l'inflation des opérations ponctuelles et les retraitements comptables, mais globalement, la dépense est en augmentation de 25 milliards d'euros et l'effort structurel n'est que de 0,3 point – un chiffre microscopique, abaissé encore par le Haut Conseil à 0,2 point de PIB.
Monsieur le ministre de l'économie, vous avez évoqué une possible pérennisation du versement du cinquième acompte, qui signifierait moins d'IS sur le taux, mais davantage sur les modalités de calcul. D'une certaine façon, vous inventez l'IS contemporain : je ne suis pas sûr que les entreprises apprécient, d'autant que les entreprises de taille intermédiaire, elles aussi, sont concernées.
Nous voyons s'éloigner les résultats de la politique de réduction de la dépense publique, fondée notamment sur CAP 22. La presse fait état des lettres envoyées aux ministères, sans que l'on en voie la traduction dans le budget. Alors que vous vous êtes fixé pour objectif une réduction des effectifs de 50 000 postes, – l'objectif de 120 000 est désormais passé sous silence –, le présent budget ne vise que 4 100 postes. La différence n'est pas énorme, mais elle représente tout de même 10 % d'un objectif qui manquait déjà d'ambition. Que vous ayez du mal à réduire les effectifs de la fonction publique est symptomatique de votre incapacité à réformer l'État.
Le déficit public augmente. Même si l'on considère qu'il n'est pas de 2,8 % du PIB mais de 2 % environ – puisqu'il convient de déduire certains éléments ponctuels en 2019 – il reste deux fois plus élevé que le déficit moyen des États de la zone euro. La comparaison n'est pas en notre faveur, monsieur le ministre !
Ce budget repose largement sur des transferts, qui sont massifs. Ce n'est pas de bonne politique, car faire payer une partie des Français pour d'autres Français mine la confiance, essentielle en économie, et nuit à la consommation, moteur de la croissance. La hausse significative de la CSG, compensée en partie par des baisses de cotisations sociales, est payée évidemment en grande partie par les retraités. La lourdeur de la facture entraîne une fracture sociale. Le jeu est à somme nulle ; pire, le résultat est négatif.
Ce chiffre de 6 milliards d'euros, que l'on retrouve partout dans la presse et que les ministres sont invités à utiliser pour défendre le budget, est censé désigner les baisses d'impôts, donc le gain de pouvoir d'achat pour les ménages. Mais si l'on tient compte de l'augmentation des prélèvements de l'année dernière, établie par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à 4,5 milliards d'euros, la baisse n'est que de 1,5 milliard d'euros, ce qui est très faible en période de croissance.
L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), que nous avons auditionné récemment, s'est livré au même calcul mais parvient à 3,5 milliards d'euros seulement de baisse des prélèvements pour 2019. Il est difficile de comprendre et de savoir qui dit vrai, mais ce qui compte, au-delà des chiffres, c'est le ressenti des Français.
Je suis allé regarder ce que recouvrent ces 6 milliards, et j'ai noté de singuliers oublis. Pour commencer, vous ne tenez pas compte de la désindexation des pensions, des allocations familiales et de quelques autres revenus, une mesure d'économies que vous avez décidée. C'est pourtant du pouvoir d'achat, à hauteur de 3 milliards d'euros, qui n'est pas créé.
Ensuite, vous n'intégrez pas à ce calcul la hausse des cotisations AGIRC et ARRCO, dont le Gouvernement n'est certes pas responsable, mais qui intervient alors que vous invitez à une négociation où l'État reprendrait la main. En tout cas, ces cotisations constituent bien une contribution obligatoire, et leur augmentation représente 1,8 milliard d'euros.
Enfin, il convient de déduire de votre calcul la hausse de la collecte de l'impôt sur le revenu qui découlera du prélèvement à la source. En effet, l'augmentation de 3,5 % de la masse salariale prévue en 2019 augmentera par contemporanéité la collecte de 2 ou 2,5 milliards d'euros.
Vous le constatez, ces 6 milliards disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus. Au-delà des chiffres et de la technique très embrouillée, c'est ainsi que les Français ressentent les choses.
Ce budget n'est pas celui qu'il aurait pu être. Il aurait pu être celui de la réduction de la fiscalité sur les entreprises, pour plus de compétitivité. Il aurait pu être celui d'une plus grande justice sociale, évitant à certaines catégories de la population de payer.
J'en terminerai avec la taxe d'habitation. Je persiste et je signe : on ne supprime pas 20 milliards d'euros comme cela. Il faudra bien que quelqu'un paie, les générations futures qui devront supporter un endettement plus grand encore, ou le contribuable national, qui sera appelé à combler le déficit. Ce même déficit qui explose et atteint près de 99 milliards d'euros, en raison de mesures de compensation : je pense au fractionnement de la TVA vers les collectivités locales, afin de financer une partie de la suppression de la taxe d'habitation.
Voilà pour lancer le débat et donner une interprétation un tant soit peu différente des chiffres que vous avez présentés.
Monsieur le président, permettez-moi de vous répondre et d'éclairer des propos qui n'auraient pas été suffisamment précis. Je ne partage pas votre constat sur l'essoufflement de la croissance. Je suis convaincu que la croissance française est solide et vigoureuse. Elle peut l'être davantage, certes, et c'est tout le sens des mesures contenues dans le projet de loi PACTE.
L'ajustement structurel de 0,3 point de PIB correspond à ce que j'avais indiqué à la Commission européenne il y a plusieurs mois. Le Haut Conseil des finances publiques a corrigé ce chiffre en le ramenant à 0,2 point de PIB, car il estime que le versement anticipé du cinquième acompte d'impôt sur les sociétés doit être pérenne. Je le répète, je suis prêt à étudier avec les entreprises concernées cette mesure qui peut être bénéfique pour tous, dans la mesure où elle rend le versement contemporain. Je rappelle que cette disposition ne concerne que les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 250 millions d'euros – le versement anticipé aurait été compliqué pour les petites et les moyennes entreprises.
Pour mémoire, le taux passe de 80 % à 95 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 250 millions et 1 milliard d'euros, de 90 % à 98 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires se situe entre 1 milliard et 5 milliards d'euros ; il reste inchangé au-delà, à 98 %. Nous demandons aux entreprises de payer plus rapidement, de manière contemporaine. Il me semble souhaitable, en retour, d'ajuster le montant des indemnités de retard et de réduire le niveau des pénalités lorsque le calcul est erroné.
J'assume le transfert des cotisations sociales vers la CSG, un choix politique fort qui traduit notre volonté de valoriser le travail, de le récompenser.
Je suis en désaccord, monsieur le président, avec votre analyse concernant la fiscalité sur les entreprises. En 2019, les entreprises bénéficieront à la fois du CICE pour 2018 et de l'allégement des charges, pour 20,4 milliards d'euros. Elles bénéficieront également de la baisse de l'IS, à hauteur de 2,4 milliards d'euros et la suppression du forfait social leur rapportera 500 millions d'euros. Côté hausses, la fiscalité énergétique pèsera pour 1 milliard d'euros, tout comme la suppression de la niche fiscale sur le gazole non routier, tandis que la mise en place de France Compétences coûtera 1,3 milliard d'euros. Au total, l'allégement des prélèvements obligatoires sera de 18,8 milliards d'euros.
On peut être d'accord ou pas avec cette politique, on ne peut lui dénier sa cohérence. Nous voulons que nos entreprises soient plus profitables, pour qu'elles investissent davantage, innovent et créent des emplois. C'est la cohérence de cette majorité et du projet du Président de la République.
Monsieur le président, je m'efforcerai de répondre à vos remarques et de préciser certains points, tout en me gardant de cautionner certaines opinions – cela ne vous surprendra pas.
L'opposition est bien dans son rôle lorsqu'elle pointe ce qu'elle ne considère pas comme juste, ou vrai ; mais il serait bon qu'elle fasse des propositions concrètes lorsqu'elle appelle à baisser les dépenses publiques, tout en diminuant les impôts, et tout en réduisant la dette. J'imagine qu'elle se livrera à cet exercice lors du débat parlementaire et c'est avec grand plaisir que nous les étudierons. Jusqu'ici, elle a toujours refusé celles que nous avons faites.
L'objectif de suppression de 120 000 équivalents temps plein (ETP) n'est pas oublié et la répartition demeure la même, avec 70 000 ETP dans la fonction publique territoriale et 50 000 ETP dans la fonction publique de l'État. Votre assemblée pourrait utilement évaluer l'effet de la contractualisation et de la limitation des dépenses de fonctionnement sur les effectifs dans la fonction publique territoriale, une piste pour trouver une partie des 70 000 ETP. Au début du prochain semestre, je présenterai avec Olivier Dussopt des propositions dans ce domaine.
Pour ce qui est de la fonction publique d'État, j'ai bien entendu votre remarque. Sachez que nous triplons quand même le nombre de suppressions de postes et que les conséquences des mesures que nous avons prises devraient se voir, sinon l'année prochaine, du moins l'année suivante. Il est possible d'atteindre l'objectif de 50 000 suppressions en arrêtant certaines missions et en accompagnant ces réformes de plans de départs volontaires. Nous avons fait le choix de changer les missions de la fonction publique, plutôt que de passer le rabot sur les effectifs. Je vois que je ne vous convaincs pas, mais nous aurons l'occasion de revenir sur le sujet, preuves à l'appui.
En aucun cas je ne puis vous rejoindre, monsieur le président, sur les calculs que vous faites concernant la baisse des prélèvements. Vous déduisez le coût de la désindexation de certaines prestations, comme si cela représentait de l'argent en moins pour les ménages. Mais il ne s'agit pas là de fiscalité ! Et dans ce cas, pourquoi ne pas ajouter à ces 6 milliards le produit de la hausse des allocations, telles la prime d'activité, le minimum vieillesse, l'AAH et le RSA ? Je le répète, la baisse nette des prélèvements obligatoires est bien de 6 milliards d'euros, ainsi que le montrent les graphiques que nous vous avons présentés. Et il est important de souligner que, pour la première fois, les impôts baissent deux années de suite.
Je ne partage pas davantage votre opinion sur le déficit de l'État. Peut-être l'incompréhension vient-elle de ce que je me suis mal exprimé dans mon propos liminaire ? Le déficit augmente pour deux raisons. Avec la bascule du CICE, l'État compensera auprès de la sécurité sociale la baisse des cotisations, à hauteur de 20 milliards d'euros environ. Par ailleurs, un déficit de 6 milliards d'euros apparaîtra l'année prochaine, car l'impôt sur le revenu, qui sera prélevé à la source à la fin décembre 2019, ne sera collecté auprès des entreprises qu'au début du mois de janvier 2020 – en année pleine, les choses se rééquilibreront.
Il est faux de dire que le prélèvement à la source entraîne une augmentation de la fiscalité. On peut observer une augmentation des recettes, liée à un meilleur taux de recouvrement – 99 % avec le prélèvement à la source, contre 98 % aujourd'hui –, un point de différence qui représente tout de même 730 millions. Mais aller chercher les fraudeurs ou les phobiques administratifs ne peut en aucun cas s'apparenter à une hausse de la fiscalité ! Il ne faut pas voir d'augmentation d'impôts là où il n'y en a pas.
Permettez-moi de revenir brièvement sur le déficit. Celui-ci est passé de 3,4 % du PIB à 1,9 % du PIB – vous-même avez souligné, monsieur le président, qu'il avoisinait les 2 %. C'est la plus forte baisse à laquelle un gouvernement soit parvenu. Vous avez raison de dire que nous devons continuer dans cette voie, mais vous faites erreur lorsque vous expliquez que l'État redonne une fraction de la TVA aux collectivités pour compenser la taxe d'habitation. C'est exactement l'inverse qui se passe, puisque nous transférons une part de la TVA seulement aux régions, qui voient ainsi leurs recettes augmenter de 700 millions par rapport aux dotations des années précédentes. Les communes, elles, continuent de percevoir la taxe d'habitation. Il y a, dans vos propos, une légère ambiguïté.
Une précision : les entreprises dont le chiffre d'affaires est de 250 millions d'euros ne sont pas de grandes entreprises du CAC 40, mais de grosses PME, tout au plus des entreprises de taille intermédiaire.
Par ailleurs, monsieur Le Maire, lorsque vous dites que la fiscalité sur les entreprises a baissé de 18,8 milliards d'euros, vous incluez le « double » CICE. Si l'on ne tient pas compte des mesures exceptionnelles, la fiscalité ne baisse pas.
Quant à la baisse des prélèvements sur les ménages, monsieur Darmanin, je réitère : j'intègre dans le calcul l'augmentation des prestations et je déduis évidemment les mesures de gel, puisque ce sont des économies faites sur des revenus qui auraient dû être versés aux bénéficiaires. Ces « plus » et ces « moins » sont bien au coeur de la discussion – c'est d'ailleurs vous qui les mettez en avant. Nous aurons donc l'occasion d'en débattre. En réalité, les prélèvements ne baissent pas de 6 milliards, ils augmentent de 600 millions d'euros !
Je maintiens que le prélèvement à la source a un impact sur l'impôt sur le revenu. En période de croissance, son produit est plus grand sur l'année n que sur l'année « n – 1 ». Au-delà des questions de trésorerie que vous avez évoquées, et qui ne concernent pas les ménages, l'impôt sur le revenu sera plus important.
Permettez-moi, en préambule, de formuler quelques constats. Je tiens à le dire d'entrée de jeu, l'absence de décrets d'avance et la perspective d'un projet de loi de finances rectificative sans mesures fiscales me réjouissent particulièrement !
Pour ajouter au débat sur le niveau de la croissance, qui agite notamment la presse spécialisée, je tiens à souligner que ce niveau demeure, pour 2018 et 2019, élevé ! D'aucuns se plaisent à souligner qu'il est en-deçà de celui de 2017 et que les prévisions ont été revues à la baisse par rapport au programme de stabilité. Je constate, pour ma part, que la croissance en 2018 et en 2019 sera bien supérieure à tout ce que l'on a connu sous la précédente législature. Ce scénario a de quoi nous rassurer. Le programme de stabilité était optimiste, car tout le monde avait été surpris par un retour plus fort que prévu de la croissance en 2017. Le taux de croissance prévu dans le PLF pour 2019 – 1,7 % – est exactement celui qui figure dans la loi de programmation des finances publiques. Je suis satisfait d'observer cette conformité. Il n'y a donc pas de révision à la baisse des objectifs et les conditions macro-économiques ne se dégradent pas par rapport à celles que nous anticipions il y a un an.
Contrairement à ce que vous pourriez considérer comme des apparences, les efforts de réduction du déficit public sont maintenus. Le déficit public est de 2,8 % du produit intérieur brut (PIB), au lieu de 2,6 % en 2018 et de 2,7 % en 2017. En neutralisant l'impact du remboursement de la taxe de 3 % sur les dividendes, qui est quand même important, et la transformation du CICE en baisse des cotisations, le Haut Conseil a calculé que le déficit baisserait de 0,3 point de PIB en 2018 et de 0,5 point en 2019, soit une moyenne de 0,4 point par an. On ne peut pas dire que l'année 2019 marque une rupture ; elle traduit plutôt un effort considérable de maîtrise de la dépense publique, que le Haut Conseil considère d'ailleurs comme accru.
Un certain nombre de questions me semblent importantes dans le cadre de la préparation de ce budget. En 2019, l'IR sera assis pour la première fois sur les revenus de l'année en cours, et non sur les revenus de l'année précédente. Dans quelle mesure cela peut-il affecter la fiabilité de la prévision ? Quelle est, selon vous, la marge d'erreur sur la prévision du rendement de l'IR pour 2019 ? Dans le même registre, pouvez-vous nous indiquer le coût des modifications apportées au champ de l'acompte pour les crédits et les réductions d'impôt ?
S'agissant de l'exit tax, dont nous n'avons pas encore parlé mais qui me semble un sujet important, le projet de loi prévoit un allégement des obligations déclaratives et un délai de deux ans pour obtenir un dégrèvement complet des plus-values latentes. Pensez-vous que ce délai soit suffisant pour prévenir les abus ? La plupart des dispositifs anti-abus mis en place dans l'Union européenne prévoient, à partir d'un certain seuil, un délai de cinq ans. Je n'ai pas de religion en la matière, mais il me semble qu'un dispositif anti-abus doit ressembler à un dispositif anti-abus, et qu'il est parfois bon de regarder ce qui se passe chez les voisins. Par ailleurs, que pensez-vous de l'idée d'adapter l'un des seuils d'entrée dans l'impôt en visant 800 000 euros de plus-values, et non 800 000 euros de participations ?
Une part importante des dispositions fiscales contenues dans le PLF concernent les entreprises. L'un des articles porte sur l'évolution du régime fiscal des produits tirés de la cession ou de la concession de brevets, critiqué par l'OCDE. Certes, on ne peut passer son temps à exiger des règles plus strictes, notamment sur les GAFA, et se passer d'appliquer les recommandations de l'OCDE sur les brevets. Sans vouloir revenir sur l'équilibre général de la disposition, qui est de rendre notre droit conforme aux positions internationales de la France et de s'inscrire dans la lutte contre les pratiques dommageables, je note qu'il existe des marges de manoeuvre. J'aimerais que vous puissiez nous en parler.
En matière d'intégration fiscale, je me réjouis de la sécurisation juridique prévue par le PLF. L'article ne modifie pas le périmètre d'intégration. Quelle est votre position sur un assouplissement des conditions de détention, très strictes ? En 2016, le Conseil des prélèvements obligatoires proposait de les fixer non plus à 95 % du capital, mais à 50 % des droits de vote et 75 % du capital.
Je note avec satisfaction que les engagements du Président de la République sur les finances locales sont une fois de plus respectés, puisque le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) reste stable en 2019, à périmètre constant. Toutefois, pouvez-vous préciser les grandes lignes concernant les mouvements internes de la DGF, notamment les hausses éventuelles des dotations de péréquation ?
J'observe avec regret que le PLF ne semble pas contenir de mesures concernant la répartition territoriale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Pour y travailler avec quelques parlementaires, je sais combien la tâche est ardue et une solution difficile à mettre en oeuvre. Aussi, j'attends avec impatience les conclusions du rapport que vous devriez nous remettre à la fin de la semaine.
Des informations remontent du terrain sur la mise en oeuvre des dispositions que nous avons votées – de manière fort oecuménique – sur la taxe de séjour, et font état de problèmes d'application du tarif proportionnel de la taxe de séjour forfaitaire. Ne pensez-vous pas qu'il soit nécessaire de procéder à certains ajustements ?
Enfin, nous avons compris qu'une grande loi-cadre porterait début 2019 sur les collectivités territoriales. Avant toute chose, il me semble que les correctifs que nous avons votés dans le cadre du précédent PLF doivent être mis en oeuvre, notamment le correctif relatif à la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui pose problème pour les communes hors fiscalité professionnelle unique et hors DSU. Par ailleurs, il serait bon que nous puissions obtenir les rapports dont nous avons voté la remise, sur la DGF « verte » et sur la DGF des communes touristiques et rurales.
Merci aux ministres pour leurs présentations.
Je voudrais d'abord revenir sur les 6 milliards d'euros dont il est beaucoup question. Il faut faire la part des choses : l'État renonce bien, dans ce budget, à 6 milliards d'euros de ressources en provenance des ménages. C'est incontestable : si nous n'avions rien fait, l'État aurait eu dans ses caisses 6 milliards d'euros de recettes supplémentaires ; or nous avons choisi de réduire la taxe d'habitation et les cotisations sociales. Nous choisissons aussi d'augmenter la fiscalité sur le tabac et sur le diesel, mais la différence nette est de 6 milliards d'euros en moins pour les ménages. En parallèle, l'État choisit de revaloriser de 0,3 % les pensions et certaines allocations, ce qui constitue une dépense. Sur ce point, il n'est nulle part écrit que la revalorisation doit être, par défaut, égale à l'inflation : c'est un choix politique qui est opéré année après année, par chaque gouvernement. En ce qui concerne les ménages, on peut calculer l'écart entre l'évolution des revenus et l'inflation, comme l'a fait l'OFCE : le résultat, selon des chiffres que nul n'a contesté jusqu'à présent, représente 3,5 milliards d'euros de pouvoir d'achat, soit le niveau le plus élevé depuis dix ans. Je le répète, il faut faire la part des choses entre ce qui revient à l'État et aux ménages.
Ma question porte sur la maîtrise des dépenses et la réforme de l'État. Ce n'est pas du tout un sujet que nous évitons, monsieur le président, bien au contraire : je suis un peu étonnée d'avoir entendu dire que la majorité n'aurait fait qu'écrire des courriers aux ministres, sans plus y toucher. Le rapport CAP 22 a été érigé en totem, mais ce n'est pas l'alpha et l'oméga : vous savez bien qu'un rapport n'est pas une réforme. Faire des discours, c'est bien, mais il est encore mieux de les appliquer méthodiquement. Après avoir annoncé des réformes, il faut les mettre en place, se donner tous les moyens d'obtenir des résultats et les observer. C'est une méthode qui n'est pas politicienne et qui engage le Parlement comme le Gouvernement. Vous connaissez notre engagement à faire de l'évaluation, et nous comptons bien le réaliser. Dans cette optique, nous avons beaucoup travaillé au printemps, ministère par ministère, et nous chercherons à alimenter, j'en suis certaine, du moins en ce qui concerne nos rangs, la réflexion sur la manière dont le cadre budgétaire peut permettre d'approfondir la réforme. Le Gouvernement a beaucoup plus que des plans de transformation : la difficulté n'est pas d'avoir de bonnes stratégies, mais des ministres qui s'engagent, et je crois que ce que nous voyons déjà à Bercy et bientôt dans la justice, dans les hôpitaux, dans les réseaux de l'État à l'étranger et dans l'audiovisuel public est un début. Comment allez-vous, à Bercy, suivre le développement concret des objectifs, leur mise en oeuvre et le calendrier, et comment pourrions-nous travailler pour jouer pleinement notre rôle d'évaluation, pour faire en sorte que la réorganisation de l'État que nous appelons de nos voeux soit vraiment effective ?
Permettez-moi de revenir sur la présentation du budget que vous venez de nous faire, en mode édulcoré et avec des chocolats. C'est en réalité un budget en trois actes.
Le premier est le renoncement, car les dépenses publiques continueront à augmenter en volume, de 0,6 point. Si le déficit public doit augmenter, puisqu'il passera de 2,6 à 2,8 % du PIB entre 2018 et 2019, c'est parce que les dépenses publiques continueront aussi à le faire : vous ne pouvez pas le nier. De ce fait, l'ajustement structurel affiché pour 2019 se limitera à 0,3 point de PIB. C'est par des artifices, comme l'augmentation du cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés, que le déficit est moins impacté qu'il aurait pu l'être, mais aucunement grâce à la maîtrise des dépenses publiques : c'est presque une fuite en avant. Puisque Mme de Montchalin a déclaré qu'il faut faire ce que l'on dit, ce qui est en effet très important, je voudrais simplement rappeler que le Premier ministre s'était engagé en juillet 2017 à stabiliser la dépense publique, hors inflation, jusqu'en 2020...
Votre deuxième acte est le manque d'ambition. Nous avons eu un environnement favorable, mais en raison de vos choix, comme le président de notre commission l'a rappelé, la France n'a pas profité de la croissance. Pour ce budget 2019, vous êtes finalement pris en étau : dans l'incapacité de réduire structurellement la dépense, vous poursuivez une politique du rabot, par exemple en revalorisant a minima les prestations sociales, ce qui représentera 3 milliards d'euros d'économies par an. Le résultat est que la dette atteindra 98,6 % du PIB en 2019. Je suis d'accord avec M. Le Maire lorsqu'il déclare que la dette est un poison lent, mais je regrette que l'on essaie de la réduire non pas en agissant sur les dépenses, mais en procédant à des cessions d'actifs.
J'en viens à l'acte III, qui est la géométrie variable de ce budget. Le ministre de l'économie a parlé de constance, de stabilité, de visibilité et de lisibilité, ce qui correspond en effet à ce que souhaitent les entreprises et les ménages. Seulement, que faites-vous ? Lors de la présentation du budget pour 2018, une diminution des charges patronales a été annoncée pour janvier 2019, puis en août 2018, patatras, vous avez reporté la date d'application de dix mois. Il en est de même pour l'exit tax : le Président de la République a déclaré le 2 mai qu'elle allait être supprimée, mais il est maintenant question d'un simple aménagement. Enfin, l'annonce qu'il y aurait une réforme des droits de succession a été démentie quelques jours plus tard par le Président de la République. Tout cela ne crée pas de la confiance. Le bouquet final a été l'annonce, ce matin, que les impôts diminueraient de 6 milliards d'euros en 2019, ce qui serait du jamais vu depuis dix ans. Or il ne suffit pas d'additionner les baisses d'impôt : c'est l'ensemble de la réalité qu'il faut prendre en compte. En 2018, il y a eu 4,5 milliards d'euros de prélèvements obligatoires supplémentaires – c'est l'INSEE qui l'a dit au début de l'année –, et en 2019 votre politique fiscale sur les carburants, ne vous en déplaise, ira chercher plus de 2 milliards d'euros supplémentaires chez les automobilistes, qui sont pour l'essentiel des gens qui travaillent, en plus des 4 milliards d'euros déjà prélevés en 2018, de sorte que l'on aboutira peut-être à plus de 10 milliards d'euros en 2022. Par ailleurs, la CSG ne sera pas compensée pour les retraités – il y a aura uniquement un ajustement pour 300 000 personnes, sur les 8 millions de retraités concernés.
Il y a un dicton que l'on aime bien citer dans l'Orne : « à force de traire une mamelle sèche, on n'obtiendra rien d'autre que des coups de sabot ».
Je voudrais m'associer à la question posée par le rapporteur général sur le prélèvement à la source. Je reste très hostile à son principe, mais je crois que vous n'avez pas eu tort, au point où vous en étiez, de persévérer car le message aurait été absolument impossible. Cela dit, quel est l'effet produit exactement ? À partir du moment où l'on passe « en contemporain », comme vous l'avez dit, l'assiette augmente à hauteur de la croissance de l'année en cours : l'impôt sera assis sur les revenus de 2019, qui seront très sensiblement supérieurs à ceux de 2018. Quelle est exactement l'augmentation de l'impôt sur le revenu que cela implique ? J'ajouterai néanmoins, pour mettre un bémol sur ce que je viens de dire, que le système consistant à faire payer les jeunes et à favoriser plutôt les anciens jouera plutôt dans l'autre sens, car les jeunes ont peu d'argent et paient donc peu d'impôts par rapport aux retraités.
En ce qui concerne le CICE, je crois qu'il faut rappeler la difficulté dans laquelle se trouve l'État. Nous sommes les héritiers d'une mesure décidée par le Président Hollande, qui revenait, si je résume assez simplement l'affaire, à inventer une ressource consistant à faire tenir deux litres d'eau dans une bouteille d'un litre : la mesure portait sur une année alors que l'effet avait lieu plus tard. Le patronat a constamment demandé la transformation du CICE en allégement de charges. Vous le faites, ce qui est très dur pour les finances publiques, et vous avez eu raison de rappeler, messieurs les ministres, que cela pèse très lourdement sur la réduction du déficit public. Je trouve que le patronat, après avoir réclamé pendant des années la normalisation du CICE en abaissement de charges, est quand même assez mal placé pour tenir ses propos actuels. Vous avez souligné à juste titre que les entreprises vont beaucoup y gagner cette année, puisqu'elles vont bénéficier du double compte. Pour l'année prochaine, j'ai cru comprendre que vous n'envisagiez pas de modifier le taux du CICE, transformé en baisse de charges : ne croyez-vous pas qu'il faudra s'assurer que l'allégement de charges est identique, au bout du compte, à ce que c'était auparavant le CICE ?
Pour ce qui est des collectivités territoriales, je crois qu'il faut vous féliciter : il y avait un grand scepticisme sur les mesures de contractualisation avec les principales collectivités territoriales que vous envisagiez, mais l'exercice est en grande partie réussi. Cela dit, je reste extrêmement perplexe sur un point : il n'y a plus, structurellement, de système de fiscalité locale digne de ce nom en France. On a, en effet, supprimé la taxe professionnelle, ou en tout cas on l'a beaucoup modifiée, comme on l'a fait également pour la taxe d'habitation, et je pense que c'était justifié compte tenu du caractère inique de cette impôt, mais quand donc allez-vous rétablir une fiscalité locale qui permettrait vraiment de mettre les collectivités en face de leurs responsabilités ? Ne croyez-vous que parmi les mesures structurelles que vous devez prendre il conviendrait de renforcer la part de l'impôt grâce à une fiscalité qui conviendrait, par rapport à la part des dotations ?
Les ministres ont souligné à juste titre les risques pesant sur la croissance française en 2019 et au-delà. Il semble bien que l'écart de production se soit pratiquement refermé alors que le taux de croissance structurelle de l'économie française est de l'ordre de 1,2 %. Dans ces conditions, comment peut-on avoir une croissance à moyen terme de 1,7 ou 1,8 % ? Dans nos circonscriptions, tout le monde dit que les facteurs de production sont saturés – même si cela concerne surtout le facteur travail, plutôt que l'investissement.
Parmi les hypothèses macroéconomiques que vous retenez, il y a la stabilité du prix du pétrole, à 73 dollars le baril. Or on est déjà à 80 dollars et tous les observateurs du marché pétrolier disent que l'augmentation va se poursuivre compte tenu des tensions politiques et de l'attitude de l'Arabie saoudite. Quelle sera l'incidence sur l'inflation et la croissance française ?
J'en viens à la réduction du déficit structurel, qui est en réalité très faible, car elle s'élève à 0,1 point par an : vous indiquez 0,2 point pour 2019, après 0,1 point en 2018, mais si on réimpute le montant de 1,5 milliard d'euros prévu au titre du cinquième acompte de l'IS, on arrive à 0,1 point, alors que l'Union européenne demande 0,5 point : nous sommes loin de respecter cet objectif. En ce qui concerne les économies, l'effort structurel est très faible, puisqu'il est de l'ordre de 0,2 point par an.
La baisse sensible de la pression fiscale en 2019 – on passera de 45 % à 44,2 % du PIB, soit 19 milliards d'euros en moins – est tout à fait exceptionnelle : selon vos prévisions, le taux de prélèvements obligatoires remontera dès 2020-2021 à cause des 20 milliards d'euros liés au CICE. Ce taux repassera à 44,6 % presque jusqu'à la fin de la législature. Il n'y aura donc pas une baisse d'un point.
Vous dites que la dette publique est quasiment stabilisée et, en effet, elle atteindra 98,6 % du PIB en 2019, contre 98,7 % cette année, ce qui représente 2 milliards d'euros en moins, c'est-à-dire rien. Mais ce résultat est obtenu grâce à la cession de 10 milliards d'euros d'actifs. La dette publique est, en effet, calculée en brut, et la cession de 10 milliards d'euros viendra en déduction, les fonds étant placés. C'est donc un petit tour de passe-passe : en réalité, la dette continuera à augmenter de 8 milliards d'euros, ce qui signifie que l'on dépassera les 100 %.
J'ai quelques questions très précises à vous poser.
Dans le cadre du projet de loi PACTE, M. Le Maire a abordé l'idée d'une réintroduction du suramortissement pour les entreprises, mais je n'ai rien trouvé de tel dans ce projet de loi de finances. Était-ce une annonce sans suite, ce qui m'étonnerait venant de vous, ou est-ce caché quelque part ? Dans l'affirmative, combien d'entreprises seraient concernées et qu'est-ce que cela représente budgétairement ?
En ce qui concerne le CICE et les baisses de cotisations, je ne voudrais pas que vous fassiez croire aux entreprises que ce sera fromage et dessert cette année – je parle de leur bilan, qu'il ne faut pas confondre avec leur trésorerie.
Je parle du compte de résultat sur une année donnée. Je souhaiterais que l'on ait un tableau en comptabilité nationale, en comptabilité budgétaire et en comptabilité générale, car ces trois comptabilités ne suivent pas les mêmes règles et les mêmes définitions, pour les lignes relatives au CICE et aux cotisations sociales. Je pense que l'on verra clairement apparaître que ce ne sera pas fromage et dessert pour les entreprises en 2019.
Par ailleurs, confirmez-vous qu'il y aura une baisse de 300 millions d'euros pour les collectivités locales en ce qui concerne la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ?
Confirmez-vous également les 1 600 suppressions de postes de conseillers techniques et sportifs ?
Une remarque, enfin, pour le président de notre commission : je suis toujours un peu étonnée lorsqu'il évoque les dépenses publiques. Pour une fois, je suis d'accord avec le Gouvernement : le graphique figurant à la page 13 du projet de loi montre que les années pendant lesquelles la majorité à laquelle vous apparteniez, monsieur Woerth, a été aux responsabilités ont connu une hausse moyenne des dépenses publiques à peu près deux fois supérieure à celle du précédent quinquennat et à celle que vise l'actuel Gouvernement. Dans ce dernier cas, il ne s'agit que de projections, alors que c'est du réalisé en ce qui nous concerne.
Vous n'étiez sans doute pas née à l'époque dont vous parlez, ou alors vous avez totalement oublié qu'il y a eu une crise lorsque nous étions au gouvernement : la dépense publique s'est alors substituée à l'absence de dépense privée. Il n'y a pas de crise aujourd'hui : nous sommes dans une période extrêmement tranquille sur le plan économique et la situation est nettement plus facile. Ce n'est pas tout à fait pareil de travailler avec 2 % de croissance ou avec au moins 3 % de récession, et je ne pense pas que Bruno Le Maire dira le contraire.
Je suis content que M. Woerth confirme qu'il y a dépense publique et dépense publique : tout dépend comment on les regarde. On ne devrait pas seulement considérer les chiffres, mais se demander à quoi les dépenses servent.
M. Le Maire a dressé un bilan presque enthousiaste de la politique économique suivie par le Gouvernement et de ses résultats : il a tout juste concédé que ces derniers sont médiocres par rapport à ceux des autres pays européens. Par ailleurs, les présentations que l'OFCE et l'INSEE ont présentées devant nous il y a peu de temps contredisent votre optimisme sur presque tous les points en ce qui concerne le premier semestre 2018 – l'emploi, la consommation des ménages, le pouvoir d'achat et la croissance. On peut penser comme vous et, manifestement, le groupe Les Républicains, pour qui il faudrait aller encore plus loin dans les politiques de l'offre, soit on les remet en question, comme nous le faisons : nous pensons qu'il y a plutôt un problème de demande en France.
On peut comprendre que vous fassiez de la communication, mais les 6 milliards d'euros de baisse de la fiscalité pour les ménages que vous essayez de nous vendre frisent un peu l'arnaque. Selon l'OFCE, si l'on retranche la baisse des prestations sociales, on arrive à l'équivalent de 3,5 milliards d'euros. Par ailleurs, vous incluez dans le total d'anciennes mesures, qui ont été annoncées à la fin de l'année 2017, comme celle relative à la taxe d'habitation, ainsi que des baisses de cotisations sociales qui sont quand même une manière de prendre de l'argent aux Français dans une poche pour le remettre dans une autre, et enfin vous ne tenez pas compte des baisses des prestations sociales qui relèvent du PLFSS. Les pensions de retraite, les APL et les allocations familiales ne seront plus indexées – elles augmenteront de 0,3 % alors que l'inflation est estimée à 1,7 %. Contrairement à ce que M. Darmanin a déclaré, cela ne peut pas être contrebalancé par l'indexation d'autres prestations sociales sur l'inflation. On est donc loin du cadeau fiscal que vous annoncez. Vous donnerez bien sûr 300 millions d'euros à 300 000 retraités, qui ne seront plus concernés par l'augmentation de la CSG, mais ce montant est faible et il n'est pas comparable à vos attaques contre les pensions des retraités.
Selon M. Le Maire, le Gouvernement va faire en sorte que le travail paie, mais je vois surtout que vous faites le choix de payer le capital, une fois de plus, et grassement. Il a déjà bénéficié de 9 milliards d'euros fin 2017. Vous avez eu l'honnêteté de l'assumer en nous expliquant que c'était une manière de mettre de l'argent dans davantage de capital pour nourrir l'économie, et vous le redites aujourd'hui. Ce qui est étonnant est que vous le faites sans transfert, au contraire de ce que vous prévoyez pour les revenus du travail – vous prélevez sur le salaire socialisé que sont les cotisations sociales pour améliorer prétendument les bulletins de salaire, au niveau du salaire net. Pour le capital, rien de tel : c'est du cash que vous donnez sans contrainte, alors que l'on a vu les résultats obtenus jusqu'à présent. Je m'étonne que vous pérennisiez le CICE à coups d'exonérations compte tenu des mauvais résultats de ce dispositif : cette politique ne consiste pas à donner des aides aux entreprises selon des critères écologiques ou sociaux, mais à tout-va.
Au nom de la fameuse règle relative au déficit public, vous choisissez de réduire encore les dépenses publiques de 1,4 % si l'on tient compte de l'inflation et de l'augmentation de la population. Le ministère du travail sera de nouveau touché, à hauteur de 2 milliards d'euros, celui de la cohésion des territoires, ce qui inclut le logement, le sera aussi à proportion de 8,9 %, et celui de l'agriculture de 11,3 %. Même l'éducation nationale sera concernée : vous dites qu'il y aura une augmentation des moyens mais quand on regarde le nombre d'étudiants supplémentaires l'année prochaine, estimé à 55 000, on voit qu'il y aura une fois de plus une baisse, de 0,8 %. Non seulement vous allez accroître de nouveau les inégalités et affaiblir l'État mais, pire encore, vous allez réduire les recettes. M. Woerth a rappelé ce qui s'était passé pendant la crise économique, et je n'aurai de cesse de répéter que les dépenses publiques sont également des recettes : un fonctionnaire consomme, or vous allez en supprimer, et quand on construit des logements sociaux, on fait travailler le secteur du bâtiment et des travaux publics. Votre politique va donc dans le mauvais sens.
Vous pouvez tout enrober avec le meilleur chocolat possible – même celui de Tourcoing... – la potion reste amère. Si la croissance n'est pas au rendez-vous, c'est à cause de votre politique, notamment parce que la consommation des Français n'est pas là : vous avez tapé fortement dans le pouvoir d'achat d'une très grande majorité d'entre eux, et vous allez continuer à le faire. Vous avez augmenté la CSG, les salaires sont toujours bas, vous avez supprimé les emplois aidés, et vous continuez d'augmenter des taxes et de geler des pensions et des salaires. Vous allez donc continuer de grever le pouvoir d'achat des Français. Dans ces conditions, comment voulez-vous que la consommation reparte ? Notre approche est complètement différente : nous considérons qu'il faut relancer la consommation des Français, qu'il faut leur redonner du pouvoir d'achat, et nous ferons des propositions en ce sens.
L'année dernière, nous avons dénoncé un budget des riches, mais cette année c'est un budget marqué par une grosse arnaque. Vous dites que les Français récupéreront 6 milliards d'euros entre ce que vous allez leur prendre et ce que vous leur rendrez, mais vous oubliez une paire de factures et des dépenses qui manqueront. Il y a d'abord le gel des pensions et des prestations sociales, qui représente selon vos propres calculs 3,4 milliards d'économies pour la sécurité sociale, ce qui fera autant en moins pour les retraités et les bénéficiaires des prestations sociales. Vous oubliez aussi de compter les factures qui augmentent, comme celles de l'électricité et du gaz, ou encore la hausse du coût des mutuelles – 800 millions d'euros en 2018. Quand vous donnez un euro aux Français d'un côté, vous leur en prenez deux de l'autre.
Vous dites que vous donnez la priorité au travail, mais vous ajoutez tout de suite que vous voulez rendre les entreprises plus profitables. En effet, ce budget est encore marqué par de nouveaux cadeaux aux plus grosses entreprises, et non aux Français. Vous faites un choix différent du nôtre, en prévoyant des cadeaux énormes. En ce qui concerne le CICE, et j'aimerais bien que le ministre me réponde, avez-vous bien prévu 20 milliards d'euros de crédit d'impôt, ancienne version, et 20 milliards de baisses de cotisations, avec le nouveau dispositif, ce qui fait 40 milliards d'euros en 2019 ? C'est exceptionnel : on est au-delà du fromage et du dessert, c'est le jackpot ! Nous aimerions bien savoir ce que vont gagner les entreprises dont les bénéfices sont supérieurs à 500 000 euros et quel sera le coût pour l'État.
Avec votre réforme de l'exit tax, vous faites également un nouveau cadeau, cette fois au profit de ceux qui choisissent l'exil fiscal : ils pourront vendre leurs biens au bout de deux ans, au lieu de quinze ans actuellement.
Je voudrais conclure en soulignant que vous vous félicitez d'avoir réussi à réduire les dépenses publiques comme jamais auparavant : c'est une victoire pour vous, mais pour nous c'est au contraire le pire choix et le plus grave recul de l'État dans sa fonction de redistribution des richesses et de garant de la solidarité nationale.
J'invite M. Roussel à accorder son violon avec celui de Mme Rabault, car l'un dit exactement le contraire de l'autre, notamment sur le CICE. Pour les uns, c'est « jackpot » ; pour les autres, ce n'est pas assez. Je vais tâcher d'éclaircir tout cela dans mes réponses.
Sur le cinquième acompte d'IS, nous ne modifions pas le périmètre des entreprises concernées, défini par l'article 1668 du code général des impôts. J'ai tenu à ce que nous gardions le même périmètre pour que la mesure ne se traduise pas par de nouvelles obligations pour quelque entreprise que ce soit. C'est le montant du taux que nous modifions et non le périmètre.
Monsieur le rapporteur général, je partage totalement ce que vous avez dit sur la croissance. Nous avons en France une croissance solide et soutenue. Je considère que nous pouvons encore faire mieux et c'est bien l'objet du projet de loi que nous aurons l'occasion d'examiner demain.
Oui, nous supprimons l'exit tax. Nous la supprimons en mettant fin au délai de quinze ans qui avait conduit nombre de contribuables à quitter le territoire français. Nous la supprimons car elle avait un rapport très faible pour le Trésor public, de l'ordre de 140 millions d'euros, du fait que les gens partaient et n'exerçaient pas leurs plus-values. Cette mesure nous permet de supprimer également les modalités administratives complexes dont elle était assortie, notamment la constitution de garanties auprès d'un comptable public, sauf pour les pays qui n'auraient pas de convention d'assistance fiscale avec la France.
L'exit tax est supprimée mais nous avons prévu un dispositif contre les abus, en fixant à deux années le délai pour un dégrèvement complet des plus-values latentes. Nous ne voulons pas en effet que des contribuables puissent faire des allers-retours avec un pays étranger et optimiser fiscalement ces dispositions. Ce seuil de deux ans nous semble raisonnable.
Faut-il, ensuite, passer d'un montant de capital mobilier à un montant de plus-value ? Je vois l'intérêt d'une telle proposition. J'indique simplement qu'il existe un risque d'effet de seuil très important. Ainsi, si un contribuable détient 810 000 euros de plus-values latentes, il sera imposé sur ces plus-values dès le premier euro, ce qui représenterait, au prélèvement forfaitaire unique, un impôt de 243 000 euros, alors que celui qui n'aurait des plus-values que de 790 000 euros ne serait redevable d'aucun impôt. Il me semble donc sage de s'en tenir au dispositif que nous vous proposons.
Le taux réduit pour les brevets est un sujet majeur au regard de la politique de soutien à l'investissement et à l'innovation que nous proposons. Nous sommes le dernier pays de l'OCDE à ne pas avoir adopté ces règles sur la fiscalité des brevets. Or il est très compliqué d'expliquer que l'on est pour le multilatéralisme et le respect des règles européennes sans respecter les règles quand cela ne nous arrange pas. Il est par exemple très compliqué de défendre, comme je le fais avec le Président de la République, la taxation des géants du numérique, à l'Union européenne et auprès de l'OCDE, sans en même temps obéir aux règles que respectent tous nos partenaires européens. Je rappelle par ailleurs que la mise en place du ratio Nexus, qui est le coeur de cette transformation du régime des brevets, proportionne le bénéfice du régime à la recherche réalisée en France ; c'est donc aussi une incitation à relocaliser la recherche et le développement.
Enfin, nous travaillons depuis plusieurs mois avec les entreprises à l'amélioration du dispositif. Nous allons limiter la recapture en ne l'appliquant qu'aux dépenses de recherche-développement à compter de l'option pour le taux réduit de brevet, ce qui permet aux stocks de ne pas être touchés. Nous allons privilégier une approche de groupe, comme cela a été demandé par la plupart des entreprises. Nous allons intégrer à 100 % le revenu des logiciels dans le champ des revenus éligibles, ce qui sera, pour toutes les entreprises – Dassault Systèmes en est un bon exemple –, un avantage considérable. Enfin, nous proposons le maintien du taux de 15 % dans le texte initial ; je sais que vous avez d'autres propositions, monsieur le rapporteur général ; nous les étudierons.
Vous nous reprochez, madame Louwagie, d'appliquer la technique du rabot et de ne pas prendre de décisions structurelles. Je vous invite à voter toutes les réformes structurelles que nous allons engager dans les mois à venir et qui nous permettent de réduire la dépense publique : les décisions qui seront prises sur l'indemnisation du chômage, la réduction des emplois aidés, auxquels nous substituons des emplois dans le secteur marchand, la réforme des chambres de commerce et d'industrie (CCI), dont le résultat sera 400 millions d'économies sur quatre ans, l'indépendance du fonctionnement, le recentrage des décisions autour de CCI France et la transformation du régime des salariés. Je vous invite également à soutenir la transformation des services déconcentrés de la direction générale des entreprises, dont les effectifs vont passer d'un peu plus de 500 à un peu plus de 100 en l'espace d'une année. Voilà les transformations structurelles que nous portons et que vous aurez à coeur de soutenir, j'en suis certain.
S'agissant des droits de succession, je le redis, le Gouvernement n'a jamais envisagé d'y toucher.
S'agissant de la fiscalité écologique, c'est un choix. Je suis élu d'une circonscription rurale, et j'étais ce week-end à Évreux, où j'ai entendu un certain nombre de personnes me faire observer que le carburant était trop cher. Je les comprends mais je note aussi que la prime à la conversion est un immense succès, que 170 000 personnes en ont bénéficié et que 250 000 en bénéficieront sans doute d'ici à la fin de l'année. Nous accélérons la transition écologique et les changements de modalités de transports des citoyens.
Monsieur Bourlanges, s'agissant du CICE, il est vrai que sa suppression a été critiquée par le Mouvement des entreprises de France, mais ce sont les mêmes, et je le leur ai rappelé, qui demandaient à cor et à cri il y a quelques années que ce crédit d'impôt soit transformé en allégement de charges pérennes. C'est tout le charme de la vie politique et économique française : on réclame souvent tout et son contraire.
Monsieur de Courson, l'output gap était en effet négatif en 2018 ; nous l'avons comblé et il sera positif en 2019, ce qui signifie que notre niveau de croissance potentielle retrouve aujourd'hui notre niveau de croissance effectif, parce que nous sortons du cycle de crise dans lequel nous étions entrés en 2008. Je pense néanmoins que nous pouvons augmenter encore notre niveau de croissance potentielle car il reste trop faible par rapport aux capacités du pays. Cela passe par un choix, celui d'une politique d'amélioration de l'offre de l'économie française, par de l'investissement et de l'innovation. Ce choix, je ne l'assume pas : je le revendique. C'est le seul qui nous permettra de rattraper nos principaux partenaires européens, Allemagne en tête.
Le cours du pétrole est aujourd'hui élevé ; le prix du baril, qui était à 50 dollars il y a encore quelques mois, a bondi récemment. C'est la principale cause d'augmentation de l'inflation. Raison de plus pour se libérer des hydrocarbures et accélérer la transition écologique.
Je confirme qu'il y aura un point de prélèvements obligatoires en moins d'ici à 2022. Il faut retrancher le cinquième de point supplémentaire de prélèvements obligatoires lié à France Compétences, qui explique l'écart que vous avez mentionné.
Le suramortissement, Madame Rabault, sera proposé par amendement, comme le Premier ministre s'y était engagé. Il sera centré sur les PME du secteur industriel, sa durée sera de deux ans, il concernera la robotisation et la transformation numérique des entreprises, le taux sera fixé à 30 % et il entraînera une dépense de 150 à 180 millions d'euros.
MM. Coquerel et Roussel me permettront de leur faire une réponse conjointe : oui, nous conduisons une politique de l'offre. Les politiques précédentes ne nous ont pas permis d'avoir un niveau de croissance élevé ni de sortir de l'endettement massif, qu'elles ont au contraire accéléré, ni de baisser les impôts. Il est temps d'essayer une politique différente, une politique de l'offre. Je ne considère pas que ce soit un échec quand je vois que le chômage décline, même s'il faudrait qu'il baisse plus rapidement, et que cela nous permet de réduire dette, dépenses et prélèvements obligatoires sur la durée du quinquennat. L'échec de l'autre politique peut se constater par un seul chiffre, celui du déficit commercial de la France. Nous ne sommes pas condamnés à avoir un déficit commercial aussi important ; au début des années 2000, nous n'étions pas en déficit.
Changeons de politique pour renforcer la compétitivité de notre pays, avoir des entreprises plus profitables qui investissent davantage et innovent. Le niveau de marge de nos entreprises, 31 %, est l'un des plus faibles des pays de l'OCDE. Il faut donc alléger la fiscalité sur le capital, ce que nous faisons, pour que nos entreprises aient plus de marges pour investir, innover, avoir de meilleurs produits, exporter, rétablir la balance commerciale et créer des emplois.
Sur l'impôt et les effets du prélèvement à la source, les recettes de l'impôt sur le revenu, calculées sur le revenu de l'année précédente, se sont élevées à 73,1 milliards en 2017. Nous avons inscrit cette année 70,5 milliards, soit un montant légèrement inférieur à celui que nous devrions percevoir pour la raison que j'ai évoquée, le décalage d'une partie de cet impôt sur le revenu.
Peut-on estimer que, comme les revenus seront plus importants, les recettes seront plus importantes, ce qui est la question de M. Woerth ? On peut tout aussi bien penser que l'impact sera nul car il peut se produire, et je pense que ce sera le cas, une adaptation du taux et des acomptes, car une grande partie de nos concitoyens – agriculteurs, indépendants... – auront des acomptes contemporains, ce qui peut jouer à la baisse. Nous avons donc choisi d'inscrire à peu près le même montant d'impôt sur le revenu, avec un décalage d'un mois.
Par ailleurs, les 5 milliards d'euros d'acomptes de crédit d'impôt, monsieur le rapporteur général, seront versés le 15 janvier à 12 millions de contribuables, ou peut-être 8 millions car quelques contribuables bénéficieront sans doute des deux types de crédit d'impôt – dons aux associations et personne hébergée dans un établissement pour personnes âgées dépendantes ou salaire d'une assistante maternelle. Cela ne pose pas de problème particulier ; c'est de la trésorerie infra-annuelle. Les 30 % de crédit d'impôt au mois de janvier, cela faisait 1,5 milliard ; à la suite de l'élargissement demandé par le Président de la République, cela fait 5 milliards.
Je remercie M. Bourlanges de ses encouragements, même si sa soif de fiscalité locale sera sans doute étanchée au premier trimestre prochain, avec le projet de loi spécifique sur les finances locales. Je crois que c'est une bonne méthode, de la part du Gouvernement, de ne pas tout mélanger dans le PLF, même si celui-ci comprend quelques mesures de fiscalité locale, TGAP et locaux industriels ; nous y reviendrons.
M. le rapporteur général et Mme Rabault m'ont interrogé sur les dotations. Le montant de DGF est le même à 70 millions près – quand on connaît les sommes globales, c'est assez remarquable, vu ce qui s'est passé les années précédentes. Le montant de péréquation DSU-DSR est le même : 180 millions et 90 millions pour chacune des dotations, selon la même méthode que l'an dernier. Nous neutralisons en outre quelques petites scories, conséquences de la réforme de l'intercommunalité et du potentiel fiscal dans l'exercice précédent. En somme, il n'y a pas, me semble-t-il, de sujet « dotations ».
Madame Rabault, il n'y a en particulier aucune baisse des dotations d'investissement. Le même montant que l'an dernier est inscrit : 1,8 milliard, soit 1 milliard au titre de la DETR, 510 millions au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), et le reste au titre de la dotation de soutien aux quartiers prioritaires de la politique de la ville. Cette absence de baisse est d'autant plus remarquable que ces augmentations de dotations d'investissement à la main des préfets étaient faites pour compenser la diminution des dotations sous le gouvernement précédent.
Enfin, sur la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et notamment la question des communes hors DSU et hors DCRTP intercommunale, le Gouvernement est ouvert à vos amendements.
Nous vous devons un rapport sur la CVAE. J'espère que ce sera possible pour vendredi. Le rapport a été terminé par les services et se trouve désormais dans le cheminement administratif. Le produit de la CVAE pour 2018 a été augmenté de 0,8 %, soit quelque 17,7 milliards. Beaucoup de travail a été accompli. Je sais que la question de l'Île-de-France est importante. Nous serons ouverts aux quatre scénarios que vous évoquiez jadis, monsieur le rapporteur général, dans nos débats parlementaires.
Mme de Montchalin a posé des questions autour du pouvoir d'achat et de ses évolutions depuis dix ans. Sur la période 2007-2016, la croissance du pouvoir d'achat a été en moyenne de 1 % par an, sur 2012-2016 de 0,5 % par an. En 2017, le pouvoir d'achat a augmenté de 1,3 % et il augmentera en 2018 de 1,6 % et de 1,7 % l'année prochaine. Ces chiffres, de nos instituts statistiques, parlent d'eux-mêmes.
Certains ne voient pas la différence entre fiscalité et prestations. En imaginant même qu'ils aient raison, qu'il faille inclure y compris les non-revalorisations de prestations, je vous soumets le calcul suivant. Reste à charge zéro dès l'an prochain : 600 millions d'euros. Suppression de cotisations étudiantes et mutuelles : 100 millions. Prime d'activité : augmentation de 600 millions. « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » : plus de 600 millions. Hausse du chèque énergie à 200 euros : 100 millions. Minimum vieillesse : 150 millions. AAH : 500 millions. Cela fait à peu près les 3 milliards de sous-indexations que vous avez évoqués, monsieur le président. Donc, même avec les sous-indexations et les aides particulières, l'argent numéraire donné aux Français, on retrouverait bien 6 milliards nets à la fin. L'addition ne sert pas l'opposition. Nous baissons bien les impôts des ménages de 6 milliards.
Nous suivrons, madame de Montchalin, la transformation de l'État au jour le jour.
Madame Louwagie a évoqué le déficit à 2,8 %. Je ferai remarquer que le Parlement avait fait voter 2,9 % l'année dernière dans la loi de programmation des finances publiques. Par ailleurs, compte tenu du dixième de point de PIB du fait de la SNCF, qui n'était pas prévu et qui est entré dans le déficit public, nous avons donc fait 0,2 point de mieux. C'est une performance assez forte. Le Premier ministre a souhaité une augmentation de 0 % en volume de la dette publique : c'est ce qu'on a fait. C'est mieux que ce que nous avions prévu l'année dernière. La dette publique devrait augmenter de 0,6 % en valeur, compte tenu notamment du cinquième de point lié à France Compétences. Je suis certain que nous tiendrons nos engagements.
S'agissant du diesel, le candidat Fillon avait la même trajectoire carbone. Nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir.
Enfin, Mme Rabault m'a interpellé sur 1 600 suppressions de postes dans le sport qui n'ont jamais existé. Il s'agit d'un changement de statut et non de suppressions.
Je souhaite faire un gros plan sur la suppression de vingt-deux petites taxes à faible rendement, de 140 millions d'euros, que je vous remercie d'avoir mentionnée. Je salue le travail qui a été fait à cet égard. Ce n'est pas cosmétique : c'est un enjeu de lisibilité pour les contribuables, de baisse de pression fiscale et de meilleure efficacité pour les administrations qui recouvrent l'impôt, à commencer par la direction générale des douanes. Sur la forme, il est question de dix-sept petites taxes dans ce projet de loi de finances : où sont les autres et comment parviendrez-vous à la suppression de vingt-deux ? Sur le fond, pouvez-vous assurer à ceux qui sont bénéficiaires de leur produit qu'ils auront demain les ressources financières nécessaires à leur bon fonctionnement ?
Un budget axé sur le travail ? La mission Travail est celle qui perd le plus cette année… On fait mieux en termes de symbole.
Avec tous les transferts entre sécurité sociale et budget, et dès lors que le budget de la sécurité sociale est un outil comme un autre de stimulation de l'activité économique, convient-il de différencier encore à ce point le PLFSS et le PLF ? Nous manquons en effet d'une cohérence globale. Je prendrai l'exemple précis des exonérations sur les travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TODE), sujet particulièrement important dans le PLFSS pour l'agriculture. Cette mesure risque de ruiner tous les agriculteurs, notamment dans le Vaucluse, qui font appel à ces travailleurs occasionnels. On ne peut pas célébrer le retour du travail et de l'emploi quand on prévoit en même temps un tel dispositif.
Alors que nous sommes à la veille de la journée nationale d'hommage aux harkis, je rappelle que le budget des anciens combattants a baissé de 160 millions d'euros : c'est quatre fois l'enveloppe qui sera dédiée aux harkis. N'aurait-il pas été possible de conserver le même niveau de budget pour affecter des crédits aux enjeux de mémoire ?
Monsieur le ministre, comment une telle différence d'appréciation est-elle possible entre l'OFCE et vous sur les fameux 6 milliards d'euros d'économies et de pouvoir d'achat à distribuer aux Français en 2019 ? Je souhaiterais que vous nous fournissiez un document détaillé, concernant les retraités, les actifs, les fonctionnaires, avec le gel du point d'indice, pour avoir une vision exhaustive. Le pouvoir d'achat est en effet au coeur des préoccupations de nos concitoyens et des difficultés dans notre pays. Sa baisse au premier semestre 2018, a un impact sur la croissance.
Sur les suppressions de 50 000 postes de fonctionnaires et alors que nous en sommes à 6 000 en deux ans, quelles mesures seront prises à court terme pour atteindre cet objectif ? Il ne s'agit pas de casser des emplois de fonctionnaires pour le plaisir : c'est l'organisation même des tâches dans la fonction publique qu'il faut modifier si l'on veut diminuer cette charge.
Je souhaite également interroger M. Le Maire sur sa stratégie vis-à-vis des entreprises. Heureusement que cette année c'est fromage et dessert, pour reprendre l'expression de Mme Rabault, mais comment cela va-t-il se passer l'an prochain, quand il y aura baisse des charges et plus de CICE ? Il apparaît en effet sur le tableau de la page 9, que, sans CICE, il faut compter une charge supplémentaire pour les entreprises de 1,6 milliard d'euros, comme l'a indiqué M. de Courson. Avec la baisse des charges sociales, il y a plus d'impôt ; les chiffres attestent d'une augmentation de l'IS de 7 milliards.
Je salue le choix de soutenir de façon toujours aussi volontaire le CIR ainsi que les efforts sur l'IS en vue d'être en convergence avec l'Union européenne sur l'intégration fiscale, la limitation des charges financières ou la fiscalité des brevets. Je me réjouis également de la mesure fiscale agricole sur la création d'une vraie épargne de précaution, que nous avions demandée l'an dernier.
Mes questions portent sur l'exit tax. Peut-on avoir une étude d'impact sur le passage de quinze à deux ans ? S'agissant de la mesure anti-abus, qu'en est-il des États, notamment au sein de l'Union européenne où sont sous-taxées les plus-values de cession des particuliers et qui ne sont pas jugés « non coopératifs » ?
Vous estimez à 6 milliards d'euros le gain de pouvoir d'achat pour les ménages, l'OFCE l'estime à 3 milliards seulement. Mais, quel que soit le chiffre, on sait déjà qu'il y aura des perdants : les retraités, les fonctionnaires, les locataires, les automobilistes et les familles qui touchent des allocations logements ou des allocations familiales. Quelle compensation envisagez-vous pour les personnes au SMIC qui doivent utiliser leur véhicule personnel ? Je pense aux aides à domicile, aux caissières, aux aides-soignantes à domicile, qui travaillent d'ailleurs souvent en coupure.
Par ailleurs, selon le site internet du ministère de l'éducation nationale, le nombre d'élèves du second degré augmentera entre 2018 et 2022. Comment, dès lors pouvez-vous supprimer 2 600 postes dans le second degré, si ce n'est en dégradant l'enseignement ?
Je reviens à la charge sur les collectivités car, dans le tiré à part que vous nous avez donnés au mois de juin, il y avait 230 millions en moins sur la mission Relations avec les collectivités territoriales. Sur quelles lignes budgétaires porte cette diminution ?
Messieurs les ministres, vous vous en doutez, je n'ai pas du tout la même lecture que vous de ce projet de budget. Tout augmente, le déficit public, le taux de croissance de la dépense publique, et, sans vente d'actifs, la dette serait à 100 % du PIB. Il y a bien évidemment des perdants : les retraités, avec la hausse de la CSG, les locataires, avec la baisse des APL, les fonctionnaires, avec le gel du point d'indice, et surtout les habitants des territoires ruraux, qui subiront la baisse du budget de l'agriculture et celle du nombre d'enseignants du second degré – moins 2 600 postes. On sait en effet que cette baisse sera beaucoup plus importante en milieu rural – je crains la fermeture de classes et d'écoles. Sans parler de la hausse très importante des taxes sur le carburant ! Or, en milieu rural, on prend sa voiture pour se déplacer et notamment pour se rendre au travail. On ne pourra bientôt plus le faire ! Quelles mesures très concrètes pensez-vous prendre pour défendre notre belle ruralité ?
Vous dites faire le choix du travail et de l'investissement. Mais ce n'est que de la communication car les chiffres montrent plutôt que vous faites une fois de plus le choix du capital : 40 milliards d'euros de cadeaux, soit 20 milliards de CICE et 20 milliards de baisse des cotisations. J'ai compris que c'était votre logique, mais qu'est-ce qui vous permet de penser que ces cadeaux auront des effets positifs en termes d'emploi et d'investissement, puisque cela ne s'est pas produit l'an dernier ? Il ne s'agit pas de répéter comme un mantra « nous conduisons une autre politique » ; qu'apportera-t-elle véritablement, y compris quant aux résultats que vous-mêmes escomptez ?
S'agissant des 6 milliards d'euros de baisses sur la fiscalité des ménages, il n'y a pas que mon voisin qui confond prestations et fiscalité, parce qu'une fois intégrées les baisses de protection sociale, il reste en vérité 5,3 milliards. Par ailleurs, les 6 milliards incluent des mesures que vous aviez déjà annoncées, par exemple 3,8 milliards de baisse de taxe d'habitation. Les dispositions sur les cotisations salariales auront des effets dévastateurs sur les finances sociales.
Messieurs les ministres, vous avez beau user d'un vocabulaire populaire et répéter que « le travail doit payer », les Français ne sont pas dupes : ils ressentent de plus en plus vivement l'injustice de vos choix en faveur, notamment, des plus riches. Aussi souhaiterais-je vous poser deux questions. Premièrement, ne pourrait-on pas moduler les aides aux entreprises – je pense notamment au CICE – en fonction de critères sociaux, territoriaux et environnementaux ? Deuxièmement, envisagez-vous de mettre en oeuvre une véritable progressivité de l'impôt sur le revenu ? En conclusion, votre projet de budget est encore un mauvais coup porté à la ruralité !
Monsieur Aubert, vous m'interrogez sur le dispositif TODE. J'ai moi-même créé, en tant que ministre de l'agriculture, cette exonération de charges qui bénéficie en particulier aux arboriculteurs, aux viticulteurs et aux maraîchers. Je reste convaincu, je l'ai dit et répété, qu'il faut faire quelque chose pour les travailleurs occasionnels dans ces secteurs agricoles. Le Président de la République et le Premier ministre sont eux-mêmes parfaitement conscients de l'enjeu. Je vais donc y travailler avec mes services. Nous avons déjà fait beaucoup en instaurant l'épargne de précaution, que les agriculteurs attendaient depuis de nombreuses années. Celle-ci, je le rappelle, peut atteindre 150 000 euros sur dix ans ; elle peut être débloquée à tout moment et être consacrée à l'investissement. Il s'agit donc d'un dispositif très puissant. Cependant, il faut régler la question des TODE. Je sais que beaucoup d'agriculteurs, dans votre département et ailleurs, sont très inquiets de la situation actuelle. Nous leur apporterons donc une réponse sur ce point, car cela correspond à la réalité économique du monde agricole français.
Monsieur Philippe Vigier, je tiens à vous rassurer : la baisse de l'impôt sur les sociétés se poursuivra tout au long du quinquennat. Elle représentera, pour les entreprises, une réduction d'impôt de près de 11 milliards sur cette période. Ainsi, le taux de 28 %, actuellement réservé aux entreprises qui ne dépassent pas un certain chiffre d'affaires, sera généralisé dès 2020. Par ailleurs, le Premier ministre a toujours indiqué que, si une croissance supérieure à celle attendue ou une restauration plus rapide des finances publiques nous offraient des marges de manoeuvre, nous poursuivrions la baisse des impôts de production. Je suis, vous le savez, attaché à ce type de mesures car j'aime l'industrie. Or, lorsque j'observe la situation industrielle de notre pays, je constate que, si beaucoup a déjà été fait, nous devons encore progresser sur la question des impôts de production. Nous avons commencé à les baisser, mais nous pouvons faire mieux.
Il est vrai, madame Cariou, que, dans certains États – en Belgique et au Luxembourg, par exemple –, les plus-values de cessions mobilières ne sont pas taxées, mais nous avons développé avec ces États des coopérations fiscales. En tout état de cause, la convergence fiscale européenne est un objectif-clé.
En effet, nous ne pouvons pas nous satisfaire de telles divergences au sein de l'Union européenne. Nous avons ainsi obtenu, et c'est un progrès considérable, une convergence de l'impôt sur les sociétés français et allemand. Tout ce qui peut favoriser une convergence fiscale européenne va dans le bon sens. C'est, du reste, la raison pour laquelle nous allons modifier la fiscalité des brevets : nous ne pouvons pas, d'un côté, réclamer la convergence et, de l'autre, être le dernier État européen à ne pas avoir adopté le règlement de l'OCDE sur la taxation des brevets.
Enfin, M. Dufrègne m'a interrogé sur la modulation des aides aux entreprises. Je tiens à rappeler que le projet de loi PACTE comporte des dispositions sur la responsabilité sociale et environnementale et des modifications du code civil qui imposent aux entreprises de prendre en considération l'impact social et environnemental de leur activité. C'est, pour nous, une façon de rappeler que, si les entreprises doivent être profitables, elles doivent également participer à la construction de la société. Or, une société se construit dans le respect des règles environnementales et dans l'attention portée aux plus faibles, aux plus fragiles et aux plus éloignés de l'emploi.
Monsieur Aubert, vous n'avez pas tort : le lien entre le PLF et le PLFSS me paraît évident. Mais la question sera abordée, me semble-t-il, lorsque vous reprendrez l'examen de la réforme constitutionnelle ; je n'y reviens donc pas.
Par ailleurs, la baisse du budget des anciens combattants s'explique par des raisons démographiques évidentes. Il est néanmoins extrêmement favorable aux harkis puisque – et c'est une juste réparation – le Président de la République a décidé une augmentation de 400 euros de l'allocation de reconnaissance, à quoi s'ajoute l'allocation viagère. Le montant alloué au dispositif de soutien à la deuxième génération est de 10 millions d'euros, ce qui est sans précédent. En outre, la carte d'ancien combattant sera attribuée aux militaires déployés en Algérie entre juillet 1962 et 1964, pour un coût, à terme, de 30 millions d'euros. Cette mesure était l'objet d'une proposition de loi que j'avais déposé et dont vous étiez cosignataire, monsieur Aubert. Je suis donc très heureux que nous puissions saluer ensemble l'action du Gouvernement en faveur des harkis et des appelés entre 1962 et 1964. Ainsi, voyez-vous, on peut à la fois réaliser des économies budgétaires et réparer les injustices du passé.
Je ne reviendrai pas sur la question des emplois publics, car j'ai longuement expliqué qu'en la matière, les économies proviendraient des transformations que nous mettons en oeuvre. Nous aurons, de toute façon, l'occasion d'y revenir en séance publique.
M. Saint-Martin a souhaité que je lui fournisse des détails sur les vingt-deux petites taxes qui vont être supprimées. Parmi celles-ci, dix-sept relèvent du PLF ; nous en supprimons une par un article budgétaire et une autre par décret ; enfin, nous en fusionnons trois en une. J'ajoute que la perte de recettes, qui s'élève à 137 millions, est compensée par des crédits budgétaires ; c'est notamment le cas pour la fameuse taxe dont le produit était alloué à la Mutualité sociale agricole.
Madame Pires Beaune, vous avez évoqué deux sujets. En ce qui concerne le diesel, votre propos relève davantage, me semble-t-il, d'un effet de tribune que d'une véritable interrogation, puisque le candidat que vous souteniez lors de la dernière élection présidentielle, Benoît Hamon, prévoyait de sortir du diesel en 2025 sans mesures de compensation. Mais ce point sera certainement abordé en séance publique, notamment avec M. le ministre d'État François de Rugy.
Quant aux crédits des collectivités territoriales, les diminutions que vous avez constatées correspondent uniquement à la suppression de la dotation allouée aux régions, qui a été compensée – très largement, même – par l'affectation à ces collectivités d'une part de la TVA. Pour le reste, les crédits de la mission s'élèvent à 3,43 milliards en 2019, les prélèvements sur recettes à 40,48 milliards et la TVA des régions à 4,29 milliards, soit un concours financier total de 48,19 milliards. Ce budget ne soulève donc aucune question.
M. Le Maire a évoqué, parmi les mesures concernant la transformation de l'industrie française, le suramortissement fiscal de 30 %, dont le coût est compris entre 150 et 180 millions d'euros. Quant au Premier ministre, il a indiqué, jeudi dernier, lors de son discours sur l'industrie, que le budget consacré à ce secteur s'élèverait à 500 millions d'euros. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce point ?
En ce qui concerne les baisses d'effectifs dans la fonction publique, vous avez indiqué à plusieurs reprises, au cours de vos auditions, que certains ETP pourraient être relocalisés dans le cadre de la déconcentration. Puisque certains de nos collègues se demandent parfois si l'État n'a pas déserté les territoires, pourriez-vous nous indiquer quels pourraient être les effets de ces déconcentrations ?
Enfin, les centrales à cycle combiné au gaz naturel, qui s'allument en vingt minutes, sont soumises à une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux fondée, comme pour les centrales nucléaires, sur la puissance installée et non sur le volume d'électricité destiné au réseau. Or, actuellement, ces centrales sont utilisées ponctuellement, même si elles le seront davantage à l'avenir dans le cadre du développement des énergies renouvelables.
En matière de croissance, je suis très inquiète de constater, chaque année, que l'écart se creuse entre notre pays et la moyenne des pays européens. Ainsi, pour 2019, la prévision de croissance est de 1,7 % pour la France, contre 2,1 % en moyenne pour les pays de la zone euro. Je veux bien que l'on compare notre taux de croissance à ce qu'il était au cours des années antérieures, comme l'a fait le rapporteur général mais, dès lors que le contexte économique varie chaque année, cela a, me semble-t-il, moins de sens que de le comparer à celui d'autres pays à l'instant t. C'est un facteur important, monsieur Darmanin. De fait, si, en pourcentage du PIB, les dépenses sont maîtrisées, c'est grâce à la croissance car, en volume, elles augmentent, passant, entre 2018 et 2019, de 325,9 milliards à 328,8 milliards.
Enfin, j'ai très peur car, pour 2019, vous prévoyez des ajustements structurels à hauteur de 0,3 point de PIB seulement. Or, c'est insuffisant pour réduire le déficit structurel à 0,5 % du PIB, comme la France s'y est engagée dans le cadre du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Qu'en dites-vous ?
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les mesures mises en oeuvre au titre de la Feuille de route pour l'économie circulaire. Vous avez évoqué la TGAP applicable à la mise en décharge et à l'incinération des déchets, mais pourriez-vous faire également le point sur la diminution du taux de TVA, fixé à 5,5 %, pour les activités de prévention des déchets ?
Par ailleurs, j'ai relevé que le PLF comportait une mesure importante de lutte contre l'optimisation fiscale, sous la forme d'une clause anti-abus générale. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Je terminerai par une remarque générale sur les travaux de notre commission. Je regrette que nous tronquions parfois le PLF. En effet, lorsque l'on évoque la fiscalité écologique, il nous faut parler de l'ensemble des mesures relevant de cette catégorie. Ainsi, j'aurais aimé pouvoir vous interroger également sur le crédit d'impôt pour la transition énergétique, qui perdure, la transformation de l'éco-prêt à taux zéro ou le maintien de la prime à la conversion des véhicules.
C'est la raison pour laquelle nous allons organiser une table ronde sur la fiscalité écologique, madame Peyrol.
Monsieur le ministre, l'an dernier, le budget – le premier de la législature – était plutôt en faveur des très riches contre les autres, au motif qu'il fallait faire basculer l'épargne vers l'appareil productif. Cette année, il est plutôt favorable aux actifs contre les non-actifs. Ces mesures traduisent en effet une forme de mépris pour nos retraités, comme s'ils n'étaient bons qu'à être ponctionnés.
Par ailleurs, je souhaiterais connaître l'incidence de la transformation du CICE en baisses de charges, notamment sur l'impôt sur les sociétés, et la part des avances de trésorerie réalisées cette année au titre du CICE.
Enfin, il y a un certain enfumage autour de la suppression de la taxe d'habitation. Vous la présentez en effet comme un gain net de pouvoir d'achat. Or, comme vous la compensez aux collectivités, vous transformez, en fait, un impôt local en impôt national : au lieu de le payer en une fois, les contribuables le paieront en plusieurs fois du fait de l'augmentation de taxes additionnelles indirectes.
Ma question porte sur la requalification des établissements commerciaux en établissements industriels. L'an dernier, vous aviez pris deux engagements, que vous avez tenus : d'une part, installer un groupe d'études, qui a beaucoup travaillé sur la question, et, d'autre part, sécuriser la détermination des valeurs locatives des établissements commerciaux. Vous proposez ainsi, à l'article 56, un dispositif original, dont vous dites qu'il entrera en vigueur en 2020. Mais qu'en sera-t-il en 2019 ?
Ma première question portait sur le dispositif d'exonération pour l'emploi de travailleurs occasionnels, mais M. Le Maire y a largement répondu. J'aurais cependant souhaité avoir des précisions sur la date d'entrée en vigueur du nouveau dispositif qui reste à imaginer : sera-t-elle concomitante à la suppression de l'ancien dispositif ou faudra-t-il attendre plus longtemps ? Dans la seconde hypothèse, de nombreuses entreprises seraient en grande difficulté, d'autant que la suppression du CICE ne sera pleinement compensée qu'au 1er octobre 2019, et non dès le 1er janvier 2019.
Ma seconde question porte sur les anciens chefs d'entreprise qui investissent en fonds propres dans le capital de jeunes entreprises innovantes ou de start-up. Est-il envisageable de leur permettre de déduire de leur impôt sur le revenu non seulement les revenus qu'ils tirent de ces investissements mais aussi les pertes éventuelles ? En Bretagne, 25 millions d'euros ont été investis de cette manière ; or, ce montant est actuellement en forte diminution.
Monsieur le ministre, je veux tout d'abord vous féliciter de remettre en cause le principe de la non-contemporanéité de l'aide au logement. Vous avez ainsi le courage de vous atteler à une réforme dont on parle depuis vingt-cinq ans. J'ai observé, du reste, que cette mesure ne provoquait pas de débats au sein de notre commission.
J'en viens à mes questions. Premièrement, le budget du logement se compose d'aides au logement, à hauteur de 13 milliards d'euros, et de dépenses fiscales, à hauteur de 17 milliards. Or, ces dernières ne sont jamais examinées, au motif que l'on ne veut pas augmenter les prélèvements obligatoires, de sorte qu'elles deviennent des niches fiscales sanctuarisées au profit des chiens qui les habitent. Quelles sont les marges de manoeuvre dans ce domaine ?
Enfin, vous avez annoncé une éventuelle déconcentration des effectifs de l'État dans les territoires. Votre ministère la pratique d'ores et déjà, au moins dans l'Indre, puisque est implantée dans ce département une brigade chargée de contrôler les contribuables assujettis à l'impôt sur le revenu résidant dans les Hauts-de-Seine. Beaucoup de locaux situés dans les territoires sont actuellement rendus par les directions des finances publiques. Or, je suppose que le coût de fonctionnement d'un bâtiment est bien moindre dans l'Indre ou en Lozère que dans les Hauts-de-Seine ou à Paris intra-muros.
En ce qui concerne la baisse des effectifs dans la fonction publique, le Président de la République s'était engagé à supprimer 120 000 postes, désormais ramenés à 50 000. Quelque 1 600 d'entre eux devraient être supprimés cette année, 4 500 l'an prochain et 10 000 l'année suivante. Ainsi vous serez tenus de supprimer 17 000 postes lors des deux derniers exercices pour atteindre l'objectif affiché. Êtes-vous prêt à vous engager sur ce point dès aujourd'hui ?
Par ailleurs, vous avez évoqué les choix structurels qui ont présidé à l'élaboration du budget, notamment le choix de l'entreprise. Une telle orientation est conforme au discours de la majorité et du Gouvernement sur la nécessité de mieux réorienter l'épargne privée vers le financement des entreprises, notamment des start-up. Serez-vous ouverts, lors de la discussion budgétaire, à la proposition du groupe Les Républicains de déplafonner durablement la réduction d'impôt sur le revenu (IR-PME) à laquelle donne droit l'investissement dans des PME, de façon à favoriser les investissements de long terme ? Seriez-vous prêts à instaurer un dispositif « IFI-PME » sur le modèle de l'ancien dispositif « ISF-PME » ? On sait, en effet, que ces canaux sont très utiles pour orienter l'épargne privée vers les entreprises qui en ont besoin.
Enfin, j'observe que votre présentation du budget ne contient pas grand-chose sur le commerce extérieur. Or, c'est le plus mauvais indice national, et l'on sait qu'il y aura de nouveaux coups de rabot.
Tout d'abord, je me réjouis de constater que le budget pour 2019 est, à quelques ajustements près, conforme à la trajectoire que nous avons votée l'an dernier, ce qui renforce sa sincérité, sa fiabilité et la crédibilité de la parole de l'État. Ensuite, je m'étonne d'entendre certains de nos collègues de l'opposition déplorer que le déficit public ne baisse pas assez vite et réclamer, dans la même phrase, une diminution plus importante des impôts, sans tracer aucune piste de réduction des dépenses publiques et des effectifs de la fonction publique. Je les implore de nous faire des suggestions en la matière !
Ma question porte sur l'un des principaux postes budgétaires de l'État, à savoir la charge des intérêts de la dette, qui s'élève à 42 milliards en 2019, et sur votre appréciation du risque de remontée des taux, au-delà des 75 points de base que vous avez programmés pour l'an prochain. Cette prévision est-elle fiable ou existe-t-il un degré d'incertitude ?
Le pouvoir d'achat reste la préoccupation majeure des Français. Vous avez annoncé des mesures fiscales en faveur des ménages, sous la forme d'une baisse d'impôts historique, à hauteur de 6 milliards d'euros, pour 2019. Vous avez également annoncé la suppression de ce que l'on appelle des « petites taxes ». Ma question porte précisément sur la suppression de la taxe dite « farine », dont le produit est intégralement affecté au régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles. Cette suppression représentera un manque à gagner de 60 millions d'euros, sur un rendement estimé à 64 millions en 2018, selon le projet annuel de performances des régimes sociaux et de retraite annexé au PLF pour 2018. Comment comptez-vous compenser ce manque à gagner ?
La dette publique va continuer à progresser en 2019. Est-ce une mauvaise nouvelle ou un choix politique du Président de la République ? À vous entendre, il s'agirait plutôt d'un choix politique puisqu'on nous a annoncé, ce matin, que les ménages devraient bénéficier d'une diminution d'impôts de 6 milliards. Mais lorsqu'on y regarde de près, on s'aperçoit, hélas ! qu'une fois de plus, ils vont trinquer : moindre augmentation des pensions de retraite, des APL et des prestations familiales et hausse des taxes sur le gazole et l'essence au détriment de tous ceux qui utilisent leurs véhicules.
Cette hausse de la fiscalité sur les carburants rapportera 3,7 milliards d'euros. Or, vous annoncez une augmentation du budget des transports de seulement 1 milliard. Parallèlement, la ministre des transports réfléchit à une nouvelle taxe sur les poids lourds. On constate donc, une fois de plus, la perversité de la construction des budgets, dont les recettes servent à tout financer. À quand un meilleur fléchage de celles-ci pour rendre enfin vos politiques efficaces ? En effet, consacrer à la politique du transport les 3,7 milliards correspondant à la hausse de la fiscalité sur les carburants permettrait de développer les modes de transport alternatifs à la voiture et au camion.
Monsieur le ministre, l'article 81, relatif au soutien à l'investissement local, tend, en fait, à réformer la dotation « politique de la ville » (DPV). Je rappelle que cette dotation de fonctionnement et d'investissement avait été créée pour les communes dites de banlieue relevant de la politique de la ville. Or, vous proposez d'en étendre le champ, à enveloppe constante, de sorte que les communes qui perçoivent actuellement la DPV en auront moins l'an prochain. Pourriez-vous nous en dire plus sur cette réforme, que nous découvrons et qui n'a fait l'objet d'aucune concertation ?
Par ailleurs, quand disposerons-nous des « bleus » budgétaires ?
En 2018 et 2019, le Gouvernement a augmenté de 100 millions les concours de l'État au financement des collectivités territoriales, mettant ainsi fin à la logique de rabot systématique. Il a en effet engagé une démarche inédite fondée sur la confiance afin de limiter, dans le cadre d'une contractualisation, la hausse des dépenses des collectivités. Aujourd'hui, 70 % des 322 grandes collectivités concernées ont adhéré à cette contractualisation. Pouvez-vous nous dire si, au terme des neuf premiers mois, les collectivités concernées ont su dégager une nouvelle capacité d'autofinancement et limiter leurs dépenses ? Pourront-elles, de ce fait, mieux investir en 2019 sans recourir à l'emprunt ? Enfin, à quelles sanctions s'exposent, en 2019, les collectivités qui n'auraient pas respecté leurs objectifs en matière de dépense publique ?
Monsieur le ministre, je profite de votre présence pour lancer une alerte. J'attends, depuis plusieurs mois, que vous répondiez à une question écrite qui a été publiée au Journal officiel en janvier dernier. Je l'ai signalée en juillet dernier ; vous aviez donc dix jours pour me répondre. Or, nous sommes fin septembre et je n'ai toujours pas obtenu de réponse à cette question d'ordre fiscal. Vos actes ne correspondent pas à vos belles paroles !
Quel est le rapport avec le budget ?
Vous êtes aussi là, monsieur le ministre, pour répondre au Parlement, qui relaie les questions légitimes que se posent nos concitoyens.
Monsieur le ministre, d'aucuns, ici, dénoncent la perversité du budget ; je le qualifierai, pour ma part, de sincère et réaliste.
Mes questions portent sur la fiscalité agricole. Le dispositif d'épargne de précaution va être simplifié et les contraintes pesant sur son utilisation seront allégées puisque les agriculteurs pourront utiliser cette épargne pour remédier aux aléas climatiques, sanitaires et de marché ou, et c'est une nouveauté, pour réaliser des investissements. Peut-on envisager qu'ils puissent, demain, l'utiliser pour créer de l'emploi ?
En ce qui concerne les jeunes agriculteurs, des mesures sont prévues pour que l'abattement profite à ceux qui en ont le plus besoin, et non à ceux qui ont les revenus les plus élevés. Mais, dès lors que l'on prône la reconversion professionnelle, ne pourrait-on pas étendre le dispositif aux premières installations et supprimer la limite d'âge ?
Je voudrais saluer la stabilité et la continuité du budget consacré aux collectivités territoriales. La contractualisation est un succès, puisque les dépenses sont contrôlées et les investissements significativement en hausse.
Ce budget obéit à notre triptyque ; protéger, libérer, investir. On protège, puisque les dotations de solidarité, que ce soit la DSU ou la DSR, augmentent. Malgré toutes les âneries que l'on entend à ce sujet, les collectivités des territoires ruraux vont voir leurs dotations augmenter. On libère, grâce au maintien des dotations et à l'augmentation de la TVA des régions. On investit, grâce au maintien des dotations d'investissement et à la transformation de la dotation globale d'équipement.
L'augmentation de la capacité d'autofinancement des collectivités territoriales se traduira-t-elle par une augmentation des investissements ou par une baisse de l'endettement ? Enfin, l'assouplissement ou l'ajustement évoqué par le Premier ministre à propos de la contractualisation est-il prévu pour ce budget ou pour celui de l'an prochain ?
Monsieur le ministre, pour atteindre l'objectif « 5-3-1 », la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022 présentait des hypothèses de croissance prudentes : 1,7 % de 2017 à 2021, puis 1,8 %. L'an dernier, je m'étais félicité de cette prudence, qui me paraissait bienvenue car elle tranchait nettement avec l'irresponsabilité des nombreux gouvernements qui, depuis 2002, avaient toujours annoncé des prévisions de croissance fantaisistes. Toutefois, l'évolution de la situation politique européenne est telle que cette hypothèse, quoique prudente, me semble menacée.
En tant que membre de la mission d'information sur le Brexit, je souhaiterais vous faire part de notre appréciation. Comme disait notre distingué et très cultivé collègue Bourlanges, ce matin, sur France Inter, « winter is coming »... En effet, compte tenu de l'avancement des négociations et de la situation politique britannique, l'impact du Brexit sur nos finances publiques risque d'être très significatif, notamment du point de vue de la contribution au budget européen. Pouvez-vous nous dire comment vos services ont intégré cet impact à compter de 2019 dans la trajectoire des finances publiques ?
En ce qui concerne les collectivités, oui, nous sommes certains de pouvoir garantir une amélioration de leurs dépenses en fonctionnement comme en investissement. Je rappelle que sont concernées les collectivités qui dépensent le plus. La contractualisation permet de maintenir leurs dépenses de fonctionnement et d'augmenter leur autofinancement, en limitant la masse salariale et en accroissant leurs capacités d'investissement sans recourir à l'emprunt, ce qui, de manière générale, est bon pour les comptes publics. Il s'agit donc d'un système vertueux. Les sanctions relèvent des préfets et des directeurs départementaux des finances publiques ; elles ne sont pas les mêmes selon que l'on a ou non signé le contrat, conformément au souhait du législateur. Quant aux bonus, ils sont à la main, si je puis dire, de l'exécutif. Mais si le Parlement souhaite s'intéresser au montant d'investissement supplémentaire qui peut être accordé, il appartient au rapporteur général de s'en saisir ; j'y serai, bien entendu, très ouvert.
Monsieur Pupponi, ce que je sais, c'est que la question de la DPV allait de pair avec celle du nombre d'habitants. Plutôt que de tenir compte de la situation d'ensemble, la « loi Lamy » a instauré un carroyage – le territoire est découpé en carreaux de 200 mètres de côté – pour déterminer les quartiers relevant de la politique de la ville et de la DSU. Sur ce point précis, je ne crois pas que cette loi soit la meilleure qui puisse être – même Mme Aubry est d'accord avec moi, c'est dire ! Nous allons donc supprimer plus ou moins ces critères, en maintenant la même enveloppe, afin que le dispositif soit plus juste vis-à-vis des communes pénalisées par le dispositif actuel. Nous aurons l'occasion d'en reparler en séance publique. Par ailleurs, l'augmentation de la DSU, qui est de 90 millions, est sans précédent depuis l'ère Borloo.
Si. Je suis prêt à parier deux boîtes de chocolats.
Non, je parie des chocolats, monsieur le député, ou l'une des spécialités de votre circonscription.
À la demande du Parlement, je me suis engagé à revoir le mécanisme de la requalification des locaux à vocation logistique, éventuellement agricole, en locaux industriels, ce qui constitue un sujet complexe du fait de la nature même de ces activités. Nous avons en effet constaté que ni la loi ni la doctrine n'étaient d'une grande clarté dans ce domaine, et que les contrôles fiscaux ne s'exerçaient pas de la même manière dans l'ensemble du territoire national.
Sans pouvoir annuler des contrôles en cours tendant légitimement à requalifier certains locaux en locaux industriels, j'ai demandé des précisions sur l'état de la doctrine dans l'attente de l'année 2020. Par ailleurs, les travaux de votre groupe d'études, monsieur le député, ainsi que les évolutions possibles de la loi, permettent d'imaginer plusieurs scénarios, dont celui de l'établissement d'un forfait de 300 000 à 500 000 euros afin d'éviter que les plus petites entreprises soient requalifiées.
Enfin, dans le cadre du présent projet de loi de finances, nous sommes convenus avec les élus locaux, qui perçoivent le produit de la fiscalité locale et qui, comme les entreprises, sont donc concernés, que l'administration puisse récupérer des données dont elle ne dispose pas aujourd'hui. Cela nous permettra de mettre la loi et les contrôles fiscaux en conformité avec la législation fiscale ; cette situation nous conduira à faire preuve d'une certaine mansuétude au cours de l'année 2019, sans oublier de pratiquer les reconversions méritant de l'être. Je ne doute pas, par ailleurs, que nous aurons l'occasion de débattre de ce sujet.
C'est à juste titre que Mme Peyrol a évoqué l'économie circulaire puisqu'il s'agit de revoir la TGAP « déchets », que nous augmentons ; en contrepartie, nous diminuons la TVA des collectivités locales qui organisent une meilleure économie circulaire. Par ailleurs, la taxe sur les ordures ménagères sera revue. M. de Rugy et Mme Poirson présenteront ces mesures mieux que je ne saurais le faire à l'occasion du débat en séance publique. En tout état de cause, vous pouvez constater que nous ne négligeons pas l'économie circulaire.
S'agissant du CICE et des réductions de charges sociales, il faut déduire des 25 milliards d'euros de baisse l'augmentation de 4 à 5 milliards des recettes de l'impôt sur les sociétés du fait de l'amélioration consécutive des marges des entreprises, soit un total d'à peu près 20 milliards d'euros – ce qui explique la variation de 5 milliards d'euros parfois constatée dans la présentation des chiffres.
Mme Lacroute a mentionné une augmentation du coût du diesel pour les ménages de 3,7 milliards d'euros, chiffre que je conteste puisqu'il s'établit à 1,9 milliard d'euros. Reste la question des 900 millions d'euros pour le gazole non routier évoqués par Bruno Le Maire, qui constitue une niche fiscale que nous supprimons. À vous écouter, j'entends que les chiens sont vivants et aboient, et vous avez raison, monsieur le président, d'user de cette jolie métaphore.
La question que vous évoquez, madame, est celle de l'affectation de ces recettes. Il faut là s'inscrire en faux, et je pense que le président Woerth, en tant qu'ancien ministre des comptes public, pourra en témoigner. Si l'on affecte au sport la totalité des recettes provenant des activités liées au sport, à la culture les recettes provenant des activités liées à la culture, à la transition écologique les recettes de la taxation du diesel, comment tenir le budget de la défense, celui de l'éducation nationale et celui de l'intérieur, en l'absence de taxe sur les enfants, l'armée et la police ? C'est pourquoi l'affectation des taxes doit être combattue et demeurer exceptionnelle, sans quoi l'on romprait avec le grand principe de la politique budgétaire, qui consiste à faire des choix – choix que nous assumons.
J'observe au passage que beaucoup d'affectations budgétaires sont pratiquées au profit du ministère de l'écologie – qui est, avec le ministère de l'agriculture, celui qui en bénéficie le plus. J'ajoute que, lorsque l'on réalise des travaux d'isolation thermique des locaux de l'État comme c'est actuellement le cas, le financement provient bien de ses caisses. Un bilan de ce que coûte la rénovation écologique montrerait donc que nous sommes bien loin du simple milliard d'euros d'augmentation des recettes de la taxation du diesel évoquée pour cette année.
M. Jolivet m'a posé une question revenant à demander quelle est la marge laissée à l'appréciation des parlementaires dans le domaine des dépenses fiscales. Je répondrai que cette marge est entière : ce n'est pas le ministre des comptes publics qui vous dira qu'il ne faut pas toucher aux dépenses fiscales ! Je rappelle toutefois que celles-ci présentent le défaut d'augmenter la fiscalité lorsqu'on les supprime... Le sujet est quelque peu kafkaïen, et je suis personnellement prêt à étudier un certain nombre de choses, mais la question est parfois plus complexe à l'échelon interministériel. C'est pourquoi je présente la position du Gouvernement, non la mienne, mais j'encourage les membres de la commission des finances à évaluer les dépenses fiscales, quitte à mettre le Gouvernement en difficulté, même si c'est moi qui suis au banc...
La fiscalité agricole a par ailleurs été évoquée mais, à cette heure tardive, personne ne regarde la télévision... Nous pratiquons de même pour le gazole routier, en rencontrant les difficultés que l'on sait ; nous aurons l'occasion d'en reparler.
À Mme Verdier-Jouclas, je répondrai que ce qu'ont présenté Bruno Le Maire et Stéphane Travert au sujet de la fiscalité agricole est intéressant. L'utilisation de l'épargne de précaution est désormais libre puisqu'elle n'est plus subordonnée à la survenue d'un aléa, sans toutefois pouvoir être consacrée aux dépenses de fonctionnement. Par ailleurs, les jeunes agriculteurs ne souhaitent pas que l'on revienne sur la condition d'âge, fixée à quarante ans, me semble-t-il. Le débat parlementaire nous le dira, mais nous avons plutôt écouté cette catégorie, et chacun sait qu'à cet âge on est encore un jeune tout court, a fortiori un jeune agriculteur.
C'est avec raison que Mme Dalloz a évoqué la question de la croissance comparée à la moyenne européenne, vers laquelle il nous faut tendre. Cette comparaison porte sur les années précédentes, au cours desquelles la France n'a pas procédé aux transformations propres à améliorer sa croissance, notamment sa croissance potentielle.
En ce qui concerne l'ajustement structurel, nous sommes loin, avec 0,5 point seulement, des prescriptions des traités, ce que le président du Haut Conseil des finances publiques, M. Didier Migaud, vous dira probablement à son tour. Nous n'avons toutefois pas triché lors de la présentation du budget de l'année dernière en indiquant que nous atteindrions 0,1 et 0,3 point. Dans le même temps, nous avons présenté la liste des réformes à la Commission européenne et, jusqu'à présent, contrairement aux autres gouvernements, nous n'avons pas eu de retours négatifs de sa part.
J'ai déjà répondu à plusieurs reprises à la question sur les ETP, mais c'est bien volontiers que je rappelle que ce sont les transformations qui créent les suppressions de postes. Dans le cadre du projet de loi à venir sur la fonction publique, nous évoquerons la question des départs volontaires ainsi que celle du changement de statut d'un certain nombre de métiers. Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le problème de la relocalisation. Elle sera mise en oeuvre dans mon propre ministère, et je reçois moi-même les préfets, région par région, afin d'imaginer la « redéconcentration » d'Île-de-France vers les régions ainsi que des métropoles vers d'autres territoires plus ruraux. J'aurai d'ailleurs quelques annonces à faire et il me semble, madame Cattelot, que le Président de la République se rendra chez vous, dans l'Avesnois, au mois de novembre prochain ; le travail du ministère des comptes publics pourra alors lui servir lors de sa rencontre avec les élus.
Je pense avoir répondu à la question de M. Forissier portant sur l'IR-PME. Je reconnais que le dispositif peut toujours être amélioré, ce que nous avons fait dans la précédente loi de finances et ferons encore par la loi PACTE. Cependant, on ne peut à la fois supprimer l'ISF et conserver la niche fiscale correspondante. Quelque 4 milliards d'euros d'impôt ont ainsi été supprimés, et 1 milliard d'euros conservé au titre des recettes fiscales de l'impôt sur la fortune immobilière. Le principe qui anime le Gouvernement est que ce capital doit aller à l'économie productive, et je n'ignore pas que nous aurons à ce sujet un débat avec MM. Coquerel et Roussel.
À M. Pupponi, j'indique que les documents budgétaires, particulièrement les « bleus », seront disponibles dans les jours qui viennent, car l'avancement de la date du Conseil des ministres nous a quelque peu perturbés, et les services ont beaucoup travaillé.
Enfin, je ferai observer à M. le député de la Nation qu'un examen attentif du Journal officiel lui aurait permis de constater que la question écrite qu'il pensait m'avoir adressée a été réattribuée à un autre ministère. Il dispose par ailleurs de mon numéro de téléphone depuis longtemps, et je m'efforce toujours de lui fournir des réponses ; au demeurant je ne manquerai pas de demander à mes collègues ministres qui doivent lui en fournir de le faire.
Monsieur le ministre, ce sont aussi les suppressions de postes qui contribuent à la transformation des administrations : les deux mécanismes fonctionnent ensemble, c'est une dynamique assez fine à laquelle je crois fermement.
Membres présents ou excusés
Réunion du lundi 24 septembre 2018 à 14 heures 30
Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Nicolas Forissier, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, Mme Olivia Gregoire, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Lacroute, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Hervé Pellois, Mme Valérie Petit, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, M. Xavier Roseren, M. Fabien Roussel, Mme Sabine Rubin, M. Laurent Saint-Martin, M. Jacques Savatier, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth
Excusés. - M. Marc Le Fur, M. Gilles Le Gendre, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. - M. Guillaume Larrivé, M. Gilles Lurton, M. Jacques Marilossian
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