Intervention de Éric Coquerel

Réunion du lundi 24 septembre 2018 à 14h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Je suis content que M. Woerth confirme qu'il y a dépense publique et dépense publique : tout dépend comment on les regarde. On ne devrait pas seulement considérer les chiffres, mais se demander à quoi les dépenses servent.

M. Le Maire a dressé un bilan presque enthousiaste de la politique économique suivie par le Gouvernement et de ses résultats : il a tout juste concédé que ces derniers sont médiocres par rapport à ceux des autres pays européens. Par ailleurs, les présentations que l'OFCE et l'INSEE ont présentées devant nous il y a peu de temps contredisent votre optimisme sur presque tous les points en ce qui concerne le premier semestre 2018 – l'emploi, la consommation des ménages, le pouvoir d'achat et la croissance. On peut penser comme vous et, manifestement, le groupe Les Républicains, pour qui il faudrait aller encore plus loin dans les politiques de l'offre, soit on les remet en question, comme nous le faisons : nous pensons qu'il y a plutôt un problème de demande en France.

On peut comprendre que vous fassiez de la communication, mais les 6 milliards d'euros de baisse de la fiscalité pour les ménages que vous essayez de nous vendre frisent un peu l'arnaque. Selon l'OFCE, si l'on retranche la baisse des prestations sociales, on arrive à l'équivalent de 3,5 milliards d'euros. Par ailleurs, vous incluez dans le total d'anciennes mesures, qui ont été annoncées à la fin de l'année 2017, comme celle relative à la taxe d'habitation, ainsi que des baisses de cotisations sociales qui sont quand même une manière de prendre de l'argent aux Français dans une poche pour le remettre dans une autre, et enfin vous ne tenez pas compte des baisses des prestations sociales qui relèvent du PLFSS. Les pensions de retraite, les APL et les allocations familiales ne seront plus indexées – elles augmenteront de 0,3 % alors que l'inflation est estimée à 1,7 %. Contrairement à ce que M. Darmanin a déclaré, cela ne peut pas être contrebalancé par l'indexation d'autres prestations sociales sur l'inflation. On est donc loin du cadeau fiscal que vous annoncez. Vous donnerez bien sûr 300 millions d'euros à 300 000 retraités, qui ne seront plus concernés par l'augmentation de la CSG, mais ce montant est faible et il n'est pas comparable à vos attaques contre les pensions des retraités.

Selon M. Le Maire, le Gouvernement va faire en sorte que le travail paie, mais je vois surtout que vous faites le choix de payer le capital, une fois de plus, et grassement. Il a déjà bénéficié de 9 milliards d'euros fin 2017. Vous avez eu l'honnêteté de l'assumer en nous expliquant que c'était une manière de mettre de l'argent dans davantage de capital pour nourrir l'économie, et vous le redites aujourd'hui. Ce qui est étonnant est que vous le faites sans transfert, au contraire de ce que vous prévoyez pour les revenus du travail – vous prélevez sur le salaire socialisé que sont les cotisations sociales pour améliorer prétendument les bulletins de salaire, au niveau du salaire net. Pour le capital, rien de tel : c'est du cash que vous donnez sans contrainte, alors que l'on a vu les résultats obtenus jusqu'à présent. Je m'étonne que vous pérennisiez le CICE à coups d'exonérations compte tenu des mauvais résultats de ce dispositif : cette politique ne consiste pas à donner des aides aux entreprises selon des critères écologiques ou sociaux, mais à tout-va.

Au nom de la fameuse règle relative au déficit public, vous choisissez de réduire encore les dépenses publiques de 1,4 % si l'on tient compte de l'inflation et de l'augmentation de la population. Le ministère du travail sera de nouveau touché, à hauteur de 2 milliards d'euros, celui de la cohésion des territoires, ce qui inclut le logement, le sera aussi à proportion de 8,9 %, et celui de l'agriculture de 11,3 %. Même l'éducation nationale sera concernée : vous dites qu'il y aura une augmentation des moyens mais quand on regarde le nombre d'étudiants supplémentaires l'année prochaine, estimé à 55 000, on voit qu'il y aura une fois de plus une baisse, de 0,8 %. Non seulement vous allez accroître de nouveau les inégalités et affaiblir l'État mais, pire encore, vous allez réduire les recettes. M. Woerth a rappelé ce qui s'était passé pendant la crise économique, et je n'aurai de cesse de répéter que les dépenses publiques sont également des recettes : un fonctionnaire consomme, or vous allez en supprimer, et quand on construit des logements sociaux, on fait travailler le secteur du bâtiment et des travaux publics. Votre politique va donc dans le mauvais sens.

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